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à la porte de Versailles, madame de Maintenon mangea du pain bis. Des compagnies de cavalerie tout entières désertaient enseignes déployées, pour gagner leur vie par la contrebande. Les recruteurs faisaient la chasse aux hommes. L'impôt prenant toutes les formes pour atteindre le peuple, les actes de l'état civil furent taxés; on paya pour naître et mourir. Les paysans, poursuivis dans les bois par les traitans, s'armèrent et prirent d'assaut la ville de Castres. Le roi ne trouvait plus à emprunter à quatre cent pour cent; la dette monta, avant la mort de Louis XIV, à près de trois milliards..

Les alliés souffraient aussi. L'Angleterre se ruinait pour ruiner la France. Mais l'Europe était conduite par deux hommes qui voulaient la guerre, et c'était d'ailleurs un trop doux spectacle que l'humiliation de Louis XIV. Ses ambassadeurs ne recevaient pour réponse que des propositions dérisoires. Il fallait, disait-on, qu'il défit lui-même son ouvrage, qu'il détronât Philippe V. Il descendit jusqu'à offrir de l'argent aux alliés pour entretenir la guerre contre son petit-fils. Mais non, ils voulaient qu'il le chassât lui-même, qu'une armée française combattît un prince français.

Le vieux roi déclara alors qu'il se mettrait à la tête de sa noblesse, et qu'il irait mourir à la frontière. Il s'adressa pour la première fois à son peuple, il le prit pour juge, et se releva par son humiliation même. La manière dont les Français combattirent cette année [1719], indique assez combien la guerre était devenue nationale. C'était le 9 septembre près du village de Malplaquet; le soldat qui avait manqué de vivres un jour entier, venait de recevoir son pain, il le jeta pour combattre. Villars grièvement blessé, est emporté du champ de bataille; l'armée se retire en bon ordre, n'ayant pas perdu huit mille hommes; les alliés en laissaient sur la place quinze ou vingt mille.

En Espagne, le trône de Philippe V, fondé par Berwick à Almanza [1707], fut affermi à Villaviciosa par Vendôme [1710]; il fit coucher le jeune roi sur un lit de drapeaux. Cependant l'élévation de l'archiduc Charles à l'Empire [1711]

fesait craindre à l'Europe la réunion de l'Empire et de l'Espagne. Ce n'était pas la peine d'abaisser Louis XIV pour élever un Charles-Quint. L'Angleterre se lassait de payer; elle voyait Marlborough, gagné par les Hollandais, faire la guerre à leur profit. Enfin la victoire surprise par Villars à Denain, fesait tort à la réputation du prince Eugène [1712]. Gette guerre terrible, dans laquelle les alliés avaient cru démembrer la France, ne lui ôta pas une province. [Traités d'Utrecht et de Rastadt, 1712; de la Barrière, 1715].

Elle ne céda que quelque colonies. Elle maintint le petitfils de Louis XIV sur le trône d'Espagne. La monarchie espa gnole perdit, il est vrai, ses possessions en Italie et aux PaysBas; elle céda la Sicile au duc de Savoie, les Pays-Bas espagnols, Naples et le Milanais à l'Autriche; mais elle gagnait à se resserrer en soi, à perdre l'embarras de ces possessions lointaines qu'elle ne pouvait ni défendre ni gouverner; les Deux-Siciles devaient d'ailleurs bientôt revenir à une branche des Bourbons d'Espagne. La Hollande eut plusieurs places des Pays-Bas pour les défendre à frais communs avec l'Autriche. L'Angleterre fit reconnaître sa nouvelle dynastie; elle prit pied à Gibraltar et à Minorque, à la porte de l'Espagne et dans la Méditerranée. Elle obtint pour elle et pour la Hollande un traité de commerce désavantageux pour la France. Elle exigea la démolition de Dunkerque, et empêcha la France d'y suppléer par le canal de Mardick. Elle entretint, et ce fut là le plus honteux, un commissaire anglais pour s'assurer par ses yeux, si la France ne relevait pas les ruines de la ville de Jean Bart. « On va travailler, dit un contemporain à la démolition de Dunkerque; on demande huit cent mille livres pour en démolir le tiers seulement. » Aujourd'hui encore on ne peut lire sans douleur et indignation la triste supplique adressée par les habitans de Dunkerque à la reine d'Angleterre elle-même.

Telle fut la fin du grand règne. Louis XIV survécut peu au traité d'Utrecht [ mort en1715]. Il avait vu presque tous ses enfans mourir en quelques années, le dauphin, le duc la duchesse de Bourgogne, et un de leurs fils. Il ne restait

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dans ce palais désert qu'un vieillard presque octogénaire, et un enfant de cinq ans. Tous les grands hommes du règne avaient précédé, un nouvel âge commençait. Dans la littérature, comme dans la société, les ressorts allaient se détendre. Cette époque de relâchement et de mollesse s'annonce de loin par le doux quiétisme de madame Guyon, qui réduit la religion à l'amour. Dans ses discours, l'habile et éloquent Massillon effleure le dogme, et s'attache à la morale. Les hardiesses politiques de Fénélon appartiennent déjà au dixhuitième siècle.

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CHAPITRE XXIII.

Dissolution de la monarchie. 1745-1789.

ENTRE Louis-le-Grand et Napoléon-le-Grand, la France descendit sur une pente rapide, au terme de laquelle la vieille monarchie rencontrant le peuple, se brisa, et fit place à l'ordre nouveau qui prévaut encore. L'unité du dix-huitième siècle est dans la préparation de ce grand événement. D'abord la guerre littéraire et philosophique pour la liberté religieuse, puis la grande et sanglante bataille de la liberté politique, une victoire ruineuse sur l'Europe, et malgré une réaction passagère, l'affermissement définitif de l'ordre constitutionnel et de l'égalité civile.

Au point de départ, au terme, apparaît la maison d'Orléans.

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Pendant que le feu roi s'en va tout seul et sans pompe હૈ Saint-Denis, le duc d'Orléans fait casser son testament par le parlement. La politique du régent, sa vie, ses mœurs toute sa personne, était un démenti pour le règne précédent. Toutes les vieilles barrières tombent; le régent invite les particuliers à donner leur avis sur les affaires, il proclame les maximes de Fénélon, il fait imprimer le Télémaque à ses frais, il ouvre au public la bibliothèque du roi. Les traitans qui, sous le dernier règne ont engraissé des maux de la

France, sont jugés par une Chambre-Ardente, rançonnés, condamnés à tort et à travers ; cette terreur contre les financiers ne fait qu'ajouter à la popularité du prince. Cependant il ne suffit pas de les condamner, il faut les remplacer par d'autres moyens, faire face à cette dette de trois milliards que laisse Louis XIV. Alors une grande chose est tentée; un banquier écossais, nommé Law, disciple, à ce qu'il dit, de Locke et de Newton, vient faire en France la première épreuve des ressources du crédit. Il ouvre une banque, substitue les billets à l'argent, hypothèque ses billets sur l'entreprise immense de la perception des impôts du royaume, sur les richesses coloniales d'un monde inconnu. Il crée la compagnie du Mississipi. L'on voit, pour la première fois, les hommes repousser l'or; la valeur des billets croit d'heure en heure. On s'étouffe dans la rue Quincampoix, aux portes des bureaux où l'on échange pour du papier ce métal incommode. Le régent devient un des directeurs de l'entreprise, et se fait banquier. Cependant la confiance s'ébranle, cette religion du papier a ses incrédules: il tombe rapidement. Malheur aux derniers possesseurs; d'étranges bouleversemens s'opèrent, le riche devient pauvre, le pauvre riche. La fortune qui jusque-la tenait au sol et s'immobilisait dans les familles, s'est, pour la première fois, volatilisée; elle suivra désormais les besoins du commerce et de l'industrie. Un mouvement analogue a lieu par toute l'Europe; les esprits sont, pour ainsi dire, détachés de la glèbe. Law, s'enfuyant au milieu des malédictions, a du moins laissé ce bienfait [1717-1721 ].

Le régent, dans sa facilité pour les idées nouvelles, dans sa curiosité scientifique, dans ses mœurs effrénées, est un des types du dix-huitième siècle. Il impose la Bulle par égard pour le pape, mais n'en est pas moins impie. Ses roués sont des nobles; mais son, homme, son ministre, le vrai roi de la France est ce drôle de cardinal Dubois, fils d'un apothicaire de Brives-la-Gaillarde. Le régent est naturellement uni avec l'Angleterre, qui sous la maison de Hanovre, représente aussi le principe moderne, comme en Allemagne la jeune royauté de Prusse, dans le nord la Russie créée par

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