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LETTRES DIPLOMATIQUES

ADRESSÉES A NAPOLÉON.

Du citoyen Cacault, chargé d'affaires en Italie.

Rome, le 8 vendémiaire an 5 ( 29 septembre 1796).

Je vous envoie ci-joint, citoyen général, deux édits du Pape : le premier, pour manifester que Sa Sainteté ne se regarde pas comme en guerre, et n'ordonne que des mesures défensives; le second, pour instituer une garde civique pour la sûreté de la ville de Rome.

Je vous envoie aussi copie de la dépêche du Roi de Naples à M. le marquis del Vasto, pour l'autoriser à venir traiter de sa part avec le Pape.

Cet envoyé a eu avant-hier une longue audience du Pape, en présence du secrétaire d'état. On regarde comme conclue la ligue entre ces deux cours. Sa Majesté Sicilienne fera avancer trente mille hommes; les Anglais promettent de donner de l'argent; le Pape fournira huit mille hommes et du fanatisme à tout le peuple.

Entre deux cours extravagantes l'accord n'est pas aisé à établir: on m'assure que le traité n'est pas encore signé.

M. Acton se verrait obligé de quitter sa place s'il signait avec la France un traité qui prouverait combien il a mal dirigé son maître jusqu'à présent. Il sait

bien que les troupes napolitaines seront vaincues, si l'on en vient à combattre il veut du moins gagner

du temps.

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Si ces troupes restent à la frontière, les Français forceront vite un des points de sa ligne et iront promptement à Naples finir l'affaire. M. Acton veut que la pièce ait deux actes: il a vraiment beaucoup de monde. La moitié qui sera avancée dans l'État ecclésiastique retardera toujours un peu notre armée. Les troupes battues se retireront à la frontière, où il y aura encore un combat à livrer. Après cette seconde et dernière défaite, le généralissime Acton s'embarquera sur une frégate, et ira en Angleterre jouir de sa fortune et de la faveur de M. Pitt. Ses maîtres devien

dront ce qu'ils pourront : l'État ecclésiastique sera

abîmé.

M. Acton se flatte qu'il sera toujours temps de signer une paix très-dure, lorsque les Français seront à Rome, et qu'après avoir perdu en entier les affaires du Pape, il pourra obtenir davantage sur l'État ecclésiastique.

Ce pays-ci est livré à l'influence étrangère: la famille Albani, attachée à l'Autriche, a un grand ascendant; les plus belles places de la cour de Rome sont occupées par les Napolitains; les Anglais ont une foule d'émissaires et de criailleurs à gages. Le Pape est un homme borné, mais violent et orgueilleux, que l'on a échauffé et qu'on soutient dans l'esprit de vertige; personne ici ne s'intéresse au bien du pays: le peuple se nourrit de fables absurdes.

Les agents d'Autriche, de Londres, de Naples unissent leur influence pour que ce pays soit victime: il leur suffit de nous opposer un obstacle de plus en animant la canaille contre nous. II y a des gens qui voudraient me faire assassiner par le peuple, afin de l'animer à se défendre contre les Français pour en éviter la vengeance. Vous ne pouvez vous faire une idée de l'état d'égarement des esprits dans l'Italie inférieure. La présence des armées pourra seule rectifier les opinions, en fermant la bouche aux déclamateurs forcenés que les cours récompensent.

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Je crois qu'on ne signera le traité proposé ni à Rome ni à Naples, sans la présence des armées. Si nos forces sont nécessaires ailleurs, rien ne presse : laissez ces deux états se ruiner davantage par eux-mêmes; mais il n'y a plus moyen de reculer d'un pas sur ce qui est avancé; cela diminuerait trop l'idée de nos forces. Quand l'Empereur sera abattu et réduit à signer la paix, pourvu qu'on n'y comprenne ni Rome ni Naples, ces deux états seront à la discrétion du Directoire.

Cette ligue entre l'Empereur, Rome et Naples serait bientôt fortifiée par l'adhésion de Venise, de Turin de la Toscane, si on pouvait se flatter de nous chasser d'Italie. Voilà pourquoi il ne faut pas agir au-delà de ce qui s'est opéré, sans bien examiner nos forces qu'il ne faut plus compromettre, en exposant trop une si grande fortune.

Je vous prie, citoyen général en chef, d'observer sur quel ton monsieur le cardinal secrétaire d'état m'a

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écrit, au sujet d'un détachement français parvenu à Farnèse. J'ai tâché de lui répondre de manière à le redresser, ainsi que vous le verrez dans la copie ci-jointe de ma réplique.

Il me paraît qu'on s'est trompé à Livourne en envoyant un détachement à Farnèse comme si c'était un fief impérial: il ne relève que du Pape. Le prince Chigi, qui en est le propriétaire, vient de lui garantir par écrit, sur sa parole d'honneur, que jamais sa famille n'avait pris l'investiture impériale, ni payé aucune contribution à l'Empereur. J'écris au citoyen Miot pour qu'il examine cette affaire avec le commandant de Livourne. Je serais fâché que, dans un moment de doute et de fermentation, la suspension d'armes avec le Pape fût rompue avant que le Directoire ou le général en chef l'eussent ordonné.

Je vous prie, général, d'agréer mon dévouement.

CACAULT.

Du même.

Rome, le 26 vendémiaire an 5 (17 octobre 1796).

Monsieur le secrétaire-d'état à répondu fort poliment à la note où je lui indiquais que je serais bien aise de le voir: je vous envoie ci-joint copie de sa réponse.

J'ai eu hier matin avec lui une conversation qui a duré une heure et demie ; je lui ai dit que j'étais assuré

par vos lettres que vous n'aviez aucune envie de vous battre contre le sacré collége, ni contre le Pape, et qu'il était vraiment surprenant que le sage et antique conseil du Vatican montrât plus de vivacité et d'emportement qu'une armée de jeunes Français, envers qui l'on manquait à ses promesses; que des propositions de paix, quelles qu'elles soient, ne pouvaient être regardées comme un grief, tandis que le manifeste du Pape et l'inexécution de l'armistice en formaient un indubitable.

Le cardinal m'a répondu que le renvoi de M. Pierachi de Paris et le traité inadmissible, non proposé pour base des négociations à Florence, mais comme une loi qu'il fallait accepter, sine qua non le Pape était évidemment menacé de la guerre, avaient autorisé à la croire imminente et prochaine; et que, dans l'impossibilité de signer le traité, il avait bien fallu songer à sa sûreté; que le manifeste, ainsi que toutes les mesures que la cour de Rome prend, n'étaient que défensives; et qu'il est de droit à qui clairement est menacé, de recourir à tous les moyens de défense; qu'on voyait trop, dans ce qui était arrivé et dans ce qui se passait, que le projet de détruire le gouvernement papal était arrêté par le Directoire; qu'on périra s'il le faut, mais non sans faire toute la résistance possible; qu'il ne pouvait être sage ni juste de remplir des conditions d'armistice qui ne feraient que fournir des moyens contre soi, car la paix proposée était impossible. Jusqu'à ce qu'il y eût un traité acceptable, les menaces du Directoire rendaient la guerre trop

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