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Nous avons laissé l'histoire de l'Allemagne à la fin du grand interrègne. Dans cet espace de vingt-deux ans, l'Allemagne avait été comme un monde livré au chaos, où tous les éléments combattaient les uns contre les autres, les villes contre les princes, les évêques contre les seigneurs. Cependant, malgré le désir universel d'arriver à l'indépendance, l'équilibre nécessaire pour trouver la paix et la sécurité n'avait pu s'établir entre tous ces pouvoirs rivaux et ennemis, et l'on avait senti la nécessité de continuer à placer un titre et une autorité au-dessus de tous les titres et de toutes les ambitions individuelles. Il est vrai que cette dignité suprême on ne l'avait confiée qu'à des princes qui ne pouvaient en abuser, à un roi de Castille, Alphonse le Sage, grand ami des lettres et de l'alchimie, mais qui ne sortit pas de son

1re Livraison. (ALLEMAGNE.) T. II.

royaume pour aller prendre la couronne impériale; ou bien encore à un prince anglais, Richard de Cornouailles, qui ne fit que se ruiner au profit de ses électeurs, et ne laissa d'autre souvenir de son règne qu'une ballade, où il est représenté s'enfermant dans un moulin durant une bataille.

PUISSANCE DES ARCHEVÈQUES DE MAYENCE.

Cependant les princes ecclésiastiques, exposés pendant l'interrègne aux attaques des seigneurs féodaux, avaient grand intérêt à faire élire un empereur qui mît un peu d'ordre en Allemagne, qui défendit l'Eglise et protégeât les villes et leur commerce; l'archevêque de Mayence surtout désirait une élection nouvelle et sérieuse. Ce prélat était pour l'Allemagne une sorte de patriarche, surtout depuis que la France avait confisqué la papauté et la tenait prisonnière à Avignon. Son importance politique égalait et surpassait même celle des plus puissants princes séculiers. L'un des archevêques de Mayence, Siegfrid, était représenté, sur son tombeau, entre Henri Raspon et Guillaume de Hollande, la main sur leurs cou

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Ce candidat était un simple comte de Habsbourg, qui avait fait ses premières armes sous Frédéric II. C'était un prince actif, depuis longtemps célèbre par son courage et son équité. Toujours il avait les armes à la main; mais, à la différence des autres seigneurs, il ne s'en servait jamais pour piller les habitants des campagnes; il avait même accepté l'avouerie de plusieurs villes de la Suisse. Schwitz, Uri et Unterwalden s'étaient mises sous sa protection. Zurich lui avait confie le commandement de ses troupes; et, pour défendre ses intérêts, Rodolphe avait eu à soutenir de rudes combats contre toute la noblesse voisine. Ces faits sont importants à constater, car ils montrent que la maison d'Autriche justifia, au moins à l'origine, par des services réels, sa suprématie sur les cantons helvétiques.

Cependant Rodolphe avait un compétiteur redoutable dans le puissant Ottocar, roi de Bohème et maître de l'Autriche, de la Styrie, de la Carniole et de la Carinthie. Mais Ottocar appartenait à une race ennemie de l'Allemagne, aux Slaves; d'ailleurs sa puissance effrayait les électeurs ils craignaient que dans ses mains le titre d'empereur ne devînt une autorité réelle; aussi sa candidature

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fut-elle unanimement repoussée. On remit l'élection à l'arbitrage du comte palatin Louis de Bavière, qui proclama Rodolphe de Habsbourg. Rodolphe lui en témoigna plus tard sa reconnaissance dans un diplôme où l'on trouve ces mots : « L'opposition du roi de Bo« hême n'ayant point été reçue par les princes électeurs ecclésiastiques ou séculiers, ils convinrent de mettre « un compromis entre les mains de « Louis comte palatin, notre très-cher « fils, d'accord avec tous les autres princes qui nous destinaient leurs suffrages; et Louis se chargeant de cette «< commission, nous élut solennelle«ment roi des Romains, en son nom « et en celui des autres princes qui de<< vaient concourir a l'élection. >>

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Ce choix répondait parfaitement aux vues politiques des électeurs; ils désiraient un chef, et craignaient de se donner un maître. Rodolphe leur avait paru propre, par son activité, à maintenir l'ordre dans l'empire, tandis que le peu d'étendue de ses domaines leur faisait espérer de n'être point inquiétés dans leurs usurpations par le nouvel empereur, simple comte de Souabe, issu d'une famille presque inconnue hors de ses domaines. Un autre motif qui ne fut pas sans influence sur le choix des électeurs, c'est que Rodolphe avait sept filles en âge d'être mariées, et que chacun d'eux espérait, en devenant le gendre du nouvel empereur, gouverner sous son nom; on assure même que Louis de Bavière ne proclama Rodolphe qu'après s'être assuré d'obtenir la main de l'une d'entre elles.

La couronne de Charlemagne fut posée, à Aix-la-Chapelle, sur la tête du nouveau roi des Romains, le 24 octobre 1273. La céremonie fut suivie d'une contestation au sujet de l'investiture qu'il était dans l'usage d'accor der aux princes. Comme il n'y avait point de sceptre, on prétendit que Rodolphe ne pouvait investir. Ces puissants seigneurs se sentaient humiliés d'être contraints à plier le genou devant un simple comte; mais Rodolphe saisissant le crucifix sur l'autel : « Ceci,

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qui est l'image de Dieu, votre maître et le mien, dit-il, peut bien servir de sceptre. » Les investitures furent données.

Rodolphe prouva bientôt qu'il était digne du rang suprême. Il s'empressa de demander au pape la confirmation des droits qui lui avaient été conférés par son élection et son couronnement. Ses ambassadeurs obtinrent facilement l'approbation de Grégoire X, en souserivant aux conditions qui avaient été imposées à deux de ses prédécesseurs; ils promirent qu'il s'abstiendrait de toute intervention dans les lieux soumis à l'autorité du souverain pontife, particulièrement à Rome, ratifièrent toutes les donations faites au profit du saintsiége, tous les droits de l'Église romaine sur le temporel du clergé d'Allemagne, promirent qu'il aiderait la maison d'Anjou dans la jouissance des royaumes de Naples et de Sicile qu'elle possédait à titre de fiets de l'Eglise, et enfin qu'il entreprendrait en personne une croisade dans la terre sainte. Ces préliminaires achevés (1274), le pape prêta son appui au nouveau roi des Romains, refusa d'écouter les propositions d'Ottocar, qui avait protesté contre l'election, et, après beaucoup de difficultés, obtint le désistement d'Alphonse, roi de Castille.

Tranquille désormais pour son autorité, Rodolphe s'appliqua sans relâche à faire cesser les pillages et les massacres qui se commettaient encore impunément par tout l'Empire, et à ramener la paix et la sécurité. Suivi d'un grand nombre de petits seigneurs qui s'attachèrent à sa fortune, il fit, si je puis le dire, la police sur tous les chemins de l'Empire, veillant partout à l'exécution des lois, et méritant de ses contemporains le surnom glorieux de Lex animata. Dans une seule de ses expéditions, il força, dit-on, et rasa soixante-six châteaux. Toujours un pont de bateaux suivait dans ses bagages, afin que sa marche ne fût point arrêtée par le passage des fleuves. Tel fut le rôle de Rodolphe : « Courir l'Empire, vêtu comme un simple chevalier et souvent les coudes percés,

comme dit un vieil historien, pour rétablir partout la paix et l'ordre. » Quant à l'Italie, Rodolphe n'y songe pas; l'Allemagne pour le moment a oublié ses prétentions de ce côté: aussi Rodolphe accorde au pape tout ce qu'il lui demande; il donne même à Charles d'Anjou le titre de vicaire impérial. C'est qu'en effet Rodolphe a assez d'affaires en Allemagne pour assurer sa puissance et établir sa maison. Ottocar y pourvoira.

GUERRE CONTRE OTTOCAR.

Ce prince avait protesté contre l'élection de Rodolphe, et il songenit à soustraire ses États à la suzeraineté de l'Empire. Le nouvel empereur le prévint; il accueillit les plaintes que lui adressèrent les États d'Autriche, et fit citer Ottocar à la diète d'Augsbourg, pour qu'il eut à rendre compte de sa conduite et à faire hommage pour ses fiefs. Ottocar répondit avec dédain à cette sommation, traitant Rodolphe de simple comte de Habsbourg. Une seconde sommation demeura sans réponse. A la troisième, le roi de Bohême envoya l'évêque de Sekau, en qualité d'ambassadeur, à la diète d'Augsbourg, et son exemple fut suivi par le duc de Bavière. L'évêque harangua l'assemblée avec violence contre le chef de l'Empire. Comme il s'exprimait en latin, Rodolphe lui dit avec dignité : « Si vous haranguiez dans un consis«toire, vous pourriez employer la lan«gue latine; mais en discourant sur mes << droits et sur ceux des princes de l'Empire, vous ne devez pas vous servir « d'un idiome que ne comprennent point << la plupart de ceux qui vous écoutent.»> A ces paroles, la diète, irritée de l'insulte qu'on lui avait faite, somma Ottocar de restituer l'Autriche, la Carinthie et la Carniole, et de faire hommage pour la Bohême et le reste de ses États, menaçant, en cas de refus, de le mettre au ban de l'Empire. Des ambassadeurs lui furent inutilement envoyés, et il viola même le droit des nations en faisant mettre à mort les hérauts qui lui notifièrent le décret de la diète.

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Rodolphe, pour exécuter la sentence prononcée contre le puissant roi de Bohême, eut besoin de mettre en usage tout ce qu'il possédait de talents, de courage et d'expérience militaire. Ot tocar était un vieux guerrier qui devait sa puissance à son épée autant qu'à son adresse. Ses Etats s'étendaient des confins de la Bavière aux bords du Raab en Hongrie, et de la Baltique à l'Adriatique. Les Etats de Rodolphe, peu considérables en eux-mêmes, étaient épars au pied des Alpes, en Souabe et en Alsace, et par conséquent éloignés des lieux qui devaient être le théâtre de la guerre. Quoique l'Empire eût voté des secours, un grand nombre d'États ne tinrent pas leurs promesses. Les mesures d'une équitable sévérité, que déjà le roi des Romains avait prises pour modérer l'esprit licencieux des barons et recouvrer les fiefs dont divers princes s'étaient emparés, avaient fait de nombreux mécontents. Rodolphe cependant tira de puissants secours de l'électeur palatin, des électeurs de Saxe et de Brandebourg, du burgrave de Nuremberg, de la noblesse d'Alsace et de Souabe, et des cantons suisses; il entama des négociations avec Ladislas, roi de Hongrie, et avec Meinhart, comte du Tyrol; mais il fut secondé plus efficacement encore par le mécontentement qui agitait tous les États autrichiens, et par la sentence d'excommunication fulminée contre Ottocar par l'archevêque de Salzbourg. Ce prélat, après avoir relevé de leur serment de fidélité les peuples de son diocèse, et les avoir exhortés à secouer le joug d'un tyran et à recevoir en amis le chef de l'Empire, employa toute son éloquence pour engager le roi des Romains à envahir les Etats autrichiens: « Je vois, lui dit-il, vos ennemis frappés de terreur; ils ont perdu tout leur « courage; votre nom seul les fait trem«bler, et ils ne vous connaissent point « encore ! Que deviendront-ils quand « ils entendront gronder la foudre, et qu'ils verront les aigles impériales « fondre sur eux avec la rapidité de « l'éclair? »>

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CONQUÊTE DE L'AUTRICHE.

Animé par ces paroles qui flattaient son ambition, Rodolphe marcha d'abord contre Henri, duc de Bavière, qu'il contraignit de renoncer à l'alliance du roi de Bohême. Ce succès lui ouvrit l'entrée de l'Autriche, et il put considérer son expédition, commencée sous de si heureux auspices, comme terminée presque à son début. Accompagné de son nouvel allié le duc de Bavière, qui était à la tête de dix mille chevaux, il traversa la basse Bavière et s'avança sans résistance contre Vienne. Ottocar qui, plein d'un mépris superbe pour son adversaire, avait, au premier instant, cru qu'il serait inutile d'exciter par sa présence le courage de ses troupes, accourut, à travers les montagnes et les forêts de la Bohême, au secours de la capitale de l'Autriche; mais la fatigue et le manque de vivres ne permirent pas à ses troupes de passer Drossendorf, tandis que Rodolphe, après avoir longé la rive méridionale du Danube, vint camper sous les murs de Vienne. La garnison et les citoyens tinrent six semaines. A la fin, la famine et la menace faite par Rodolphe d'arracher toutes les vignes excitèrent un soulèvement et le gouverneur capitula (1276).

Après la reddition de Vienne, ie roi des Romains, se disposant à porter la guerre en Bohême, fit construire sur le Danube un pont de bateaux qui excita l'admiration générale. Entouré d'ennemis, délaissé par la noblesse, et apercevant des symptômes de révolte dans ses Etats héréditaires, le fier Ottocar se vit réduit à demander la paix. Il fut stipulé que la sentence d'excommunication fulminée contre lui serait révoquée, qu'il renoncerait à tout droit sur l'Autriche et sur ses dépendances, qu'il ferait hommage entre les mains du chef de l'Empire, et qu'il en recevrait l'investiture pour la Bohême, la Moravie et les autres fiefs qui lui restaient. Une alliance de famille devait avoir lieu entre les deux princes, par le double mariage d'un fils et d'une fille de Rodolphe avec une fille et le fils d'Ottocar.

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