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JOURNÉE DU 18 FRUCTIDOR (1).

Du Directoire exécutif. - Esprit public. - Affaires religieuses. Nouveau système des poids et mesures. - Factions qui divisent la République. Conjuration contre la République, à la tête de laquelle se trouve PicheNapoléon déjoue cette conjuration. 18 fructidor. -Loi du 19

gru. fructidor.

§ Ier.

L'opinion publique fut d'abord séduite par les avantages qui paraissaient attachés à la forme du gouvernement prescrite par la constitution de 1795. Un conseil de cinq magistrats, ayant des ministres responsables pour l'exécution de ses ordres, aurait tout le loisir de mûrir les affaires; le même esprit, les mêmes principes se transmettraient d'âge en âge sans interruption; plus de régence, plus de minorité à craindre. Mais ces illusions se dissipèrent bientôt. On éprouva à la fois tous les inconvénients, résultats inévitables de l'amalgame de cinq intérêts, de cinq passions, de cinq caractères divers : on sentit toute la différence qui existe entre un individu créé par la nature et un être factice qui n'a ni cœur ni âme, et n'inspire ni confiance, ni amour, ni illusion.

Les cinq directeurs se partagèrent le palais du Luxembourg et s'y établirent avec leurs familles, qu'ils mirent en évidence; cela forma cinq petites cours bourgeoises, placées à côté l'une de l'autre et agitées par les passions des femmes, des enfants et des valets; la suprême magistrature fut avilie; les hommes de 93, les classes élevées de la société furent également choqués. L'esprit de la constitution était violé. Un directeur n'était ni un ministre, ni un préfet, ni un général ; il n'était qu'un cinquième d'un tout. Il ne devait paraître en évidence qu'en conseil. Sa

(4) Extrait des Mémoires de l'Empereur.

T. III.

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femme, ses enfants, ses domestiques auraient dû ignorer qu'il était membre du gouvernement; le directeur devait rester simple citoyen. Mais le Directoire devait être environné des respects de l'étiquette et de la splendeur qui appartiennent à la magistrature suprême d'une grande nation. Cette splendeur devait être celle de la puissance et non celle de la cour. Le directeur sortant de fonction n'eût trouvé alors aucun changement dans son intérieur; il n'eût éprouvé aucune privation. C'est dans cet esprit que la constitution lui avait alloué seulement la somme modique de cent mille francs d'appointements, et que les frais de représentation du Directoire étaient compris au budget pour cinq millions sous le titre de Frais de maison. Alors un traitement de cent mille francs était suffisant: mais il aurait dû être assuré pour la vie, ce qui aurait permis d'imposer au directeur sortant de charge l'obligation de ne plus occuper aucune fonction, et eût assuré son indépendance.

$ II.

La République était divisée. Un parti avait confiance dans la constitution de 1795; un autre aurait voulu un président à la tête du gouvernement; un troisième regrettait la constitution de 1793. Enfin les émigrés, les restes des privilégiés appelaient de leurs vœux la contre-révolution; mais ce dernier parti ne se composait que d'individus; les émigrés mouraient de misère chez l'étranger; les trois premiers partis comprenaient toute la population de France. Beaucoup de gens eussent voulu que le Directoire fût composé de magistrats n'ayant pas pris part aux affaires depuis le 10 août.

Les cinq directeurs avaient voté la mort du roi : on s'attendait qu'ils emploieraient tous ceux de leurs collègues à la Convention qui n'avaient pas été réélus aux conseils; il en fut autrement. Le nom de conventionnel fut d'abord une cause de défaveur et peu après un titre de proscription. Ils furent, par mesure de haute police, chassés de Paris et contraints de se retirer dans le lieu de leur domicile. Les hommes de 93 s'étaient d'abord montrés disposés à s'attacher au char d'un gouvernement

composé d'hommes qui tous avaient été chauds jacobins ; mais sa marche leur déplut; ils n'y trouvèrent pas cette simplicité de manières qui flattait leurs passions; ils s'effarouchèrent de cette apparence de cour accoutumés à ne rien ménager, à ne connaître aucune nuance, ils se livrèrent à toute espèce de sarcasmes. Le Directoire en fut exaspéré, et sévit contre eux. Poussés à bout, ils conjurèrent pour s'affranchir du joug des cinq sires du Luxembourg. Ils se ressouvinrent alors que Rewbell avait fermé les jacobins; que Barras avait marché contre eux au 9 thermidor; que La Réveillère-Lepeaux était des soixante-treize : Carnot seul, à leurs yeux, était sans reproche.

Le parti qui désirait le gouvernement d'un président se serait sincèrement attaché au Directoire s'il lui eût montré de la confiance; mais, loin de là, on le signala tout d'abord comme ennemi: ce parti s'aliéna, et s'il ne devint pas l'ennemi de la Répu blique, il le devint de l'administration.

Le Directoire s'attacha à se faire des partisans dans les classes privilégiées; il n'y réussit pas. Elles ne montrèrent aucune considération pour des hommes sans naissance et n'ayant personnellement aucun genre d'illustration.

Les armées se rallièrent à un gouvernement fondé sur les principes pour lesquels elles combattaient depuis cinq ans et qui leur assurait plus de stabilité et de considération.

Ainsi les deux partis extrêmes se formèrent de nouveau : les hommes de 93 parce qu'on les persécuta, les classes privilégiées parce qu'on les caressa.

Peu après le Directoire adopta la politique funeste connue sous le nom de bascule. Elle était fondée sur le principe de comprimer également les deux partis, de sorte que lorsque l'un des deux s'était compromis et avait attiré sa sévérité, dans le même moment, et par le même acte, il frappait le parti opposé, quand bien même, dans cette circonstance, il aurait secondé ses intentions. Le sentiment de l'injustice, de la fausseté, de l'immoralité de ce système porta au plus haut degré l'exaspération et le dégoût dans tous les esprits. Les partis s'accrurent et s'aigrirent chaque jour davantage; il s'opéra même entre eux une espèce de rapprochement. L'éclat que les victoires d'Italie ré

pandaient sur le Directoire ne pouvait effacer l'ingénérosité de son administration; son sceptre était de plomb!!!

S III.

Les lois avaient proclamé la liberté des consciences; elles protégeaient également l'exercice de tous les cultes; mais, sous le gouvernement révolutionnaire, les prêtres de toutes les religions avaient été incarcérés, chassés du territoire et enfin déportés. Après le 9 thermidor cet état de choses s'était adouci. Depuis, le directeur La Réveillère-Lepeaux se fit le chef des théophilanthropes: il leur donna des temples; la persécution contre les prêtres catholiques se renouvela, et, sous divers prétextes, on les gêna dans l'exercice de leur religion. Grand nombre de bons citoyens se trouvèrent de nouveau inquiétés et froissés dans ce que l'homme a de plus sacré.

Le calendrier républicain avait divisé l'année en douze mois égaux de trente jours et chaque mois en trois décades : il n'y avait plus de dimanche; le décadi était marqué pour le jour de repos. Le Directoire alla au delà et défendit sous des peines correctionnelles que l'on travaillât le décadi et que l'on se reposàt le dimanche : il employa les officiers de paix, les gendarmes, les commissaires de police à faire exécuter ces absurdes règlements. Le peuple fut gêné et exposé à des condamnations, à des vexations pour des faits étrangers à l'ordre et à l'intérêt général. La clameur publique invoqua inutilement les droits de l'homme, les dispositions des constitutions, les lois qui garantissaient la liberté des consciences et le droit de faire tout ce qui ne nuit ni à l'État ni à autrui. On se formerait difficilement une idée de l'aversion que cette conduite inspira contre l'administration qui tyrannisait ainsi les citoyens dans tous les détails de la vie, au nom de la liberté et des droits de l'homme.

S IV.

Le besoin de l'uniformité des poids et mesures a été senti dans tous les siècles; plusieurs fois les états généraux l'ont signalé. On attendait ce bienfait de la Révolution. La loi sur cette

matière était si simple qu'elle pouvait être rédigée dans vingtquatre heures, adoptée et pratiquée dans toute la France en moins d'une année. Il fallait rendre commune à toutes les provinces l'unité des poids et mesures de la ville de Paris. Le gouvernement, les artistes s'en servaient depuis plusieurs siècles. En envoyant des étalons dans toutes les communes, contraignant l'administration et les tribunaux à n'en point admettre d'autres, le bienfait eût été opéré sans efforts, sans gêne et sans lois coercitives. Les géomètres, les algébristes furent consultés dans une question qui n'était que du ressort de l'administration. Ils pensèrent que l'unité des poids et mesures devait être déduite d'un ordre naturel, afin qu'elle fût adoptée par toutes les nations. Ils crurent qu'il n'était pas suffisant de faire le bien de quarante millions d'hommes; ils voulurent y faire participer l'univers. Ils trouvèrent que le mètre était une partie aliquote du méridien; ils en firent la démonstration et le proclamèrent dans une assemblée composée de géomètres français, italiens, espagnols et hollandais. Dès ce moment on décréta une nouvelle unité des poids et mesures qui ne cadra ni avec les règlements de l'administration publique, ni avec les tables de dimension de tous les arts, ni avec celle d'aucune des machines existantes. Il n'y avait pas d'avantage à ce que ce système s'étendît à tout l'univers. Cela était d'ailleurs impossible : l'esprit national des Anglais et des Allemands s'y fût opposé. Si Grégoire VII en réformant le calendrier l'a rendu commun à toute l'Europe, c'est que cette réforme tenait à des idées religieuses, qu'elle n'a point été faite par une nation, mais par la puissance de l'Église. Cependant on sacrifiait à des abstractions et à de vaines espérances le bien des générations présentes; car pour faire adopter à une nation vieille une nouvelle unité de poids et de mesures, il faut refaire tous les règlements d'administration publique, tous les calculs des arts; c'est un travail qui effraye la raison. La nouvelle unité des poids et mesures, quelle qu'elle soit, a une échelle ascendante et descendante qui ne cadre plus en nombres simples avec l'échelle d'unité des poids et mesures qui sert, depuis des siècles, au gouvernement, aux savants et aux artistes. La traduction ne se peut faire de l'une à l'autre nomenclature, parce que ce qui est exprimé

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