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gitifs, leurs places remplies de gens de peu, le Roy gardé par personnes suspectes, les armes converties contre ceux qui opposoient leur courage, exposoient leurs vies et se sacrifioient volontairement pour conserver la couronne en son entier; l'on ruinoit leurs villes, démolissoit leurs maisons, et se trouvoient des ames assez lasches pour persuader à exécuter ces meschans et desnaturez desseings.

Mais, ô grand Dieu protecteur des princes! que ta puissance est grande, et qui peut assez admirer tes conseils ? Celuy qui sembloit vouloir escheler les cieux, ce Briarée qui combattoit contre les dieux, entassoit montaigne sur montaigne, dessins sur dessins, frappé d'un coup de foudre, est maintenant l'opprobre et scandalle des hommes; son corps, deschiré par les mains de la populasse, traisné de rue en rue, immolé à la vengeance publique et bruslé en divers endroits de ceste grande et superbe ville de Paris, rend un évident tesmoignage et de la justice divine et de la haine universelle du peuple.

Ce misérable, enflé du vent d'une prospérité précipitée, soustenue par des arts diaboliques, s'imaginoit que les sortiléges et les charmes luy serviroient de passage à l'authorité souveraine. Il ne pouvoit cognoistre que les Roys sont hommes dès l'enfance; que la France, au tesmoignage des anciens, ne souffre aucuns monstres. Son cœur, comme celuy de Pharaon, estoit endurcy; son ambition l'aveugloit de telle sorte que, portant (comme il faisoit) les affaires à l'extrémité, il ne cognoissoit pas qu'il ne falloit espérer qu'un souslèvement universel, et de voir dans l'Estat autant de roytelets que de gouverneurs, autant de républiques que de villes, si l'on n'appliquoit promptement le cautère, si

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l'on ne coupoit la teste du pavot qui avoit assoupy les esprits, et si l'on ne tranchoit par le pied la racine de l'arbre maudict qui portoit de si damnables fruits; que la main de Dieu, par lequel les Roys règnent, et qui a tousjours tesmoigné une assistance particulière au fils aisné de son Église, n'estoit point accourcie, ains susciteroit en temps propre des Machabées pour délivrer son peuple d'une servitude estrangère.

La bassesse et villité de sa naissance n'empeschoit pas son courage d'aspirer à choses grandes; c'estoit la vraye statue de Nabugodonosor. S'il eust faict réflection sur soy-mesme, si, comme le paon, il ne se fust ennorgueilly de la beauté de son plumage, du faste de ses flateurs et suivans, il eust facilement recognu que les notaires et menuisiers de Florence n'engendroient point d'hommes qui peussent commander en France; les morts misérables et tragiques d'un Sejanus, d'un Landays, d'un Borgia, d'un Protadius, et autres monstres péris par les mains d'un bourreau, immolez à la vengeance publique, eussent refréné son ambition desréglée. Mais sa malice estoit venue au comble; la fiolle estoit remplie, il la falloit cacheter et y mettre le seau, 'dit un sainct homme.

Les princes, outrez de douleur de voir la beauté des fleurs de lys et l'honneur de la nation et couronne françoise ternie et souillée, en parlant à la Royne mère, lui font entendre à combien d'inconvéniens estoit portée l'authorité du Roy son fils par l'agrandissement excessif d'un homme comblé de vices et de crimes; que l'on ne pouvoit sans gémir et sans frémir voir les places, pour la reconqueste desquelles le plus grand Monarque de l'Europe avoit employé le plus fort de sa valeur et de ses armes, estre confiées à la garde d'un potiron,

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qui, n'estant obligé de sa naissance, d'affection ny d'intérest à l'Estat, les livreroit à l'estranger au moindre vent et à la moindre appréhension de desfaveur.

Mais au lieu d'estre escoutez il les fait mespriser; on se rit d'eux, et lorsqu'ils pensent s'en esmouvoir, on emprisonne les uns, on exile les autres; on se couvre du nom de Sa Majesté pour les exterminer. Que de crimes de lèze-majesté ! Il ne se trouve pas assez de boureaux et de gibets pour pendre ceux qui les veulent assister à un si saint et glorieux dessein (1). Bref, ils sont contraincts de chercher la lumière, esloignez de leur soleil..

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Monsieur le duc de Longueville a esté le premier qui courageusement s'est opposé aux desseins du mareschal d'Ancre ; commencement qui a causé le bien dont la France jouyt à présent, chose qu'on ne peut dissimuler sans ingratitude et sans malice; car ayant eu advis qu'il vouloit mettre l'estranger dans Péronne, il se porta incontinent à la prière des habitans, qui tous, les larmes à l'œil, l'attendoient à bras ouverts, fondans sur la seule valeur de ce prince l'asseurance de leur salut. Il n'y est si tost arrivé qu'il dissipe leurs craintes, et, d'un esclat de sa présence, chasse les trouppes qui vouloient s'emparer de ceste ville, jadis le cimetière des ennemis estrangers, dont il donne advis au Roy.

Ceste action, qui devoit estre estimée et recognue, est suivie de menaces, et les menaces d'une armée y envoyée, mais qui fut contrainte de retourner tout court.

(1) Dans le système d'intimidation que suivit la cour après l'arrestation du prince de Condé, les gardes mêmes du roi ne furent pas épargnés.

Où le fer ne peut nuire, on employe le papier; par l'advis du marquis, on crie, on escrit que c'est un attentat à la paix de Loudun, que c'est une entreprise contre le service du Roy; il veut qu'on croye que ce service soit crime de lèze-majesté, et en toutes façons bande tous les ressorts de l'authorité, de la faveur et de la trahison, pour l'abattre et la perdre.

Mais contre tant d'orages ce prince oppose son innocence et son courage, résolu de mourir plustost cent mille fois que de souffrir l'estranger dans les places de son gouvernement. Et ne le faut trouver estrange, cet honneur est fatal à sa maison; il auroit dégénéré à ce brave comte de Dunois, d'où il est issu, à qui la France doit son restablissement et sa conservation, s'il eust faict autrement.

Les autres princes, qui avoient mesme désir et qui vouloient l'assister en une si glorieuse entreprise, ne sont pas mieux traictez que luy; Péronne travaille l'ame du mareschal d'Ancre; en quelque façon que ce soit il y veut rentrer; mais voyant le courage de ce jeune prince résolu au contraire, et perdant de là espérance d'y parvenir, jugeant d'ailleurs que, pour l'exécution du traicté de Loudun, il estoit sorty de la citadelle d'Amiens et avoit esté contraint de quitter la Picardie, le désespoir le saisit. La rage le transporta de telle sorte que depuis il n'a faict que flotter çà et là à la mercy des ondes et des diverses pensées, ressemblant au pilote qui, ayant perdu son nord et son timon, jette tousjours l'œil sur le port sans y pouvoir entrer. Et de vray, toutes les déclarations contre les princes ne sont prétextes que sur le faict de Péronne, tesmoignage que c'estoit le ver qui piquoit sans relasche le cœur dudit mareschal.

Contraint donc de quitter la Picardie, son salut par ce moyen estant désespéré, tous autres (pour ouvrir la porte à l'estranger ou favoriser une fuitte) luy défaillans, cognoissant un peu trop tard que ce jeune Hercule sçavoit, dès le berceau, estoufer les monstres et les escraser, il jette feu et flammes, bouleverse sans dessus dessous toutes choses, et, ne pouvant fléchir les cieux, tasche d'esmouvoir les enfers.

Pour ce il jette les armes aux champs sous le nom de Sa Majesté, volle et tyrannise le peuple par daces, impositions et corvées, fait entrer trois mille cinq cens Liégeois conduits par des chefs estrangers, assiége les princes, fortifie Quillebœuf, arrache à force d'argent et de menaces les meilleures places de Normandie des mains de ceux à qui le feu Roy les avoit confiées, se faict engager les tailles de ceste grande province, en veut estre souverain par la duché d'Alençon qu'il avoit usurpée, se veut faire connestable (1), tenant par ce

(1) En regard de ce passage de notre auteur, nous placerons ici la lettre que Concini écrivait alors au roi Louis XIII; commentée par Luynes et les ennemis du maréchal, elle décida en grande partie le jeune monarque à se débarrasser de la tutelle d'un sujet assez puissant pour entretenir à ses frais une armée dans son royaume et mettre un prix à ses services. « Sire, dernièrement que j'eus l'honneur de prendre congé de Votre Majesté, en votre galerie du Louvre, en lui faisant la révérence, je l'assurai qu'au besoin en quoi je la voyois je ne lui disois, comme force gens qui étaient obligés, autant que j'ai l'honneur de l'être à Votre Majesté que si Votre Majesté leur commandoit et leur donnoit les moyens, qu'ils vous amèneroient nombre de gens de guerre pour la servir, mais que, lorsqu'il seroit temps, je la servirois avec six mille hommes de pied et huit cents chevaux, quatre mois, à mes dépens. J'ai tenu, Sire, ma parole et satisfait à cette obligation; je les mènerai là où il plaira, Sire, à Votre

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