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ment de cette indiscipline et la perte de son autorité et le renversement de sa fortune.

Mais le moule de César est brisé, et Buonaparte n'a pas avec lui plus de ressemblance que n'en eurent les bandes avanturières qui ont désolé l'Italie avec les légions qui conquirent jadis les Gaules.

D'où il suit que Buonaparte n'eut jamais songé à subjuguer les conseils, ou eût échoué dans son entreprise. Encore un mot.

La force des généraux, comme celle des rois, n'est qu'une force d'opinion qui se compose, 1o. de la supériorité que chacun accorde volontiers à celui qui conduit; 2°. du besoin que tous sentent confusément d'être conduits.

· Mais lorsque le soldat ne voit plus dans son général qu'un complice de sa révolte, il se met bientôt à son niveau, comme dit Lucain: Scelus quos inquinat, æquat. Lorsque le premier des généraux, par le talent, trouve dans tous ses collégues des rivaux de gloire et des concurrens de pouvoir; lorsque par suite d'une longue et sanglante révolution, tous les droits tous les intérêts, tous les pouvoirs sont confondus, je ne vois

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-plus comment Buonaparte eût-il conquis les Indes Orientales, et fût-il chargé de ses trésors, auroit pu écraser la représentation nationale, enchaîner la France, et s'asseoir sur le trône.

Malgré son ineptie, et par l'instinct seul de la tyrannie, le directoire avoit senti qu'il ne pouvoit se sauver que par le pouvoir militaire. Mais en s'associant les armées, il revétit cette alliance de tout l'appareil des lois, il feignit de confondre ses intérêts avec ceux de la république, il mit de son côté un simulacre de constitution, il conserva un fantôme de représentation. Il dit aux soldats : vous êtes des héros, vous avez sauvé la patrie. Il dit au peuple : vous êtes libre par nos soins et par notre volonté. Il trompoit également le peuple et les soldats; mais c'étoit

s'interposant entr'eux et lui, comme au torité légitime et constitutionnelle...

Ce qu'il fit par la violence, les conseils pouvoient le faire par le droit. Ils pouvoient, ils devoient s'attacher l'armée, sans pour cela s'en rendre les esclaves; ils auroient rendu la liberté à leur pays et la paix à l'Europe; ils auroient prévenu deux années de brigan

dage et de tyrannie; ils nous auroient enfin sauvés de la crise terrible que nous éprouvons dans ce moment. C'est ainsi qu'une faute entraîne d'irréparables torts.

CHAPITRE VI I.

Quatrième cause tirée de la multitude et de l'extravagance des journaux.

La plupart de ceux que la société désigne sous le nom de gens de lettres ou de gens d'esprit, ont plus de prétentions que de droits.

Considérations sur l'esprit et les mœurs, par M. Melian de Senac.

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N pourroit les classer sur la même ligne et dans les rangs des factions qu'ils servoient; mais comme tous les laquais, ils outroient les vices de leurs maîtres.

Dans le parti et sous les drapeaux du directoire, on remarquoit principalement :

1o. L'Ami des Lois, qui avoit porté l'audace de la calomnie à un degré vraiment curieux. N'est-ce donc rien que d'être à la têté d'un vice, disoit le marquis de Villette?

2. La Clef du Cabinet, qui réunissoit toutes les platitudes de l'anti-chambre à tous les mauvais tons des corps-de-gardes.

3°. Le Conservateur, qui ne conservoit pas plus de décence dans ses injures que de vé

rité dans ses nouvelles.

4°. Le Journal des Hommes Libres ; qu'avec grande raison on nommoit par excellence le Journal des Tigres.

5°. Le Moniteur, qui noyoit ses petites bassesses dans de longues dissertations.

6o. Le Pacificateur, ainsi nommé par anti-phrase.

7°. Le Rédacteur, la sentine officielle du 'directoire.

8°. Le Révélateur, posté dans la rue pour aboyer et mordre tous les passans.

Le style de ces journaux étoit assorti à leur sujet. Chacun d'eux avoit son rôle marqué.

L'un étoit chargé de dénoncer comme fripon, traître, conspirateur et royaliste, tel ou tél député ; l'autre apprenoit à l'univers les vertus, les talens, la beauté, la noblesse de tel ou tel directeur. Celui-ci s'adressoit aux armées, pour leur dire que la république étoit au Luxembourg: celui-là parloit aux ouvriers, et leur soutenoit que le roya. lisme triomphoit dans les conseils. Tous sonnoient le tocsin de la révolte, et appelloient à grands cris la guerre civile au milieu de

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