Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

que j'éprouvai lorsqu'en quittant Marmont, je vis la tournure favorable que prenaient les affaires de la France, car en ce moment la France et sa prospérité future à laquelle je me plaisais à croire était le seul objet de mes voeux.

Les calomnies dont j'ai été l'objet ne sont pas les seules qui me tiennent au coeur; j'éprouve, je l'avoue, un plaisir vrai à détruire celles dont on a poursuivi d'anciens amis, lorsque surtout, éloigné d'eux comme je le suis, je puis me livrer au besoin de dire la vérité sans avoir l'air d'y mettre de la complaisance.

Le lendemain de la capitulation de Paris, Marmont après avoir accompagné ses troupes jusqu'à Essonne, alla le soir même voir l'empereur à Fontainebleau ! Il soupa avec lui. Napoléon lui donna les plus grands éloges sur sa belle défense de Paris. Je n'ai rien su de plus particulier sur cette cntrevue; seulement j'appris qu'après souper, le maréchal rejoignit son corps d'armée à Essonne, et que, six heures après, l'empereur y arriva pour visiter les lignes.

Le maréchal, en quittant Paris, y avait laissé les colonels Fabvier et Denys pour veiller à l'exécution de la capitulation en rendant la ville aux alliés. Ces officiers rejoignirent l'empereur et le

maréchal au moment où ceux-ci remontaient les rives de la rivière d'Essonne. Ils ne dissimulèrent point l'effet qu'avait produit dans Paris l'entrée des alliés; l'empereur s'en montra vivement irritė, et repartit immédiatement pour Fontainebleau, laissant le maréchal à Essonne.

J'avais été, comme je l'ai dit, voir Savary dans la journée du trente mars: j'aurais vivement désiré que, cédant à mes sollicitations, il consentit à rester dans Paris pour en assurer la tranquillité, et je dois dire à son honneur qu'il y eut quelque mérite à lui à suivre la cause de Napoléon; car il y avait long-temps qu'il était un de ceux qui voyaient avec le plus de perspicacité quelle serait l'issue des événemens. En partant, il chargea les deux préfets de la Seine et de la police, conjointement avec le ministre de l'intérieur, des soins de l'administration intérieure de Paris. On a vu que M. de Chabrol avait compris ses devoirs et sa position, M. Pasquier les comprit aussi; mais avec un peu plus de difficulté. Cependant les deux préfets se rendirent pendant la nuit au quartier-général de l'empereur Alexandre, pour le prier d'épargner la ville, et la capitulation fut signée à deux heures du matin.

La capitulation de Paris était sans aucun doute

Ц

plus honorable pour la France que ne l'avait été pour les étrangers aucune de celles qui avaient été signées par eux, lors de la reddition des villes, dans lesquelles nos armées victorieuses étaient entrées sans résistance. La nuit fut calme dans Paris, parce que chacun connaissait déjà la suspension d'armes du trente, et l'on commençait à respirer. Il y avait cependant encore beaucoup de vague dans l'avenir, mais chacun l'interprêtant au gré de ses voeux, se trouvait délivré d'un poids pesant. Les uns se faisaient une grande illusion, en pensant que par des intrigues ils parviendraient à faire nommer une régence, ce qui aurait été, sous une autre dénomination, conserver le pouvoir à Bonaparte, ce qu'avant tout il importait d'éviter si l'on voulait faire une paix durable. Cependant il exista, dans le premier moment, des chances qui ne leur étaient pas défavorables, Mais ce qui rassurait ceux qui désiraient un nouvel ou un plus ancien ordre de choses, c'était la certitude que l'on avait que l'empereur Alexandre ne voulait plus de Bonaparte et de sa famille, car sa déclaration au général Reynier, que j'ai rapportée précédemment, n'était pas demeurée tellement secrète qu'elle ne fût connue de quelques personnes. Le trente et un mars à la pointe du jour, Paris

offrit un spectacle tout nouveau, capable de surprendre ceux qui se tiennent en dehors des affaires publiques, mais digue de l'attention d'un observateur impartial. A peine les troupes françaises eurent-elles évacué la ville que l'on entendit dans les plus riches quartiers de la capitale, les places publiques et les carrefours, retentir des cris de: A bas Bonaparte! plus de conscription! plus de droits réunis! A ces cris se mêlait aussi le cri de : Vivent les Bourbons! mais il n'était pas répété autant que les autres, et en général je remarquai que le peuple écoutait et regardait avec une sorte d'indifférence. Comme j'avais pris une part très-active à ce qui s'était fait les jours précédens et que j'avais assisté à toutes les conférences qui avaient eu lieu, j'étais plus curieux qu'aucun autre d'étudier ce que j'appellerais volontiers la physionomie de Paris. C'était la seconde fois qu'il m'était donné de faire une pareille étude, et je voyais ce même peuple applaudir à la chute de l'homme qu'il avait accueilli avec tant d'enthousiasme après le dix-huit brumaire, parce qu'alors on espérait la liberté et parce qu'on l'espérait encore en 1814.

J'étais sorti le matin de bonne heure pour examiner les groupes nombreux qui s'étaient formés; je vis des femmes déchirant leur mouchoir, en distribuer des fragmens comme symbole des lys recon

quis; mais ces démonstrations de places publiques, je dois l'avouer, n'exerçaient guère d'empire sur moi. Je rencontrai, dans cette même matinée sur les boulevards, et je revis, quelques heures après, sur la place Louis XV, une troupe de cavaliers parcourant les rues de la capitale, en proclamant le rétablissement des Bourbons aux cris de « Vive « le roi! Vive Louis XVIII! » A leur tête je reconnus MM. Sosthènes de la Rochefoucauld, le comte de Froissard, le duc de Luxembourg, le duc de Crussol, Seymour, etc... La cavalcade, distribuant, sur son passage, des cocardes blanches, fut, en peu de temps, suivie d'une foule assez nombreuse, qui se rendit en tumulte sur la place Vendôme. On sait ce qui s'y passa, et c'est tout au plus si la première ivresse d'une joie d'ailleurs très-légitime, peut faire excuser les singuliers emportemens auxquels on se livra contre l'effigie d'un homme', que ses malheurs, du moins, qu'ils fussent ou non mérités, auraient dû mettre à l'abri de pareils outrages. D'ailleurs, c'était insulter l'armée qui reconnaissait encore Napoléon pour son chef; c'était irriter les partisans qu'il comptait encore dans Paris. Que l'on ait donné le nom' de ruc de la Paix à la rue Napoléon, rien de mieux, c'était une idée aussi ingénieuse que l'avait été celle de donner le nom de rue de la Vic

« ZurückWeiter »