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maire, la rhétorique, l'astronomie; il apprenait à écrire, chose fort rare alors; il se piquait de bien chanter au lutrin, et remarquait impitoyablement les clercs qui s'acquittaient mal de cet office. La gloire littéraire et religieuse de son règne tient surtout à trois étrangers. Le saxon Alcuin et l'écossais Clément fondèrent l'école palatine, modèle de toutes les autres qui s'élevèrent ensuite. Le goth Benoît d'Aniane, fils du comte de Maguelone, réforma les monastères, et y établit uniformément la règle bénédictine.

Charlemagne ne donna point, à proprement parler, une législation nouvelle. Mais il fit de louables efforts pour organiser une administration régulière. Quatre fois par an, ses missi ou inspecteurs parcouraient les provinces, recueillaient les plaintes, et l'informaient des abus. Ses capitulaires, délibérées dans les assemblées nationales, sont en général des lois administratives, des ordonnances civiles et ecclésiastiques. La place énorme qu'y occupe la législation canonique, révèle partout l'influence du clergé. — Charlemagne fit écrire, en son nom, une longue lettre à l'hérétique Félix d'Urgel, qui soutenait, avec l'église d'Espagne, que Jésus, comme homme, était simplement fils adoptif de Dieu. En son nom parurent les livres Carolins contre l'adoration des images. Le pape, qui partageait l'opinion du conseil de Nicée, n'osa cependant s'expliquer contre Charlemagne. [Concile de Francfort, 794.]

Malgré tout cet éclat du règne de Charlemagne, l'empire des Francs semblait atteint d'une caducité précoce. En Italie, ils avaient échoué contre Bénévent, contre Venise; en Germanie, ils avaient reculé de l'Oder à l'Elbe, et partagé avec les Slaves. Tout à coup apparut avec les flottes danoises cette mobile et fantastique image du monde du Nord qu'on avait trop oublié. Un jour que Charlemagne était arrêté dans une ville de la Gaule narbonnaise, des barques scandinaves vinrent pirater jusque dans le port. Les uns croyaient que c'étaient des marchands juifs, africains, d'autres disaient bretons; mais Charles les reconnut à la légèreté de leurs bâtimens. « Ce ne sont pas là des marchands, dit-il; ce sont de cruels ennemis. » Poursuivis, ils s'évanouirent. Mais l'empereur

s'étant levé de table, se mit, dit le chroniqueur, à la fenêtre qui regardait l'Orient, et demeura très-long-temps le visage inondé de larmes. Comme personne n'osait l'interroger, il dit aux grands qui l'entouraient : «< Savez-vous, mes fidèles, pourquoi je pleure amèrement? Certes, je ne crains pas qu'ils me nuisent par ces misérables pirateries; mais je m'afflige profondément de ce que, moi vivant, ils ont été près de toucher ce rivage, et je suis tourmenté d'une violente douleur, quand je prévois tout ce qu'ils feront de maux à mes neveux et à leurs peuples.

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CHAPITRE VI.

Décadence des Carlovingiens, 844-987.

LOUIS-LE-DÉBONNAIRE fut sous plusieurs rapports le saint Louis du neuvième siècle. Les prêtres qui l'avaient formé firent plus qu'ils ne voulaient; leur élève se trouva plus prêtre qu'eux, et dans son intraitable vertu, il commença par réformer ses maîtres. Réforme des évêques : il leur fallut, dit l'historien, quitter leurs armes, leurs chevaux, leurs éperons. Réforme des monastères : Louis les soumit à l'inquisition du plus sévère des moines, saint Benoît d'Aniane, qui trouvait que la règle bénédictine elle-même avait été donnée pour les faibles et pour les enfans. Le nouveau roi renvoya dans leur couvent Adalhard et Wala, deux moines intrigans et habiles, petits-fils de Charles-Martel, qui dans les dernières années avaient gouverné Charlemagne. Le palais impérial eut aussi sa réforme : Louis chassa les concubines de son père et les amans de ses sœurs, et ses sœurs elles-mêmes.

Les peuples opprimés par Charlemagne trouvèrent en son fils un juge intègre prêt à décider contre lui-même. Roi d'Aquitaine, il avait accueilli les réclamations des Aquitains, et s'était réduit à une telle pauvreté, dit l'historien, qu'il ne pouvait plus rien donner, à peine sa bénédiction. Empereur, il écouta les plaintes des Saxons, et leur rendit le droit de succéder; ôtant ainsi aux évêques, aux gouverneurs du pays, la puissance tyrannique de faire passer les héritages à qui ils voulaient. Les chrétiens d'Espagne, réfugiés dans les Marches, étaient dépouillés par les grands et les lieutenans impériaux des terres que Charlemagne leur avait attribuées : Louis

rendit un édit qui confirmait leurs droits. Il respecta le principe des élections épiscopales, constamment violé par son père, il laissa les Romains élire, sans son autorisation, les papes Etienne IV et Pascal Ier.

Charlemagne avait fait roi d'Italie Bernard, le fils de son aîné Pépin. Bernard, élève d'Adalhard et Wala, long-temps gouverné par eux dans sa royauté d'Italie, croyait avoir droit au trône, comme fils de l'aîné. Louis avait cependant pour lui l'usage, la volonté de Charlemagne, enfin une sorte d'élection. Son père avait sollicité et obtenu pour lui les suffrages des grands de l'Empire. Bernard, abandonné d'une grande partie des siens, se confia aux promesses de l'impératrice Hermengarde, qui lui offrait sa médiation. Il se livra luimême à Châlons-sur-Saône, et dénonça tous ses complices, un desquels avait jadis conspiré la mort de Charlemagne. Tous furent condamnés à mort. L'empereur ne pouvait consentir à l'exécution. Hermengarde obtint du moins qu'on privât Bernard de la vue; mais elle s'y prit de façon qu'il en mourut au bout de trois jours [820].

L'Italie ne remua pas seule; toutes les nations tributaires avaient pris les armes; les Slaves, les Basques, les Bretons. La Bretagne fut envahie; les Basques battus avec les Sarrasins. Dans le Nord, l'archevêché d'Hambourg fut fondé; la Suède eut un évêque dépendant de l'archevêque de Reims.

La femme de Louis étant morte, il fit, dit-on, paraître devant lui les filles des grands de ses états et choisit la plus belle. Judith, fille du comte Welf, unissait en elle le sang des nations les plus odieuses aux Francs; sa mère était dè Saxe, son père, Welf, de Bavière, de ce peuple allié des Lombards, et par qui les Slaves et les Avares furent appelés dans l'Empire. Savante, dit l'histoire, et plus qu'il n'eût fallu, elle livra son mari à l'influence des hommes élégans et polis du midi. Louis était déjà favorable aux Aquitains, chez qui il avait été élevé. Bernard, fils de son ancien tuteur saint Guillaume de Toulouse, devint son favori, et encore plus celui de l'impératrice.

Cependant il commençait à se repentir de sa sévérité à

l'égard de Bernard, à l'égard des moines Wala et Adalhard qu'il s'était pourtant contenté de renvoyer aux devoirs de leur ordre. Il lui fallut soulager son cœur. Il demanda, il obtint d'être soumis à une pénitence publique. C'était la première fois depuis Théodose qu'on voyait ce grand spectacle de l'humiliation volontaire d'un homme tout puissant. Mais l'orgueil brutal des hommes de ce temps rougit pour la royauté de l'humble aveu qu'elle faisait de sa faiblesse. Il leur sembla que celui qui avait baissé le front devant le prêtre ne pouvait plus commander aux guerriers. L'empire en parut, lui aussi, dégradé, désarmé. Les premiers malheurs qui commencèrent une dissolution inévitable furent imputés à la faiblesse d'un roi pénitent. Les grands, les évêques accusaient l'empereur, ils accusaient l'aquitain Bernard; le pouvoir central les gênait; ils étaient impatiens de l'unité de l'Empire; ils voulaient régner chacun chez soi.

Mais il fallait des chefs contre l'empereur; ce furent ses propres fils. Dès le commencement de son règne, il leur avait donné, avec le titre de rois, deux frontières à gouverner et à défendre à Louis la Bavière, à Pépin l'Aquitaine, les deux barrières de l'Empire. L'aîné, Lothaire, devait être empereur, avec la royauté d'Italie. Quand Louis eut un fils de Judith, il donna à cet enfant, nommé Charles, le titre de roi d'Alamanie (Souabe et Suisse). Les princes se voyant trompés dans leurs espérances, prêtèrent leur nom à la conjuration des grands; ceux-ci refusèrent de faire marcher leurs hommes contre les Bretons dont Louis voulait réprimer les ravages. Le fils aîné de Louis, Lothaire, se crut déjà empeil chassa Bernard, enferma Judith, jeta son père dans un monastère.

reur;

Toutefois, ni les grands ni les frères de Lothaire n'étaient disposés à se soumettre à lui. Empereur pour empereur, ils aimaient mieux le Débonnaire. Une diète fut assemblée à Nimègue au milieu des peuples qui le soutenaient [832]. Toute la Germanie y accourut pour porter secours à l'empereur. Mais l'aquitain Bernard rallume la guerre dans le midi. Les trois frères s'entendent de nouveau. Lothaire amène avec

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