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L'absence de la majeure partie du sacré collége redoublait mon embarras et me jetait dans le découragement. Un ministre du Souverain Pontife, qui n'est pas du nombre de ceux qui se plaisent à entendre retentir la louange à leurs oreilles, et trouvent du plaisir à ce vers d'Horace: Cum tot sustineas et tanta negotia solus, a l'inappréciable avantage de trouver toujours prêts à l'assister dans les grandes affaires de l'Eglise et de l'état les membres vénérables de cet auguste sénat et peut les consulter. Si, dans tout ce qu'il propose au Pape, comme dans les déterminations qu'il prend lui-même, il ne suit que leur avis, ou leur conseil, il est toujours pleinement justifié devant les hommes et devant Dieu lui-même. Mais inutilement j'au rais voulu profiter d'un si précieux avantage: il me manquait un grand nombre de cardinaux, parmi lesquels se trouvaient quelquesuns de ceux auxquels nous donnons à Rome le nom de zelanti: ils avaient été chassés par les Français. Parmi ceux qui restaient, les uns étaient dans la caducité de l'âge et les autres infirmes sortirent de ce monde. Dès mon entrée au ministère, le cardinal Consalvi, qui avait été au timon des affaires pendant les premières années du pontificat de Pie VII,

aurait pu me donner beaucoup de renseignemens et m'éclairer de ses lumières; mais il s'était éloigné des affaires et du mont Cavallo. Il n'y paraissait plus que pour les jours de Chapelle ou de Consistoire.

Je ne pouvais appeler auprès de moi que deux ou trois cardinaux tout au plus; encore ils étaient eux-mêmes surchargés de tant d'affaires, qu'il leur était impossible de se meler de celles des autres.

J'arrivais au ministère au moment de la chute du gouvernement pontifical; j'étais obligé, par ma place, de publier des notes et des réclamations énergiques, de protester contre une usurpation sacrilège. Il m'était donc facile de prévoir que des tempêtes allaient éclater sur ma tête ; et que j'attirerais sur moi plus qu'aucun autre l'indignation et la ven geance d'un Empereur furibond.

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Tel était en raccourci l'effrayant tableau de' l'état des affaires, dans le gouvernement papal, lorsque je fus appelé au ministère. Je dois avouer que ce coup d'oeil m'atterra, et que je disais au fond de mon coeur: Transeat a me calix iste. Si nous eussions été dans un temps de paix, j'aurais refusé la charge de secrétaire' d'état, et pendant plus de trois ans j'ai gardé, dans mon portefeuille, une lettre que j'avais

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écrite à la secrétairerie pour justifier ma démission. Mais dans les circonstances affreuses où nous nous trouvions, ma démission eût été taxée de faiblesse et de lâcheté ; quelques-uns même auraient pu l'attribuer à un esprit de vengeance (1). Cette réflexion et bien plus

(1) Esprit de vengeance. Cette expression demande quelques explications. Toute la cour de Rome sait que les cardinaux, qui, après une nonciature, rentraient à la cour, étaient distingués entre tous les autres, lorsqu'il y avait quelques promotions à des places. On leur donnait ordinairement une légation, ou une charge dans le palais, ou un emploi important dans la ville', ou enfin un des meilleurs archevêchés ou évêchés des états romains.

A

Avant mon retour du Portugal, on avait dit de grandes choses sur ma destinée future. Le Saint Père avait fait connaître à plusieurs étrangers les sentimens de bienveillance qu'il avait pour moi. Mais la Providence n'a point permis que, le vœu et les intentions de cet excellent Pontife ayent eu leur effet. On connaît par les lettres adressées à chacun des cardinaux, les congrégations où, comme on dit, la bouche s'ouvre; pendant six ans il n'est sorti de la secrétairerie aucune lettre en ma faveur, jusqu'à cette lettre fatale du 18 juin 1808, qui m'annonçait mon douloureux ministère."

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J'étais aussi peu pourvu de biens ecclésiastiques; cependant j'aurais pu exiger une pension de quatre mille écus, pour la petite nonciature que la daterie m'avait assignée. Je puis affirmer, sans crainte d'être

encore le cri de ma conscience, me firent vaincre l'extrême répugnance que je sentais pour cette dignité; je me rappelais le serment de fidélité que j'avais fait au Saint Père, lors de mon élection au cardinalat. Ainsi je consentis à me charger du fardeau qui m'était imposé.

Je dois dire que je n'eus pas plutôt prononcé ce pénible oui, que je sentis naître en mon cœur un courage qui, depuis cette époque, ne m'a jamais abandonné au milieu des fatigues, des inquiétudes, des peines et des outrages, fruits amers de mon malheureux ministère. Dieu sans doute me soutenait par sa grâce, car il proportionne ses secours à nos besoins.

démenti, que jamais je ne me suis plaint du Saint Père.

Cependant on croyait dans le public que j'étais mécontent, ou du moins le peuple craignait que je ne le fusse. Je dis que le peuple le craignait; parce que le peuple romain me portait beaucoup d'intérêt, quoique je n'eusse rien fait pour le mériter. Il m'en a donné des preuves en diverses occasions. Ce soupçon ou cette crainte du peuple se seraient bientôt fortifiés, si j'eusse refusé le ministère en de telles circonstances.

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Lorsque j'acceptai le portefeuille, je résolus de me montrer comme un ami de la paix, qui n'avait aucune prévention contre les Français. Je dis à plusieurs personnes que je voulais éteindre la haine qui régnait entre le Général français et le Gouvernement pontifical. Le général Miollis eut connaissance de mes disque positions et y fut sensible. Je sais dans une société (je crois que ce fut dans le palais de Lante), il parut satisfait de me voir au ministère, et dit des choses flatteuses sur mon compte. Je n'ignorais pas que tous mes efforts devaient être inutiles pour sauver Rome; que sa destinée était irrévocablement fixée dans les desseins de l'Empereur des Français, que l'exécution de ces desseins n'était retardée qu'à cause des affaires d'Espagne, qui semblaient prendre pour lui une marche peu favorable.

Cependant je voulus tenter toutes les voies de douceur et de modération. Je m'y déter

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