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à Clotaire avant la bataille; les autres se firent battre, et furent mollement poursuivis par Clotaire. Ils étaient gagnés d'avance. Le maire Warnachaire avait stipulé qu'il conserverait la mairie pendant sa vie. La vieille Brunehaut, fille, sœur, mère, aïeule de tant de rois, fut traitée avec une atroce barbarie; on la lia par les cheveux, par un pied et par un bras, à la queue d'un cheval indompté qui la mit en pièces. On lui reprocha la mort de dix rois; on lui compta par dessus ses crimes, ceux de Frédégonde. Le plus grand sans doute aux yeux des Barbares, c'était d'avoir restauré sous quelque rapport l'administration impériale. La fiscalité les formes juridiques, la prééminence de l'astuce sur la force, voilà ce qui rendait le monde irréconciliable à l'idée de l'ancien Empire que les rois goths avaient essayé de relever. Leur fille Brunehaut avait suivi leurs traces. Elle avait fondé une foule d'églises, de monastères; les monastères alors étaient des écoles. Elle avait favorisé les missions que le pape envoyait chez les Anglo-Saxons de la Grande-Bretagne. L'emploi de cet argent, arraché au peuple par tant d'odieux moyens, ne fut pas sans gloire et sans grandeur. Telle fut l'impression du long règne de Brunehaut que celle de l'Empire semble en avoir été affaiblie dans le nord des Gaules; le peuple fit honneur à la fameuse reine d'Ostrasie d'une foule de monumens romains.

La victoire de la Neustrie fut celle de la faiblesse sur la force, celle des Gaulois-Romains et des prêtres. L'année même qui suit, les évêques commencent à siéger dans l'assemblée des Leude.. Ils y viennent de toute la Gaule au nombre de soixante-dix-neuf. C'est l'intronisation de l'église. Les deux aristocraties, laïque et ecclésiastique, dressent une constitution perpétuelle. Plusieurs articles d'une remarquable libéralité indiquent la main ecclésiastique : défense aux juges de condamner, sans l'entendre, un homme libre, ou même un esclave. Quiconque viole la paix publique, doit être puni de mort. L'élection des évêques est assurée au peuple. Les évêques sont les seuls juges des ecclésiastiques. - Les tributs établis depuis Chilpéric et ses frères sont abolis. Ainsi

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commence avec Clotaire II cette domination de l'église qui ne fit que se consolider sous les Carlovingiens, et qui n'eut d'autre entre acte que la tyrannie de Charles Martel.

Nous savons peu de chose de Clotaire II, davantage de Dagobert. Entouré de ministres romains, de l'orfèvre saint Éloi et du référendaire saint Ouen, il s'occupe de fonder des couvens, fait. fabriquer des ornemens d'église. Ses scribes écrivent pour la première fois les lois barbares. C'est le Salomon des Francs.

[628-658.] Sous son règne se révèle pourtant la faiblesse de la Neustrie. Dès le vivant de .Clotaire, l'Ostrasie a repris les provinces qui lui avaient été enlevées; elle a exigé un roi particulier. Déjà Clotaire II a remis le tribut aux Lombards pour une somme une fois payée. Les Saxons, défaits, dit-on, par les Francs, se dispensent néanmoins de livrer à Dagobert les cinq cents vaches qu'ils donnaient jusque-là tous les ans. Les Vendes, affranchis des Avares par le Franc Samo, marchand guerrier qu'ils prirent pour chef, repoussent le joug de Dagobert, et défont les Francs, les Bavarois et les Lombards unis contre eux. Les Avares, fugitifs eux-mêmes, s'établissent de force en Bavière, et Dagobert ne s'en défait que par une perfidie. Quant à la soumission des Bretons et des Gascons, elle semble volontaire : ils rendent hommage moins aux guerriers qu'aux prêtres, et le duc des Bretons, saint Judicaël, refuse de manger à la table du roi pour prendre place à celle de saint Ouen.

La dissolution définitive semble commencer avec la mort de Dagobert. Les grands entreprirent, inutilement d'abord, il est vrai, de renverser la dynastie mérovingienne. Celle des Carlovingiens apparaît déjà dans l'histoire. Pépin est maire d'Ostrasie, puis son fils Grimoald, et celui-ci, à la mort de Sigebert, essaie en vain de faire roi un de ses propres enfans.

Les trois royaumes furent réunis encore sous Clovis II [650], ou plutôt sous Erchinoald, maire du palais de Neustrie. Pendant la minorité des trois fils de Clovis, le même Erchinoald, puis le fameux Ebroin, remplirent la même charge, s'appuyant du nom et de la sainteté de Bathilde,

veuve du dernier roi. C'était une esclave saxonne que Clovis avait fait reine. On s'est souvent demandé quelle était précisément cette charge des maires du palais, et plusieurs en ont fait un magistrat populaire, institué pour la protection des hommes libres. Nul doute que le maire n'ait fini par être élu, et même de bonne heure, aux époques de minorité ou d'affaiblissement du pouvoir royal. Mais aussi nul doute qu'il n'ait été primitivement choisi par le roi, au moins jusqu'à Dagobert. Le plus grand du palais (major), devint le premier des Leudes, leur chef dans la guerre, leur juge dans la paix. Or, à une époque où les hommes libres avaient intérêt à être sous la protection royale, in truste regiâ, à devenir antrustions et leudes, le juge des leudes dut peu à peu se trouver le juge du peuple.

Le maire Ebroin [660-680] voulut raffermir la royauté, quand les grands se fortifiaient de toutes parts. L'Ostrasie lui échappa d'abord; elle exigea un roi, un maire, un gouvernement particulier. Puis les grands d'Ostrasie et de Bourgogne, entre autres saint Léger, évêque d'Autun, neveu de l'évêque de Poitiers (tous deux étaient amis des Pépins), marchent contre Ébroin au nom du jeune Childéric II, roi d'Ostrasie. Ébroin, abandonné des grands Neustriens, est enfermé au monastère de Luxeuil. Saint Léger, qui avait contribué à la révolution, n'en profita guère. Childéric le fit enfermer avec Ébroin. Cependant Childéric rompit bientôt avec les grands. Dans un accès de fureur, il fit battre de verges un d'entre eux nommé Bodilo. Ce châtiment servile les irrita tous. Childéric II fut assassiné dans la forêt de Chelles; les assassins n'épargnèrent pas même sa femme enceinte et son fils enfant. - Ébroin et saint Léger sortirent de Luxeuil, réconciliés en apparence, mais ils se séparèrent bientôt. Les hommes libres d'Ostrasie avaient mis sur le trône un fils de Dagobert Ier; ils ramenèrent Ébroin triomphant en Neustrie: il fit tuer saint Léger comme complice du meurtre de Childéric II. Par représailles les deux Pépin et Martin, petits-fils d'Arnulf, évêque de Metz, et neveux de Grimoald, firent condamner par un conseil et poignarder Dagobert II, le roi des hommes libres,

Cet

c'est-à-dire du parti allié d'Ébroin. Ébroin vengea Dagobert comme il avait vengé Childéric II. Il attira Martin à une conférence et l'y fit assassiner. Lui-même fut tué peu après par un noble Franc qu'il avait menacé de la mort. homme remarquable avait, comme Frédégonde, défendu avec succès la France de l'ouest, et retardé vingt années le triomphe des grands Ostrasiens. Sa mort leur livra la Neustrie. Ses successeurs furent défaits par Pépin à Testry, entre Saint-Quentin et Péronne [687].

Cette victoire des grands sur le parti populaire, de la Gaule germanique sur la Gaule romaine, ne sembla pas d'abord entraîner un changement de dynastie. Pépin adopta le roi même au nom duquel Ébroin et ses successeurs avaient combattu. On peut cependant considérer la bataille de Testry comme la chute de la famille de Clovis. Peu importe que cette famille traîne encore le titre de roi dans l'obscurité de quelque monastère.

Cette race dégénérée est désormais frappée d'impuissance. Des quatre fils de Clovis, un seul, Clotaire, laisse postérité. Des quatre fils de Clotaire, un seul à des enfans. Ceux qui suivent, meurent presque tous adolescens. Il semble que ce soit une espèce d'hommes particulière. Tout Mérovingien est père à quinze ans, caduque à trente. La plupart n'atteignent pas cet âge.

CHAPITRE IV.

Carlovingiens. [751-987.]

LA tige de la famille Carlovingienne est l'évêque de Metz, Arnulf, qui a son fils Chlodulf pour successeur dans cet évê ché. Le frère d'Arnulf est abbé de Bobbio; son petit-fils est saint Wandrille. Toute cette famille est étroitement unie avec saint Léger. Le frère de Pépin-le-Bref, Carloman, se fait moine au mont Cassin; ses autres frères sont archevêque de Rouen, abbé de Saint-Denis. Les cousins de Charlemagne, Adalhard, Wala, Bernard, sont moines. Un frère de Louis-le-Débonnaire, Drogon, est évêque de Metz, trois autres de ses frères sont moines ou clercs. Le grand saint du midi, saint Guillaume de Toulouse, est cousin et tuteur du fils de Charlemagne. Arnulf était né, dit-on, d'un père aquitain et d'une mère suève.

Cette maison épiscopale de Metz réunissait deux avantages qui devaient lui assurer la royauté. D'une part, elle tenait étroitement à l'église; de l'autre, elle était établie dans la contrée la plus germanique de la Gaule. Tout d'ailleurs la favorisait. La royauté était réduite à rien, les hommes libres diminuaient chaque jour. Les grands seuls, leudes et évêques, se fortifiaient et s'affermissaient. Le pouvoir devait passer а celui qui réunirait les caractères de grand propriétaire et de chef des leudes.

La bataille de Testry, cette victoire des grands sur l'autorité royale, ou du moins sur le nom du roi, ne fit qu'achever,

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