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Pignatelli à Rhetel, la Somaglia et Scotti à Mézières, Saluzzo et Galeffi à Sedan, puis à Charleville, Brancadoro et Consalvi à Reims, Louis Ruffo et Litta à Saint-Quentin, di Pietro, Opizonni et Gabrielli à Saumur. On prit l'habitude de nommer ces treize cardinaux persécutés, les cardinaux noirs, en opposition avec ceux qui avaient encore la permission de s'habiller en rouge. En 1809, Napoléon supprime toute espèce de mission en France, et fait transporter à Paris toutes les archives pontificales. Il obtient du sénat, ou plutôt lui dicte un décret ordonnant que tout nouveau pape, lors de son élection, jutrera de respecter la Déclaration de l'Eglise gallicane de 1682, en statuant que cette Déclaration deviendra commune à toutes les églises de l'empire. A ce propos, le cardinal Litta écrivit plusieurs lettres dont voici la plus remarquable: « Vous me demandez ce que je pense de la fameuse Déclaration du clergé de France de 1682; je ne crois pas que vous attendiez de moi une discussion théologique, puisque vous savez que je ne suis pas professeur de cette faculté; et quand même je le serais, j'aimerais mieux vous répondre avec la simplicité de la foi qu'avec toute l'érudition et la subtilité d'un théologien. L'objet de votre demande, comme celui de 'ma réponse, n'est pas de rassembler tout ce qu'on peut dire pour blâmer ou pour défendre cette fameuse Déclaration, mais seule ment de voir si l'on peut y adhérer. Sous ce point de vue, il faut que je commence par vous dire quelle est ma manière de penser et d'agir par rapport aux différentes questions qui peuvent intéresser la religion. Si je trouve sur ces questions une décision de I'Eglise, je m'y tiens strictement attaché, et alors je n'entreprends pas un examen qui me devient inutile. Si au contraire je ne trouve pas de semblable décision, et que je voie deux opinions tolérées par l'Eglise, je ne me presse pas de me déclarer ni pour F'une ní pour l'autre. Mais s'il arrive quelquefois que le devoir de la conscience m'oblige à sortir de cette espèce de neutralité; par exemple, si je vois qu'on fait beaucoup d'efforts pour étendre une des deux opinions, si je prévois bien des maux qui peuvent en résulter pour l'Eglise, et que d'ailleurs l'opinion contraire me paraisse plus pieuse, plus sûre dans la pratique, plus favorable à la religion et même plus conforme aux vérités révélées, alors le zèle que je dois avoir pour l'Eglise m'oblige à sortir de la neutralité. Voilà le cas où je me trouve à présent. Si l'on me demandait mon adhésion à la doctrine soutenue dans la Déclaration de l'assemblée de 1682, je ne croirais pas, dans l'état actuel des choses, satisfaire à mes obligations par un simple refus, en réclamant la liberté de me tenir neutre, mais je regardepour moi d'avouer moi d'avouer

rais comme un devoitollis les plus forts

franchement que j'ai

qui m'obligent à ce refus. Et comme vous me demandez mon opinion, je me crois de meme oblige de vous écrire ce que j'en pense. Je vous dirai donc que je n'approuve

pas cette Déclaration, et que je ne pourrais lui donner mon adhésion. Je suis bien aise que votre demande m'engage à entrer dans l'examen que je vais faire avec vous, tant de la Déclaration en général que de chacun des articles qu'elle contient; ce sera la meilleure manière de vous rendre raison de mon sentiment; c'est ce que je me propose de faire avec quelques détails dans les lettres que je vous écrirai successivement. >>

Cependant Napoléon, après les réponses de la commission d'évêques, ne se déterminait à rien. Les évêques de France, au nombre de dix-neuf, écrivirent au pape en mars 1810, pour le prier instamment de leur accorder des pouvoirs extraordinaires, touchant les dispenses de mariage, et de vouloir bien accorder les bulles d'installation aux évêques nommés, afin de ne pas forcer l'Eglise de France à pourvoir à sa propre conservation. Pie VII accorda les pouvoirs extraordinaires et refusa les bulles,

Napoléon, voulant éluder les prescriptions si précises du quatrième canon du deuxième concile œcuménique de Lyon, lequel défend aux évêques élus de s'ingérer, sous quelque couleur que ce soit, dans l'administration de la dignité ecclésiastique avant que leur élection fût confirmée, ordonna, en 1810, que conformément au concile de Trente, les chapitres nommeraient les grands vicaires pendant la vacance. Les chapitres choisirent pour grands vicaires les évêques nommés. Maury, qui avait suggéré cette idée, fut nommé archevêque de Paris; mais le pape publia trois brefs adressés, l'un au cardinal Maury, le second à l'archidiacre de l'Eglise de Florence, le troisième à M. d'Astros, vicaire capitulaire de la métropole de Paris. Il y déclarait la marche qu'on avait suivie contraire aux lois ecclésiastiques et à la discipline reçue par elle. A la suite de ces brefs, les chapitres des cathédrales refusèrent de reconnaître et de recevoir les ecclésiastiques nommés par le gouvernement. La lettre du pape au cardinal Maury était ainsi conçue:

Vénérable frère, salut et bénédiction apostolique. Il y a cinq jours que nous avons reçu la lettre par laquelle vous nous apprenez votre nomination à l'archevêché de Paris, et votre installation dans le gouvernement de ce diocèse. Cette nouvelle a mis le comble à nos afflictions, et nous pénètre d'un sentiment de douleur que nous avons peino à contenir et qu'il est impossible de vous exprimer. Vous étiez parfaitement instruit de notre lettre au cardinal Caprara, pour lors archevêque de Milan, dans laquelle nous avons exposé les motifs puissants qui nous faisaient un devoir, dans l'état présent des choses, de refuser l'institution canonique aux évêques nommés par l'empereur. Vous n'ignoriez pas que non-seulement les circonstances sont les mêmes, mais qu'elles sont devenues et deviennent de jour en jour plus alarmantes, par le souverain mépris qu'on affecte pour l'autorité de l'Eglise, puisqu'en Italie on a porté l'audace et la témérité jusqu'à détruire généralement toutes les

communautés religieuses de l'un et de l'autre sexe, supprimer des paroisses, des évêchés, les réunir, les amalgamer, leur donner de nouvelles démarcations, sans excepter les siéges suburbicaires; et tout cela s'est fait en vertu de la seule autorité impériale et civile. Car nous ne parlons pas de ce qu'a éprouvé le clergé de l'Eglise romaine, la mère et la maîtresse des autres Eglises, ni de tant d'autres attentats. Vous connaissez dans le plus grand détail tous ces événements; et d'après cela, nous n'aurions jamais cru que vous eussiez pu recevoir de l'empereur la nomination dont nous avons parlé, et que votre joie, en nous l'annoncant, fut telle que si c'était la chose la plus agréable pour vous et la plus conforme à nos

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«Est-ce donc ainsi, qu'après avoir si courageusement et si éloquemment plaidé la cause de l'Eglise, dans les temps les plus orageux de la révolution française, vous abandonnez cette même Eglise, aujourd'hui que vous êtes comblé de ses dignités et de ses bienfaits, et lié si étroitement à elle par la religion du serment? Vous ne rougissez pas de prendre parti contre nous dans un procès que nous ne soutenons que pour défendre la dignité de l'Eglise? Est-ce ainsi que vous faites si peu de cas de notre autorité, pour oser en quelque sorte, par acte public, prononcer sentence contre nous, à qui vous deviez obéissance et fidélité? Mais ce qui nous afflige encore davantage, c'est de voir qu'après avoir mendié près d'un chapitre l'administration d'un archevêché, vous vous soyez, de votre propre autorité, et sans nous consulter, chargé du gouvernement d'une autre église, bien loin d'imiter le bel exemple du cardinal Joseph Fesch, archevêque de Lyon, lequel, ayant été nommé avant vous au même archevéché de Paris, a cru si sagement devoir s'interdire toute administration spirituelle de cette église, malgré l'invitation du chapitre.

« Nous ne rappelons pas qu'il est inouï, dans les annales ecclésiastiques, qu'un prêtre nommé à un évêché quelconque ait été engagé par les voeux du chapitre à prendre le gouvernement du diocèse avant d'avoir reçu l'institution canonique. Nous n'examinerons pas (et personne ne sait mieux que vous ce qu'il en est), si le vicaire capitulaire a donné librement et de plein gré la démission de ses fonctions, et s'il n'a pas cédé aux promesses, à la crainte ou aux menaces, et par conséquent si votre élection a été libre, unanime et régulière. Nous ne voulons pas non plus nous informer s'il y avait daris le sein du chapitre quelqu'un en état de remplir des fonctions si importantes; car enfin, où veuton en venir? On veut introduire dans l'Eglise un usage aussi nouveau que dangereux, au moyen duquel la puissance civile parviendrait insensiblement à n'établir, pour l'administration des siéges vacants, que des personnes qui lui seraient entièrement vendues. Qui ne voit évidemment que c'est non-seulement nuire à la liberté de l'Eglise,

mais encore ouvrir la porte au schisme et aux élections invalides? Mais d'ailleurs, qui vous a dégagé de ce lien qui vous unit à l'Eglise de Montefiascone? Qui est-ce qui vous a donné des dispenses pour être élu par un chapitre, et vous charger de l'administration d'un autre diocèse? Quittez donc sur-le-champ cette administration. Non-seulement nous vous l'ordonnons, mais nous vous en prions, nous vous en conjurons, pressé par la charité personnelle que nous avons pour vous, afin que nous ne soyons pas forcé de procéder, malgré nous et avec le plus grand regret, conformément aux statuts des saints canons; et personne n'ignore les peines qu'ils prononcent contre ceux qui, préposés à une église, prennent en main le gouvernement d'une autre église avant d'être dégagés des premiers liens. Nous espérons que vous vous rendrez volontiers à nos vœux, si vous faites bien attention au tort qu'un tel exemple de votre part ferait à l'Eglise et à la dignité dont vous êtes revêtu. Nous vous écrivons avec toute la liberté qu'exige notre ministère; et, si vous recevez notre lettre avec les mêmes sentiments qui l'ont dictée, vous verrez qu'elle est un ténioignage éclatant de notre tendresse pour vous.

«En attendant, nous ne cesserons d'adresser au Dieu bon, au Dieu tout-puissant, de ferventes prières, pour qu'il daigne apaiser, par une seule parole, les vents et les tempêtes déchaînés avec fureur contre la barque de Pierre, et qu'il nous conduise enfin à ce port si désiré, où nous pourrons librement exercer les fonctions de notre ministère. Nous vous donnons de tout notre cœur notre bénédiction apostolique. Donné à Padoue, le 5 novembre 1810, onzième année de notre pontificat. »>

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Napoleon, de plus en plus irrité, et soupçonnant les cardinaux Gabrielli, di Pietro, et Opizzoni d'avoir pris part à la rédaction des brefs du pape, les fit enfermer au donjon de Vincennes, ainsi que le prélat de Gregorio, et le général des Barnab tes, le P. Fontana. Le prélat Doria fut exilé à Naples. On redoubla de sévérité à l'égard du pape; on en vint jusqu'à faire chez lui une visite domicilière, et à lui enlever ses bréviaires. Le comte de Chabrol, préfet du département, lui écrivit la lettre suivante, qui est aussi ridicule qu'elle est outrageante. « Le soussigné, d'après les ordres émanés de son souverain, empereur des Français, roi d'Italie, protecteur de la confédération du Rhin, médiateur de la Suisse, est chargé de notifier au pape Pie VII, que défense lui est faite de communiquer avec aucune église de l'empire, ni aucun sujet de l'empereur, sous peine de désobéissance de sa part et de la leur; qu'il cesse d'être l'organe de l'Eglise catholique, celui qui prêche la rébellion, et dont l'âme est toute de fiel; que puisque rien ne peut le rendre sage, il verra qué Sa Majesté est assez puissante pour faire ce qu'ont fait ses prédécesseurs, et déposer un pape.» Le pape ne répondit pas à une pareille lettre. Il garda le silence en présence

de ces injures e. ae ces grossièretés comme il garda la résignation et la patience la plus grande, en présence des persécutions dont il était incessamment l'objet.

L'empereur manifesta sa colère non-seulement à l'égard du saint-père, mais encore à l'égard des ecclésiastiques qui refusaient de recevoir les vicaires généraux nommés par les chapitres. M. d'Astros, depuis archevêque de Toulouse, fut mis à Vincennes. Dans les jours qui suivirent, le chapitre de Paris envoya à Napoléon une adresse rédigée par Maury, dans laquelle il était avancé deux erreurs grossières. Il y était dit que depuis le commencement de l'Eglise gallicane, cette Eglise avait coutume de conférer les pouvoirs capitulaires aux évêques nommés, et que c'était en vertu d'un avis donné par Bossuet, que, sous Louis XIV, les évêques nommés avaient ainsi pris l'administration de leurs diocèses. Napoléon envoya partout cette adresse, et bientôt les journaux furent remplis des adhésions qu'y donnèrent un grand nombre d'évêques et de chapitres d'Italie.

En janvier 1811, l'empereur assembla de nouveau sa commission ecclésiastique, dans laquelle il fit entrer deux nouveaux membres, le cardinal Casselli, évêque de Parme, et l'archevêque de Malines, M. de Pradt. Deux questions lui furent soumises : 1° Toute communication entre le pape et les sujets de l'empereur étant interrompue, quant à présent, à qui faut-il s'adresser pour obtenir les dispenses qu'accordait le saint-siége? 2° Quel serait le moyen légitime de donner l'institution canonique, si le pape refusait persévéramment d'accorder des bulles aux évêques nommés par l'empereur pour remplir les siéges vacants? La commission, sans reculer devant une assertion mensongère, répondit que le pape refusait les bulles sans alléguer aucune raison canonique. Puis elle proposa: 1° d'envoyer vers lui, pour l'instruire de l'état réel des choses; de convoquer un concile général, ou une assemblée nombreuse d'évêques, puisque l'Eglise de France était obligée de pourvoir à sa propre conservation. Elle conseilla de n'amener de changements que petit à petit, d'y préparer doucement les esprits, pour ne pas rencontrer dans les populations une opposition trop vive. Napoléon voulut passer outre et faire adopter des résolutions qui renversaient complétement l'autorité papale, mais on lui représenta, notamment le cardinal Fesch, qu'il allait se rendre contraires tous les évêques, qu'il entrait dans la voie des persécutions, et qu'il allait faire des martyrs. Alors il s'arrêta et parut disposé à montrer plus de douceur. Cette bonne pensée ne tint pas devant les encouragements que lui donnèrent les flatteurs pour l'engager à passer ou re.

Dans une matinée de la fin de mars 1811, non-seulement tous les membres du comité ecclésiastique, mais encore les conseillers et les grands dignitaires de l'empire, furent inopinément convoqués à une audience impériale. L'empereur se fit attendre pendant

deux heures. Il disait que les hommes qui avaient attendu étaient plus hébétés. Il parut dans un appareil extraordinaire, regarda si tout le monde était arrivé, et ouvrit la séance par un discours très-long et trèsvéhément contre le pape: il l'accablait d'accusations pour sa résistance obstinée, et montrait une disposition à prendre les résolutions les plus extrêmes. Ce discours était un tissu de principes erronés, de faits absolument faux, et arrachés sans judiciaire à tous les siècles, de calomnies atroces et de maximes très-opposées à celles de l'Eglise; cependant aucun des cardinaux ni des évêques présents ne parut chercher à faire valoir la vérité contre la force et la puissance. Heureusement il s'y trouva un prêtre.

Après avoir parlé avec la violence de la colère, Napoléon regarda tous les assistants, puis il dit à l'abbé Emery: «Monsieur, que pensez-vous de l'autorité du pape?» L'abbé Emery, directement interpellé, jeta les yeux avec déférence sur les évêques, comme pour demander une permission d'opiner le premier, et il répondit : « Sire, je ne puis avoir d'autre sentiment sur ce point que celui qui est contenu dans le catéchisme enseigné par vos ordres dans toutes les églises; et à la demande Qu'est-ce que le pape? on répond qu'il est le chef de l'Eglise, le vicaire de Jésus-Christ, à qui tous les chrétiens doivent l'obéissance; or, un corps peut-il se passer de son chef, de celui à qui de droit divin il doit l'obéissance?» Napoléon fut surpris de cette réponse, il paraissait attendre encore que l'abbé Emery continuât de parler. Le prêtre octogénaire ne redoutait rien, et il reprit : « On nous oblige, en France, de soutenir les quatre articles de la Déclaration du clergé mais il faut en recevoir la doctrine dans son entier; or, il est dit aussi, dans le préambule de cette Déclaration, que le pape est le chef de l'Eglise, à qui tous les chrétiens doivent l'obéissance, et de plus ou ajoute que ces quatre articles décrétés par l'assemblée ne le sont pas tant pour limiter la puissance du pape que pour empêcher qu'on ne lui accorde pas ce qui est essentiel. » Ici l'abbé Emery entra dans un assez long développement des quatre articles, montrant que, quoiqu'ils parussent limiter la puissance du pape en quelques points, cependant ils lui reconnaissaient une autorité si grande et si universelle qu'on ne pouvait pas s'en passer dans l'Eglise. L'abbé Emery déclara ensuite que si, comme on le disait, on assemblait un concile, il n'aurait aucune valeur, s'il était disjoint du pape. Napoléon, vaincu sur ce point, murmura le mot catéchisme, et reprit: « Eh bien ! je ne vous conteste pas la puissance spirituelle du pape, puisqu'il l'a reçue de Jésus-Christ; mais Jésus-Christ, je l'ai déja dit, ne lui a pas donné la puissance temporelle; c'est Charlemagne, qui la lui a donnée, et moi, successeur de Charlemage, je veux la lui ôter, arce qu'il ne sait pas en user, et qu'elle l'empêche d'exercer ses fonctions spirituel les.» (Artaud, Hist de Pie VII, t. III, c. 1.)

Le 25 avril 1811, une lettre de l'empereur, envoyée aux évêques de ses Etats, annonça l'ouverture d'un concile national. Il consentit à ce que les évêques assemblés envoyassent vers le pape une députation, qui fut composée de l'archevêque de Tours, de Barral, de l'évêque de Nantes, Duvoisin, et de l'évêque de Trèves, Mannay. Ils se rendirent à Savone et remplirent vis-à-vis du pape un rôle vraiment indigne de leur caractère. Ils en vinrent jusqu'à s'exprimer sur son compte en termes assez irrévérencieux, le dépeignant comme un vieillard faible et scrupuleux, enclin à des opinions exagérées, et qu'on pourra néanmoins amener par lassitude à faire ce que l'on voudra. Ils devaient amener le saint-père à faire un traité dont les bases étaient : 1° que le pape accorderait les bulles d'institution aux évêques nommés aux siéges vacants; 2° qu'à l'avenir, le métropolitain donnerait d'office l'institution au suffragant nommé, si le pape ne l'avait pas fait dans un délai de trois mois ; 3° qu'il serait libre de retourner à Rome comme évêque, s'il prêtait le serment imposé aux évêques par le concordat, ou de résider à Avignon, avec une pension de deux millions de francs, s'il voulait jurer de ne rien faire contre les quatre articles du clergé de France. Les députés devaient notifier au saint-père, que jamais sa puissance temporelle ne lui serait rendue.

Quand donc les trois évêques furent arrivés à Savone, le préfet les présenta au pape qui, pendant longtemps et lors des premières entrevues qu'il eut avec eux, rejeta avec énergie et dignité tout accommodement qui put être un amoindrissement des droits du saintsiége. Ce ne fut qu'à la fin, et quand ils furent proches de feur départ, qu'effrayé par eux des conséquences que pouvait avoir son refus pour le bien de la religion, il consentit à laisser écrire sous ses yeux la note suivante, à laquelle il donna son approbation, bien qu'il n'y mit pas sa signature. Sa Sainteté, prenant en considération les besoins et les vœux des Eglises de France et d'Italie, qui lui ont été représentés par l'archevêque de Tours, et par les évêques de Trèves, de Nantes et de Faenza, et voulant donner à ces Eglises une nouvelle preuve de sa paternelle affection, a déclaré à l'archevêque et aux évêques susdits ce qui suit: 1° Sa Sainteté accordera l'institution canonique aux évêques nommés par Sa Majesté impériale et royale, dans les formes convenues par les concordats de France et d'Italie; 2° Sa Sainteté consentira à étendre les mêmes dispositions aux Eglises de Toscane, de Parme et de Plaisance, au moyen d'un nouveau concordat; 3° Sa Sainteté consent qu'il soit inséré dans les Concordats une clause portant qu'elle donnera les bulles de confirmation dans un temps déterminé, terme que Sa Sainteté juge devoir être de six mois au moins; et dans le cas où elle ne les donnerait pas dans ce délai, pour d'autres causes que l'indignité des sujets, elle investirait du pouvoir de les conférer le métropolitain ou

le plus ancien évêque de la province ecclésiastique; 4° Sa Sainteté ne s'est déterminée à ces concessions que dans l'espérance que lui ont fait concevoir les évêques députés, qu'elles préparaient les voies à des accommodements qui rétabliraient l'ordre et la paix dans l'Eglise, et qui rendraient au saintsiége la liberté, l'indépendance et la dignité convenables. Savone, 19 mai 1811. » Aussitôt que les députés furent partis, Pie VII sentit sa faute, il en versa d'abondantes larmes. Le concile de Paris se réunit le 17 juin. Il était composé de quatre-vingt-quinze prélats. Napoléon y avait mandé nominativement tous ceux qui lui étaient favorables; quant à ceux qu'il savait mal disposés pour lui, il ne leur permit pas d'y venir. Il en tenait même plusieurs, comme on sait, en prison. Ce concile, convoqué sans l'assentiment du pape, était frappé de nullité dès son début. La première assemblée préparatoire eut lieu chez le cardinal Fesch, qui fut nommé président. Le premier jour de la session, tous les prélats se rendirent à la cathédrale, où le cardinal Fesch officia, et où M. de Boulogne, évêque de Troyes, prononça un discours, dans lequel on remarquait le passage suivant, qu'on ne saurait trop admirer pour son courage. « Mais quelle que soit l'issue de vos délibérations, quel que soit le parti que la sagesse et l'intérêt de nos Eglises pourront nous suggérer, jamais nous n'abandonnerons ces principes immuables qui nous attachent à l'unité, à cette pierre angulaire, à cette clefde la voûte sans laquelle tout l'édifice s'écroulerait sur lui-même : jamais nous ne nous détacherons de ce premier anneau sans lequel tous les autres se dérouleraient et ne laisseraient plus voir que confusion, anarchie et ruine jamais nous n'oublierons tout ce que nous devons de respect et d'amour à cette Eglise romaine qui nous a engendrés à Jésus-Christ, et qui nous a nourris du lait de la doctrine; à cette chaire auguste que les Pères appellent la citadelle de la vérité, et à ce chef suprême de l'épiscopat, sans lequel tout l'épiscopat se détruirait lui-même et ne ferait plus que languir comme une branche détachée du tronc, ou s'agiter au gré des flots comme un vaisseau sans gouvernail et sans pilote. Oui, quelques vicissitudes qu'éprouve le siége de Pierre, quels que soient l'état et la condition de son auguste successeur, toujours nous tiendrons à lui par les liens du respect et de la révérence filiale. Ce siége pourra être déplacé, il ne pourra pas être détruit; on pourra lui ôter de sa splendeur, on ne pourra pas lui ôter de sa force; partout où ce siége sera, là tous les autres se réuniront; partout où ce siége se transportera, là tous les catholiques le suivront, parce que partout où il se fixera, partout sera la tige de la succession, le centre du gouvernement et le dépôt sacré des traditions apostoliques. Tels sont nos sentiments invariables, que nous proclamons aujourd'hui à la face de l'univers, à la face de toutes nos Eglises dont nous portons en ce moment les vœux, et dont nous attes

tons la foi; à la face des saints autels, et au milieu de cette basilique où nos pères assemblés vinrent plus d'une fois cimenter la paix de l'Eglise, et apaiser par leur sagesse des troubles et des différends, hélas ! trop ressemblants à ceux qui nous occupent aujourd'hui. Il me semble en ce moment les entendre, il me semble voir leurs ombres vénérables apparaître au milieu de nous, comme pour nous dire de ne rien faire qui ne soit digne d'eux, qui ne soit digne de nous, et de ne jamais dévier de l'antique chemin qu'ont

tenu nos ancêtres. »>

On lut dans le concile un manifeste de Napoléon contre le pape, aussi injuste dans le fond, qu'il était aigre et injurieux dans la forme. On tit une adresse à l'empereur ce fut au milieu de la discussion de cette adresse, que l'évêque de Chambéry, d'Essoles, proposa au concile d'aller en masse au pied du trône demander la mise en liberté du pape. L'influence du cardinal Fesch, qui proposa de ne pas employer de moyens si publics et si ostensibles, produisit son effet.

Ce ne fut que le 3 juillet que l'on commença à s'occuper de la compétence du concile par rapport à la question des bulles. Le 5, la congrégation déclara, « qu'il fallait, avant de prononcer sur les questions qui lui étaient soumises, que le concile, suivant en cela les règles canoniques, sollicitât la permission d'envoyer au pape des députés, qui lui exposassent l'état déplorable des Eglises, et qui conférassent avec lui sur les moyens d'y remédier. » Les prélats, qui portèrent cette réponse à l'empereur, dirent qu'ils l'avaient trouvé fort irrité, et qu'ils n'avaient pu l'apaiser, qu'en rédigeant avec lui le projet de décret suivant : « 1° Les évêchés ne peuvent rester vacants plus d'un an pour tout délai, et dans cet espace de temps, la nomination, l'institution et la consécration doivent avoir lieu; 2° l'empereur nommera à tous les siéges vacants, conformément aux Concordats; 3° six mois après la nomination faite par l'empereur, pour tout délai, le pape donnera l'institution canonique; 4° les six mois expirés, le métropolitain se trouvera investi, par la concession faite même par le pape, et devra procéder à l'institution canonique et à la consécration; 5° le présent décret sera soumis à l'approbation de l'empereur; 6° Sa Majesté sera suppliée par le concile, de permettre à une députation d'évêques, de se rendre auprès du pape, pour le remercier d'avoir, par ces concessions, mis un terme aux maux de l'Eglise. » Le 7 juillet, la congrégation accepta le projet. Il n'y eut à le repousser que l'archevêque de Bordeaux et l'évêque de Gand; mais le lendemain, six autres prélats rétractèrent leur approbation, et le projet ne fut plus soutenu que par une minorité de quatre membres. Le soir même, Napoléon rendit un décret pour dissoudre le concile. MM. de Broglie, évêque de Gand, Birn, évêque de Tournay, Boulogne, évêque de Troyes, furent arrêtés

renfermés au donjon de Vincennes.

neur du concile ainsi fermé violem

ment était sauf. Sa résistance était constatée par l'emprisonnement de trois de ses membres. Jusque-là tout était donc à l'honneur de la religion, à l'honneur du concile. Napoléon, qui voulait absolument arriver à ses fins, chargea les ministres des cultes de France et d'Italie, de faire venir chacun séparément dans leur cabinet les évêques de ces deux pays, et de les forcer, soit par me naces, soit par promesses, à accepter le décret qui établissait une clause additionnelle au Concordat. Ce moyen réussit : tous les évêques, à l'exception de quatorze ou quinze, donnèrent leur adhésion. Les ministres leur montraient d'un côté la colère de l'empereur et les dangers qu'il y avait à la provoquer; d'un autre, l'acquiescement que Pie VII avait donné, à Savone, aux arrangements proposés. Puis, on leur disait que c'était le moyen de ramener la paix dans l'Eglise. Bien certain d'avoir cette fois la majorité dans le concile, Napoléon le réunit. Sur le rapport de l'archevêque de Tours, ce concile rendit le décret suivant. 1° Conformément à l'esprit des canons, les archevêchés et évêchés ne pourront rester vacants plus d'un an pour tout délai; dans cet espace de temps, la nomination, l'institution et la consécration devront être effectuées. 2° L'empereur sera supplié de continuer à nommer aux siéges vacants, conformément aux Concordats, et les nommés par l'empereur s'auresseront à notre saint-père le pape pour l'ins titution canonique. 3 Dans les six mois qui suivront la notification faite au pape, par les voies d'usage, de la dite nomination, le pape donnera l'institution canonique conformement aux Concordats. 4° Les six mois expirés sans que le pape ait accordé l'institution, le métropolitain, ou, à son défaut, le plus ancien évêque de la province ecclésiastique, procédera à l'institution de l'évêque nommé; et s'il s'agissait d'instituer le métropolitain, le plus ancien évêque de la province conférerait l'institution. 5° Le présent décret sera soumis à l'approbation de notre saint-père le pape, et, à cet effet, Sa Majesté sera suppliée de permettre qu'une députation de six évé ques se rende auprès de Sa Sainteté pour prier de confirmer un décret qui seul peut mettre un terme aux maux des Eglises de France et d'Italie. (Rohrbacher, Hist. de l'Eglise, tome XXVIII, page 141.) Une commission fut envoyée par le concile à Savone près du pape, avec une lettre signée de tous les évêques; et comme on craignait que le pape n'accueillit pas la demande que lui fe rait cette commission d'accepter les décisions prises sans le conseil des cardinaux, on lui en dépêcha cinq qu'on savait disposés à le faire tomber dans le piége. Il y avait parmi eux Roverella, qui joua le principal rôle, et qui rédigea le fameux bref par lequel Pie VII, non-seulement approuvait les acles du concile, mais encore donnait les plus grands éloges à ceux qui y avaient siégé. Il est au moins étrange de voir Pie VII, qui a résisté si longtemps avec courage et énergie aux prétentions de l'empereur de ce côté.

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