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Mais dans cette multitude, il n'y avait guère de gens sur qui il pût compter. Le légat du pape, qui avait passé le détroit, lui fit comprendre son péril; la cour de Rome voulait abaisser Jean, mais non pas donner l'Angleterre au roi de France. Il se soumit et fit hommage au pape, s'engageant de lui payer un tribut de mille marcs sterlings d'or.

Philippe-Auguste n'en eût peut-être pas moins envahi l'Angleterre, si le comte de Flandre ne l'eût abandonné. La Flandre et l'Angleterre avaient eu, de bonne heure, des liaisons commerciales; les ouvriers flamands avaient besoin des laines anglaises. Philippe, à l'instigation du légat, se rejeta sur la Flandre et la ravagea.

Cependant Jean achetait une nouvelle armée, il envoyait des subsides à son neveu Othon, et soulevait tous les princes de Belgique. Au cœur de l'hiver [1214], il passa la mer et débarqua à La Rochelle. Il devait attaquer Philippe par le Midi, tandis que les Allemands et les Flamands tomberaient sur lui du côté du Nord. Les seigneurs du Nord étaient alarmés des progrès de la puissance du roi. On prétend que les confédérés ne voulaient rien moins que diviser la France. Le comte de Flandre eût eu Paris; celui de Boulogne, Péronne et le Vermandois. Ils auraient donné les biens ecclésiastiques aux gens de guerre, à l'imitation de Jean.

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Les deux armées se rencontrèrent entre Lille et Tournai, près du pont de Bouvines [1214]. Nos milices furent d'abord mises en désordre, et le roi de France y courut risque de la vie; il fut tiré à terre par des fantassins armés de crochets. L'empereur Othon eut un cheval blessé. Les chevaliers furent pris en grand nombre; cinq comtes tombèrent. entre les mains de Philippe-Auguste, ceux de Flandre, de Boulogne, de Salisbury, de Tecklembourg et de Dortmund. Les deux premiers n'étant point rachetés par les leurs, restèrent prisonniers de Philippe.

Jean ne fut pas plus heureux dans le Midi qu'Othon dans le Nord. Il repassa en Angleterre, vaincu, ruiné, sans ressource. L'occasion était belle pour les barons. Ils la saisirent. Au mois de janvier 1215, et de nouveau le 15 juin, ils lui

Grent signer l'acte célèbre, connu sous le nom, de GrandeCharte. Mais dès qu'ils furent dispersés, il rassembla de toutes parts des mercenaires; les barons effrayés appelèrent les rois d'Écosse et de France. Le fils de Philippe avait épousé Blanche. de Castille, nièce de Jean. Jean se trouva encore une fois abandonné, seul, exilé dans son propre royaume. Alors il perdit tout espoir, prit la fièvre et mourut. C'était ce qui pouvait arriver de pis aux Français. Le fils de Jean, Henri III, était innocent des crimes de son père. Louis vit bientôt tous les Anglais ralliés contre lui, et se tint heureux de repasser en France, en renonçant à la couronne d'Angleterre.

Innocent III était mort deux mois avant le roi Jean, au milieu de son triomphe [1216]. Toutefois, dans la dernière année de sa vie il avait été étrangement troublé. Lorsque le comte de Toulouse, le comte de Foix et tous les autres seigneurs du midi, vinrent se jeter à ses pieds, lorsqu'il entendit les plaintes, et qu'il vit les larmes, il voulut, dit-on, réparer, et ne le put pas. Ses agens ne lui permirent point une restitution qui les ruinait et les condamnait. Ce ne furent ni les Raimond, ni les Montfort qui recueillirent le patrimoine du comte de Toulouse. L'héritier légitime ne le recouvra que pour le céder bientôt. L'usurpateur, avec tout son courage et sa prodigieuse vigueur d'âme, était vaincu dans le cœur, quand une pierre, lancée des murs de Toulouse, vint le délivrer de la vie [1218]. Son fils, Amauri de Monfort, céda au roi de France ses droits sur le Languedoc; tout le Midi, sauf quelques villes libres, se jeta dans les bras de Philippe-Auguste. En 1222, le légat lui-même et les évêques du Midi le suppliaient à genoux d'accepter l'hommage de Montfort [mort de Philippe-Auguste, 1223].

Philippe-Auguste avait, à vrai dire, fondé le royaume en réunissant la Normandie à la Picardie. Il avait en quelque sorte fondé Paris, en lui donnant sa cathédrale, sa halle, son pavé, des hôpitaux, des aqueducs, une nouvelle enceinte, de nouvelles armoiries, surtout en autorisant et soutenant son Université. Il avait fondé la juridiction royale en inaugurant l'assemblée des pairs par un acte populaire et humain, la con

Castille, lui assurèrent la régence. Les seigneurs formèrent uné ligue contre elle, à leur tête le duc de Bretagne, Pierre Mauclerc, descendu d'un fils de Louis-le-Gros. Cet homme remarquable avait entrepris bien des choses à la fois, et plus qu'il ne pouvait en France, d'abaisser la royauté; en Bretagne, d'être absolu malgré les prêtres et les seigneurs. Cette lutte intérieure ne lui permit guère d'agir vigoureusement contre la France. Le roi d'Angleterre, Henri III, qui eût dû l'appuyer, lui manqua deux fois; Blanche soulevait les barons d'Henri, gagnait ses favoris. Elle eut encore l'adresse d'empêcher le comte de Champagne d'épouser la fille de Mauclerc.

Cependant elle profitait de la faiblesse de la ligue du Nord pour achever d'accabler le Midi. Il fallut que Raimond VH reçût dans Toulouse garnison française, confirmât à la France la possession du bas Languedoc, promit Toulouse après sa mort, comme dot de sa fille Jeanne qu'un des frères du roì devait épouser. Quant à la haute Provence, il la donnait à T'Eglise c'est l'origine du droit des papes sur le comtat d'Avignon. Lui-même il vint à Paris, s'humilia, reçut la discipline dans l'église de Notre-Dame, et se constitua, pour six semaines, prisonnier à la tour du Louvre.

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La régente osa alors défier le comte de Bretagne, et le somma de comparaître devant les pairs. Les Anglais l'abandonnerent; les barons traiterent séparément avec Blanche. "Tout le mouvement qui avait trouble la France du nord s'écoula pour ainsi dire vers le midi et l'orient. Thibaut se trouva roi de Navarre par la mort du père de sa femme, et vendit à la régente Chartres, Blois, Sancerre et Châteaudun. Mauclerc laissa le comté de Bretagne à son fils, et partit pour la croisadel, dibandingno magn. fi

2.

Telle était la favorable situation du royaume à l'époque de la majorité de saint Louis [1236]. Sa destinée fut d'hériter des Albigeois et de tant d'autres ennemis de l'Église. Cette âme innocente et timorée, condamnée à posséder tant de biens d'origine douteuse, ne pouvait trouver de repos que dans la croisade.

Jamais la croisade n'avait été plus nécessaire et plus légitime. Les Mongols s'étaient ébranlés du Nord, et peu à peu descendaient par toute l'Asie. Ces pasteurs, entraînant les nations, chassant devant eux l'humanité avec leurs troupeaux, semblaient décidés à effacer de la terre toute ville, toute construction, toute trace de culture, à refaire du globe un désert, une libre prairie, où l'on pût désormais errer sans obstacle. Tout l'Orient était réconcilié. Les princes mahométans, entre autre le Vieux de la montagne, avaient envoyé une ambassade suppliante au roi de France, et l'un des ambassadeurs passa en Angleterre. D'autre part, l'empereur latin de Constantinople venait exposer à saint Louis son danger, son dénuement et sa misère Il en venait à n'avoir plus pour se chauffer que les poutres de son palais. Il offrit à saint Louis de lui céder à bon compte un inestimable trésor, la vraie couronne d'épines qui avait ceint le front du Sauveur.

La croisade de 1255 n'était pas faite pour rétablir les affaires d'Orient. Le jeune roi de France ne pouvait encore quitter son royaume; une vaste ligue se formait contre lui. Mais les confédérés agirent l'un après l'autre. La campagne des Anglais en France fut pitoyable. Louis les aurait tournés et pris au pont de Taillebourg, sur la Charente, si Henri III n'avait obtenu une trève. Il profita de ce répit pour décamper et se retirer vers Saintes, Louis le serra de près; un combat acharné eut lieu dans les vignes, le roi d'Angleterre finit par s'enfuir dans la ville, et de la vers Bordeaux [1241]. Une épidémie, dont le roi et l'armée languirent également, empêcha Louis de poursuivre ses succès.

Cependant la catastrophe tant redoutée avait lieu en Orient. Les Mongols avaient pris Jérusalem. Saint Louis était malade, alité et presque ́mourant, quand ces tristes nouvelles parvinrent en Europe; il fit mettre la croix rouge sur son lit et sur ses vêtemens. Sa mère eût autant aimé le voir mort.

On pensait alors, non sans vraisemblance, que, pour conquérir et posséder la Terre-Sainte, il fallait avoir l'Égypte pour point d'appui. Saint Louis fit creuser le port d'Aigues, Mortes et cingla d'abord vers Chypre. Là il s'arrêta, et long

temps, soit pour attendre son frère Alphonse qui lui amenait sa réserve, soit peut-être pour s'orienter dans ce monde nouveau. Il y fut amusé par les ambassadeurs des princes d'Asie, qui venaient observer le grand roi des Francs.

Il se décida enfin à partir pour l'Égypte. La forte ville de Damiette, qui pouvait résister, se rendit dans le premier effroi. De là le roi voulut marcher sur le Caire. Il s'engagea dans ce pays coupé de canaux, et suivit la route qui avait été si fatale à Jean de Brienne. La marche fut d'une singulière lenteur; les Chrétiens, au lieu de jeter des ponts, faisaient une levée dans chaque canal. Ils mirent ainsi un mois pour franchir les dix lieues qui sont de Damiette à Mansourah. Robert d'Artois se lança dans la ville avec l'avant-garde ; ily périt. Le roi, qui ne savait rien encore, passa et combattit vaillamment. Les mameluks revenant de tous côtés à la charge, les Français défendirent leurs retranchemens jusqu'à la fin de la journée. Il fallait retourner à Damiette; mais une épidémie s'était mise dans le camp; et le roi, malade luimême, ne voulut jamais abandonner son peuple. Lorsqu'enfin il se décida à la retraite, il se vit bientôt arrêté par les Sarrasins. Un immense massacre commença, le roi prisonnier avec une foule de barons, étonna les infidèles de son héroïque résignation, et obtint la liberté en rendant Damiette avec une rançon de quatre cent mille besans d'or. Il resta pourtant un an à la Terre-Sainte pour aider à la défendre, au cas que les mameluks poursuivissent leur victoire hors de l'Egypte. Il releva les murs des villes, fortifia Césarée, Jaffa, Sidon, Saint-Jean-d'Acre.

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Pendant son absence éclata en France l'insurrection des Pastoureaux. C'étaient les plus misérables habitans des campagnes, des bergers surtout, qui, entendant dire que le roi était prisonnier, s'armèrent, s'attroupèrent, formèrent une grande armée, déclarèrent qu'ils voulaient aller le délivrer. On parvint à les dissiper. Saint Louis de retour, malgré ses frères, ses enfans, ses barons, ses sujets, restitua au roi d'Angleterre le Périgord, le Limousin, l'Agénois, et ce qu'il avait en Quercy et en Saintonge, à condition que Henri re

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