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et c'est moi qui, à ce titre, vous octroierai la Charte que j'aurai délibérée dans le plein exercice de ma puissance >> collision grave dont l'issue dut paraître un instant d'autant plus douteuse que les puissances alliées, soutiens naturels des prétentions de Louis XVIII, avaient elles-mêmes tracé la voie dans laquelle s'était engagé le Sénat. Mais ici encore la difficulté fut habilement tournée. Les imperfections bien reconnues de l'Acte constitutionnel offraient à Louis XVIII un heureux expédient dont il ne manqua pas de s'emparer. Ainsi, alléguant, pour une telle œuvre, la nécessité d'un travail plus mûr et plus réfléchi, le Roi se borna pour le moment à poser, dans la déclaration de SaintOuen (2 mai), les bases de la constitution promise. Le préambule de cet acte était remarquable, moins encore par la manière dont Louis XVIII crut devoir colorer ce refus d'acceptation que par le soin qu'il prit d'éviter, au sujet de la Charte proinise, toute expression qui pourrait impliquer la nécessité d'une adhésion réelle et effective de la part des deux grands corps de l'État.

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Après avoir lu attentivement, portait la dé<«< claration, le plan de constitution proposé par « le Sénat dans sa séance du 6 avril dernier, nous «< avons reconnu que les bases en étaient bonnes,

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« mais qu'un grand nombre d'articles portant « l'empreinte de la précipitation avec laquelle ils «< ont été rédigés, ne peuvent, dans leur forme << actuelle, devenir lois fondamentales de l'État. Résolu d'adopter une constitution libérale, « voulant qu'elle soit sagement combinée et ne « pouvant en accepter une qu'il est indispensa« ble de rectifier, nous convoquons pour le 10 <«< du mois de juin de la présente année le Sénat << et le Corps législatif, nous engageant à mettre « sous leurs yeux le travail que nous aurons <«< fait avec une commission choisie dans le sein « de ces deux corps, et à donner pour base à <«< cette constitution les garanties suivantes, etc.>> Venait ensuite un exposé net des dispositions. principales reproduites depuis dans la Charte.

Accueillie avec satisfaction par la grande majorité du pays, cette déclaration n'en excita pas moins dans la presse de vifs débats; attaquée par les démocrates, comme n'étant pas assez libérale, elle était en même temps, de la part des exaltés du parti royaliste, l'objet des critiques les plus amères. Ceux-ci gémissaient de voir sacrifier aux idées nouvelles les lois fondamentales de l'ancienne monarchie. Bien plus, quelquesuns allaient jusqu'à soutenir qu'une telle œuvre ne pouvait être celle du Roi, et ils en donnaient pour preuve cette autre déclaration de 1795

dont j'ai parlé plus haut et qu'ils firent même alors réimprimer.

Quoi qu'il en soit, Louis XVIII, à son entrée à Paris qui eut lieu le 3 mai, y fut reçu avec toutes les démonstrations d'un véritable enthousiasme (1). Seulement l'aspect si nouveau pour les Parisiens d'un cortége en tête duquel marchaient, vêtues des costumes du temps, les vieilles notabilités de l'émigration, dut exciter plus d'une fois des sourires qu'avait peine à réprimer le respect dû à de longues infortunes

(1) Dans les détails donnés par M. Lubis sur cette solennité, se trouve le passage suivant, que nous croyons devoir rapporter.

« L'allégresse était générale; et, toutefois, cette journée fut marquée d'un symptôme auquel on n'attacha pas assez d'importance. Le cortége se trouvait précédé de quelques compagnies de l'ex-garde impériale. Le Conseil municipal, en arrivant à la barrière, essaya vainement de leur faire crier vive le Roi! Elles restèrent muettes, marchant avec assurance, mais avec cette physionomie impassible que donne l'habitude des dangers. Les cris de vive la Garde! ne les émurent pas. Ces vieux soldats passèrent mornes et silencieux, comme pour protester par ce contraste contre la grande solennité où on les faisait paraître. » Suivent les réflexions de l'historien, qui, trouvant que cette attitude n'était pas naturelle, l'attribue à un mot d'ordre donné la veille par un comité secret de généraux et de dignitaires de Napoléon.

et à la majesté royale empreinte sur les traits du monarque.

Le premier soin du Roi dut être de se composer un ministère; on y remarquait M. de Talleyrand aux affaires étrangères, M. Dambray à la justice, l'abbé de Montesquiou à l'intérieur, le baron Louis aux finances, à la guerre le général Dupont et à la marine M. Malouet. Enfin M. de Blacas fut appelé au ministère de la maison du Roi, poste en apparence étranger à la direction politique du cabinet, mais qui, entre les mains du plus intime favori du monarque, devint bientôt la source de tout pouvoir, le canal des grâces et des faveurs, en un mot le centre même du gouvernement. « Sentinelle active à la porte du cabinet royal, a-t-on dit avec autant de précision que de justesse, il l'ouvrait et la fermait à volonté. » Ses collègues même n'étaient admis à travailler avec le Roi que par son intermédiaire et en quelque sorte sous son bon plaisir. Ainsi, dans la profonde inexpérience où l'on était alors des règles du gouvernement représentatif, la direction des affaires se trouvait presque entièrement abandonnée aux préjugés et aux caprices d'un gentilhomme aussi incapable que présomptueux.

Vint ensuite l'organisation de la maison militaire du Roi, montée avec un tel luxe qu'on n'y

respecta pas même les sages réformes opérées par Louis XVI dès l'année 1787. Cent-suisses, gardes-du-corps avec compagnie écossaise, gendarmes-royaux, chevau-légers, gardes-de-laporte, etc., rien ne fut omis, comme si, en évoquant les splendeurs du trône de Louis XIV, on eût dû rendre à la royauté le prestige que le temps et les révolutions lui avaient enlevé.

Le comte d'Artois, en sa qualité de lieutenant-général, avait porté le coup de l'impopularité attachée à la convention provisoire du 23 avril; le traité de paix définitif qui ne faisait qu'en reproduire les principales dispositions ne devait donc plus causer à beaucoup près la même sensation; il fut signé le 30 mai.

C'était pour le 10 juin seulement que devait avoir lieu la convocation du Sénat et du Corps législatif annoncée par la déclaration de SaintOuen; mais la commission chargée du soin de la rédaction de la Charte, ayant terminé son travail plus tôt qu'on ne l'avait prévu (1), la séance fut fixée au 4.

(1) La commission n'eut que six séances, dont la première le 22 mai, et la dernière le 27. Elle avait été ainsì composée pour le Sénat, de MM. Barbé-Marbois, Barthélemy, Boissy-d'Anglas, de Fontanes, Garnier, de Pas

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