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La guerre fut plus sérieuse dans la Belgique et la Batavie. Toutefois la Belgique se soumit encore; la Batavie résista dans ses marais. Le général romain Cérialis, deux fois surpris, deux fois vainqueur, finit la guerre en gagnant Velléda et Civilis.

Cette guerre ne fit que montrer combien la Gaule était déjà romaine, combien était fort le lien qui unissait à l'Empire. Les Romains fréquentaient les écoles grecques de Marseille. Les Gaulois du midi, vifs, intrigans, devaient réussir et comme beaux parleurs et comme médecins, comme mimes surtout ils donnèrent à Rome son Roscius. Cependant ils réussissaient dans d'autres genres. Nommons seulement Trogue Pompée, Pétronius Arbiter, Varro Atacinus, Cornélius Gallus, ami de Virgile. Le premier rhéteur à Rome fut le gaulois Gnipho (M. Antonius). Il y forma à l'éloquence les deux grands orateurs du temps, César et Cicéron. Nous voyons, sous Tibère, les Montanus au premier rang des orateurs et pour la liberté et pour le génie. Caligula, qui se piquait d'éloquence, eut deux Gaulois éloquens pour amis, Valérius Asiaticus et Domitius Afer. Le gaulois Zénodore sculpta dans la ville des Arvernes le colosse du Mercure gaulois. Néron, qui aimait le grand, le prodigieux, le fit venir à Rome pour élever près du forum sa statue haute de cent vingt pieds.

La Gaule exerça bientôt une influence plus directe sur les destinées de l'Empire. L'aquitain Vindex précipita Néron, éleva Galba; le toulousain Bec (Antonius Primus), ami de Martial et poète lui-même, donna l'empire à Vespasien; le provençal Agricola, soumit la Bretagne à Domitien; enfin d'une famille de Nîmes sortit le pieux Antonin, père adoptif de Marc-Aurèle.

Au premier siècle de l'Empire, la Gaule avait fait des empereurs; au second, elle avait fourni des empereurs gaulois; au troisième, elle essaya de se séparer de l'Empire qui s'écroulait, de former un Empire gallo-romain. Les généraux qui sous Gallien prirent la pourpre dans la Gaule, paraissent avoir été presque tous des hommes supérieurs; le premier,

Posthumius, fut surnommé le Restaurateur des Gaules. Il avait composé son armée en grande partie de troupes gauloises et franciques. Il fut tué par ses soldats pour leur avoir refusé le pillage de Mayence, qui s'était révoltée contre lui. Nous nous contenterons d'indiquer ses successeurs, l'armurier Marius, Victorinus et Victoria, la mère des légions, enfin Tétricus, qu'Aurélien eut la gloire de traîner derrière son char avec la reine de Palmyre. Quoique ces événemens aient eu la Gaule pour théâtre, ils appartiennent moins à l'histoire du pays qu'à celle des armées qui l'occupaient [260-271].

'il faut

La plupart de ces empereurs provinciaux, de ces tyrans comme on les appelait, furent de grands hommes; ceux qui leur succédèrent et qui rétablirent l'unité de l'Empire, les Aurélien, les Probus, furent plus grands encore. Et cependant l'Empire s'écroulait dans leurs mains. Ce ne sont pas les Barbares qu'il en faut accuser; l'invasion des Cimbres sous la République avait été plus formidable que celles du temps de l'Empire. Ce n'est pas même généralement aux princes qu' s'en prendre. Si le mal de l'Empire eût été un mal politique administratif, tant de grands et bons empereurs y eussent remédié. Mais c'était un mal social, et rien ne pouvait en tarir la source, à moins qu'une société nouvelle ne vînt remplacer la société antique. La classe des petits cultivateurs ayant peu à peu disparu, les grands propriétaires qui leur succédèrent y avaient suppléé par des esclaves. Ces esclaves, s'usant rapidement par la rigueur des travaux qu'on leur imposait, disparurent bientôt à leur tour. La société antique, bien différente de la nôtre, ne renouvelait pas incessamment la richesse par l'industrie. Consumant toujours et ne produisant plus, depuis que les générations industrieuses avaient été détruites par l'esclavage, elle demandait toujours davantage à la terre, et les mains qui la cultivaient, cette terre, devenaient chaque jour plus rares et moins habiles.

La misère croissante des colons sur qui retombaient toutes les misères de l'Empire, les força enfin à la révolte. Tous les serfs des Gaules prirent les armes sous le nom de Bagaudes [287].

En un instant ils furent maîtres des campagnes, brûlèrent plusieurs villes, et exercèrent plus de ravages que n'auraient

pu

faire les Barbares. Ils s'étaient choisi deux chefs, Ælianus et Amandus, qui, selon une tradition, étaient chrétiens. Maximien accabla ces multitudes indisciplinées. Cependant long-temps après, on nous parle encore des Bagaudes. Ces fugitifs contribuèrent sans doute à fortifier le ménapien Carausius dans son usurpation de la Bretagne.

Les empereurs chrétiens n'avaient pu remédier aux maux de l'Empire. Tous les essais qui furent faits n'aboutirent qu'à montrer l'impuissance définitive de la législation. Dès le temps d'Auguste, la désolation croissante avait provoqué des lois qui sacrifiaient tout à l'intérêt de la population, même la morale. Pertinax et Aurélien distribuèrent les terres désertes de l'Italie. Probus fut obligé de transplanter de la Germanie des hommes et des bœufs pour cultiver la Gaule. Il y fit replanter les vignes arrachées par Domitien. Maximien et Constance Chlore transportèrent des Francs et d'autres Germains dans les solitudes du Hainault, de la Picardie, du pays de Langres; et cependant la dépopulation augmentait dans les villes, dans les campagnes. Chaque jour, quelques citoyens cessaient de payer l'impôt ; ceux qui restaient payaient d'autant plus. Le fisc affamé et impitoyable s'en prenait de tout déficit aux curiales, ou magistrats municipaux.

Les Empereurs effrayés de cette désolation, essayèrent d'un moyen désespéré. Ils se hasardèrent à prononcer le mot de liberté. Gratien exhorta les provinces à former des assemblées; Honorius essaya d'organiser celles de la Gaule,

engagea, pria, menaça, prononça des amendes contre ceux qui ne s'y rendraient pas. Tout fut inutile, rien ne réveilla le peuple engourdi sous la pesanteur de ses maux. Déjà il avait tourné ses regards d'un autre côté. Il ne s'inquiétait plus d'un empereur impuissant pour le bien comme pour le mal. Il n'implorait plus que la mort, tout au moins la mort de l'Empire et l'invasion des Barbares.

Viennent donc les Barbares. La société antique est condamnée; le long ouvrage de la conquête, de l'esclavage, de la

dépopulation, est près de son terme. Est-ce à dire pourtant que tout cela se soit accompli en vain, que cette dévorante Rome ne laisse rien sur le sol gaulois d'où elle va se retirer? Ce qui y reste d'elle est en effet immense; elle y laisse l'organisation, l'administration. Elle y a fondé la cité. Voilà pour l'ordre civil. Mais à côté de cet ordre, un autre s'est établi, qui doit le recueillir et le sauver pendant l'invasion barbare. Partout à côté de la magistrature romaine qui va s'éclipser, et délaisser la société en péril, la religion en a placé un autre qui ne lui manquera pas. Le titre romain de defensor civitatis va partout passer aux évêques. Dans la division des diocèses ecclésiastiques subsiste celle des diocèses impériaux. L'universalité impériale est détruite, mais l'universalité catholique apparaît, il est vrai, confuse et obscure. L'ordre de Saint-Benoît donne au monde ancien, usé par l'esclavage, le premier exemple du travail accompli par des mains libres. Cette grande innovation sera une des bases de l'existence moderne.

Reprenons de plus haut l'histoire du christianisme gaulois. La Gaule, déjà préparée par les doctrines druidiques, reçut avidement le christianisme; elle sembla le reconnaître et retrouver son bien. Nulle part il ne compta plus de martyrs. Le grec d'Asie, saint Pothin, disciple du plus mystique des apôtres, fonda la mystique église de Lyon, métropole religieuse des Gaules. Mais la nouvelle croyance se répandit plus lentement dans les campagnes. Au quatrième siècle encore, Martin trouvait à convertir des peuplades entières, et des temples payens à renverser.

saint

L'Eglise gauloise ne s'honora pas moins par la science que par le zèle et la charité. Au troisième siècle, saint Irénée écrivit contre les gnostiques. Au quatrième, saint Hilaire de Poitiers soutint pour la consubstantialité du Fils et du Père, une lutte héroïque, et souffrit l'exil comme Athanase. Entre les pères de l'église gauloise, plaçons aussi l'archevêque de Milan, saint Ambroise, qui naquit à Trèves.

Jusque-là l'église gauloise suit le mouvement de l'église universelle; elle s'y associe. Mais à l'époque même où elle

vient de donner à Rome l'empereur auvergnat Avitus, où l'Auvergne, sous les Ferréols et les Apollinaires, semble vouloir former une puissance indépendante entre les Goths déjà établis au midi, et les Francs qui vont venir du nord, à cette époque, dis-je, la Gaule réclame aussi une existence indépendante dans la sphère de la pensée. L'homme qui essaya d'affranchir la volonté humaine de l'influence de la grâce divine, ne nous est connu que par le surnom grec de Pelagios (l'armoricain, c'est-à-dire l'homme des rivages de la mer). Son adversaire, saint Jérôme, le représente comme un géant; il lui attribue la taille, la force, les épaules de Milon le Crotoniate. Il parlait avec peine, et pourtant sa parole était puissante. Quelle que fût son éloquence, Pélage, en niant le péché originel, rendait la rédemption inutile et supprimait le christianisme.

La doctrine pélagienne, accueillie d'abord avec faveur, et même par le pape, fut bientôt vaincue par saint Augustin. En vain elle fit des concessions, et prit en Provence la forme adoucie du semi-pélagianisme. Malgré la sainteté du breton Faustus, évêque de Riez, malgré le renom des évêques d'Arles, et la gloire de cet illustre monastère de Lerins, qui donna à l'église douze archevêques, douze évêques, et plus de cent martyrs, la doctrine de la Grâce triompha. A l'approche des barbares, les disputes cessèrent, les écoles se fermèrent et se turent. C'était de foi, de simplicité, de patience que le monde avait alors besoin.

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