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Mantoue et de Montferrat, petites possessions, mais grandes positions militaires. Le dernier duc les avait léguées à un prince français, au duc de Nevers. Les Savoyards, fortifiés au pas de Suze, se croyaient inexpugnables; Richelieu luimême le pensait ainsi. Le roi emporta de sa personne cette terrible barrière; le duc de Nevers fut affermi, la France eut un avant-poste en Italie, et le duc de Savoie sut que les Français passaient chez lui quand ils voulaient [1630].

Pendant cette belle guerre, la mère du roi, les courtisans, les ministres même en faisaient une sourde et lâche à Richelieu. Ils crurent l'avoir détrôné. Il revit Louis, lui parla un quart d'heure, et se retrouva roi. Cette journée fut appelé la journée des dupes. Ce fut une comédie. Le cardinal fit ses paquets le matin, et ses ennemis en firent autant le soir. Mais la pièce eut son côté tragique. Le cardinal fit prendre les deux Marillac, le maréchal et le surintendant, tous deux ses créatures, qui avaient tourné contre lui. Sans parler du crime de péculat et de concussion, si commun à cette époque, ils étaient coupables d'avoir essayé de faire manquer la guerre d'Italie, en retenant les sommes qui y étaient destinées. L'un d'eux eut la tête tranchée. Ce qu'il y eut d'odieux, c'est qu'il fut jugé par une commission, par ses ennemis personnels, dans une maison particulière, dans le palais même du cardinal, à Ruel.

La re ne mère, plus embarrassante, avait été arrêtée, intimidée. On l'avait décidée à s'enfuir à Bruxelles avec son fils Gaston. Celui-ci, aidé par le duc de Lorraine dont il avait épousé la fille en secondes noces, rassemble quelques troupes de vagabonds, et se jette en France. Il y était appelé par les grands, entre autres par Moutmorency, gouverneur du Languedoc. Les grands voulaient cette fois jouer quitte ou double. Pouraller joindre Montmorency, il fallait traverser le royaume. Les soldats mal payés de Gaston se payèrent de leurs mains sur la route. Partout les villes fermèrent leurs portes à ces brigands. La jonction eut lieu à Castelnaudary, et ils n'en furent pas moins battus [1632]. Gaston jeta les armes et fit encore la paix en livrant ses amis; il jura expressément d'aimer les ministres du roi, en particulier M. le cardinal. Montmo

rency, blessé et pris, fut impitoyablement décapité à Toulouse. On plaignit ce dernier représentant du monde chevaleresque et féodal. Déjà son parent le duc de Bouteville, père du célèbre Luxembourg, avait eu la tête tranchée en 1627 pour s'être battu en duel. Lorsque de pareilles têtes tombaient, les grands commençaient à comprendre qu'il ne fallait plus se jouer de l'état et de la loi.

C'était alors le plus fort de la guerre de Trente ans. Richelieu ne pouvait y intervenir directement, tant qu'il avait les grands sur les bras. L'Empereur avait alors frappé le parti protestant; le Palatin était ruiné [1621], le roi de Danemark quittait la partie [1629]. Les armées catholiques avaient alors à leur tête les plus grands généraux, le tacticien Tilly et ce démon de la guerre, Wallenstein. Pour relever les protestans, pour remuer cette lourde Allemagne, il fallait un mouvement du dehors. Richelieu fouilla le Nord au-delà du Danemark, et de Suède il tira Gustave-Adolphe. Il le débarrassa d'abord de la guerre de Pologne; il lui donna de l'argent, lui ménagea l'alliance des Provinces-Unies et du roi d'Angleterre. En même temps, il fut assez adroit pour décider l'Empereur à désarmer. Le Suédois, pauvre prince qui avait plus à gagner qu'à perdre, se lança dans l'Allemagne, fit une guerre à coups de foudre, déconcerta les fameux tacticiens, les battit à son aise pendant qu'ils étudiaient ses coups; il leur enleva d'un revers tout le Rhin, tout l'occident de l'Allemagne. Richelieu n'avait pas prévu qu'il irait si vite. Heureusement, Gustave périt à Lutzen, heureusement pour ses ennemis, pour ses alliés, pour sa gloire. Il mourut pur et invaincu [1632].

Richelieu continue les subsides aux Suédois, ferme la France du côté de l'Allemagne en confisquant la Lorraine, et déclare la guerre aux Espagnols [1635]. Il croyait la maison d'Autriche assez matée pour pouvoir entrer en partage de ses dépouilles. Il avait acheté le meilleur élève de GustaveAdolphe, Bernard de Saxe-Weimar. Cependant cette guerre fut d'abord difficile. Les impériaux entrèrent par la Bourgogne et les Espagnols par la Picardie. Ils n'étaient plus qu'a trente lieues de Paris. On déménageait, le ministre lui-mème sem

blait avoir perdu la tête. Les Espagnols furent repoussés [1636]. Bernard de Weimar gagna, au profit de la France, ses belles batailles de Rhinfeld et de Brisach; Brisach, Fribourg, ces places imprenables, furent prises pourtant. La tentation devenait forte pour Bernard; il souhaitait, avec l'argent de la France, se former une petite souveraineté sur le Rhin; son maître, le grand Gustave, n'en avait pas eu le temps; Bernard ne l'eut pas davantage. Il mourut à trente-six ans, fort à propos pour la France et pour Richelieu [1659].

L'année suivante [1640], le cardinal trouva moyen de simplifier la guerre. Ce fut d'en créer une à l'Espagne chez elle, et plus d'une. L'est et l'ouest, la Catalogne et le Portugal, prirent feu en même temps. Les Catalans se mirent sous la protection de la France. L'Espagne voulait faire comme Richelieu, lui ménager chez lui une bonne guerre intérieure. Elle traitait avec Gaston, avec les grands. Le comte de Soissons, qui fit feu avant l'ordre, fut obligé de se sauver chez les Espagnols, et fut tué en combattant pour eux près de Sedan [1641]. La faction ne se découragea pas; un nouveau complot fut tramé, de concert avec l'Espagne. Le jeune Cinq-Mars, grand-écuyer et favori de Louis XIII, s'y jeta avec l'étourderie qui avait perdu Chalais. Le discret de Thou, fils de l'historien, sut l'affaire et ne dit mot. Le roi lui-même n'ignorait pas qu'on tramait la perte du ministre. Celui-ci, qui était alors bien malade, semblait perdu sans ressource. Ayant pourtant réussi à se procurer une copie de leur traité avec l'étranger, il eut encore le temps de faire le procès à ses ennemis avant de mourir. Il fit couper la tête à Cinq-Mars et à de Thou; le duc de Bouillon, qui avait déjà le couteau sur la gorge, se racheta en rendant sa ville de Sedan, le foyer de toutes les intrigues. A l'autre bout de la France, Richelieu prenait en même temps Perpignan aux Espagnols. Ces deux places furent un legs du cardinal à la France, qu'elles couvrent au nord et au midi. La même année mourut le grand homme [1642].

CHAPITRE XXI.

Troubles sous Mazarin. Commencement de Colbert. Louis XIV.
4643-4664.

La mort de Richelieu fut une délivrance pour tout le monde. On respira. Le peuple fit des chansons. Le roi les chanta luimême, tout mourant qu'il était. Sa veuve, Anne d'Autriche, fut régente au nom du nouveau roi, Louis XIV, alors âgé de six ans. La France après Richelieu et Louis XIII se trouvait, comme après Henri IV, sous une molle main de femme qui ne savait résister ni retenir. Il n'y avait plus, dit un contemporain, que trois petits mots dans la langue française: «<< La reine est si bonne! » Le Concini de cette nouvelle Marie de Médicis, fut un Italien de beaucoup d'esprit, le cardinal Mazarin. Son administration, aussi déplorable au-dedans que glorieuse au-dehors, fut troublée par la ridicule révolution de la Fronde, et couronnée par les deux traités de Westphalie et des Pyrénées; le premier est resté la charte diplomatique de l'Europe jusqu'à la révolution française. Le bien, le mal, c'était également l'héritage de Richelieu. Richelieu avait tendu à l'excès le ressort du gouvernement; il se détendit tout naturellement sous Mazarin. Richelieu, ayant à rendre chaque jour quelque combat à mort, avait vécu en finances d'expédiens tyranniques. Il avait mangé le présent, l'avenir même en tuant le crédit. Mazarin, recevant les choses en cet

état, augmenta le désordre, laissa prendre et prit lui-même. Il laissait à sa mort deux cents millions de biens. Il avait toutefois trop d'esprit pour ne pas sentir le prix de l'ordre. Au lit de la mort, il dit à Louis XIV, qu'il croyait s'acquitter de tout envers lui, en lui donnant Colbert. Du reste, une partie de cet argent volé fut employé honorablement. Il envoya Gabriel Naudé par toute l'Europe pour acheter à tout prix des livres précieux; il forma ainsi son admirable bibliothèque Mazarine, et il l'ouvrit au public. Ce fut la première bibliothèque publique à Paris. En même temps il faisait donner à Descartes, retiré en Hollande, une pension de mille écus qu'il lui fit payer exactement.

Le nouveau règne fut inauguré par des victoires. L'infanterie française prit pour la première fois sa place dans le monde par la bataille de Rocroy [1643]. Cet événement est bien autre chose qu'une bataille, c'est un grand fait social. La cavalerie est l'arme aristocratique, l'infanterie l'arme płébéienne. L'apparition de l'infanterie est celle du peuple. Chaque fois qu'une nationalité surgit, l'infanterie apparaît. Tel peuple, telle infanterie. Depuis un siècle et demi que l'Espagne était une nation, le fanfassin espagnol régnait sur les champs de bataille, brave sous le feu, se respectant lui-même, quelque déguenillé qu'il fût, et faisant partout respecter le senor soldado; du reste, sombre, avare et avide, mal payé, mais sujet à patienter en attendant le pillage de quelque bonne ville d'Allemagne ou de Flandre. Ils avaient juré au temps de Charles-Quint : « par le sac de Florence »; ils avaient pillé Rome, puis Anvers, puis je ne sais combien de villes des Pays-Bas. Parmi les Espagnols, il y avait des hommes de toutes nations, surtout des Italiens. Le caractère national disparaissait. L'esprit de corps, et le vieil honneur de l'armée les soutenait encore, lorsqu'ils furent portés par terre à la bataille de Rocroy. Le soldat qui prit leur place, fut le soldat français, l'idéal dú soldat, la fougue disciplinée. Celui-ci, loin encore à cette époque de comprendre la patrie, avait du moins un vif sentiment du pays. C'était une gaillarde population de fils de laboureurs, dont les grands-pères

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