Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

la lutte inégale que j'ai eue à soutenir avec la plume, contre le canon et les baïonnettes. (1) Je souffrais cruellement en pensant que je passerais à la postérité pour un homme qui, par son imprudence ou par le défaut de vues, aurait contribué à la chûte de Rome et du Gouvernement pontifical.

Je réfléchissais sur tout ceci, et je me 'demandais quels étaient les reproches que l'on pourrait me faire sur les opérations de mon ministère. Je n'en voyais qu'un seul qui pût m'être adressé par tous ceux qui ne seraient pas bien informés des choses; c'est qu'on pourrait m'accuser d'avoir imprudemment irrité, par des notes ministérielles, écrites d'un style acerbe et piquant, un Monarque fier et ambitieux, au faîte de la fortune et de la gloire, qui n'avait jamais rencontré de résistance à ses projets gigantesques un Prince qui voyait tout

[ocr errors]

(1) Nos cum homine... omnium nequissimo... bellum gerimus; sed non pari conditione; contra arma verbis. Cicero, epist. familiar.. 23, lib. 12.

le reste des états de l'Europe et leurs souverains se taire devant lui; qu'il convenait de céder au temps, de chercher quelques moyens de satisfaire, s'il était possible, un tel Monarque, et d'éteindre, sinon entièrement, du moins en partie, la haine qui, après l'invasion de Rome par les troupes françaises, s'était allumée entre le Gouvernement pontifical et le Général français; que c'avait été le comble de la témérité et une action souverainement impolitique, de lancer un anathême que, de nos jours, les nations catholiques ellesmêmes respectent si peu, et contre des personnes dont l'incrédulité et le mépris, pour tout principe religieux, sont trop connus de tout le monde; que si l'on voulait en venir à l'acte téméraire et insensé de la bulle d'excommunication, il fallait commencer par mettre le Pape en sûreté, et ne pas exposer sa personne sacrée aux premiers mouvemens de la colère d'un homme furieux, et l'Eglise au danger de perdre son chef suprême et de rester bien des années

acéphale et dans un véritable état d'anarchie; que, quoique tous les Papes, qui, en d'autres siècles, en étaient venus à cette fussent doués d'un courage

extrémité, vraiment apostolique, et d'une force d'âme jusqu'alors sans exemple, tels que les Grégoire VII, les Victor, les Innocent, les Alexandre, ils avaient commencé par mettre en sûreté leur personne, avant de faire usage des armes redoutables de l'Eglise. Mais outre ces reproches, chacun s'étonnait que ne voyant à Rome, dans les mois. qui précédèrent la déportation du Pape, que quelques centaines de soldats français, on n'eût pas tenté de soulever contre eux le peuple romain. Car il souffrait avec impatience leur séjour dans la capitale : il frémissait à la vue de la prison du Pape, et de l'exil des prélats et des Cardinaux : il aurait enfin désiré renouveler à Rome la scène tragique des Vêpres siciliennes.

Rassuré par ma conscience sur tous ces reproches, je me disais à moi-même : Je ne les ai point mérités. Mille fois j'ai ré

fléchi sur ces projets; je les ai pesés, examinés sous toutes leurs faces, et je les ai trouvés ou mal conçus, ou inutiles; j'ai eu raison de les rejeter. D'ailleurs lorsque je me rappelais les diverses mesures que j'avais prises, je me consolais, en répétant souvent en moi-même cette maxime d'une philosophie toute chrétienne, que l'Arioste a si bien exprimée dans ses vers.

[ocr errors]

<< Que l'on soit ingrat envers moi; que

je ne reçoive d'autre récompense que le « mépris; que le monde me juge et me << condamne, peu m'importe. Il me suffit << que mon innocence soit connue de celui << qui voit tout, et qui me réserve une ré<compense éternelle. »

«

Cependant, j'étais encore quelquefois tourmenté par la pensée que, dans l'histoire de la chûte de Rome et du gouvernement pontifical, on ne parlerait peutêtre de moi, ni de mon malheureux ministère, que d'une inanière peu honorable. Je me déterminai donc enfin à écrire une

courte réponse aux reproches et aux impu

tations dont je viens de parler. Je la confiai à mon neveu Tibère Pacca, qui se trouvait prisonnier comme moi dans la forteresse de Fénestrelle; afin que, si je venais à mourir, il pût la publier à Rome, ou dans tel lieu qu'il aurait jugé plus convenable.

Cette résolution une fois prise, je pensai au moyen de surmonter les difficultés que je devais rencontrer dans l'exécution de mon projet. Dès le moment que je mis le pied dans la forteresse, le gouverneur m'intima l'ordre de l'Empereur, qui me défendait, sous les peines les plus sévères, d'écrire à qui que ce fût, et de signer mon nom sur un papier quelconque. En effet, le lendemain de mon arrivée, le geôlier vint faire la visite de ma chambre, et enleva à Michel, domestique qui me soignait, plume, encre et papier. Il lui dit que ce serait dans sa chambre à lui-même et en sa présence qu'il écrirait l'état de ses dépenses et de ses commissions. Quelques jours après, j'eus le bonheur d'y suppléer,

« ZurückWeiter »