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naturel de Charles-Quint, avaient, l'année précédente, anéanti la marine ottomane. Les Turcs vaincus sur mer, les Mauresques réduits, les hérétiques exterminés en France et aux Pays-Bas, semblaient frayer la route au roi d'Espagne vers cette monarchie universelle à laquelle son père avait en vain aspiré.

CHAPITRE XIX.

Suite des guerres de religion. Henri IV. 1572-1610.

<< Le roi Charles, oyant, le soir du même jour et tout le » lendemain, conter les meurtres et tueries qui s'y étoient » faits des vieillards, femmes et enfans, tira à part maître » Ambroise Paré, son premier chirurgien, qu'il aimoit infi»niment quoiqu'il fust de la religion, et lui dit : Ambroise, »je ne sçay ce qui m'est survenu depuis deux ou trois jours, » mais je me trouve l'esprit et le corps grandement esmeus, » voire tout ainsi que si j'avois la fièvre, me semblant à tout » moment, aussi bien veillant que dormant, que ces corps » massacrez se présentent à moy les faces hydeuses et cou>> vertes de sang; je voudrois que l'on n'y eust pas compris les » imbéciles et innocens. » Dès-lors il ne fit plus que languir, et dix-huit mois après un flux de sang l'emporta [1574].

Le crime avait été inutile. Dans plusieurs villes les gouverneurs refusèrent de l'exécuter. Les Calvinistes, se jetant dans La Rochelle, dans Sancerre, et d'autres places du midi, s'y défendirent en désespérés. L'horreur qu'inspirait la SaintBarthélemí leur donna des auxiliaires en créant parmi les Catholiques le parti modéré, qu'on appelait celui des politiques. Le nouveau roi, Henri III, qui revint de Pologne pour succéder à son frère, était connu pour un des auteurs du massacre. Son propre frère, le duc d'Alençon, s'enfuit de la

cour avec le jeune roi de Navarre, et réunit ainsi les politiques et les Calvinistes.

Aux Pays-Bas, la tyrannie du duc d'Albe n'avait pas mieux réussi. Tant qu'il se contenta de dresser des échafauds, le peuple resta tranquille; il vit sans se révolter, tomber les têtes les plus illustres de la noblesse. Il n'existait qu'un moyen de rendre le mécontentement commun aux Catholiques et aux Protestans, aux nobles et aux bourgeois, aux Belges et aux Bataves, c'était d'établir des impôts vexatoires, et de laisser le soldat mal payé rançonner les habitans : le duc d'Albe fit l'un et l'autre. Les gueux marins (c'est ainsi qu'on désignait les fugitifs qui vivaient de piraterie), chassés des ports de l'Angleterre sur la réclamation de Philippe II, s'emparèrent du fort de Brielle en Hollande [1572], et commencèrent la guerre dans ce pays coupé par tant de bras de mer, de fleuves et de canaux. La licence des troupes espagnoles, qui pillèrent Anvers, força les provinces vallones de s'unir dans la révolte à celles du nord [1576]; mais cette alliance ne pouvait être durable. La révolution se con solida en se concentrant dans le nord par l'union d'Utrecht, fondement de la république des Provinces-Unies [1579]. Les insurgés avaient offert successivement de se soumettre à la branche allemande de la maison d'Autriche, à la France, à l'Angleterre. L'archiduc Mathias ne leur amena aucun secours. Don Juan, frère et général de Philippe II, le duc d'Anjou, frère de Henri III, Leicester, favori d'Elisabeth, qui voulurent successivement se faire souverains des Pays-, Bas, se montrèrent également perfides [1577, 1582, 1587]. La Hollande, regardée comme une proie par tous ceux à qui elle s'adressait, se décida enfin, faute d'un souverain, à rester en république. Le génie de cet État naissant fut le prince d'Orange, qui, abandonnant les provinces méridionales, à l'invincible duc de Parme, lutta contre lui par la politique, jusqu'à ce qu'un fanatique armé par l'Espagne l'eût assassiné [1584].

Pendant que Philippe perdait la moitié des Pays-Bas, il gagnait le royaume de Portugal [1580]. En France tout lui réus-,

sissait. La versatilité d'Henri III, celle du duc d'Alençon, qui se mit à la tête des protestans français et ensuite de ceux des Pays-Bas, avait décidé le parti catholique à chercher un chef hors de la famille royale. Par le traité de 1576, le roi avait accordé aux calvinistes la liberté du culte dans tout le royaume, excepté Paris : il leur donnait une chambre mi-partie dans chaque parlement, et plusieurs villes de sûreté ( Angoulême, Niort, la Charité, Bourges, Saumur et Mézières), où ils devaient tenir des garnisons payées par le roi. Ce traité détermina la formation de la Ligue [1577]. Les associés juraient de défendre la religion, de remettre les provinces aux mêmes droits, franchises et libertés qu'elles avaient au temps de Clovis, de procéder contre cenx qui persécuteraient l'Union, sans acception de personne, enfin de rendre prompte obéissance et fidèle service au chef qui serait nommé. Le roi crut devenir maître de l'association en s'en déclarant le chef. Il commençait à entrevoir les desseins du duc de Guise; on avait trouvé dans les papiers d'un avocat, mort à Lyon en revenant de Rome, une pièce dans laquelle il disait que les descendans de Hugues Capet avaient régné jusque-là illégitimement et par une usurpation maudite de Dieu; que le trône appartenait aux princes lorrains, vraie postérité de Charlemagne. La mort du frère du roi encouragea ces prétentions [1584]. Henri n'ayant point d'enfant, et la plupart des catholiques repoussant du trône le prince hérétique auquel revenait la couronne, le duc de Guise et le roi d'Espagne, beau-frère de Henri III, s'unirent pour détrôner le roi, sauf ensuite à se disputer ses dépouilles. Ils n'eurent que trop de facilité pour le rendre odieux. Les revers de ses armées semblaient autant de trahisons : le faible prince était à la fois battu par les Protestans et accusé par les Catholiques. La victoire de Coutras, où le roi de Navarre s'illustra par sa valeur et par sa clémence envers les vaincus [1587], mit le comble à l'irritation des catholiques. Pendant que la Ligue s'organisait dans la capitale, Henri III, partagé entre les soins d'une dévotion monastique et les excès d'une débauche dégoûtante, donnait à tout Paris le spectacle

de sa prodigalité scandaleuse et de ses goûts puérils. Ils dépensait douze cent mille francs aux noces de Joyeuse, son favori, et n'avait pas de quoi payer un messager pour envoyer au duc de Guise une lettre de laquelle dépendait le salut du royaume. Il passait le temps à arranger les collets de la reine et à friser lui-même ses cheveux. Il s'était fait prieur de la confrérie des pénitens blancs..« Au commencement de no»vembre, le roy fit mettre sus par les églises de Paris, les » oratoires, autrement dits les paradis, où il allait tous les jours faire ses aumônes et prières en grande dévotion, lais»sant ses chemises à grands godrons, dont il était aupara>> vant si curieux, pour en prendre à collet renversé à l'ita» lienne. Il allait ordinairement en coche avec la reine sa » femme, par les rues et maisons de Paris, prendre les petits » chiens damerets, se faisait lire la grammaire et apprenait » à décliner. >>>

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Ainsi la crise devenait imminente en France et dans tout l'Occident [1585-1588]. Elle semblait devoir être favorable à l'Espagne : la prise d'Anvers par le prince de Parme, le plus mémorable fait d'armes du seizième siècle, complétait la réduction de la Belgique [1585]. Le roi de France avait été obligé de se mettre à la discrétion des Guises (même année), et la Ligue prenait pour foyer une ville immense, où le fanatisme religieux se fortifiait du fanatisme démocratique [1588]. Mais le roi de Navarre résista, contre toute vraisemblance, aux forces réunies des catholiques [1586-7]; Élisabeth donna une armée aux Provinces-Unies [1585], de l'argent au roi de Navarre [1585]: elle déjoua toutes les conspirations [1584-5-6]; et frappa l'Espagne et les Guises dans la personne de Marie-Stuart.

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Long-temps Élisabeth avait répondu aux instances de ses conseillers Puis-je tuer l'oiseau qui s'est réfugié dans mon sein? Elle avait accepté des broderies et des robes de Paris que lui offrait sa captive. Mais l'irritation croissante de la grande lutte européenne, les craintes qu'on inspirait sans cesse à Élisabeth pour sa propre vie, la puissance mystérieuse du jésuite Persons, qui, du continent, remuait l'Angleterre, por

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