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des autres articles ne furent pas exécutés plus sérieusement que le dernier; le roi profita d'une révolte de Liége et de Dinant contre le duc de Bourgogne, pour reprendre la Normandie; fit annuler par les états du royaume [à Tours, 1466] les principaux articles du traité de Conflans, et força le duc de Bretagne à renoncer à l'alliance du comte de Charolais, devenu duc de Bourgogne.

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Louis XI, qui espérait encore apaiser ce dernier à force d'adresse, alla lui-même le trouver à Péronne [ 1468]. Il y était à peine que le duc apprit la révolte des Liégeois soulevés contre lui par les agens du roi de France. Ils avaient emmené prisonnier Louis de Bourbon, leur évêque, massacré l'archidiacre, et, par un jeu horrible, s'étaient jeté ses membres les uns aux autres. La fureur du duc de Bourgogne fut telle que le roi craignit un instant pour sa vie. Il voyait dans l'enceinte du château de Péronne la tour où le comte de Vermandois avait fait autrefois périr Charles-le-Simple. Il en fut quitte à meilleur marché. Le duc se contenta de lui faire confirmer le traité de Conflans, et de l'emmener devant Liége voir ruiner cette ville. Le roi, de retour, ne manqua pour de faire annuler encore par les états tout ce qu'il venait de jurer.

pas

Alors se forma contre lui une confédération plus redoutable que celle du bien public. Son frère, à qui il venait de donner la Guienne, et les ducs de Bretagne et de Bourgogne y avaient attiré la plupart des seigneurs auparavant fidèles au roi. Ils appelaient le roi d'Aragon, Juan II, qui réclamait le Roussillon, et le roi d'Angleterre, Edouard IV, beau-frère du duc de Bourgogne, qui sentait le besoin d'affermir son règne en occupant au dehors l'esprit inquiet des Anglais. Le duc de Bretagne ne dissimulait point les vues des confédérés. « J'aime tant le bien du royaume de France, disait-il, qu'au >> lieu d'un roi j'en voudrais six. » Louis XI n'avait pas à espérer d'être soutenu cette fois par les villes, qu'il écrasait d'impôts. La mort de son frère pouvait seule rompre la ligue: son frère mourut. Le roi, qui se faisait instruire des progrès de la maladie, ordonnait des prières publiques pour la

santé du duc de Guienne, et faisait avancer des troupes pour s'emparer de son apanage. Il étouffa la procédure commencée contre le moine qu'on soupçonnait d'avoir empoisonné le prince, et fit répandre que le diable l'avait étranglé dans sa prison.

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Débarrassé de son frère, Louis XI repoussa Juan II 'du Roussillon, Charles-le-Téméraire de la Picardie, et s'assura de tous les ennemis qu'il avait dans le royaume. Mais le plus grand danger n'était point passé. Le roi d'Angleterre débarqua à Calais, en réclamant, comme de coutume, son royaume de France. La nation anglaise avait fait de grands efforts pour cetté guerre. Le roi, dit Comines, avait dans son armée dix ou douze hommes, tant de Londres que d'autres villes, gros et. gras, qui étaient les principaux entre les communes d'Angleterre, et qui avaient tenu la main à ce passage, et à lever cette puissante armée. Au lieu de recevoir les Anglais à leur arrivée, et de les guider dans ce pays où tout était nouveau pour fe duc de Bourgogne s'en était allé guerroyer en Allemagne. Cependant, le temps était mauvais ; quoique Edouard eût soin de faire loger en bonne tente les hommes des communes qui l'avaient suivi, ce n'était point la vie qu'ils avaient accoutumée, ils en furent bientôt las; ils avaient cru qu'ayant une fois passé la mer, ils auraient une bataille au bout de trois jours. Louis trouva le moyen de faire accepter au roi et à ses favoris des présens et des pensions, traita tous les soldats à table ouverte, et se félicita de s'être ainsi défait, pour quelque argent, d'une armée qui venait conquérir la France.

eux,

Dès cette époque, il n'eut plus rien à craindre de Charlesle-Téméraire. Ce prince orgueilleux avait conçu le dessein de rétablir dans de plus vastes proportions l'ancien royaume de Bourgogne, en réunissant à ses états la Lorraine, la Provence, le Dauphiné et la Suisse. Louis XI se garda bien de l'inquiéter; il prolongea les trèves, et le laissa s'aller heurter contre l'Allemagne. En effet, le duc ayant voulu forcer la ville de Neuss de recevoir un des deux prétendans à l'archevêché de Cologne, tous les princes de l'Empire vinrent l'observer avec une armée de cent mille hommes. Il s'obstina une année en

tière, et ne quitta ce malheureux siége que pour tourner ses armes contre les Suisses.

Ce peuple de bourgeois et de paysans, affranchis depuis deux siècles du joug de la maison d'Autriche, était toujours haï des princes et de la noblesse. Louis XI, encore dauphin, avait éprouvé la valeur des Suisses à la bataille de St-Jacques, où seize cents d'entre eux s'étaient fait tuer plutôt que de reculer devant vingt mille hommes. Néanmoins, le sire d'Hagen-. bach, gouverneur du duc de Bourgogne dans le comté de Ferrette, vexait leurs alliés et ne craignait pas de les insulter eux-mêmes. Nous écorcherons l'ours de Berne, disait-il, et nous nous en ferons une fourrure. La patience des Suisses se lassa ; ils s'allièrent avec les Autrichiens, leurs anciens ennemis, firent décapiter Hagenbach, et battirent les Bourguignons à Néricourt. Ils essayèrent d'apaiser le duc de Bourgogne ; ils lui exposaient qu'il n'avait rien à gagner contre eux : Il y a plus d'or, disaient-ils, dans les éperons de vos chevaliers, que vous n'en trouverez dans tous nos cantons. Le duc fut inflexible. Ayant envahi la Lorraine et la Suisse, il prit Granşon, et fit noyer la garnison qui s'était rendue sur sa parole. Cependant, l'armée des Suisses avançait : le duc de Bourgogne eut l'imprudence d'aller à sa rencontre, et de perdre ainsi l'avantage que la plaine donnait à sa cavalerie. Placé sur la colline qui porte encore aujourd'hui son nom, il les vit fondre du haut des montagnes, en criant: Granson! Granson! En même temps on entendait dans toute la vallée ces deux trompes d'une monstrueuse grandeur, que les Suisses avaient, disaient-ils, reçues autrefois de Charlemagne, et qu'on nommait le taureau d'Uri et la vache d'Underwalden. Rien n'arrêta les confédérés. Les Bourguignons essayèrent toujours inutilement de plonger dans cette forêt de piques qui s'avançait au pas de course. La déroute fut bientôt complète. Le camp du duc, ses canons, ses trésors, tombèrent entre les mains des vainqueurs. Mais ceux-ci ne savaient pas tout ce qu'ils avaient gagné. L'un deux vendit pour un écu le gros diamant du duc de Bourgogne; l'argent de son trésor fut partagé sans compter, et mesuré à pleins chapeaux. Cependant, le malheur n'a

vait point instruit Charles-le-Téméraire. Trois mois après il vint attaquer les Suisses à Morat, et éprouva une défaite bienplus sanglante. Les vainqueurs ne firent point de prisonniers, et élevèrent un monument avec les ossemens des Bourguignons. Cruel comme à Morat, fut long-temps un dicton populaire parmi les Suisses [1476].

*

Cette défaite fut la ruine de Charles-le-Téméraire. Il avait épuisé ses bonnes villes d'hommes et d'argent; depuis deux ans il tenait ses gentilshommes sous les armes. Il tomba dans une mélancolie qui approchait du délire, laissant croître sa barbe et ne changeant plus de vêtement. Il s'obstinait à vouloir chasser de Lorraine le jeune Réné qui venait d'y rentrer. Ce prince, qui avait combattu pour les Suisses, qui se plaisait à parler leur langue, qui prenait quelquefois leur costume, les vit bientôt venir à son secours. Le duc de Bourgogne, réduit à trois mille hommes, ne voulut point fuir devant un enfant, mais il avait lui-même peu d'espérance; au moment de combattre, l'italien Campo - Basso, auprès duquel Louis XI marchandait depuis long-temps la vie de Charles-le-Téméraire, arracha la croix rouge, et commença ainsi la défaite des Bourguignons [1477]. Quelques jours après, on retrouva le corps du prince; on l'apporta en grande pompe à Nanci; Réné vint lui jeter de l'eau bénite, et lui prenant la main : Beau cousin, lui dit-il, Dieu aie votre âme! vous nous avez fait moult maux et douleurs. Mais le peuple ne voulut pas croire à la mort d'un prince qui depuis si long-temps occupait la renommée. On assurait toujours qu'il ne tarderait pas à reparaître; et, dix ans après, des marchands livraient gratuitement des marchandises, sous condition qu'on les leur paierait le double au retour du grand-duc de Bourgogne.

La chute de la maison de Bourgogne affermit pour toujours celle de France. Les possesseurs des trois grands fiefs, Bourgogne, Provence, Bretagne, étant morts sans enfans mâles, nos rois démembrèrent la première succession [1477], recueillirent la seconde en vertu d'un testament [1481], et la troisième par un mariage [1491].

D'abord, Louis XI espérait acquérir tout l'héritage de

Charles-le-Téméraire, en mariant le dauphin à sa fille, Marie de Bourgogne. Mais les états de Flandre, las d'obéir aux Français, donnèrent la main de leur souveraine à Maximilien d'Autriche, depuis Empereur et grand-père de Charles-Quint. Ainsi commença la rivalité des maisons d'Autriche et de France. Malgré la défaite des Français à Guinegate, Louis XI resta du moins maître de l'Artois et de la Franche-Comté, qui, par le traité d'Arras [1481], devaient former la dot de Marguerite, fille de l'archiduc, promise au dauphin (Charles VIII).

Lorsque Louis X laissa le trône à son fils encore enfant [1485], la France, qui avait tant souffert en silence, éleva la voix. Les états, assemblés en 1484 par la régente, Anne de Beaujeu, voulaient donner à leurs délégués la principale influence dans le conseil de régence; ne voter l'impôt que pour deux ans, au bout desquels ils seraient de nouveau assemblés; enfin, régler eux-mêmes la répartition de l'impôt. Les six nations entre lesquelles les états étaient divisés commençaient à se rapprocher, et voulaient se former toutes en pays d'états, comme le Languedoc et la Normandie, lorsqu'on prononça la dissolution de l'assemblée. La régente continua le règne de Louis XI par sa fermeté à l'égard des grands. Elle accabla le duc d'Orléans qui lui disputait la régence, et réunit la Bretagne à la couronne, en mariant son fils à l'héritière de ce duché [1491]. Ainsi fut accompli l'ouvrage de l'abaissement des grands. La France atteignit cette unité qui allait la rendre redoutable à toute l'Europe. Aux vieux serviteurs de Louis XI succède une génération jeune et ardente comme son roi. Impatient de faire valoir les droits qu'il a hérités de la maison d'Anjou sur le royaume de Naples, Charles VIII apaise, à force d'argent, la jalousie du roi d'Angleterre, rend le Roussillon à Ferdinand-le-Catholique, à Maximilien l'Artois et la Franche-Comté : il n'hésite point à sacrifier trois des plus fortes barrières de la France. La perte de quelques provinces importe peu au conquérant futur du royaume de Naples et de l'empire d'Orient.

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