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CHAPITRE XX."

Troubles des commencemens du règne de Louis XIII. Richelieu. 1610-1643..

Le caractère général du dix-septième siècle, c'est le progrès commun de la royauté et du tiers-état. Le progrès de la royauté n'est suspendu que deux fois par les minorités de Louis XIII et de Louis XIV. Celui du tiers - état ne s'arrête que vers la fin du règne de Louis XIV. A cette époque, le roi n'ayant depuis long-temps rien à craindre de la noblesse, lui livre l'administration. Jusque-là tous les ministres, Concini, Luynes, Richelieu, Mazarin, Colbert, Louvois, sortaient de la roture, tout au plus de la petite noblesse. Quelquesuns des amiraux et des officiers supérieurs des armées de Louis XIV appartenaient aux derniers rangs du peuple.

Dans la première partie de ce siècle l'action politique est pour ainsi dire négative. Il s'agit d'annuler ce qui fait obstacle à la centralisation monarchique, les grands et les protestans; c'est l'œuvre de Richelieu. Dans la seconde moitié, il y a sous Colbert, une tentative d'organisation législative, et surtout administrative; la production industrielle prend l'essor. La France agit puissamment au-dedans et au-dehors; elle produit, elle combat. Mais la production ne marche point du même pas que la consommation. La France s'épuise à compléter son territoire par des conquêtes nécessaires et glorieuses. Le cours de sa prospérité intérieure est aussi retardé

par

la grandeur des guerres et des conquêtes; elle l'est par la réaction aristocratique. La noblesse s'empare du pouvoir monarchique, se place partout entre le roi et le peuple, et communique à la royauté sa propre décrépitude.

Henri IV avait eu grand' peine à se tenir entre les protestans et les catholiques. Lorsqu'il mourut, cette indécision ne pouvait plus continuer; il allait se jeter d'un côté, et c'eût été du côté protestant. La grande guerre d'Allemagne qui commençait, lui offrait le rôle magnifique de chef de l'opposition européenne contre la maison d'Autriche, le rôle que prit vingt ans plus tard Gustave-Adolphe. Le roi mort, un enfant, Louis XIII, une régente italienne, Marie de Médicis, son ministre italien, Concini, ne pouvaient continuer Henri IV. Cet enfant, cette femme ne pouvaient monter à cheval pour aller guerroyer l'Autriche. Ne pouvant combattre l'Autriche, il fallait l'avoir pour amie. Ne pouvant mener les grands et les protestans en Allemagne à une croisade protestante, il fallait, s'il était possible, gagner les grands et affaiblir les protestans. Cette politique de Concini, tant blâmée des historiens, reçoit sa justification du premier juge en cette matière, de Richelieu lui-même dans un de ses écrits. Les grands à qui Henri IV n'avait pu ôter leurs places fortes, un Condé, un d'Épernon, un Bouillon, un Longueville, se trouvaient tout armés à sa mort, ils exigèrent de l'argent, et il fallut, pour éviter la guerre civile, leur livrer le trésor d'Henri IV (douze millions, et non trente, selon Richelieu). Puis ils demandent les États généraux [1614]. Ces États qui du reste ne firent rien, répondirent peu à l'attente des grands; ils se montrèrent dévoués à la couronne, le Tiers réclama une déclaration de l'indépendance de la couronne à l'égard du pape. Les grands n'ayant pu rien tirer des États, eurent recours à la force, et s'allièrent aux protestans [1615]; bizarre alliance du vieux parti féodal avec la réforme religieuse du seizième siècle. Concini, lassé des moyens termes, fit arrêter le prince de Condé, chef de la coalition; cette démarche hardie annonçait une nouvelle politique; il venait de s'attacher le jeune Richelieu [1626].

Une intrigue de cour renversa Concini, au profit du jeune Luynes, domestique favori du petit roi, qui lui persuada de s'affranchir de son ministre et de sa mère [1617]. Concini fut assassiné, sa venve Léonora Galigaï exécutée comme sorcière. Leur vrai crime était le brigandage et la vénalité. Luynes ne fit guère que continuer le ministère de Concini. IF avait un ennemi de plus, la mère du roi, qui par deux fois fit craindre une guerre civile. Les protestans se montraient chaque jour plus menaçans. Ils réclamaient les armes à la main l'exécution de ce dangereux édit de Nantes qui laissait subsister une république dans le royaume. Luynes les poussa à bout en réunissant le Béarn à la couronne, et déclarant que dans cette province les biens ecclésiastiques seraient rendus aux catholiques. C'est précisément ce que l'Empereur voulait faire en Allemagne, et ce qui fut la cause principale de la guerre de Trente ans. Richelieu s'y prit mieux plus tard, Il n'inquiéta point les protestans pour les biens usurpés, il ne toucha qu'à leurs places fortes. Leur assemblée de La Rochelle en 1621 publia une déclaration d'indépendance, partagea en huit cercles les sept cents églises réformées de France, régla les levées d'argent et d'hommes, en un mot organisa la république protestante. Ils offraient cent mille écus par mois à Lesdiguières pour qu'il se mît à leur tête et organisât leur armée. Mais le vieux soldat ne voulut point à quatre-vingts ans quitter sa petite royauté du Dauphiné pour accepter la conduite de ce parti indisciplinable. Luynes qui avait pris le commandement des armées, et le titre de connétable, échoua honteusement devant Montauban où il avait conduit le roi. Il mourut dans cette campagne [1621].

Ce ne fut que deux ans après que la reine-mère parvint à introduire au conseil sa créature, Richelieu [1624]. Le roi avait de l'antipathie pour cet homme dans lequel il semblait pressentir un maître. La première pensée de Richelieu fut de neutraliser l'Angleterre, seule alliée des protestans de France. Cela fut fait de deux manières. D'une part, on soutint la Hollande, on lui prêta de l'argent, pour en obtenir des vaisscaux; de l'autre, le mariage du roi d'Angleterre avec la

belle Henriette de France, fille d'Henri IV, augmenta l'indécision naturelle de Charles Ier et la défiance des Anglais pour son gouvernement. Le cardinal commence par une alliance avec les Anglais et les Hollandais hérétiques, et une guerre contre le pape; on put juger d'après cela quelle liberté d'esprit il portait dans la politique. Le pape, livré aux Espagnols, occupait pour eux le petit canton suisse de la Valteline, leur gardant ainsi la porte des Alpes, par où leurs possessions d'Italie communiquaient avec l'Autriche. Richelieu achète des troupes suisses, les envoie contre celles du pape, et rend la Valteline aux Grisons, non sans's'être assuré par une décision de la Sorbonne qu'il peut le faire en sûreté de conscience. Après avoir battu le pape, il bat l'année suivante [1625] les protestans qui ont repris les armes; il les bat et les ménage, ne pouvant encore les écraser. Il était entravé dans l'exécution de ses grands projets par les plus méprisables intrigues. Des femmes excitaient des jeunes gens, les domestiques de Gaston, duc d'Orléans, aiguillonnaient sa paresseuse ambition. Ils voulaient lui donner un appui au-dehors en lui faisant épouser une princesse étrangère. Richelieu essaya d'abord de les gagner. Il donna le bâton de maréchal à d'Ornanó, gouverneur de Gaston. Ils s'enhardirent par la, et complotèrent sa mort. Richelieu fit encore venir leur principal complice, le jeune Chalais, et n'obtint rien. Alors, changeant de moyens, il livra Chalais à une commission du parlement de Bretagne, et le fit décapiter [1626]. Gaston, pendant qu'on coupait la tête à sonami, épousa, sans mot dire, mademoiselle de Montpensier. D'Ornano, enfermé à la Bastille, y mourut bientôt, sans doute empoisonné. Les favoris de Gaston étaient sujets à mourir à la Bastille [Puylaurens en 1655]. Telle était la politique du temps, telle nous la lisons dans le Machiavel du XVIIe siècle, Gabriel Naudé, bibliothécaire de Mazarin. La devise de ces politiques, telle que la donne Naudé, c'est:Salus populi suprema lex esto. Du reste, ils s'accordent sur le choix des moyens. C'est. cette doctrine atroce qui inspira nos terroristes de 95. Elle semble n'avoir laissé à Richelieu ni doutes, ni remords. Comme il expirait, le prêtre lui demanda s'il pardonnait à ses ennemis:

« Je n'en ai jamais eu d'autres, répondit-il, que ceux de l'état. » Il avait dit à une autre époque ces paroles qui font frémir: « Je n'ose rien entreprendre sans y avoir bien pensé; mais, quand une fois j'ai pris ma résolution, je vais droit à mon but, je renverse tout, je fauche tout, et ensuite je couvre tout de ma robe rouge. »

Effectivement, il marcha en ligne droite, avec une inflexibilité terrible. Il supprima la charge de connétable. Celle d'amiral de France, il la prit pour lui sous le titre de surintendant-général de la navigation. Ce titre voulait dire d'avance: destructeur de La Rochelle. Sous prétexte d'économie, il ordonna la réduction des pensions et la démolition des forteresses. La forteresse du protestantisme, La Rochelle, fut enfin attaquée. Un fat qui gouvernait le roi d'Angleterre, le beau Buckingham, s'était déclaré solennellement amoureux de la reine de France; on lui ferma l'entrée du royaume, et il fit déclarer la guerre à la France. L'Anglais promit des secours à La Rochelle, elle se souleva, et tomba sous la serre de Richelieu [1627-8]. Buckingham vint avec quelques mille hommes se faire batttre dans l'île de Rhé. Charles Ier eut ensuite bien d'autres affaires. Avec la fameuse pétition des droits [1628] commença la révolution d'Angleterre'; Richelieu n'y fut rien moins qu'étranger. Cependant La Rochelle, abandonnée des Anglais, se vit isolée de la mer par une prodigieuse digue de quinze cents toises; on en distingue encore les restes à la mer basse. Le travail dura plus d'un an, la mer emporta plus d'une fois la digue. Richelieu ne lâcha pas prise. L'Amsterdam française dont Coligni avait cru se faire le Guillaume d'Orange, fut saisie dans ses eaux, et méditerranisée; isolée de son élément, elle ne fit plus que languir. Le protestantisme fut tué du même coup, au moins comme parti politique. La guerre traîna encore dans le midi. Le fameux duc de Rohan lui-même finit par s'arranger pour cent mille écus.

Après avoir brisé le parti protestant en France, Richelieu battit le parti catholique en Europe; il força les Espagnols dans leur Italie où ils régnaient depuis Charles-Quint. Il trancha par une vive et courte guerre le nœud de la succession de

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