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NOTE ADDITIONNELLE RELATIVE A L'ARTICLE CHINE.

LE CATHOLICISME EN CHINE.

La Revue des Deux-Mondes vient de publier, sur la Politique européenne en Chine, un article écrit par M. C. Lavollée. Cet article présente le résumé des événements qui se sont accomplis, depuis plusieurs années, aux extrémités de l'Asie, et il compare le rôle qu'y ont joué les principales nations de l'Europe, notamment l'Angleterre et la France. Nous reproduisons l'extrait suivant, relatif à la situation actuelle du catholicisme en Chine:

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Nous pourrions, pour notre politique et notre commerce, imiter la conduite, à la fois prudente et intrépide, des missions catholiques, qui depuis plus de deux cents ans ont tenté de si nobles efforts pour la cause de la religion. Tour à tour protégés et proscrits, honorés et persécutés, appelés un jour aux dignités de la cour impériale pour être le lendemain jetés dans les cachots ou conduits au supplice, les missionnaires ont poursuivi leur glorieuse tache sans se laisser un seul moment exalter par les perspectives d'une faveur passagère, ou abattre par les coups des plus redoutables persécutions. Tous les peuples catholiques de l'Europe,- Français, Espagnols, Italiens, Portugais, toutes les congrégations, zaristes, dominicains, franciscains, jésuites,-se sont ligués dans cette lointaine croisade, pour prendre l'Asie à revers et conquérir à la domination spirituelle de Rome la plus antique, la plus civilisée, mais aussi la plus corrompue des nations asiatiques. Aujourd'hui la Chine est découpée en évêchés ou vicariats apostoliques, où les nouveaux apôtres se sont partag le rude labeur de la conversion. Les progrès sont lents, mais cette lenteur n'a point lassé l'espérance; la foi n'avance que par degrés presque insensibles, mais elle ne recule jamais. Dieu scul sait combien il faudra encore d'années et de siècles, de dévouements et de martyres pour que la conquête soit accomplie.

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La France a de tout temps tenu à honneur de figurer au premier rang des nations chrétiennes : en Chine, elle n'a point failli aux devoirs que lui imposent ses traditions et que lui conseillerait au soin sa politique. Que ce soit du moins une compensation du rang inférieur qui nous est échu dans l'ordre des intérets matériels, et si nous sommes forcés de reconnaître à quel point l'Angleterre et les Etats-Unis nous effacent par l'extension toujours croissante de leur commerce et de leur navigation, nous pouvons aussi nous enorgueillir des services éclatants que les missions catholiques de la France ont rendus à la civilisation et à la foi.

Les diverses sectes de la communion protestante possèdent également des prédicateurs qui ont entrepris la conversion des Chinois. Ces missionnaires, ou plutôt ces agents, ne quittent point les ports légalement ouverts à l'étranger: ils arrivent avec leur famille; ils sont assurés de recevoir un salaire élevé; ils exercent la médecine ou se livrent au négoce, et le prèche n'est pour eux qu'un incident de leur existence confortable et paisible. Sans doute, en guérissant gratuitement les malades, ils inspirent aux populations chinoises une haute idée de la science européenne, ils servent l'humanité, mais où est le mérite? quelle est la gloire de ces fonctions sans péril? Comparez le pasteur méthodiste expédié de Londres par une société d'actionnaires apportant une cargaison de bibles, comparez-le avec ce jeune prêtre qui, à peine débarqué sur la terre de Chine, part, plein d'ardeur et de foi, pour les provinces les plus reculées, où l'attendent, après les dangers d'un long

voyage, des périls plus grands encore et les privations de toute sorte et de tout instant attachés à l'apostolat! Sortant la nuit, se cachant le jour, exposé sans cesse aux soupçons d'une population ignorante ou d'un mandarin fanatique, le missionnaire français n'a d'autre récompense que la satisfaction du devoir accompli, d'autre espoir que le martyre. Voilà, s'il est permis de s'exprimer ainsi, les produits que nous introduisons en Chine: ils méritent, à coup sûr, de notre part une protection au moins égale à celle que l'orgueilleuse Angleterre accorde à une caisse d'opium ou à une balle de coton.

Aussi, lorsque l'ambassadeur de la France, M. de Lagrenée, se trouva en présence du vice-roi de Canton, le sort de nos missionnaires et l'avenir de la propagande catholique furent-ils l'objet de ses plus vives préoccupations. Il comprit que la nation si longtemps appelée la fille ainée de l'Eglise avait un pieux devoir à remplir, et que l'occasion s'offrait pour elle de reprendre solennellement l'honorable protectorat de la foi chrétienne. Les mandarins chargés de suivre les négociations ne manifestaient aucun sentiment d'aversion contre la religion du Seigneur du ciel (c'est ainsi que les Chinois désignent la religion catholique), mais ils craignaient, en autorisant l'exercice d'un culte jusqu'alors sévèrement proserit, de heurter le préjugé populaire, de mécontenter la classe influente des lettrés, et surtout de perdre la faveur de la cour de Pékin, qui voyait déjà de fort mauvais ceil et ne subissait qu'à regret les concessions faites à l'esprit européen. On ne pouvait donc espérer que la reconnaissance formelle de la religion catholique serait inscrite au nombre des articles du traité, et, d'ailleurs, n'eût-ce pas été en quelque sorte une profanation de stipuler, dans un seul et même acte, pour les intérêts du commerce et pour ceux de la foi, d'abaisser une cause si sainte au niveau d'un affranchissement de droit de tonnage ou d'une réduction de tarif? On éluda la difliculté par l'adoption d'une formule qui devait ménager les susceptibilités de l'orgueil chinois et donner satisfaction à nos légitimes exigences. Le vice-roi Ky-ing adressa, en juillet 1845, a l'empereur Taokwang, une pétition dans laquelle il proposait de ne plus considérer comme criminelles aux yeux de la loi les principales pratiques de la religion chrétienne. En signant de son pinceau rouge cette pétition, l'empereur lui imprimait le caractère d'un décret. C'était déjà un grand pas, et notre diplomatie pouvait se feliciter du résultat qu'elle venait de conquérir après tant d'efforts. Cependant le document officiel ne définissait pas encore assez nettement, au gré du plénipotentiaire français, les libertés que réclamait l'intéret religieux. Les négociations furent reprises chaque liberté, chaque droit fut discuté de nouveau avec une insistance qui attestait, d'une part, le vif désir de briser à jamais et d'un seul coup les derniers obstacles, d'autre part, la crainte de trop céder à l'influence étrangère. Enfin, après un mois de pourparlers, on parvint à s'entendre sur une rédaction plus explicite, qui consacre la liberté du culte catholique dans le Céleste-Empire. Nous nous bornous à citer le passage le plus remarquable de ce document curieux et peu connu... Bien qu'en général ce soit de l'essence de la religion du Seigneur du ciel de conseiller la vertu et de défendre le vice, je n'ai cependant pas clairement établi dans ma dépêche antérieure en quoi consistait la pratique vertueuse de cette religion, et craignant que dans les différentes provinces on ne rencontre des difficultés sur ce point d'administration, j'examine maintenant

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la religion du Seigneur du ciel, et je trouve que s'assembler à certaines époques, adorer le Seigneur du ciel, vénérer la croix et les images, lire des livres pieux, sont autant de règles propres à cette religion, tellement que, sans elles, on ne peut pas dire que ce soit la religion du Seigneur du ciel. Par conséquent, sont désormais exempts de toute culpabilité ceux qui s'assemblent pour adorer la religion du Seigneur du ciel, vénérer la croix et les images, lire des livres pieux et prêcher la doctrine qui exhorte à la vertu; car ce sont là des pratiques propres à l'exercice vertueux de cette religion qu'on ne doit en aucune façon prohiber, et, s'il en est qui veuillent ériger des lieux d'adoration du Seigneur du ciel pour s'y assembler, adorer les images et exhorter au bien, ils le peuvent ainsi suivant leur bon plai

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Cette proclamation ne laisse subsister aucune équivoqué elle nous est acquise. Dans la lutte engagée, au nom de la liberté des cultes, contre les préjugés traditionnels du Céleste-Empire, à nous seuls revient l'honneur de l'initiative et du succes, et, malgré le penchant de notre siècle à ne respecter, à n'admirer que les conquêtes de la force, nous pouvons, avec quelque fierté, placer cette victoire toute morale en parallèle avec le triomphe remporté par les canons anglais sous les murs de Nankin. Aussi l'Angleterre n'a-t-elle pas vu sans une émotion jalouse la publication du document émané du pinceau de Ky-ing. Après avoir ouvert la Chine au commerce étranger et obtenu, pour les cinq ports inscrits au traité de 1842, le libre exercice du culte chrétien, elle pensait avoir atteint, dépassé même la mesure des concessions, et elle se flattait de ne plus rien laisser à faire aux nations qui viendraient après elle. Ne soyons pas injustes pour le grand acte qu'elle a accompli c'est l'Angleterre qui a porté aux préjugés chinois le coup décisif, elle a rendu à la civilisation, à la religion, à l'humanité un éclatant service; mais son succès ne doit point effacer le

nôtre.

Il convient désormais que la proclamation de Kying ne demeure pas lettre-morte. En la provoquant, nous avons pris envers les missions catholiques et envers nous-mêmes l'engagement d'en surveiller la stricte exécution, et il ne faut pas nous dissimuler que nous pourrons, dans l'exercice de cette surveillance, rencontrer parfois de graves embarras. La législation et surtout les mœurs de tout un peuple ne sauraient se modifier d'un jour à l'autre.

Un principe nouveau a été proclamé; il existe un nouveau droit qui blesse de vieilles antipathies et qui réveille d'antiques défiances. Assurément, ce

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principe et ce droit subiront, pendant les premières années, de regrettables atteintes. Il suffira qu'une conversion trop éclatante vienne réveiller le zéle d'un mandarin, sectateur fervent de Confucius, pour motiver un acte de persécution. Un fait de cette nature s'est produit récemment dans un district de la province de Canton, sur les limites du Fokien. Un missionnaire français a été arrêté, et le mandarin Wan a cru devoir, à cette occasion, fulminer contre la religion chrétienne une proclamation dans laquelle se révèle énergiquement l'intolérance connue du lettré chinois. Bien qu'une ordonnance récente, dit ce mandarin en rappelant la circulaire de Ky-ing, ait reconnu aux barbares le droit de disserter entre eux sur leurs livres religieux, elle ne leur a cependant pas permis de s'établir dans l'empire du Milieu, de se mêler à sa population, de propager leurs doctrines parmi ses habitants. Si donc il est quelquesuns de ceux-ci qui appellent les étrangers, qui se liguent avec eux pour agiter et troubler l'esprit public, pour convertir les femmes ou violer la loi de toute autre manière, ils seront punis, comme par le passé, soit de la strangulation immédiate, soit de la déportation, soit de la băstonnade : la loi n'admet pas de rémission... Heureusement le représentant de la France, M. Forth-Rouen, se trouvait encore à Macao, lorsque l'on a reçu la nouvelle de l'arrestation du missionnaire et la copie de la proclamation, et il.a pu adresser au vice-roi de Canton d'énergiques représentations, qui ont amené la mise en liberté immédiate du prêtre français; mais il faut s'attendre à voir, pendant quelques années encore, se renouveler de semblables incidents. La circulaire de Ky-ing, tout en reconnaissant la liberté du culte catholique, n'a point autorisé formellement l'introduction des prêtres européens dans l'intérieur de l'empire; il était impossible, en 1844, d'obtenir cette cession, puisque, aux termes du traité, la présence des étrangers n'était autorisée que dans les cinq ports ouverts au commerce. Notre politique doit tendre à lever ce dernier scrupule du gouvernement chinois, et à protéger les missionnaires catholiques contre toute chance de persécution. Cette politique. conforme aux traditions du passé, est digne de la sollicitude du gouvernement, et lers même que, par un oubli regrettable, nous persisterious à né liger les intérêts commerciaux qui s'agitent à l'extrémité de l'Orient, nous ne saurions abandonner à d'autres un patronage qui honore l'influence et le nom de notre pays.

C. LAVOLLÉE. (Revue des Deux-Mondes.)

FIN DU SECOND ET DERNIER VOLUME.

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