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ventions de Vérone. Moins préoccupé de la question de principe, il considérait avant tout l'intérêt actuel de la France, et il ne le jugeait pas tellement compromis par le voisinage d'une révolution, qu'il y eût urgence dans une expédition tout au moins fort onéreuse, et qui présentait en outre des chances graves d'insuccès. D'un côté, en effet, à en juger par les sympathies toujours plus vives que le régime constitutionnel paraissait avoir développées dans la grande majorité de la nation espagnole, on pouvait s'attendre à une résistance formidable; et de l'autre, pour qui voulait tenir compte de l'opinion publique en France, il était facile de voir qu'une telle guerre n'y serait rien moins que populaire. Qui pouvait même répondre des dispositions de l'armée ? C'était la première épreuve à laquelle le gouvernement des Bourbons allait la soumettre, et il s'agissait de substituer au vou d'un pays le règne de la force étrangère, et à des institutions libres le joug du despotisme. Assurément de telles considérations jointes à la neutralité menaçante de l'Angleterre, étaient de nature à agir puissamment sur l'esprit positif du chef du cabinet. Elles expliquent cette divergence d'opinions qui, pendant quelque temps, tint en suspens le Conseil et, par suite, l'action du Gouvernement.

Ainsi, alors que M. de Montmorency, fidèle aux résolutions concertées à Vérone, demandait le rappel immédiat de notre ambassadeur à Madrid, M. de Villèle, sans être opposé en principe à l'intervention, pensait que le moment n'était pas venu d'agir. Seulement il était d'avis qu'on devait se tenir prêt, et prendre même une attitude menaçante, ne fût-ce que pour l'effet moral; or, à cet égard, l'armée, déjà disposée sur la frontière, lui paraissait être une mesure suffisante, et on sait qu'alors ces troupes n'étaient même encore désignées que sous le nom de cordon sanitaire (1). M. de Villèle, en un mot, confiant dans les événements, semblait en attendre une solution pacifique, et bientôt on put voir par la retraite de M. de Montmorency, puis par les paroles mêmes émanées du trône à l'ouverture de la session de 1822, que ce système avait prévalu. Le Roi, en effet, allait même jusqu'à dire que la malveillance seule pouvait voir dans les dispositions prises les apprêts d'une guerre; mais les dispositions connues de la majorité de la Chambre faisaient douter que le Gouvernement persistât dans ce langage. M. de Montmorency avait d'ailleurs pour successeur aux affaires étrangères, M. de Châteaubriand, qui, comme

(1) La fièvre jaune régnait alors en Espagne.

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lui, avait représenté la France au congrès, et comme lui s'était prononcé pour l'expédition. Alors seulement M. de Villèle fut entraîné, et le discours du Roi, à l'ouverture de la session suivante, annonça la guerre, sans cependant la déclarer encore. « Elle ne sera entreprise, «< disait le Roi, que pour conquérir la paix que << l'état de l'Espagne rendrait impossible; que << Ferdinand VII soit libre de donner à ses peuples les institutions qu'ils ne peuvent tenir que << de lui et qui en assurant leur repos, dissiperaient << les justes inquiétudes de la France: dès ce mo<<ment les hostilités cesseront. » Ainsi on avait cru devoir tempérer l'impopularité de la guerre, en laissant entrevoir qu'elle n'aurait point pour résultat de replacer l'Espagne sous le joug du pouvoir absolu; mais, d'un autre côté, on déclarait par cela même qu'on tenait pour non avenus et la révolution de 1820 et les faits consommés depuis; or c'était proclamer dans toute sa rigueur le dogme bien suranné du droit divin. L'Angleterre se montra même blessée de cette phrase où elle avait pu voir une atteinte portée au principe de sa constitution. Du reste, elle persista toujours dans sa neutralité.

La question de la guerre portée à la Chambre des Députés y souleva de violents débats. Ce ne fut pas saus une grande surprise qu'on y enten

dit ces paroles de M de Villèle, « que la France était dans l'alternative d'attaquer la révolution espagnole aux Pyrénées, ou d'aller la défendre sur les frontières du Nord. » Des menaces ont donc été faites, s'écriait l'opposition, mais alors il n'y a plus à délibérer, nous ne pouvons obéir aux sommations de la Sainte-Alliance : ce langage ainsi interprété prenait en effet dans la bouche du président du Conseil un caractère fort grave. En fait, il paraît aujourd'hui bien constant que rien de pareil n'avait eu lieu de la part des puissances alliées; mais c'est ce qu'on ne voulut pas croire alors malgré toutes les protestations de M. de Villèle et des autres membres du cabinet. (1)

Quoi qu'il en soit, la Chambre se prononça pour la guerre à une forte majorité. Il en fut de même à la Chambre des Pairs, malgré une vive opposition de la part de quelques-uns de ses

(1) M. de Châteaubriand, en rapportant deux ou trois versions données à cette époque des paroles de M. de Villèle, les explique toutes en ce sens : Que nous étions placés de sorte que si nous n'allions pas étouffer la révolution en Espagne, cette révolution arriverait en France; qu'alors les puissances effrayées prendraient les armes, et que nous, France, nous serions obligés d'aller combattre sur nos frontières du Nord. » (Congrès de Vérone, tom. 1er, page 297.)

membres les plus distingués; de ce nombre étaient particulièrement MM. de Talleyrand et Molé.

C'est à cette mémorable discussion que se rattache le fait inouï de l'expulsion d'un Député; n'omettons pas ce triste épisode des législatures de la Restauration. Membre de l'opposition de gauche la plus avancée, et l'un des premiers orateurs de la Chambre, Manuel, par la franchise de ses opinions, soutenue d'une grande fermeté de caractère, s'était particulièrement attiré les antipathies du côté droit. Ajoutons même, pour être juste, que dans le feu de l'improvisation, il se laissait aller parfois à des sorties au moins impolitiques qui servaient peu son parti. C'est ainsi qu'en parlant un jour des répugnances de la France pour les Bourbons, le Député des Cent-Jours n'avait pas assez dissimulé les siennes. Cette fois, au sujet de la situation périlleuse où la guerre pourrait placer le roi Ferdinand, il s'exprimait ainsi : « Ai-je besoin de dire que le moment où les dangers de la famille royale sont devenus plus graves, c'est lorsque la France... la France révolutionnaire a senti qu'elle avait besoin de se défendre par une forme nouvelle et par une énergie toute nouvelle. » A peine l'orateur a-t-il prononcé ces derniers mots, qu'il est interrompu par un tumulte effroyable parti

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