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miserable et si usé, que les ouvriers mêmes se rappelloient qu'il n'étoit que le plagiat ou la répétition de celui que Robespierre employoit pour justifier le 31 mai.

Les grandes révélations du porte-feuille de M. d'Antraigues n'inspirèrent ni plus de confiance ni plus d'intérêt. ob

D'abord elles étoient prévues depuis l'arrestation de M. d'Antraigues à Venise. Tous les journaux à l'envi avoient dépecé cette pauvre gibecière, et mis les joueurs de gobelets dans l'impuissance de tromper même les badauts (1).

Ensuite, quand au lieu de vérs, de chansons et de correspondances d'amour, ce fameux porte-feuille eut renfermé des épigrammes contre les français, et même une correspondance sur leur révolution, que pouvoit-on én conclure contre Pichegru qui n'y étoit pas

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*(1) Ne sachant plus que faire de leur prisonnier, après avoir vidé son porte-feuille, le directoire le rendit à l'empereur, mais n'eut garde de laisser percer dans le public la protestation qu'il fit contre l'enlèvement de ses papiers, prévoyant l'abus qu'on se proposoit d'en faire... M. d'Antraigues en fit deux inventaires; il en laissa un à ses geoliers, et publia l'autre en Allemagne.

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nommé, et par quelle raison ses dépositaires ou receleurs tardèrent-ils si long-tems à le vider?

N'étoit-on pas en droit de se défier d'une publication faite si à propos. que ceux contre qui elle étoit dirigée ne pouvoient plus la contester, et ceux en faveur de qui elle étoit combinée en avoient le plus grand besoin?

D'ailleurs, l'évidente fausseté de deux des pièces y contenues, suffit pour démontrer celle des autres. On suppose dans l'une que le quartier général de Pichegru étoit placé à Altkirk; et, ; et, dans le vrai, Pichegru n'a jamais eu son quartier général à Altkirk. On suppose dans l'autre, que Pichegru accepte des pensions pour sa femme et ses enfans, et Pichegru n'étoit point marié.

Ineptes scélérats, qui n'avoient seulement pas l'esprit d'inventer des romans vraisemblables, et qui ne s'envelopoient de si grosșiers mensonges, que parce qu'ils comptoient les soutenir toujours par la force!

C'étoit donc principalement contre Pichegru que cette fréle machine étoit dressée.... c'étoit pour appuyer la grande conspiration royaliste, dont on vouloit le faire chef à tout prix.

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Il est vrai que les intelligences qu'on lui supposoit avec M. le prince de Condé, ses relations avec les émigrés, la promesse qu'on lui faisoit du bâton de maréchal de France d'un cordon rouge, de la terre de Chambord, et de 200 mille livres de rentes, etc.... faisoient rire le peuple qui sait, depuis longtems, comment se fabriquent toutes ces grandes conspirations, mais jettèrent dans l'esprit des soldats de facheuses impressions sur le caractère de celui de leurs généraux, que jusqu'alors ils avoient respecté davantage.

Ces hommes, machines sous tous les rapports, ne savoient plus que penser du républicanisme d'un homme qu'on mettoit en relation avec le prince de Condé, et à qui on promettoit le bâton de maréchal de France pour remettre un roi sur le trône.

La veille, le nom de Pichegru retentissoit avec honneur à leurs oreilles. Le lendemain, il ne se marioit qu'avec ceux de royaliste et de conspirateur.

La veille, il eût été difficile, et peut-être même dangereux, d'arrêter Pichegru au milieu de la garde du Luxembourg, et le ́lendemain on l'arrêta, et on auroit pu le

fusiller impunément au milieu de celle des deux conseils.

Tel est le sort des hommes et des choses en révolution! il tient à un miserable fil que la plus sotte imposture ou le moindre revers peuvent rompre du soir au matin.

Les auteurs de cette intrigue en ont si bien senti la foiblesse, qu'ils firent publier quelques mois après, pour renforcer les pièces du porte - feuille d'Antraigues, d'autres pièces extraites du chariot de Kinglin. Nous citerons la plus remarquable, c'est-à-dire celle dont on a voulu tirer plus d'inductions.

Lettre de Demouget, de Strasbourg, au général Kinglin, désigné sous le nom de Persée.

JE

31 Décembre 1791.

«Je pense que vous joindrez le laurier (Condé) et que vous insinuerez bien aux Autrichiens de l'épauler de leur mieux, en cas que ce dont nous avons parlé sur les tresses (Strasbourg) puisse se mettre en: œuvre, comme le desire si ardemment le laurier, si Poinsinet (Pichegru) qui est bien. dévoué, peut le faciliter. Les dégoûts, sur le

gouvernement, augmentent toujours; l'emprunt forcé y met le comble. Poinsinet est venu ici hier je compte bien le voir chez moi, s'il peut accepter mon invitation. Je desire bien qu'il nous arrange l'affaire des tresses, s'il est possible qu'il le fasse....

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Quand ce style ne seroit pas celui d'un laquais, quand l'authenticité de cette lettre seroit aussi bien prouvée que sa pseudonimité, qu'en pouroit - on conclure contre l'homme qui n'y paroît ni par son consentement, ni par son nom? J'accorde que Poinsinet signifie Pichegru : s'ensuit-il que Pichegru a consenti à cet échange de noms et de sottises; et s'il suffisoit pour intenter. une accusation capitale, et pour accuser quelqu'un d'une conspiration, de glisser son nom dans une lettre anonyme, ou ce qui est pis encore, d'interpreter par son nom tout mot obscur, équivoque et hyerogliphique, quel homme seroit tranquille en France', et quel pays seroit plus affreux que le nôtre ?

Mais la vraisemblance est ce dont on s'occupe le moins aujourd'hui dans la combinaison des intrigues politiques.

Le succès de celle-ci fut assuré par 35 millo hommes et 50 pièces de canon.

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