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à sa maison; et las de craindre ou de chercher inutilement, se livroit, dans le sein de sa fa mille, aux plus sinistres conjectures.

Pour moi, j'errois encore dans cette vaste solitude; observant attentivement, espérant contre toute espérance un dénouement inattendu. «Toujours crédule et toujours trompé, l'homme, dit Young, ne sort d'une erreur que pour retomber dans une autre. L'expérience ne le corrige point. Il veut voir l'ins tant qu'il n'a point vu; la mort seule lui révèle le secret de la vie ».

Enfin, je rentrai chez moi où je trouvai quelques amis désolés de ce qui arrivoit, et fort inquiets de ce qui devoit suivre.

Tout est fini, leur dis je, et vous pouvez aller vous coucher.

-Il n'y a donc plus rien à craindre.

Ah! pardonnez-moi. Vous avec à craindre des arrestations arbitraires, des enlèvemens nocturnes, des fusillades, des déportations, la guerre, la famine, le pillage, les anglois et les russes.

Vous avez à craindre des tigres à vos portes, des brigands sur les routes, des vols publics et impunis, des emprunts forcés. des assassinats, des réquisitions, des conscrip

Ca

tions, la mauvaise foi dans les traités, le mensonge dans toutes les bouches, le désespoir dans tous les cœurs... mais cela n'empêche pas d'aller se coucher.

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-La nécessité modère plus de peines que la raison.

-Vous n'avez pas chargé le tableau ?

-Je n'ai pas tout dit : un des plus funestes effets de cette journée est d'avoir détruit pour toujours le prestige de la représentation nationale, en violant sans pudeur et son intégralité, et la constitution qui la garantissoit. C'est d'avoir démontré sans équivoque et sans appel la vanité, l'illusion et même la sottise d'une constitution républicaine pour les Français qui s'en firent une idôle pendant dix-huit mois, sans avoir jamais su ni la défendre, ni être défendus par elle un seul instant: c'est, en un mot, de nous avoir mis dans la cruelle nécessité de souhaiter la prompte dissolution d'un gouvernement homicide, violent et contradictoire 9 sans que nous sachions, sans que nous puissions prévoir ce qui le remplacera; d'un senat, d'un protecteur ou d'un roi.

Mais une chose très-certaine et dont j'at

testerois, s'il le falloit, toute l'histoire ancienne et moderne, c'est que notre situation est trop violente pour durer, et que les auteurs de cette journée ne tarderont pas à s'en repentir...

Maintenant mes amis

cher.

allons-nous cou

(1) On dit ce cantique fort beau. Je n'en sais rien. Mais toutes les fois que je l'entends, j'éprouve des oppressions d'estoinac; je vois la guillotine, le 2 septembre, et madame de Lamballe éventrée sous mes yeux. Préjugés de royalistes, dites vous! non, citoyens, c'est instinct d'humanité. Tel air rappelle telle image, comme telle image rappelle telle personne. Laissons, croyez moi, les chants d'Ossian et la Marseillaise aux peuplades naissantes, aux sauvages, aux algonquins pour qui les combats sont des jeux, la fureur un délassement, la vue du sang un besoin. Laissons aux Macassarois leur cri, leur calumet aux algonquins, aux Anglois leur spléen et leur ranz des vaches aux Suisses; rentrons dans la nature, reprenons, avec notre caractère, nos folies et nos lays d'amour, nos gais vaudevilles et notre amabilité... « en échangeant nos grâces légères contre la triste philosophie de nos voisins, disoit M. de Rivarol, nous n'avons point acquis de philosophie et nous avons perdu les grâces».

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CHAPITRE SECOND.

Seconde journée du 18 fructidor.

LES

<< Plusieurs prononcent en faveur de la monarchie; d'autres, au contraire, se déchaînent furieusement contre les rois. Chacun a ses raisons; il n'entre pas dans mon sujet d'examiner celles des premiers >>.

PUSSENDORFF, liv. 7, chap. 5.

Les troupes bivouaquèrent toute la nuit

et ne furent point relevées le lendemain.

Mais pour calmer leurs murmures et rechauffer leur zèle, on leur distribua 12 francs par tête et un demi-septier d'eau-de-vie. On craignoit le pillage de leur part et le feu de

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la part des Jacobins. Tout fut tranquille hors l'esprit des Parisiens. La terreur étoit universelle; et les barrières restoient fermées. Je fis, comme la veille, je voulus voir ce qui se passoit, et ne crus pas devoir m'en rapporter sur la physionomie de cette grande ville, à d'autres yeux qu'aux miens.... Je vis sur les boulevards ces mêmes jeunes gens

qui, deux jours auparavant, ne juroient que par Pichegru, rire à gorge déployée de la sottise qu'ils avoient faits, disoient-ils, de se laisser traquer dans une salle.

Je vis dans les rues marchandes les bouti quiers, pâles et tremblans, vuider leurs magasins dans leurs caves, comme si la même violence qui eût forcé les premiers, n'eût pas découvert les autres.

Je vis sur les quais le tableau de la plus hi deuse débauche, des filles demi-nues, cou chées pêle mêlé avec des soldats ivres au milieu des armes, des bouteilles et la fange de leurs excrétions.

Je vis sur les ponts des canons de tout calibre braqués contre le nord de la ville, comme pour indiquer que le quartier général de l'ennemi étoit au sud.

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J'entendis des propos de soldats qui me convainquirent des manoeuvres qu'on avoit employées pour les séduire et les déterminer à marcher contre les conseils.

Où sont donc ces royalistes, disoit-l'un, dont on nous faisoit si grande peur? Je n'en vois aucun, ont-ils disparu comme les ombres chinoises?

-Crois-tu, disoit l'autre, que Pichegru

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