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raissaient soumis. Charlemagne croyait tout fini, et baptisait les Saxons par milliers à Paderborn, lorsque le chef westphalien Witikind revient avec ses guerriers réfugiés dans le nord, avec ceux même du nord, qui pour la première fois apparaissent en face des Francs.

C'était précisément l'année 778 où les armes de Charlemagne recevaient un échec mémorable à Roncevaux dans les Pyrénées. L'affaiblissement des Sarrasins, l'amitié des petits rois chrétiens, les prières des émirs révoltés du nord de l'Espagne, avaient favorisé les progrès des Francs; ils avaient poussé jusqu'à l'Ebre, et appelaient leurs campemens en Espagne une nouvelle province, sous les noms de marche de Gascogne et marche de Gothie. Au retour, les Francs, attaqués dans les Pyrénées par les montagnards, perdirent beaucoup de monde dans ces passages difficiles. La défaite de Roncevaux ne fut, assure-t-on, qu'une affaire d'arrière-garde. Cependant Eginhard avoue que les Francs y perdirent beaucoup de monde, entre autres plusieurs de leurs chefs les plus distingués, et le fameux Roland.

L'année suivante [779] fut plus glorieuse pour le roi des Francs; il entra chez les Saxóns encore soulevés, les trouva réunis à Buckholz, et les y défit. Parvenu ainsi sur l'Elbe, limite des Saxons et des Slaves, ils s'occupa d'établir l'ordre dans le pays qu'il croyait avoir conquis; il reçut de nouveau les sermens des Saxons à Ohrheim, les baptisa par milliers, et chargea l'abbé de Fulde d'établir un système régulier de conversion, de conquête religieuse. Une armée de prêtres vint après l'armée des soldats. Tout le pays, disent les chroniques, fut partagé entre les abbés et les évêques. Huit grands et puissans évèchés furent successivement créés: Minden et Halberstadt, Verdun, Brême, Munster, Hildesheim, Osnabruck et Paderborn [780-802], fondations à la fois ecclésiastiques et militaires, où les chefs les plus dociles prendraient le titre de comtes, pour exécuter contre leurs frères les ordres des évêques. Des tribunaux élevés par toute la contrée durent poursuivre les relaps, et leur faire comprendre à leurs dépens la gravité de

ces vœux qu'ils faisaient et violaient si souvent. C'est à ces tribunaux que l'on fait remonter l'origine des fameuses cours Weimiques, qui véritablement ne se constituèrent qu'entre le treizième et le quinzième siècles.

Cependant Witikind descend encore une fois du nord pour tout renverser. Une foule de Saxons se joint à lui. Cette bande intrépide défait les lieutenans de Charlemagne près de Sonnethal, et quand la lourde armée des Francs vient au secours, ils ont disparu. Il en restait pourtant; quatre mille cinq cents d'entre eux, qui peut-être avaient en Saxe une famille à nourrir, ne purent suivre Witikind dans sa retraite rapide. Charlemagne brûla, ravagea jusqu'à ce qu'ils lui fussent livrés. Les quatre mille cinq cents furent décapités en un jour à Werden [782]. Ceux qui essayèrent de les venger, furent eux-mêmes défaits, massacrés à Dethmold et près d'Osnabruck. La Saxe resta tranquille pendant huit ans Witikind lui-même s'était rendu.

A cette époque, les princes tributaires se liguèrent contre les Francs. Les Bavarois et les Lombards étaient deux peuples frères. Les premiers avaient long-temps donné des rois aux seconds. Tassillon, duc de Bavière, avait épousé une fille de Didier, une sœur de celle que Charlemagne épousa et qu'il renvoya outrageusement à son père. Tassillon se trouvait ainsi beau-frère du duc Lombard de Bénévent. Celuici s'entendait avec les Grecs, maîtres de la mer; Tassillon appelait les Slaves et les Avares. Les mouvemens des Bretons et des. Sarrasins les encourageaient. Mais les Francs cernerent Tassillon avec trois armées; vaincu sans combat, il fut accusé de trahison dans l'assemblée de Ingelheim, comme un criminel ordinaire, convaincu, condamné à mort, puis rasé et enfermé au monastère de Jumièges. La Bavière périt comme nation [788]. Le royaume des Lombards avait péri aussi; il en restait dans les montagnes du midi le duché de Bénévént, que Charlemagne ne put jamais forcer, mais qu'il affaiblit et troubla, en opposant un concurrent au fils de Didier que les Grecs ramenaient.

Charlemagne eut bientôt à soutenir une nouvelle guerre

en Allemagne.: parvenu sur l'Elbe, il vainquit les Slaves et leur imposa un tribut. Mais entre les Slaves de la Baltique et ceux de l'Adriatique, derrière la Bavière devenue simple province, Charlemagne rencontrait les Avares, cavaliers infatigables, retranchés dans les marais de la Hongrie, et qui de là fondaient à leur choix sur les Slaves ou sur l'Empire grec. Leur camp, ou ring, était un prodigieux village de bois qui couvrait toute une province, fermé de haies, d'arbres entrelacés; là se trouvaient entassées les rapines de plusieurs siècles. Ces barbares, devenus voisins des Francs, les auraient rançonnés comme les Grecs. Charlemagne les attaqua avec trois armées [791], et s'avança jusqu'au Raab, brûlant le peu d'habitations qu'il pouvait trouver. Cependant la cavalerie s'usait dans ces déserts contre un insaisissable ennemi, qu'on ne savait où rencontrer. Mais ce qu'on rencontrait partout, c'étaient les plaines humides, les marais, les fleuves débordés. L'armée des Francs y laissa tous ses chevaux.

Ces armées que Charlemagne envoyait périr au loin, c'était surtout chez les vaincus qu'elles se recrutaient, dans la Frise et la Saxe. Les Saxons aimèrent mieux périr chez eux. Ils massacrèrent les lieutenans de Charlemagne, brûlèrent les églises, chassèrent ou égorgèrent les prêtres, et retournèrent avec passion au culte de leurs anciens dieux. Ils firent cause commune avec les Avares, au lieu de fournir une armée contre eux. La même année, l'armée du calife Hixêm, trouvant l'Aquitaine dégarnie de troupes, passa l'Ebre, franchit les Marches et les Pyrénées, brûla les faubourgs de Narbonne, et défit avec un grand carnage les troupes qu'avait rassemblées Guillaume au Court-Nez, comte de Toulouse et régent d'Aquitaine.

Malgré tous ces revers, Charlemagne reprit bientôt l'ascendant sur des ennemis dispersés. Il entreprit de dépeupler la Saxe puisqu'il ne pouvait la dompter; il s'établit avec une armée sur le Weser, et de là, étendant de tous côtés ses incursions, il se faisait livrer dans plus d'un canton jusqu'au tiers des habitans. Ces troupeaux de captifs étaient ensuite chassés vers le midi, vers l'ouest, établis sur de nouvelles

terres, au milieu de populations toutes chrétiennes et de langue différente. En même temps un fils de Charlemagne, profitant d'une guerre civile des Avares, entrait chez eux par le midi avec une armée de Bavarois et de Lombards; il passa le Danube, la Theiss, et mit enfin la main sur ce précieux ring où dormaient tant de richesses. Le butin fut tel, dit l'annaliste, qu'il semble que les Français étaient pauvres en comparaison de ce qu'ils furent dès lors [796].

Pour cette fois, Charlemagne commença à espérer un peu de repos. A en juger par l'étendue de sa domination, sinon par ses forces réelles, il se trouvait alors le plus grand souverain du monde. Pourquoi n'aurait-il pas accompli ce que Théodoric n'avait pu faire, la résurrection de l'empire romain? Telle devait être la pensée de tous ces conseillers ecclésiastiques dont il était environné. L'an 800, Charlemagne se rend à Rome sous prétexte de rétablir le pape qui en avait été chassé. Aux fêtes de Noël, pendant qu'il est absorbé dans la prière, le pape lui met sur la tête la couronne impériale, et le proclame Auguste. L'empereur s'étonne et s'afflige humblement; hypocrisie qu'il démentit en adoptant les titres et le cérémonial de la cour de Byzance. Pour rétablir l'Empire, il ne fallait plus qu'une chose, marier le vieux Charlemagne à la vieille Irène, qui régnait à Constantinople après avoir fait tuer son fils. C'était la pensée du pape, mais non celle d'Irène, qui se garda bien de se donner un maître.

Une foule de petits rois ornaient la cour du roi des Francs, et l'aidaient à donner cette faible et pâle représentatron de l'Empire. Le roi de Galice et les Edrissites de Fez lui envoyèrent des ambassadeurs. Haroun-al-Raschid, calife de Bagdad, crut devoir entretenir quelques relations avec l'ennemi de son ennemi, le calife schismatique d'Espagne. Il fit, dit-on, offrir à Charlemagne, entre autres présens, les clés du Saint-Sépulcre.

C'est dans son palais d'Aix qu'il fallait voir Charlemagne. Il avait dépouillé Ravenne de ses marbres les plus précieux pour orner sa Rome barbare. Actif dans son repos même, il y étudiait sous Pierre de Pise, sous le saxon Alcuin, la gram

maire, la rhétorique, l'astronomie; il apprenait à écrire, chose fort rare alors; il se piquait de bien chanter au lutrin, et remarquait impitoyablement les clercs qui s'acquittaient mal de cet office. La gloire littéraire et religieuse de son règne tient surtout à trois étrangers. Le saxon Alcuin et l'écossais Clément fondèrent l'école palatine, modèle de toutes les autres qui s'élevèrent ensuite. Le goth Benoît d'Aniane, fils du comte de Maguelone, réforma les monastères, et y · établit uniformément la règle bénédictine.

Charlemagne ne donna point, à proprement parler, une législation nouvelle. Mais il fit de louables efforts pour organiser une administration régulière. Quatre fois par an, ses missi ou inspecteurs parcouraient les provinces, recueillaient les plaintes, et l'informaient des abus. Ses capitulaires, délibérées dans les assemblées nationales, sont en général des lois administratives, des ordonnances civiles et ecclésiastiques. La place énorme qu'y occupe la législation canonique, révèle partout l'influence du clergé. - Charlemagne fit écrire, en son nom, une longue lettre à l'hérétique Félix d'Urgel, qui soutenait, avec l'église d'Espagne,.que Jésus, comme homme, était simplement fils adoptif de Dieu. En son nom parurent les livres Carolins contre l'adoration des images. Le pape, qui partageait l'opinion du conseil de Nicée, n'osa cependant s'expliquer contre Charlemagne. [Concile de Francfort, 794.]

Malgré tout cet éclat du règne de Charlemagne, l'empire des Francs semblait atteint d'une caducité précoce. En Italie, ils avaient échoué contre Bénévent, contre Venise; en Germanie, ils avaient reculé de l'Oder à l'Elbe, et partagé avec les Slaves. Tout à coup apparut avec les flottes danoises cette mobile et fantastique image du monde du Nord qu'on avait trop oublié. Un jour que Charlemagne était arrêté dans une ville de la Gaule narbonnaise, des barques scandinaves vinrent pirater jusque dans le port. Les uns croyaient que c'étaient des marchands juifs, africains, d'autres disaient bretons; mais Charles les reconnut à la légèreté de leurs bâtimens. « Ce ne sont pas là des marchands, dit-il; ce sont de cruels ennemis. » Poursuivis, ils s'évanouirent. Mais l'empereur

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