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Ainsi une dernière et solennelle épreuve venait d'ôter au Ministère les illusions qui pouvaient lui rester; mais, dans le cours des élections, était survenue la grande nouvelle de la conquête d'Alger, et cet événement parut lui rendre une fatale confiance. On put en juger à l'exaltation toujours croissante de ses journaux; à les entendre, en effet, dans cette lutte suprême de la révolution et de la monarchie, le petitfils d'Henri IV et de Louis XIV ne pouvait rendre son épée; il devait donc, cherchant dans les droits qu'il tenait de ses aïeux la force qu'il ne trouvait pas dans la constitution, décréter de sa propre autorité les mesures qu'il jugerait nécessaires au salut de la Couronne. Et d'ailleurs, qu'était-ce que cette faculté donnée au Roi par l'article 14 de la Charte, de pourvoir, par des ordonnances, à la sûreté de l'État, sinon le pouvoir de suspendre la constitution elle-mème dès que l'intérêt du trône paraîtrait l'exiger? Tel était le thème developpé chaque jour par les publicistes amis et soutiens du Ministère; mais comment admettre que de semblables résolutions dussent prévaloir dans les conseils de la Couronne!

Cependant l'oeuvre se préparait en silence; le Moniteur du 26 juillet la révéla au pays épouvanté à la suite d'un rapport longuement déve

:

loppé, venaient trois ordonnances portant la date du 25 (1), lesquelles contenaient les dispositions suivantes :

(1) Ce rapport rédigé, a-t-on dit, par M. de Chantelauze, et remarquable à certains égards, était principalement dirigé contre la liberté de la presse, qu'on soutenait n'avoir pas été consacrée par l'article 8 de la Charte. Le droit de publier ses opinions personnelles n'implique pas, disait-on, le droit de publier par voie d'entreprise, les opinions d'autrui ; et à l'appui de cette argumentation on invoquait la loi du 21 octobre 1814 comme la seule corforme au véritable esprit de la Charte. Le rapport se résumait en ces termes :

« Maintenant, Sire, il ne reste plus qu'à se demander comment doit s'opérer ce retour à la Charte et à la loi du 21 octobre 1814. La gravité des conjectures présentes a résolu cette question :

« Il ne faut pas s'abuser, nous ne sommes plus dans les conditions ordinaires du gouvernement représentatif. Les principes sur lesquels il a été établi n'ont pu demeurer intacts au milieu des vicissitudes politiques. Une démocratie turbulente qui a pénétré jusque daus nos lois, tend à se substituer au pouvoir légitime. Elle dispose de la majorité des élections par le moyen de ses journaux et le concours d'affiliations nombreuses. Elle a paralysé, autant qu'il dépendait d'elle, l'exercice régulier de la plus essentielle prérogative de la Couronne, celle de dissoudre la Chambre élective. Par cela même la Constitution de l'État est ébranlée; Votre Majesté seule conserve la force de la rasseoir et de la raffermir sur ses bases.

« Le droit, comme le devoir, d'en assurer le maintien,

Par la première, la liberté de la presse périodique était suspendue; à l'avenir nul journal ne pourrait être publié sans l'autorisation qu'en auraient obtenue les auteurs et l'imprimeur. Cette autorisation devrait être renouvelée tous les trois mois; elle pourrait toujours être révoquée. Par la seconde, la Chambre des Députés était dissoute.

Par la troisième, un nouveau système électoral était institué la division en colléges de département et d'arrondissement était maintenue;

est l'attribut inséparable de la souveraineté. Nul gouvernement sur la terre ne resterait debout, s'il n'avait le droit de pourvoir à sa sûreté. Ce pouvoir est préexistant aux lois, parce qu'il est dans la nature des choses. Ce sont là, Sire, des maximes qui ont pour elles et la sanction du temps, et l'aveu de tous les publicistes de l'Europe.

« Mais ces maximes ont une autre sanction plus positive encore, celle de la Charte elle-même. L'article 14 a investi Votre Majesté d'un pouvoir suffisant, non sans doute pour changer nos institutions, mais pour les consolider et les. rendre plus immuables.

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D'impérieuses nécessités ne permettent plus de différer l'exercice de ce pouvoir suprême. Le moment est venu de recourir à des mesures qui rentrent dans l'esprit de la Charte, mais qui sont en dehors de l'ordre légal, dont toutes les ressources ont été inutilement épuisée.

« Ces mesures, Sire, vos Ministres qui doivent en assumer le succès, n'hésitent pas à vous les proposer, convaincus qu'ils sont que force restera à justice.

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mais ceux-ci ne devaient nommer que des candidats, l'élection appartenant aux grands colléges, composés du quart des plus imposés. Ainsi le parti royaliste renouvelait de 1815 son œuvre favorite des élections à deux degrés, mais avec cette différence que, loin d'augmenter le nombre des électeurs, elle le réduisait encore; certaines contributions, et notamment celle des patentes, ne devant plus être désormais comprises dans la formation du cens. Du reste, on n'admettait, quant à la formation des listes, ni l'intervention des tiers, ni le recours aux tribunaux; tout le régime électoral était remis à la discrétion du Gouvernement.

Telles étaient, dans leur ensemble, ces fameuses ordonnances par lesquelles un Roi parjure attentait, avec autant de folie que d'audace, à nos droits les plus saints, à nos libertés les plus chères.

TROISIÈME PARTIE.

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