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Office ont la vénération de la forme », vénération, hélas! bien facile puisqu'ils ont en même temps « un pouvoir discrétionnaire que la loi leur a donné » (p. 197) 1. Pauvres juges, pauvres moines! « Partagés entre leur volonté d'appliquer la loi et le désir de céder à la pitié, autant qu'ils le peuvent, le cœur l'emportera! » (p. 416). Il est vrai que la physionomie de ce « tribunal de miséricorde et de pénitence >> est << un peu déconcertante » et M. de Cauzons concède qu'il <<< est dommage que le côté pénitentiel de l'Inquisition ait trop souvent disparu devant son apparence coercitive » (p. 205).

On ne peut que lui donner raison, quand on passe avec les accusés dans la chambre de torture. L'auteur se pose à cette occasion plusieurs questions «< qui le laissent rêveur » (p. 228). « S'en servait-on beaucoup? A cette question, si l'on s'en tient aux faits constatés, il faut répondre non 3. Mais il a bien pu se faire que les registres spéciaux de ces sentences aient été perdus » (p. 235). Il est vrai que l'auteur constate également que la torture par le feu fut employée « malgré les vraies lois inquisitoriales, qui défendaient les mutilations >> (p. 247). Belle consolation pour les pauvres brûlés! D'ailleurs sur ce point, comme sur bien d'autres, les .oscillations perpétuelles de l'auteur ne nous permettent pas d'arriver à savoir clairement sa pensée. A la page 386, il nous assure que « les condamnés au feu furent relativement en très petit nombre ». Pourquoi faut-il, qu'en tournant la page, nous voyions le même garant affirmer, avec le même sérieux, que « le nombre total des condamnés à une peine ou à une autre, reste impossible à évaluer, même approximativement »? (p. 387). Dans le chapitre relatif aux prisons de la Sainte Inquisition, M. de C. insiste beaucoup sur ce fait que la captivité des inculpés « gardait le carac tère, non d'une peine, mais d'une pénitence salutaire » (p. 370). Déclaration fort utile à méditer, sans doute, mais légèrement invraisemblable, quand on lit ensuite la description vraiment effroyable des dits cachots de l'Inquisition faite par l'auteur lui-même (p. 376-380). Après les cachots et les tortures, la mort, mais non pas la mort sans phrases. Ecoutons plutôt notre historien: « Quand le juge ecclésiastique abandonnait les condamnés au bras séculier, il priait celuici de les traiter miséricordieusement, en leur épargnant la mutilation et la mort... Le magistrat civil savait parfaitement qu'il devait se

1. Ailleurs l'auteur se laisse entraîner à confesser «< qu'il y avait beaucoup d'arbitraire chez les juges inquisitoriaux (p. 415).

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2. Cela ne cadre pas précisément avec cette autre phrase du livre : « Contre l'hérétique impénitent, l'Inquisition déchargeaît toute sa fureur, chose assez naturelle!» (p. 264).

3. Voici comment ce non si catégorique s'évapore bientôt après. «< A partir du XIV siècle... la torture s'appliqua à peu près régulièrement » (p. 236), et non pas seulement une fois, comme le voulait la bulle d'Innocent IV, mais « deux, trois, quatre jours de suite », et parfois davantage. Certains Vaudois d'Arras ont été remis jusqu'à quatorze fois sur le chevalet pour leur arracher un aveu (p. 238).

garder de prendre à la lettre cette prière, car l'excommunication eût bien vite dissipé sa naïveté » (p. 283). Cette « contradiction que n'ont pas manqué de relever les détracteurs du Saint-Office, en lui donnant une importance qu'elle n'avait pas, venait tout simplement d'un respect exagéré pour les formes juridiques et les usages reçus >> (p. 284). Pourtant, en note, M. de C. accorde catégoriquement que << la mort des hérétiques fut voulue véritablement et par l'Etat et par l'Eglise et plus tard, il affirme de nouveau, « qu'il ne saurait y avoir de doute que l'Eglise a voulu la mort des hérétiques impénitents (p. 381).

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Sur le chapitre des confiscations du bien des hérétiques' l'auteur est suffisamment explicite. Si « l'Inquisition, somme toute, n'eut guères part aux gains provenant des confiscations, les évêques dans ⚫ certains diocèses trouvèrent avantage aux spoliations des hérétiques... Malgré tout on n'a pas le droit d'accuser ces évêques d'avoir jamais condamné des innocents dans le but abominable d'acquérir leurs dépouilles... En revanche on a pu faire ce reproche avec beaucoup de fondement aux agents du fisc civil » (p. 329). Pourtant il se produisit tout de même quelques abus parmi la sainte milice elle-même, puisque « dans la caisse toujours vide de l'Inquisition, il fallait mettre au moins quelque chose ». Aussi le Concile de Vienne (1311) dût frapper d'excommunication les agents des inquisiteurs et des évêques à cause des extorsions d'argent dont ils se rendaient coupables (p. 35o). Connaissant par une longue expérience les caprices et les détours de l'esprit humain, j'admets parfaitement qu'on se prenne d'enthousiasme pour le Saint-Office, qu'on en regrette les bienfaits 2, qu'on en expose le mécanisme avec une admiration sincère, comme un rouage absolument nécessaire à l'autorité de l'Eglise au moyen-âge, voire même dans les temps modernes. Mais je voudrais que l'on fût conséquent dans cette façon de voir, et qu'on eût le courage de son intransigeance vis à vis de l'esprit moderne 3. Il est absurde, au point de vue scientifique, et révoltant, au point de vue moral, de faire, en plein xxe siècle de l'Inquisition de France une espèce d'institution charitable, venant en aide à la faiblesse de la foi des pauvres gens du moyen-âge, par des réactifs un peu violents peut-être, mais dans un but très philanthropique au fond. On ne peut s'empêcher de s'élever contre cette

1. Il fournit à l'auteur l'occasion de parler de la confiscation théoriquement disparue en France et rétablie, sans être nommée, en 1901 et en 1905 » (p. 319). 2. Peut être, malgré son enthousiasme, l'auteur court-il quelque danger de paraître suspect aux intransigeants du Vatican. Il professe, p. 133-134, quelques opinions assez modernes, sur la création de dogmes nouveaux, « à mesure que la langue humaine s'enrichit d'expressions nouvelles et plus précises.

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3. Je suis tenté de respecter le P. Jésuite, professeur à l'Université d'Innsbruck, qui, vers la fin du siècle dernier regrettait ouvertement que l'Eglise n'eût plus le pouvoir, comme elle en avait le droit, de faire griller tous les hérétiques; celui-là du moins était franc de collier.

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affectation «< humanitariste >>> le mot est de l'invention de M. C. de vouloir démontrer les beautés de l'Inquisition aux générations contemporaines; de vouloir leur prouver qu'il faut être un esprit étroit, borné, fanatique, appartenant aux groupes hostiles à l'Eglise ', pour ne pas regretter cette législation parternelle pour laquelle l'auteur réclame « une immense avance... sur les procédures actuelles »; il exprime en même temps le pieux désir que « les codes pénal et criminel de nos civilisations modernes se rapprochent de plus en plus, et dans leur esprit et dans leur pratique, de celui, si abhorré de l'Inquisition » (p. XLIV).

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Il est vrai que notre auteur se déclare résolument « hostile à un humanitarisme doucereux et à des rêves de sociabilité idylliques » qui << nous préparent des convulsions terribles » (p. 413), et qu'il lui est <<< impossible de dire, de nos idées actuelles ou de celles des temps. passés, lesquelles sont les meilleures » (p. 414). Pourtant il s'était posé, vers la fin de son volume, « une question mélancolique »> : << Est-il bien certain que les flammes mises à la disposition du christianisme au XIIIe siècle, pour sa défense, lui aient été aussi profitables que les bûchers où les empereurs avaient voulu l'anéantir? » (p. 388). Mais à cette question il n'a point trouvé encore, ce me semble, la réponse historique, purement négative; il n'a point trouvé surtout la réponse morale, qui condamne tout attentat contre le droit sacré de tout homme, de penser et de croire, en suivant sa conscience 3.

L'auteur annonce en terminant que son prochain volume nous fera connaître << les hérétiques dans leurs doctrines et leurs œuvres ». Sans vouloir être plus prophète que M. de Cauzons lui-même (p. 413) on peut se hasarder à prédire qu'il ne parlera pas des victimes avec l'onction paternelle dont il n'a pas été chiche à l'égard des bourreaux.

R.

Mémoires du cardinal de Richelieu publiés d'après les manuscrits originaux pour la Société de l'Histoire de France sous les auspices de l'Académie française. Tome troisième. Paris, Renouard (Laurens), 1912, 355 p., 8o. Prix : 9 fr. Nous avons longuement rendu compte ici des deux premiers volumes de l'édition nouvelle du texte qu'on est convenu d'appeler les Mémoires de Richelieu, en exposant en même temps les principes

1. Les quatre groupes sont indiqués et soigneusement étiquetés dans l'introduction (p. x).

2. Il ne semble pas s'être demandé si ce n'est pas plutôt le retour aux pratiques rien moins qu'humanitaires d'un lointain passé qui provoquerait les convulsions terribles qu'il annonce.

3. Pour ne pas être accusé d'individualisme exagéré je me garde d'ajouter aux mots de penser et de croire celui d'agir et je prends soin, également, de marquer la différence profonde entre la voix de la conscience éclairée et les instincts de la brute.

4. Voy. R. Cr., 1910, 25 août.

qui ont guidé les éditeurs dans leur travail. La mise au jour du troisième volume a été soignée par M. le comte Horric de Beaucaire, avec la collaboration de M. Robert Lavollée. Il embrasse les années 1620, 1621, 1622, 1623; on y suit à la fois les démêlés entre la reinemère et le jeune roi au sujet de la non exécution du traité d'Angoulême, l'ambassade française en Allemagne, durant la guerre de Bohème, les luttes contre les huguenots, le siège de Montauban, la mort du connétable de Luynes, la continuation des querelles politicoreligieuses jusqu'à la paix de Montpellier, toute la série des péripéties intérieures et extérieures, des cabales de cour entre les Brulart, La Vieuville et le nouveau cardinal de Richelieu. C'est une période de recueillement, de préparation, pour le grand politique, plutôt que d'action; car il lui faut d'abord reprendre pied à la cour et dans la politique, en s'y insinuant à la suite de Marie de Médicis, plus prudent, plus habile, mais non moins ambitieux qu'avant son échec de 1617, et tenant assez généralement la morale vulgaire en assez mince estime quand il s'agit de réussir. Chaque fois qu'il a pu il a laissé libre carrière à ses haines méprisantes pour ceux qu'il avait rencontré comme obstacles sur sa route, que ce fût le catholique de Luynes' ou le huguenot du Plessis-Mornay 2; son apparente impartialité n'est jamais que de surface et cache mal des rancunes que ses scribes sont chargés d'assouvir, et qu'une lecture attentive révèle, malgré l'impersonnalité voulue de la rédaction dernière. Ce qu'elle révèle aussi, c'est que le récit n'est pas toujours contemporain des faits racontés, mais rédigé parfois plusieurs années après *. Les notes ajoutées par l'éditeur sont assez nombreuses mais pas toujours exactes 5. Dans l'appendice on trouvera une note intéressante sur le manuscrit français 17.542 de la Bibliothèque Nationale qui contient quelques pages faisant défaut aux

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1. Comparer ce que Richelieu dit, p. 134, de Luynes avec les lettres sollicitant humblement l'amitié du connétable, qu'a publiées Avenel dans les Lettres de Richelieu.

2. Voir p. 325, l'inepte calembour sur Du Plessis-Mornay, emprunté d'ailleurs au Mercure, et ce qu'il dit du vieux huguenot << médiocrement lettré »; assurément il avait une culture intellectuelle égale à celle de l'auteur.

3. Cà et là quelques sentences montrent la griffe du lion, comme ce mot caractéristique, p. 291: « Un vrai ministre ne doit penser qu'aux intérêts de son maître, mais le maître doit penser aux siens. »>

4. Ainsi, p. 113, dès 1620, le duc de Bavière est appelé Electeur, bien qu'il ne le soit devenu qu'en 1623.

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5. P. 113, George-Guillaume de Brandebourg ne devint pas Electeur en 1617 mais en 1619. Il est question à la même page d'un grand-duché de Wurtemberg. P. 243, l'auteur fait commander en 1622 une des armées impériales opérant contre Mansfeld, par le prince d'Anhalt. Il y a confusion avec le comte d'Anholt. – P. 322, la même confusion est répétéc. Il n'y avait pas non plus de ducs d'Anhalt-Bernbourg dans la première moitié du xvII° siècle. P. 326, il est question en note « d'André, écrivain wurtembergeois. » Il s'agit de Valentin Andreae, surintendant ecclésiastique de Calw et l'un des plus élégants latinistes de l'époque.

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manuscrits A et B (début du récit de l'année 1624); il se rapporte seulement aux années 1622-1626. On en doit conclure qu'il a existé un autre manuscrit des Mémoires, postérieur à B, qui s'est perdu et dont le 17.542 est une copie.

R.

Aufsätze und Vortræge von Dr. S. Singer, ord. Professor an der Universitāt Bern. Tübingen, Mohr (Paul Siebeck), 1912, in-8°, vIII-280 pp., 9 m.

Voici un recueil de dix articles ou conférences dont l'importance est inégale, mais dont il n'est pas un qui n'offre des faits neufs et des idées dignes d'attention. Le caractère commun de ces études est qu'elles ont pour objet des questions de philologie germanique. Les Jeux d'enfants et les Légendes des nains en Suisse intéressent les folkloristes. Le premier article apporte une contribution aux études mythologiques, en montrant que certains jeux d'enfants sont nés d'usages rituels ou de croyances religieuses. La démonstration est intéressante sinon toujours convaincante'. Le second, où sont recherchées les origines des légendes suisses relatives aux nains, fortifie la thèse d'après laquelle les nains gardiens de trésors ou orfèvres qui peuplent les récits populaires pourraient être les habitants de certaines régions de l'Europe antérieures à l'invasion indo-européenne. — Un article sur les Origines physiologiques de la psychologie de Shakespeare démontre que Shakespeare n'a pas eu, contrairement à ce qu'on a dit, des connaissances médicales plus précises que les hommes instruits de son époque.-S'étant occupé à diverses reprises d'Apollonius de Tyr M. S. a pu formuler d'utiles observations sur les différentes versions de ce poème. Dans une étude sur les mots créés en allemand pour traduire le sens de termes étrangers — étude qui peut devenir le point de départ d'un travail très important et très nécessaire nous trouvons des faits lexicographiques curieux. Un nombre considérable de termes de tout ordre sont des « emprunts sémantiques >> faits aux langues étrangères, surtout au français 3. - Sur la question, si passionnément discutée, de l'existence d'une langue littéraire à l'époque du moyen-haut-allemand M. S. confirme une opinion très

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1. J'ai peine à croire que dans le jeu appelé Petit bonhomme vit encore le charbon ou la mèche en ignition symbolise la lumière de la vie. D'autres jeux du même genre (ex. la « savate » en Lorraine) n'ont certainement aucune valeur symbolique.

2. Le nom Kurschmied (p. 46) ne serait-il pas l'appellation du maréchal-ferrant, qui, dans les campagnes, était un peu vétérinaire, et, à l'occasion, médecin ?

3. M. S. aurait, semble-t-il, dû se rappeler plus souvent une observation qu'il a faite p. 117 et ne pas attribuer au latin certains « emprunts sémantiques » qui ont été faits aux langues modernes. Ainsi diu mâze (p. 115) paraît bien être la traduction du français « mesure » déjà opposé à l'arrogance dans la Chanson de Roland et non du latin « mensura ». D'autre part l'expression « bêtes de tirage » (p. 119) opposée à « bêtes de trait » ne serait-elle pas un helvétisme? «< Rabat »> (p. 188) devrait faire place à « rabais », plus usité.

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