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connexes dans lesquels la politique a eu plus de part que la religion. En outre, on ne voit pas pourquoi l'exposé des doctrines albigeoises, ou plutôt cathares, prend place dans la seconde partie mieux que dans la première. Enfin, M. D. se laisse, à tout instant, entraîner à des discussions incidentes, qui l'éloignent de son sujet, et donnent à son livre l'apparence d'une suite de dissertations à peine réunies par une idée dominante qui est la haine de tout ce qui est albigeois.

Je ne me reconnais pas le droit de reprocher à M. l'abbé D. des sentiments qui sont en quelque sorte professionnels, mais j'ai le droit, laissant de côté toute appréciation des doctrines, et me tenant exclusivement sur le terrain historique, de lui reprocher de ne nous rien dire qui n'ait été dit, et mieux dit, avant lui, d'affecter, de la première à la dernière page de son livre, les dehors d'une érudition qu'il ne possède pas, de nous avoir donné enfin, non un ouvrage original composé d'après les sources, mais une compilation indigeste où les erreurs mêmes sont recueillies de seconde main.

L'erreur capitale du livre consiste à faire des Cathares ou Albigeois les descendants des Manichéens. C'est là une opinion qui a été complètement réfutée par M. Schmidt dans un livre 1 auquel M. l'abbé D. a fait plus d'emprunts qu'il n'en avoue, et ce serait perdre le temps et l'espace que d'entreprendre de la réfuter de nouveau. Le livre de M. Schmidt marque sur ce point l'état de la science. Si M. l'abbé D. croit pouvoir renverser des notions considérées maintenant comme acquises, qu'il les attaque de front par une discussion en règle. Exposer longuement, comme il le fait, les doctrines de Manès et celles qui s'y rattachent - c'est à cela qu'il consacre à peu près uniquement les deux cents premières pages de son livre, ce n'est point du tout réfuter M. Schmidt. L'opinion du savant auteur de l'histoire des Cathares est que le catharisme est une doctrine qui s'est produite dans les pays Slaves; que de là elle s'est propagée en France en passant par l'Italie. C'est là une opinion qui a été contestée et qui, en effet, n'est pas à l'abri de toute contestation, parce qu'il n'est pas aisé d'établir historiquement l'itinéraire des doctrines cathares de la Thrace jusqu'en Occident, mais ceux mêmes qui sur ce point contestent la thèse de M. Schmidt, sont très éloignés d'expliquer le catharisme par le manichéisme 2. Si maintenant on admet, avec M. Schmidt, que la doctrine cathare vient de l'Europe orientale — et

1. Histoire et doctrine de la secte des Cathares ou Albigeois. 1849, deux vol. in-8. 2. Par exemple, M. Cucheval-Clarigny, qui croit le catharisme originaire de France, mais admet pourtant que « M. Schmidt démontre péremptoirement que le catha« risme n'est pas la continuation directe du manichéisme, et que les différences sont « trop profondes entre les deux systèmes pour que l'un soit même une transforma«tion de l'autre. » (Biblioth. de l'école des Chartes, 3, III, 83) Et plus loin (p. 87) M. Cucheval-Clarigny rappelle « l'erreur des théologiens du moyen âge, qui voulaient voir des Manichéens dans tous les dualistes. » C'est l'erreur de M. l'abbé Douais.

M. l'abbé D. l'admet (voy. notamment p. 189 et suiv.) — alors avoir recours au manichéisme pour expliquer cette doctrine, c'est porter la confusion au suprême degré, puisqu'il est insoutenable que l'hérésie des Bogomiles soit celle de Manès.

Le livre de M. l'abbé D., déjà très gravement compromis par une erreur fondamentale, fourmille de tant de fautes de tout genre que ce compte-rendu prendrait des proportions démesurées si j'avais la prétention de relever toutes celles qu'une simple lecture m'y a fait apercevoir. Je montrerai par une voie plus courte le cas qu'il faut faire du livre en mettant en lumière le procédé par lequel M. l'abbé Douais a pu étaler, à chaque page, un appareil d'érudition qui, de prime abord, pourrait faire illusion à un lecteur trop confiant.

Au bas des pages 14 et 15, on lit une longue note, toute composée de références. La note a, dans le livre, 26 lignes. Je cite les 16 premières : Voir sur Simon le Magicien, parmi les Pères: Iren., lib. I, 22-3; Hæres., 21. Cyrill. Hiero., Catech., vi, 24, 25; 1; v, 9;-Tertul., de Anima, cap. 34; Orig., cont. in Mat., cap. 24; Clem. Alex., Strom., 11, 25; tin., Apol., I, 26, 56; Euseb., Hist., 11, 13;

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Epiphan., Theodor., Hær. Fabul., lib. I, Cels., v, 62; -Hieron., Comment. Recog., 1, 72; II, 7-14; Philosophumena, VI, 7-20;

Jus

Ar

nob. adv. Gent., 11, 12. Ambr. Hexameron, iv, 8; Philastrius, de Hær., 29; Theodor., I, V, 9. - Aug., de Hares., I. Epist. 36, ad Casulan.

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Parmi les modernes : A. Simson, Ueber Leben und Lehre Simon, des Magiers, Zeitschrift von Illgen, 1841, livrais. 3; J. Grimm, Die Samariter, 1854; Baur, Die trei (lisez drei) ersten Jahrhunderte; - Molher (lisez Moeller) Die Kos

mologie; Kunstmann, Feuil. hist. et pol., tome XLVII.

Voilà certes une liste bien érudite, et celui qui a consulté tous les textes anciens, et tous les livres modernes auxquels il est ici renvoyé, peut, à bon droit, passer pour un homme savant. Mais celui-là n'est pas M. l'abbé Douais, c'est l'historien Moehler, chez qui toutes ces citations ont été copiées, avec quelques modifications peu heureuses dans le détail desquelles il est inutile d'entrer. On les retrouvera dans le même ordre ou à peu près, aux pp. 284 et 285 de l'Histoire de l'Eglise de Mohler traduite par l'abbé Bélet (Paris, Gaume, 1868). On remarquera que M. l'abbé D. cite en allemand (passage cité, 1. 9) la Zeitschrift von Illgen, et en français (dernière ligne) les Feuil. hist. et pol. de Kunstmann. C'est qu'en effet le traducteur de Mohler a traduit le second titre et n'a pas traduit le premier.

J'avertis M. l'abbé Douais que j'ai trouvé de même, et dans Mohler et ailleurs, la source de la plupart des notes érudites à l'aide desquelles il fait le savant en maint endroit de son livre.

Je me crois autorisé à ne pas poursuivre plus loin la critique d'un ouvrage que chacun peut maintenant apprécier à sa valeur.

P. M.

140.

OEuvres complètes de Montesquieu avec les variantes des premières éditions, un choix des meilleurs commentaires et des notes nouvelles par Édouard LABOULAYE, de l'Institut. Paris, Garnier, grand in-8°, 1877-79, t. IV, V, VI et VII de 484, 498, 509 et 11-495 p. Prix 7 fr. 50 le vol.

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On s'est déjà occupé deux fois ici de l'édition des Œuvres complètes de Montesquieu donnée par M. Laboulaye, la première fois (no du 13 mai 1876, p. 328-332) à l'occasion du tome I (Lettres persanes), la seconde fois (no du 24 mars 1877, p. 193-198), à l'occasion du tome II (Temple de Gnide. Grandeur et décadence des Romains) et du tome III (de l'Esprit des Lois, livres I-X). Ces deux articles où ont été dites, si je ne m'abuse, les principales choses à dire sur la nouvelle édition, me permettent de rendre plus court l'article d'aujourd'hui, surtout en ce qui regarde les trois volumes consacrés à la reproduction des livres XI-XXXI de l'Esprit des Lois et des critiques et défenses de ce beau traité qui parurent en 1749 et 1750.

M. L., en ces trois volumes, a continué de joindre au texte du chefd'œuvre de Montesquieu des notes claires, précises, excellentes 1, où tantôt il rapproche de divers passages de l'Esprit des Lois diverses opinions. conformes ou contraires de Benjamin Constant, d'Algernon Sidney, d'Addison, de Blakstone, de Villemain, de J.-Jacques Rousseau, de C. de Paw, de David Hume, de l'abbé de Saint-Pierre, de Turgot, de Condorcet, etc., et où tantôt il adresse personnellement diverses observations à l'auteur, donnant parfois à ces observations une forme originale et piquante, comme, par exemple, quand il l'interpelle ainsi (t. IV, p. 13): << Faut-il encore privilégier le privilège 2? » Montesquieu qui, comme beaucoup d'autres grands hommes, ne dédaignait pas les jeux de mots, s'est, un jour, moqué d'éclaircissements peu éclaircissants envoyés par le chapitre de Comminges 3. C'est tout le contraire qu'il faut dire des éclaircissements du savant académicien.

1. On les voudrait partant un peu plus développées. C'est ainsi que (t. IV, p. 435) M. L., après avoir dit que l'authenticité du périple d'Hannon « est loin d'être prou vée, » et que « l'opinion de Dodwel n'est pas isolée, » aurait pu ajouter que la question a récemment été traitée à fond par M. le capitaine Tauxier dans un remarquable mémoire lu devant l'Académie des Inscriptions, et que, d'après les conclusions du savant officier, le prétendu périple d'Hannon est une compilation géographique d'un faussaire grec du premier siècle avant notre ère (Comptes-rendus des séances de l'année 1874, 4° série, t. II, p. 325-328).

2. Un peu plus loin (p. 94), M. L. oppose à cette belle, mais regrettable phrase de Montesquieu : « Il y a des cas où il faut mettre pour un moment un voile sur la liberté, comme l'on cache les statues des Dieux, » la chaleureuse protestation que voici : « Non, il n'est pas vrai que jamais la proscription soit légitime. Dans les situations les plus difficiles, on peut se défendre par de justes lois et des jugements réguliers. Au fond, on ne voile pas la liberté, on la viole, et, en la violant, on la

tue. >>>

3. Lettre à l'abbé de Guasco, t. VII, p. 284. Montesquieu ajoute plaisamment : « L'abbé, vous êtes bien simple de vous figurer que des gens de chapitre se donnent la peine de faire des recherches littéraires. >>

Dans le tome VI ont été réunis, autour de la Défense de l'Esprit des Lois tant admirée par d'Alembert, et où le nouvel éditeur loue « l'atticisme le plus pur, » divers morceaux peu répandus dont M. L. parle ainsi (p. 98): « En proclamant la victoire de Montesquieu, les éditeurs ne nous ont point fait connaître les pièces du procès. Nous avons la réponse de l'auteur; nous ne savons pas toujours à quoi il répond. Ne serait-il pas équitable de publier l'attaque en même temps que la défense, et de permettre au lecteur de juger comme on l'a fait au dernier siècle. après avoir entendu les parties? » Les pièces reproduites sont un extrait du Journal de Trévoux d'avril 1749 (p. 101-113) 1, un extrait des Nouvelles ecclésiastiques du 9 octobre 1749 (p. 115-137), une réponse à la Défense de l'Esprit des Lois, tirée des Nouvelles ecclésiastiques du 24 avril et du 1er mai 1750 (p. 209-237), le Remerciement sincère à un homme charitable [le gazetier ecclésiastique], petite pièce de Voltaire (p. 239-243), la Suite de la défense de l'Esprit des Lois par La Beaumelle (p. 247-312), une Lettre d'Helvétius à Montesquieu sur son manuscrit de l'Esprit des Lois (p. 313-318), une Lettre du même à Saurin au sujet du même manuscrit (p. 319-322), un article de M. Vian intitulé: Montesquieu et la censure, où l'on voit que les cartons de l'Esprit des Lois n'ont que peu d'importance (p. 323-338), enfin une Note sur l'ouvrage inédit de Montesquieu intitulé: Sur les finances de l'Espagne, note extraite d'un discours prononcé, le 2 décembre 1847, par M. Gustave Brunet, président de l'Académie de Bordeaux (p. 331333). Le volume est complété par une Table analytique et alphabétique des matières contenues dans l'Esprit des Lois et dans la Défense (p. 335-505).

Le tome VII et dernier renferme les œuvres diverses de Montesquieu : Discours académiques (p. 1-65), Traité des devoirs (p. 66-69), Réflexions sur la considération et sur la réputation (p. 70-75) 2; de nou

1. « On suppose, » dit M. L. (p. 99), « que le père Plesse en est l'auteur. » C'est fort incertain. Un bibliographe d'un rare mérite, le P. C. Sommervogel (Table méthodique des Mémoires de Trévoux, 1864), s'exprime ainsi sur ce point: « Cette lettre est peut-être du P. Berthier lui-même, ou de son confrère le P. Plesse, qui, dit-on, aidèrent l'un et l'autre Claude Dupin dans ses Observations sur ce célèbre ouvrage de Montesquieu. »>

2. Ou plutôt extraits du Traité des devoirs et des Réflexions. Ces extraits, publiés en 1726 dans la Bibliothèque françoise d'Amsterdam, et sur lesquels un habile critique, feu M. E. Despois, a le premier appelé l'attention (Revue politique et littéraire du 14 novembre 1874), nous ont conservé, selon la remarque de M. L. (Préface, p. 1), « tout ce qui nous reste de deux opuscules de Montesquieu. Ces fragments font désirer qu'on publie le texte entier, s'il se trouve, comme on le croit, parmi les papiers de l'auteur. » M. L. se plaint avec une extrême vivacité (p. 11) de la lenteur que mettent les héritiers de Montesquieu à publier les manuscrits du château de la Brède. Je crois pouvoir lui donner l'assurance que désormais nous n'attendrons pas beaucoup cette publication, qui a été retardée par des circonstances entièrement indépendantes de la volonté de MM. de Montesquieu. Tout récemment, les descendants de cet illustre écrivain ont pris, devant M. le Secrétaire perpétuel de l'Académie

veaux Discours académiques, parmi lesquels on distingue l'Eloge du duc de La Force et le Discours de réception à l'Académie française (p. 76-88 et 91-95) 1; Essai sur le goût (p. 113-147); Pensées diverses (p. 149-181)); Notes sur l'Angleterre (p. 183-196); Poésies (p. 197204) 2; Lettres familières (p. 205-456); enfin Voyage à Paphos (p. 457488).

Le Voyage à Paphos est peu connu et mérite peu de l'être. On voudrait se persuader qu'il n'est pas de Montesquieu. M. L. a trop de goût pour ne pas déclarer (Préface, p. 1) qu'il n'a aucune illusion sur la valeur de ce jeu d'esprit, qui a paru pour la première fois dans le Mercure de France de décembre 1727 et qui n'avait pas encore été introduit dans les Œuvres complètes du baron de la Brède. M. L. estime beaucoup, au contraire, les Pensées diverses, disant (p. 1) : « Je connais peu de recueils de ce genre qui contiennent autant d'idées neuves finement exprimées. On ne leur rend pas assez justice. L'éclat des Lettres persanes, de la Grandeur des Romains, de l'Esprit des Lois a jeté dans l'om bre ces ébauches... » Mais la partie la plus précieuse du volume que j'examine est, sans contredit, celle qu'occupe la correspondance de Montesquieu. M. L. apprécie trop bien cette correspondance pour que je ne reproduise pas avec empressement son appréciation (Préface, p. 1) : « On trouvera dans les Lettres familières un certain nombre de lettres qui n'ont jamais été imprimées, et un nombre plus grand de lettres publiées dans ces dernières années, mais restées à peu près inconnues, parce qu'elles sont dispersées dans des recueils où rien n'indique leur présence. Cet ensemble de lettres permettra, je l'espère, de placer Montesquieu à un meilleur rang parmi les épistolaires français. Sans doute, cette correspondance est écrite au courant de la plume et sans prétention. L'auteur n'y a jamais songé à la postérité, mais la langue en est si bonne, le style si facile et si vif, la pensée si claire, qu'en vérité, sur ce terrain, Montesquieu ne craint la comparaison avec aucun de ses contemporains. >>

Une des meilleures de toutes les éditions qui ont précédé celle de

française, le solennel engagement de livrer le plus tôt possible au public les trésors qui leur ont été donnés en garde. Si M. L. avait connu cette démarche toute spontanée, il n'aurait certainement pas réclamé l'ouverture de la succession avec autant d'impatience et en des termes qui sont aussi flatteurs pour Montesquieu, qu'ils le sont peu pour ses descendants, lesquels, je le sais, entourent du culte le plus fervent la mémoire de leur grand ancêtre.

1. On y a ajouté (p. 89-90) un Discours prononcé au parlement de Bordeaux pour l'installation du premier président, discours qui n'appartient pas à Montesquieu, mais à son oncle, et qui est, du reste, fort insignifiant. Ce qui vaut mieux, c'est l'Ebauche de l'éloge historique du maréchal de Berwick (p. 96-112).

2. Parmi ces poésies, on trouve (p. 202) le quatrain qui n'est que la copie mal faite d'un madrigal que j'ai cité ici (Compte-rendu de l'Histoire de Montesquieu, par M. L. Vian, no du 27 avril 1878, p. 280). Je demande à M. L. la permission de ne pas croire que Montesquieu doive être rendu responsable de ce maladroit plagiat.

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