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Paris. C'étoit un grand fléau; mais ce n'étoit

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Le plus à craindre pour les conseils étoit dans les journaux mêmes qui servoient ou avoient l'air de servir leur cause.

Ils étoient en général mieux écrits et plus piquans que ceux de l'autre parti; mais on ne croira point, dans quelques années d'ici, au degré de démence et d'exaltation auquel s'étoient portés la plupart de leurs rédacteurs.

Il n'y en avoit pas un qui ne se crût un Bayle, un Basnage, un Adisson; et par-dessus tout, le régulateur de l'état.

C'étoit tous les matins un débordement d'avis, de projets, de maximes, de morale, de religion, de politique, qui n'a jamais eu de modèle, et qui, j'espère, n'en servira jamais. Chacun de ces messieurs dictoit du haut de son tribunal des arrêts irréfragables, prononçoit des sentences majestueuses, traçoit des plans superbes, provoquoit une secousse prochaine, réveilloit des haînes mal assoupies, rappelloit des souvenirs fâcheux, marchoit vers un but différent.

Le moyen de s'entendre au milieu de cette cohue! ils se disoient les magistrats de l'opi nion publique! et l'opinion publique, égarée

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par eux dans tous les sens, n'avoit pas un seul point de ralliement.

Quelques écrivains également étrangers à l'or de l'Angleterre et à l'esprit de parti, se rallièrent autour de la constitution; mais on ne les voyoit pas. Ils réclamèrent les droits de l'honneur et de la raison; mais ils n'étoient point entendus: les députés qui crurent voir le vœu de la France dans une vingtaine de journalistes, suivirent leurs traces et s'égarèrent avec eux.

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CHAPITRE VIII.

Cinquième cause tirée du rapport de Camille Jordan sur la liberté des cultes.

Chacun se croit un esprit supérieur, et les sots ne sont pas ceux qui s'en croient le moins.

De l'Esprit, chap. 4.

CAMILLE-JORDAN jeune, ardent et plein de courage, fut nommé député par la ville de Lyon, à l'époque de la révolution la plus fertile en espérances. Il vint prendre séance au corps législatif, pourvu d'une haute idée de ses devoirs, et d'une plus haute idée de lui-même.

De telles dispositions plus brillantes qu'utiles, et suffisantes pour le lancer dans la carrière, ne l'étoient pas assez pour lui garantir des succès; et c'étoit grandement avanturer ceux de son parti, que de les confier à ce jeune atlhete aussi légèrement armé contre les vétérans de la révolution, tacticiens

habiles, exercés à toutes armes, et instruits dans toutes les ruses de leur métier... Aussi son apparution dans l'arêne inspira-t-elle de justes frayeurs à tous les spectateurs désin téressés; son premier pas fût une chute grave et d'autant plus déplorable, qu'elle entraîna celle de tous les siens.

Son rapport sur la police des cultes, brillant d'idées, invoqué par la justice, appartenoit, comme il le dit lui-même, à la plus haute législation, embrassoit les intérêts les plus chers, et touchoit aux passions les plus ardentes; mais par cela même étoit nonseulement prématuré, mais extrêmement impolitique par les avantages qu'il fit tout-àcoup au parti opposé. Il en profita sans géné rosité; c'étoit son droit, c'étoit son usage. On devoit s'y attendre; nous l'avions prévu.

si la

Combien de fois les gens sages n'avoient-ils pas repeté que le tems n'étoit pas encore venu de parler au milieu des plus ardentes passions de prêtres, de religion, de culte et d'émigrés? Combien de fois n'avoit-on pas dit liberté des cultes étoit un objet important de législation, les processions, les enterremens et les cloches étoient des objets de police, qu'on pouvoit sans danger renvoyer à des

que

tems plus calmes, mais sur la discussion' desquels il étoit extrêmement facile d'appeller alors le ridicule, la défaveur et le

sarcasme.

On n'écoutoit rien; ou plutôt on n'écoutoit que le langage des passions : cette assemblée, sur laquelle reposoient nos plus chères espérances, étoit devenue leur plus scandaleuse arène. La raison en étoit bannie, ou traitoit de foiblesse tout ce qui n'étoit pas fureur, et toute mesure de prudence étoit regardée et fletrie d'avance comme une transaction avec le crime.

?

La parole étoit exclusivement accordée aux plus fougueux orateurs. Le silence et la const ternation étoient le triste partage des autres. Ceux-ci voyoient clairement que tant d'effervescence produiroit une explosion funeste. Ils n'ignoroient pas que la raison est ennemie de tous les excès, et qu'on agit rarement avec resolution quand on parle avec tant de véhémence.

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Cependant l'ennemi commun profitoit de toutes ces fautes, et ne perdit pas une occasion d'en faire commettre de nouvelles.

Le bruit d'une conspiration royaliste se répandit de toutes parts et notamment dans

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