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pour y jeter le saint; le peintre n'a pas oublié de tirer au naturel là mine affreuse et menaçante d'un tyran en fureur; Jésus-Christ lui-même y paraît comme juge du combat: en un mot, la main savante qui a tracé toutes ces figures nous met devant les yeux comme un grand livre où nous pouvons lire agréablement les travaux, la victoire, la mort heureuse et l'entrée triomphante du saint martyr dans la gloire. La charmante diversité des couleurs qui en forment les caractères donne à ce lieu l'air et l'agrément d'une prairie semée de fleurs. Entin cette peinture, toute muette qu'elle est, a le secret de parler aux yeux, et d'instruire en gardant le silence. Le pavé même de cet auguste temple est un tableau, où l'assemblage surprenant d'un million de petites pierres de différentes couleurs (1) achève d'apprendre au pieux voyageur l'histoire du saint qu'on y révère.

Mais après que ses yeux surpris et charmés se sont sat sfaits par la vue de tant de choses rares, il ne pense plus qu'à satisfaire sa dévotion en s'approchant du tombeau. Il y croit trouver une source de bénédictions, sa sanctification, des grâces, du secours contre les ennemis de son salut. Que si on lui permet de prendre de la poussière qui est au pied du tombeau, il la ramasse avec respect, il l'emporte avec une extrême satisfac tion, il la serre soigneusement, il croit posséder un trésor dans un peu de terre. Car de toutes les reliques mêmes, c'est une faveur signalée accordée à peu de personnes. Ceux à qui un semblable bonheur est arrivé savent coinbien il leur a fallu employer de prières, marquer d'empressement, solliciter, presser pour l'obtenir.

Alors ils embrassent le sacré corps comme s'il était vivant, ils le ba sent respectueusement, ils le contemplent avec avidité, ils en portent quelque partie à leurs yeux, à leur bouche, à leurs oreilles, à tous leurs sens. Ensuite ils s'adressent à lui comme s'ils le vo aient prése t; ils le prient, ils répandent des larmes pour le toucher, ils lui demandent son intercession, ils le conj. rent de se rendre auprès de Dieu, leur avocat et leur protecteur. Concevez de là, mes chers frères, de quelle gloire Dieu prend plaisir à combler ses saints, combien leur mort est précieuse devant lui. Quel est le roi, quel est le monarque qui ait' triomphé plus glorieusement durant sa vie, que les serviteurs de Dieu après leur mort? Où sont ces grands, ces puissants de la terre? Qu'ils nous disent si jamais de pareils honneurs ont accompa gné leur sépulture? Quels vœux les hommes ont-ils portés à leurs tombeaux ? Qui de ces preneurs de vilies, de ces dompteurs de peuples, de ces fameux conquérants, a vu sa mémoire célèbre par tout le monde, chantée par toutes les natious, son nom exalté, annoncé, publié par un million de bouches, comme le sont aujourd'hui le nom et la mémoire d'un pauvre soldat que saint Paul a

(1) Ouvrage à la mosaïque.

bien voulu armer de sa main, mais que Jésus-Christ n'a pas dédaigné de couronner de la sienne.

Cette heureuse région qui est éclairée des premiers rayons du soleil vit naître notre illustre soldat au commencement du dernier siècle, comme elle avait vu naître le saint homme Job plusieurs siècles auparavant. L'un et l'autre, animés d'un même esprit, fi rent paraître dans leurs mœurs la même pureté et la même rectitude. Maintenant que notre martyr habite une contrée soumise à un souverain qui l'est de toute la terre, on peut dire que tout le monde est sa patrie. S'étant enrôlé dans les troupes romaines, il vintavec sa légion passer l'hiverà Amasée. En ce temps-là une guerre sanglante s'éleva tout à coup dans l'empire, non par l'incursion inopinée de barbares, mais par les menées et les intrigues de Satan. I en fit publier la déclaration dans un édit impie, qui attaquait Dieu directement en obligeant les chrétiens ou à le renoncer, ou à perdre la vie. A ors notre nouveau soldat, nourri dans la piété, rempli de Jésus-Christ, portant sa confession de foi écrite sur son front, T'heureux Théodore, quoique peu expérimenté dans l'art de la guerre, parut un homme consommé dans la science des saints et dans la pratique des vertus. On ne le vit point céder à la crainte, ni pâlir à la vue des périls, ni se taire par lâcheté, ou, si l'on veut, par une molle prudence ou une timide politique. D'ailleurs, ainsi qu'Hérode et Pilate s'unirent autrefois contre Jésus-Christ, de même le gouverneur d'Amasée et le tribun de la légion où servait Théodore se joignirent ensemble pour lui fa re son procès. L'un et l'autre, l'ayant fait citer devant eux, lui dirent: D'où vous vient cette audace, et qui vous rend si hardi et si témé raire que d'oser refuser d'obéir aux ordres de l'empereur, vous qui les devriez recevoir à genoux et avec une crainte respectueuse? Pourquoi n'adorez-vous pas les dieux qu'il plait aux empereurs (1) de faire adorerà leurs sujets ? Théodore, sans changer de visage, répondit d'un ton de voix assuré Je ne connais point plusieurs dieux, et il n'y en eut jamais qu'un. Vous êtes dans l'erreur lorsque vous honorez du nom de Dieu les démons, ces esprits fourbes et imposteurs. Jésus-Christ est mon Dieu, le Fils unique de Dieu. Quico que donc voudra me contraindre à abandonner ma religion, s'il prétend m'y forcer en me fisant maltraiter à coups de fouet, il peut encore, s'il veut, me faire déchirer avec des ongles de fer, y joindre les brasiers ardents; et si mon discours l'offense, voilà ma langue, qu'il la fasse couper: mon corps sera trop heureux de souffrir en tous ses membres pour son Créateur. Ces paroles généreuses de notre soldat firent tomber toute la fierté des tyrans; ils voyaient un jeune homme soupirer après le martyre, se réjouir à la vue des toure ments, et avaler, pour ainsi dire, la mort

(1) Maximin et son collègue.

comme un breuvage délicieux. Cependant, affectant de paraître cléments, et prenant un air de bonté feinte, ils dirent tout haut: I faut donner à l'insensé le temps de revenir de sa folie, peut-être que les réflexions qu'il aura le temps de faire le rendront plus sage. C'est ainsi qu'ils appelaient folie et égarement d'esprit ce qui était la plus haute sagesse, et qu'ils voulaient faire passer l'acie le plus héroique de la religion pour bassesse d'âme et petitesse de génie. Ainsi des gens noyés dans la crapule appellent ivrogne un philosophe sobre et tempérant. Voyons maintenant quel usage le saint homme fit du délai qu'on lui donnait.

Il y avait à Amasée un temple dédié à la mère des dieux (1), que les anciens païens lui avaient élevé sur le bord du fleuve qui tave les murs de cette métropole. Théodore se servit pour mettre le feu à ce temple de la liberté qu'on lui laissait. Le vent même seconda son dessein, et en peu d'heures cet édifice fut réduit en cendres. Ce fut là la réponse qu'il rendit aux tyrans, qui leur fit connaître ce qu'ils devaient attendre de lui. Cependant la flamme, qui s'élevait fort haut, apprit la chose à toute la ville. Théodore, bien loin de se tenir caché, ou du moins de songer à détourner le soupçon de l'embrasement qu'on aurait pu faire tomber sur lui, publiait hautement qu'il en était l'auteur. Il s'en vantait comme d'une action qui le devait couvrir d'une gloire immortelle. Il se moquait ouvertement des païens, il tournait en ridicule les regrets qu'ils faisaient sur la perte de leur temple et de leur déesse. Les magistrats le font citer: il comparaît, il parle avec une liberté surprenante et pleine de confiance, comme s'il n'avait rien à craindre; il semble moins être le criminel qui subit l'interrogatoire, que le juge qui le fait prêter. Il le prévient par ses réponses. Enfin les magistrats, voyant qu'il ne perdait rien de sa fermeté, qu'il ne paraissait point effrayé de la vue des supplices, et qu'il parlait toujours avec la même assurance, changè rent cux-mêmes de langage; et se radoucissant à l'égard de Théodore, ils entreprirent de le gagner par des promesses et des flatteries. Si vous voulez vous soumettre, lui dirent-ils, et faire ce qu'on souhaite de vous, nous vous engageons notre parole que dès le moment même on vous retirera de la poussière, vous serez anobli par le prince, et nous vous obtiendrons la dignité de grand prêtre. A ce mot de grand prêtre, Théodore se mit à rire; puis prenant un air plus sérieux En vérité, dit-il, j'estime que la condition des simples prètres de vos dieux est une des plus misérables qu'il y ait sur la terre ; je ne les considère que comme de vils et de chétifs ministres d'une vaine et ridicule superstition; que peut-on donc penser du souverain sacrificateur ? Son état est moins digne de compassion que d'horreur. Ainsi, parmi les méchants, le plus scélérat tient le premier rang; et entre les brigands (1) Cybèle, Bérécynthie, etc,

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celui-là est choisi pour capitaine, qui s'est signalé par un plus grand nombre de meurtres. Ainsi parmi de jeunes débauchés le plus es timé est celui qui marque le plus d'empresse ment dans la débauche. Ne vous donnez donc plus la peine de me faire valoir vos offres, j'en connais le prix mieux que vous ; vous ne me sauriez rien promettre de plus détes table. Il est bien plus avantageux à quiconque veut vivre dans la piété et l'innocence, de passer ses jours inconnu et méprisé dans la maison du Seigneur, que d'occuper une place honorable dans les palais des pécheurs. Je vous assure que l'aveuglement de vos empereurs, dont vous faites sonner si haut les lois et le pouvoir, me fait pitié. Qui le croirait, qu'élevés au-dessus des autres hommes par la puissance souveraine dont ils sont re vêtus, ils s'imaginent donner un nouvel éclat à leur diadème en prenant le nom de souverains pontifes? ils ne voient pas qu'ils ternissent la beauté de la pourpre impé riale en la couvrant de l'habit lugubre de sacrificateur, ils ne voient pas que les fonetions de ce ministère les dégradent; ils deviennent cuisiniers, d'empereurs qu'ils étaient; s'occupant d'une manière indigne du trône à tuer des oiseaux et à les faire cuire, à fouiller dans les entrailles des bêtes mortes; et ils s'attirent le mépris et l'indignation des peuples, en se montrant à eux comme des bouchers, les mains et les habits ensanglantés.

La feinte douceur des juges s'évanouit à ce discours du saint, elle ne put tenir contre des paroles si fortes et si pressantes. Ils écla tèrent d'abord en injures, ils l'appelèrent impie, rebelle; ils lui reprochèrent son pea de respect envers les empereurs et les dieux; et se faisant un devoir de venger les unset les autres, ils le firent étendre sur le chevalet. Pendant que les bourreaux attentifs à le tourmenter suaient à grosses gouttes, lui, sans donner aucune marque de faiblesse, chantait ce verset des Psaumes Je bénirai le Seigneur en tout temps, ses louanges se ront toujours en ma bouche. Les bourreaux étaient recrus, Théodore chantait comme si un autre eût souffert à sa place. On l'òta du chevalet et on le mit en prison; il s'y fit aus sitôt plusieurs miracles; on y entendait toutes les nuits des concerts, et une infinité de flambeaux éclairaient ces lieux affreux; en sorte que le geôlier accourait à la cham bre des prisonniers, et était surpris de n'y trouver que le ma tyr qui reposait, et les autres prisonniers profondément endormis; et partout enfin un grand silence et une profonde obscurité.

Cependant les juges voyant que tous leurs efforts ne servaient qu'à rendre l'admirable Théodore plus ferme et plus inébranlable dans sa foi, il fallut en venir à la sentence de mort, par laquelle il fut condamné à être brûlé tout vif. Ce saint, mes frères, acheva glorieusement sa course; mais en mouranti nous laissa sa vie pour nous servir d'exemple, et sa mort pour être l'objet de notre vé nération. Il rassemble depuis un siècle les

fidèles autour de son tombeau de là il enseigne l'Eglise, il met en fuite les démons, il rappelle les anges de paix, il prie pour nous, il demande, il obtient. Ce tombeau sacré est, s'il m'est permis de parler ainsi, le laboratoire miraculeux où se composent des remèdes souverains pour toutes sortes de maladies; c'est un port tranquille qui reçoit dans son sein tous ceux qui sont pussés par les vents des afflictions; c'est un trésor inépuisable où la Providence puise sans cesse pour fournir aux besoins des pauvres; c'est un hospice paisible et commode pour les voyageurs que la piété y conduit; c'est enfin comme une heureuse contrée où la joie et les fêtes sont continuelles, où il se fait un concours qui n'est jamais interrompu; car, quoique nous célébrions avec une pompe extraordinaire ce jour comme l'anniversaire du triomphe du saint martyr, les autres jours de l'année ne laissent pas d'avoir leur solennité particulière, la dévotion s'y renouvelle chaque jour, et y amène de nouveaux pèlerins. Imaginez-vous un sentier couvert de fourmis, dont les unes montent, les autres descendent, et vous concevrez le chemin qui conduit à ce tombeau célèbre. Pour nous, qui avons aujourd'hui le bonheur de solenniser ce jour que le cours du soleil ramène régulièrement tous les ans, nous venons tous ensemble, o bienheureux martyr, renouveler la mémoire de votre victoire, et adorer sous vos auspices le Dieu tout-puissant qui vous a fait vaincre.

Venez donc, ô grand saint! venez présider à la fête, accourez de quelque endroit du ciel que Dieu vous ait marqué pour votre demeure; soit que vous vous trouviez dans la plus haute région de l'air, ou sous le ciel de quelque planète; soit que vous soyez placé avec les anges, ou occupé à louer Dieu avec les puissances et les vertus, quittez s'il se peut pour un moment ce glorieux emploi, et venez honorer de votre présence un peuple

vous invoque. Ce n'est plus une troupe d'idolâtres qui prend plaisir à vous faire souffrir, et qui se fait un spectacle agréable de vos tourments; c'est une assemblée de fidèles serviteurs de Jésus-Christ, qui aime à vous contempler par les yeux de la foi, environné de la gloire dont vous jouissez dans le ciel et à augmenter les honneurs que les hommes vous défèrent sur la terre. Nos besoins sont grands, et nous en avons plusieurs intercédez auprès du grand Roi en faveur de votre patrie; car la patrie d'un martyr, c'est le lieu où il a reçu la mort ; et ses citoyens, ses alliés et ses proches sont ceux qui possèdent ses reliques, qui les conservent et qui les révèrent. Divers malheurs nous menacent, nous les voyons s'approcher de jour en jour; les Scythes s'avancent vers nos frontières, et cette cruelle nation se fait suivre par le désordre, l'horreur et le carnage. Comme soldat, combattez vaillamment pour nous; comme martyr, parlez hardiment pour nous. Quoique votre âme exempte de passion n'ait jamais connu en elle les faiblesses de l'humanité,

elle les a du moins connues dans les autres; elle n'ignore pas quels sont les besoins et les nécessités de la vie, les craintes et les frayeurs de la nature à la vue d'un péril prochain. Demandez la paix, afin que nos saintes assemblées ne soient point interrompues, ne soient point troublées, ne soient point dissipées par la guerre; que le soldat idolâtre ne vienne point d'une main sacrilége nous arracher des autels et de votre tombeau. Jusqu'ici nous vous reconnaissons pour notre protecteur; et si les armes des barb res ont épargné cette province, si nous jouissons de la liberté et de la vie. nous en sommes redevables à cette puissante protection; que le passé nous réponde pour l'avenir. Que si vous croyez, grand saint (et il n'y a que l'humilité qui puisse vous le faire croire), qu'il soit nécessaire d'employer auprès de Dieu une recommandation plus forte, des prières plus efficaces, un plus grand nombre d'intercesseurs, voilà vos frères les martyrs (1) qui se joindront à vous. Allez, troupe sacrée, priez pour une troupe de pécheurs, la miséricorde de Dieu ne pourra vous résister. Mettez encore Pierre dans nos intérêts, mettez-y Paul; faites-y entrer Jean le théologien et le disciple bien-aimé ; qu'ils sollicitent, qu'ils s'empressent pour la conservation des églises qu'ils ont fondées, pour lesquelles ils ont donné leur sang et leur vie. Que les idoles abattues ne puissent jamais se relever. Que l'herésie, cette mauvaise plante, ne croisse point dans la vigne du Seigneur; que la zizanie n'étouffe pas le bon grain; que les pierres et la terre stérile et sans humeur, qui ne peuvent donner de nourriture à la parole, soient jetées hors du champ de l'Eglise ; mais que, par votre puissante intercession et celle de vos compagnons, la république chrétienne devienne une contrée fertile; qu'elle soit couverte de riches moissons, qu'elle soit abondante en fruits; que tous les habitants y cueillent en tout temps ceux de la vie éternelle.

THEODORE (saint), martyr, mourut en confessant sa foi à Alexandrie, durant la persécution de l'empereur Galère-Maximien. Ce saint évêque égyptien eut pour compaguons de son martyre les saints Fauste, prêtre, Didie et Ammone, Philéas, Hés que, Pacome et six cent-soixante autres dont les noms ne sont point consignés aux martyrologes. L'Eglise honore leur mémoire le 26 novembre.

THEODORE STRATÉLATE (saint), c'està-dire Théodore le général, martyr, commandait les troupes de Licinius dans le pays des Mariandins (partie de la Bithynie, du Pont et de la Paphlagonie). Il faisait sa résidence à Héraclée, qui pour lors en était la capitale. Il était chr tien. Licinius lui fit trancher la tête en 319, le 7 février, jour auquel l'Eglise honore sa mémoire. Ses reliques sont à Venise dans l'église Saint-Sauveur : elles furent apportées dans cette ville, en 1260,

(1) Peut-être Eutrope, Léonic et Basilisc, que les Grecs nomment les compagnons de saint Théodore.

par Marc Dandolo. Les Actes grecs de saint Théodore, qu'on attribue à un nommé Augare, n'ont aucune espèce d'autorité. (Voy. Falconius, Not. in tabul. Joseph Assemani, in calend, univ. ad 8 et 17 febr. et 8 junii. Lubin, Not. in mart. Rom., p. 233.)

THEODORE (Saint), martyr sous Valens, en 370, fut l'un des quatre-vingts députés qu'il fit mourir par le ministère du préfet du prétoire Modeste. (Voy. URBAIN et VALENS.) THÉODORE STUDITE (saint), abbé à Constantinople et confesseur, était fils de Théoctiste, sœur de saint Platon, abbé de Symboléon, sur le mont Olympe, en Bithynie. Saint Platon s'était depuis longtemps retiré du monde, et ses neveux eux-mêmes avaient en quelque sorte oublié son existence, lorsqu'il fut obligé de venir à Constantinople pour affaire. Bientôt sa veriu l'y fit remarquer, et l'y rendit extrêmement célèbre. Après qu'il fut parti pour retourner à sa solitude, impératrice rè e ayant accordé la liberté à chacun d'embrasser l' tat monastique, toute la fam lle de Théoctiste, sœur du saint, résolut de marcher sur ses traces, et de se retirer aussi du monde en se consacrant entièrement à Dieu. Cette sainte femme fonda en 781, près de Constantinople, l'abbaye de Saccudion. Au nonbre de ceux qui s'y retirèrent fut Théodore, son fils, âgé de vingt-deux ans. Nul ne montra plus de ferveur qe ce jeune homme. L'année d'après, saint Platon, quoique avec beaucoup de peine, se démit de son monastère pour prendre la direction de la nouvelle abbaye. Sous la conduite de cet homme éminent, Théodore fit de très-grands progrès dans la vertu et dans la science. En 794, saint Platon, ayant voulu vivre en simple religieux, abdiq ia son titre d'abbé. Saint Theodore fut élu tout d'une voix pour le remplacer. Il avait alors trente-cinq ans ; il y avait par conséquent treize années qu'il avait embrassé la vie monastique. L'année suivante, l'empereur Constantin VI ayant renvoyé sa femme Marie, avec laquelle il vivait depuis sept ans, épousa Théodote, proche parente de saint Platon et de saint Théodore. Le patriarche Taraise admonesta sévèrement l'empereur; mais il ne voulut pas Pexcommunier, de peur qu'il se déclarit en faveur des iconoclastes. Saint Platon crut devoir témoigner ouvertement qu'il désapprouvait le mariage de l'empereur Constantin avec Théodote, jusqu'à se séparer de la communion du patriarche Taraise. L'empereur, irrité, le fit menacer d'exil, de fouet, de mutilation des membres: on lui envoya des moines pour le soll citer; on lui écrivit des lettres, mais le tout inutilement. L'abbé Théodore, son neveu, se déclara comm lui, et ne se crut pas obligé au même ménagement que le patriarche Taraise; mais, après y avoir bien pensé, il excommunia publiquement l'empereur, et le dénonça à tous les moines. L'empereur dissimula son ressentiment; et, voulant gagner Théo tor, il y employa sa nouvelle épouse Théodote, qui était parente du saint abbé, et qui s'efforça de le

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gagner par de grandes sommes d'argent et de grands présents, et encore plus par la considération de la parenté.

L'empereur, voyant qu'elle n'avait rien gagné, alla lui-même au monastère de Saccudio, sous prétexte d'une affaire pressée; mais ni labb Théodore, ni aucun des moines, ne se présenta pour le recevoir, et pas un ne lui parla ni ne l'approcha. Outré de colère, il retourna au palais, et envoya Bardane, domestique des écores, c'est-à-dire capitaine des compagnies, et Jean, comte de l'obs quium, pour maltraiter à coups de fouet l'abbé Théodore et ceux de ses moines qu'il sava t être les plus fermes dans les mê mes sentime ts. On les déchira de coups, et on fit couler de leurs corps des ruisseaux de sang; puis on les envoya sur-le-champ en exil à Thessalonique, suivant l'ordre de l'empereur. Ils étaient douze en tout, l'abbé et onze moines: ils souffraient ce traitement d'un esprit tranquille; et comme il y avait un ordre de l'empereur portant défense à personne de les recevoir, les abbés mêmes n'osaient leur fire l'hospitalité.

Les mêmes capitaines amenèrent Platou à Constantinople, et l'empereur le fit venir devant lui; mais il lui résis a en face, et lui soutint que son mariage était illicite, L'empereur le fit enfermer dans une cellule, où on lui donnait à manger par un trou, avec ordre de ne le laisser voir à personne; et il était gardé dans le monastère de Saint-Michel, joint au palais, dont était abbe le prétre Joseph, qui avait marié l'empereur avec Théodote. L'empereur envoya des évêques à Platon pour lui persuader de consentir seulement de parole, afin de se délivrer de cette prison. Il était attaqué par les railleries des moines et des laïques, de ses parents et des étrangers; mais il demeura toujours ferme, et soutint la persécution un an entier. Elle ne fut pas sans effet: les moins et les évè ques de la Chersonèse, du Bosphore, des Côtes et des îles voisines, touchés de l'exemple de Platon et de Theodore, déclarèrent l'empereur excommunié, et ne se laisserent fléchir ni par les menaces ni par les présents. Il les fit donc bannir; mais ils n'en devinrent que plus hardis à parler contre ce mariage scandaleux, et ramenèrent plusieurs de ceux qui s'étaient laissé entraîner à imiter l'empereur. Irène, sa mère, voyant combien cette conduite lui nuisat auprès des gens de bien, prenait le parti de ceux qu'il persécu tit, pour le rendre encore plus odieux.

Saint Théodore n'arriva à Thessalonique que le samedi, jour de l'Annonciation, 25 mars, par conséquent l'an 797. De à il éc ivit à saint Platon ce qui s'était passé depuis leur séparation, et tout le dét il de son voyage. Il écrivit aussi au pape tout ce qui était arrivé, et en reçut une réponse pleine de louanges de sa prudence et de sa fermeté. (Fleury, vol. III, p. 193.)

Bientôt après, l'empereur fut détrôné par sa mère Irène, qui avait gagné ses pricpaux officiers, et qui fui fit crever les yeux avec tant de barbarie, que quelque temps

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après il en mourut. Irène régna seule elle fit revenir les exilés; Théodore revint à Saecudion, et y réunit ses moines. Mais comme il y était sans cesse exposé aux insultes des musulmans, qui faisaient de fréquentes incursions jusque dans le voisinage de Constantinople, il résolut de venir dans l'enceinte de la ville. Le patriarche et l'impératrice lui donnèrent le monastère de Stufe. Ce fut de ce lieu qu'il prit son nom de Studite. Il se trouva bientôt avec plus de mille rigieux autour de lui. En 802, Irène fut détrônée par Nicéphore, son premier trésorier, qui la it enfermer dans un couvent de l'ile Princesse. Bientôt après, envoyée dans celle de Lesbos, elle y mourut en 803.

Cependant l'Eglise de Constantinople était en trouble. Le patriarche Taraise avait déposé le prêtre Joseph, pour avoir, contre les saints canons, donné la bénédiction nuptiale à l'empereur Constantin en son mariage illicite avec Théodote. Mais Joseph gagna les bonnes grâces de l'empereur Nicéphore, en se rendant médiateur de l'accommodement entre lui et Bardane le Turc, qui avait pris le titre d'empereur. Nicéphore se mit donc en tête de faire rétablir Joseph dans ses fonctions. Le patriarche Nicéphore le refusait, ne pouvant se résoudre à casser le décre dé son prédécesseur; mais l'empereur soutenait qu'il n'éla t pas nouveau de rétablir celui qu'un autre avait déposé, et qu'il y avait de la charité à pardonner. Enfin, il pressa tant le patriarche, qu'il crut devoir céder, craignant que sa fermeté ne portât l'empereur à quelque violence contre l'Eglise. Le patriarche Nicéphore assembla donc un concile d'environ quinze évêques, cù, par condescendance et par dispense, il rétablit le prêtre Joseph dans ses fonctions. On croit que c'était l'an 806.

Saint Théodore Studite, qui assistait à ce concile, s'opposa à son décret, comme il s'était opposé au mariage de Constantin; et le lendemain il le déclara au patriarche Nicéphore, par une lettre écrite en son nom et de saint Platon, où ils disent : « Nous sommes orthodoxes en tout, nous r jetons toutes les hérésies, et recevons tous les conciles généraux et particuliers approuvés, et leurs canons; hous recevons aussi les dispenses 1gitimes, dont les saints ont usé sefon l'occasion. Cette lettre même, par laquelle nous vous saluons, fait voir que nous úsons de dispense. » Ils veulent dire que, s'ils agissaient à la rigueur, ils n'auraient aucun commerce, même de lettres, avec le patriarche. Ils continuent : « C'est ainsi que nous avons reçu le patriarche, votre prédécesseur, au retour de notre exil, après la dissolution du mariage illicite, et la déposition de l économe. Nous ne voulûmes point communiquer avec lui, tandis qu'il donnait la communion au prince adultère, quoiqu'il dit qu'il le faisait par condescendance, et qu'on lui eût plutôt coupé les mains que de faire la cérémonie de ce mariage. Ce fut à ces conditions que nous communiquâmes avec lui jusqu'à sa mort. Nous avons reçu aussi

votre sainteté pour patriarche, et nous faisons mémoire d'elle tous les jours au saint sacrifice.

« Il n'y a donc entre nous aucun différend qu'au sujet de l'économe, déposé par les canons en plusieurs manières, qui recommence à exercer ses fonctions après neuf ans d'interdiction. Et ce n'est pas en cachette; on le pourrait souffrir, puisqu nous n'y aurions pas de part; mais on veut qu'il exerce continuellement avec un prélat de votre mérite, dans la source du sacerdoce de cette Eglise (c'est-à-dire qu'il assistait à l'office solennel de la cathédrale). Il était donc juste, pour ne point scandaliser le peuple de Dieu, principalement ceux de notre ordre (il entend les moines), de le pr ver du sacerdoce, ou du moins de ne rien faire contre nous irrégulièrement; nous ne le disons pas par crainte, mais par compassion pour le public. Car nous souffrirons tout moyennant la grice de Dieu; mais nous vous déclarons, devant Jésus-Christ et les anges, que vous faites un grand schisme dans notre Église. Les hommes peuvent se servir de leur puissance; mais quand ils ne le voudraient pas, ils sont soumis à la puissance des canons. »>

comme

Après cette protestation, Théodore se sépara de la communion du patriarche avec tous ses moines; ce qui en sépara une grande partie du peuple, c'est-à-dire les plus vertueux. Toutefois, la séparation de Théodore ne fut pas connue d'abord, et par discrétion il la tint secrète autant qu'il put; ce qui dura deux ans, considérant que, il n'était pas évêque, il lui suffisait de se conserver lui-même, et ne prendre point de part à ce mal. Mais enfin le logothète du drome, c'est-à-dire l'intendant des voitures publiques, officier considérable à la cour, dit à Joseph, archevêque de Thessalonique, frère de Théodore Pourquoi avez-vous laissé passer tant de fêtes sans communiquer avec nous et avec le patriarche? dites-en hardiment la raison. L'archevêque répondit: Nous n'avons rien contre les empereurs ni contre le patriarche, mais seulement contre l'économe déposé par les canons. Les empereurs étaient Nicépho e et son fils Staurace, qu'il avait fait couronner au mois de décembre 803. Le logothète répondit: Les empereurs n'ont pas besoin de vous, ni à Thessalonique ní ailleurs. Ils n'en dirent pas davantage alors; mais, la chose étant devenue publique dans Constantinople, plusieurs prirent le parti de Théodore, sans toutefois Oser se déclarer.

Saint Platon, ou plutôt saint Théodore sous son nom, en écrivit au moine Siméon, parent de l'empereur, qui était de leurs amis, et fort affligé de la déclaration de l'archevêque Joseph. Platon le prie d'apaiser l'empereur, « pour lequel, dit-il, nous n'avons que toute sorte de respect, loin de rejeter sa communion. Notre différend n'est que contre celui qui a fait ce mariage illi– cite, et que Jésus-Christ lui-même a déposé par deux canons entre les autres. Le premier

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