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péninsule ou plutôt l'île groenlandaise avec la péninsule laponne. Il est vrai que des cartographes du commencement des temps modernes ont cru à l'existence d'un isthme qui mettait la Scandinavie en communication avec le Spitzberg et le Groenland. Mais cette erreur ne tire pas à conséquence, pas même dans l'opinion de N. Zeno, car il a eu soin de placer la légende mare et terre incognite dans l'espace situé entre Norvegia et Grolandia. C'était avouer que la jonction était une pure hypothèse, fondée sur de vagues traditions populaires et non sur l'exploration de ces parages. Par conséquent, rien ne prouve que la Grolandia et l'Engronelant doivent être cherchés nécessairement dans le voisinage de la Norvège. Il est difficile d'admettre que ces pays placés à l'ouest de l'Islande, et dont les noms et la configuration rappellent si bien le Groenland, soient la Laponie russe; que son promontoire le plus méridional, le cap Trin, réponde à la côte Terske, au sud-est de cette péninsule, et que le cloître Saint-Thomas soit un des nombreux monastères russes du bassin de la mer Blanche; l'auteur ne peut dire lequel, étant obligé d'avouer que tous ceux dont on connaît l'histoire ont été fondés postérieurement aux voyages des Zeni. Mais il essaie de corroborer son hypothèse par un argument tiré de la forme des habitations construites près du du couvent, non par les naturels du voisinage, comme il paraît le croire, mais bien par les artisans au service du monastère. De ce que ces maisons en forme de pain de sucre, et pourvues d'une ouverture au sommet pour laisser passer la fumée et le jour, ressemblaient beaucoup aux tentes et gammes des Lapons, il induit que la population indigène était laponne. On peut objecter que la plupart de ces moines, étant originaires des pays scandinaves, occupaient sans doute de préférence des ouvriers de leur patrie, à moins de supposer, contre toute vraisemblance, qu'ils en aient cherché parmi les naturels; or, on peut voir dans le bel Atlas de l'histoire de la civilisation en Suède, par N. M. Mandelgren ', le plan et l'élévation de demeures coniques à plan parfaitement circulaire, encore fort communes chez les paysans exclusivement suédois du Jemtland. Et si l'on veut prétendre qu'elles ont été imitées des Lapons du voisinage, il suffit, pour réfuter cette opinion, de rappeler qu'il y a des huttes de charbonnier analogues dans le Småland, province de la Suède méridionale, qui ne connaît pas les Lapons. A côté du fait sans portée relevé par M. K., il y en avait un autre beaucoup plus significatif qu'il a omis de noter. Les canots des pêcheurs, évidemment indigènes, étaient en forme de navette, faits et couverts de peau, en un mot, semblables aux Kayaks des Esquimaux, qui different essentiellement des barques de tous les autres peuples septentrionaux. Il est rationnel d'en conclure que le monastère Saint-Thomas était situé dans le Græn

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1. Section des habitations et du mobilier, 1878, in-fol., pl. 1, fig. 1, 2; p. 5-6 du

texte.

2. Pl. 1, fig. 6, p. 6 du texte.

land. Si on ne l'a pas retrouvé, non plus que les eaux thermales qui chauffaient les serres, c'est que la côte orientale de cette île immense n'a jamais été bien explorée et que beaucoup de points n'y sont même pas du tout connus.

Conformément à ses théories erronécs, M. K., transportant à l'est de la Norvège tous les pays que la carte et la relation des Zeni placent à l'ouest de la Frislanda, cherche l'Estotiland sur les rives de la mer Blanche, où se trouvent des peuples finnois que les Russes appellent tchoudes; et par une transposition des premières lettres du mot, il fait Tsotiland (pays des Tchoudes). Malheureusement aucune contrée de la Russie septentrionale n'a les caractères attribués à l'Estotiland, qui était une île très riche, de même grandeur que l'Irlande, anciennement civilisée, ayant des mines d'or et possédant en abondance tous les biens du monde. Mais peu importe quand on a la ressource de dire que cette prospérité est une exagération des Zeni, comme M. Krarup ne manque pas de le faire toutes les fois que sa thèse l'exige. Avec des procédés si commodes, il n'est pas difficile de découvrir la situation de Drogio: c'est Troki! ville voisine de Wilna et capitale de la Lithuanie au XIVe siè cle. Pourquoi pas Turku (du suédois Torg, marché), nom finnois de Abo, ancienne capitale de la Finlande? Ce serait au moins une ville maritime. Il est vrai que les Finnois et les Lithuaniens n'étaient pas anthropophages, qu'ils savaient pêcher, qu'ils n'allaient pas tout nus, qu'ils connaissaient les métaux et qu'en un mot ils différaient totalement des habitants de Drogio. Convertis au catholicisme, ils étaient assez connus en Italie pour qu'aucun écrivain n'osât les présenter sous un aspect si faux. Ce n'est donc pas d'eux qu'il est question dans l'ouvrage des Zeni. Si l'on veut savoir comment il est possible d'expliquer, avec quelque apparence de raison et sans s'écarter du texte, les choses extraor dinaires que le pêcheur frislandais rapportait de l'Estotiland et de Drogio, on peut recourir à notre mémoire sur les Colonies européennes du Markland et de l'Escociland (Domination canadienne) au xive siècle'. Ce renvoi nous servira d'excuse auprès de ceux qui jugeraient que, dans la présente réfutation, nous en avons pris bien à notre aise, et qui rappelleraient que, si la critique est aisée, l'art est difficile !

E. BEAUVOIS.

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- Les luttes religieuses en France au seizième siècle, par le vicomte DE MEAUX. Paris, Plon. 1879, in-8° de LXVII-415 p. — Prix : 7 fr. 50.

M. de Meaux s'est proposé de décrire, en fidèle historien, l'avénement de la tolérance dans notre pays. Il nous avertit qu'il a voulu traiter ce

1. Dans Compte-rendu des travaux du Congrès des Américanistes, 2o session, Luxembourg, 1877, t. I. - Aussi à part, Nancy, 1877, 60 p., in-8.

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«

sujet si délicat << avec un cœur catholique et français », mais aussi avec un esprit << affranchi de toute prévention contraire à l'équité de l'histoire. » Il nous paraît y avoir réussi. Le livre de M. de M. ne se recommande pas seulement par la largeur des idées qui l'animent, mais aussi par l'art de la composition, et je suis sûr de donner à l'auteur l'éloge qui le flattera le plus, en déclarant que dans les luttes religieuses en France au XVIe siècle, revivent, avec la générosité des sentiments de M. de Montalembert, quelques-unes de ses meilleures qualités littéraires.

A un autre point de vue encore, l'ouvrage mérite un favorable accueil. On y trouve un excellent résumé des livres et parfois des manuscrits contemporains. On y trouve aussi beaucoup d'indications et d'appréciations empruntées à quelques-uns des grands recueils et à quelques-unes des précises monographies qui ont été publiés, de nos jours, soit parmi nous, soit à l'étranger. Si les renseignements qu'il a réunis n'ont pas d'ordinaire l'attrait de la nouveauté, ils ont le mérite de l'abondance et de l'exactitude.

Quand je parle d'exactitude, j'applique l'éloge aux lignes principales, aux choses d'ensemble, car, il faut l'avouer, M. de M. n'a pas toujours regardé d'assez près aux détails et une critique minutieuse pourrait relever dans son livre plusieurs points défectueux. J'en signalerai seulement un petit nombre. M. de M. a parlé d'une façon peu fidèle (p. 57) d'Aimar de Ranconnet, qu'il appelle Rançonnet 1. Mieux informé, il n'aurait pas reproduit comme digne de foi la version du Pithaana sur la lecture qui aurait été faite en plein parlement par ce magistrat d'un passage de la Vie de Saint-Martin de Sulpice-Sévère, version contre laquelle, ainsi que je crois l'avoir démontré 2, s'élèvent de formidables objections. Mieux informé encore, il n'aurait pas affirmé (Ibidem) que « le grave magistrat » fut « victime d'une accusation fausse ». Rien malheureusement n'est moins certain que l'innocence de Ranconnet, et la lettre d'Isaac Casaubon à Jacq. Aug. de Thou, en date du 3 mars 1609 3, est tellement accablante pour la mémoire du président aux enquêtes, l'on ose tout au plus conserver un doute sur sa culpabilité. que Nous lisons (p. 87) « Un châtelain du Quercy, le baron de Fumel, ayant

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1. Jamais la cédille n'a été mise sous le c du nom de Ranconnet. J'ai sous les yeux un livre qui a fait partie de la collection de ce zélé bibliophile (Digestorum seu Pandectarum iuris civilis volumen, primum, Parisiis, ex officina Roberti Stephani, 1527, in-8°), où sa signature, reproduite plusieurs fois, est celle-ci : Æm. Ranconnetus Aquitanus. Aymar de Ranconnet Burdigalensis. Notons, en passant, que ce mot Burdigalensis, tracé de la propre main de l'habile érudit, est un argument de plus et aussi décisif que possible contre la thèse de ceux qui s'obstinent à faire de lui un Périgourdin, thèse récemment encore soutenue dans le Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord.

2. Voir Un grand homme oublié. Le président de Ranconnet (Paris, 1871, in-8°, p. 13).

3. Voir des extraits de cette lettre dans le mémoire déjà cité (p. 14)•

maltraité un diacre et quelques paysans qui se rendaient au prêche, fut assiégé et tué dans son château. » Le château de Fumel n'a jamais appartenu au Quercy, mais toujours à l'Agenais. M. de M. (p. 99) cite, parmi les prélats dont la foi parut suspecte et qui furent déposés en 1566 par le pape Pie V, l'évêque d'Aqcs. D'abord, il aurait été difficile de déposer, en 1566, François de Noailles qui avait déjà donné sa démission d'évêque de Dax le 23 juin 1562 . Ensuite, s'il est vrai que le célèbre diplomate fut accusé auprès de la cour romaine d'incliner vers la nouvelle hérésie, il n'est pas moins vrai qu'il se justifia complètement de l'accusation portée contre lui 2. A la page suivante, M. de M., à propos des conférences de Bayonne, parle ainsi du duc d'Albe : « Pour engager la France dans la voie sanglante où marche l'Espagne, le terrible ministre de Philippe II se montre aussi souple que pressant. » Ce fut tout le contraire qui arriva, comme l'a très bien prouvé M. Charles Paillard, d'après des documents inédits retrouvés par M. Gachard à la Bibliothèque nationale 3. Le duc d'Albe, loin de prendre aucune initiative, combattit les propositions de Catherine de Médicis, déclarant que les circonstances n'étaient pas favorables, et tenant un langage absolument opposé à celui que les historiens ont placé sur ses lèvres. — Quelques noms propres ont été mal reproduits. L'auteur de l'Histoire des troubles survenus en Béarn, l'abbé Poeydavant, est toujours appelé Poyedavant (pp. 8, 9, 119, 120, 122, 341-345, etc.). Le vicomte d'Orthe est appelé vicomte d'Orte (p. 162), et je soupçonne fort M. de M. d'avoir emprunté à M. Forneron cette orthographe et quelques autres

fautes encore.

Un reproche général que l'on peut adresser à l'historien des Luttes religieuses en France au xvr° siècle, c'est d'avoir trop souvent consulté des ouvrages sans doute estimables, mais arriérés. En ce qui regarde les mémoires relatifs à l'histoire de France, il semble ne connaître que les insuffisantes éditions de la collection Petitot. Pour ne citer que les Commentaires de Blaise de Monluc, que de services l'édition si bien publiée et si bien annotée par M. Alph. de Ruble n'aurait-elle pu lui rendre? Certes, je suis de ceux qui apprécient beaucoup le Dictionnaire critique de Bayle, mais doit-on se contenter, en l'an de grâce 1879, de citer sur Le Fèvre d'Etaples, sur Etienne Dolet, sur le chancelier de l'Hospital, des articles qui répondent si peu aux exigences de la science actuelle,

1. Gallia Christiana, édition de Dom Piolin, t. I, 1870, col. 1058, note marginale.

2. Gallia Christiana, Ibid. Cf. Histoire de la Gascogne par l'abbé J.-J. Monlezun (t. V. 1850, p.478), où François de Noailles est présenté comme un pasteur actif et vigilant, cherchant à prémunir ses ouailles contre le venin de l'erreur.

3. Huit mois de la vie d'un peuple. Les Pays-Bas du 1er janvier au 1er septembre 1566, d'après les mémoires et la correspondance du temps, (1877, in-8°). Voir Revue critique du 8 décembre 1877, p. 355.

4. Voir Revue critique du 10 août 1878, p. 94.

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alors que l'on possède des travaux spéciaux aussi recommandables que ceux de Graf (1842), de J. Boulmier (1857), de M. Dupré Lasale (1875)? Est-ce assez de citer sur Michel Servet, Audin et M. Jules Bonnet, alors que la liste seule des récents ouvrages (quelques-uns des plus importants) consacrés à la victime de Calvin par M. Henri Tollin, le savant pasteur de Magdebourg, remplirait une demi-page 1? Il me serait facile de multiplier les observations de ce genre. Je n'en ferai plus qu'une, et je constaterai avec regret que M. de M., ayant à s'occuper du voyage à Pau en 1620 du fils de Henri IV, n'a pas connu un excellent ouvrage spécial de M. l'abbé Puyol, Louis XIII et le Béarn (Paris, 1872, in-8°).

Les dernières pages du volume sont occupées par des documents et éclaircissements (p. 389-415). Les documents, inédits pour la plupart, sont de grande valeur. Presque tous ont été tirés du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale. On y distingue une lettre du roi François Ier touchant quelques détenus en prison pour fait d'hérésie (18 mai 1533); des extraits du recueil des pièces du procès contre les auteurs de l'exécution de Cabrières et de Mérindol (18 septembre 1549 à novembre 1551); diverses pièces relatives à la Saint-Barthélemy (instruction de Charles IX, du 20 septembre 1571, à M. de la Bourdaisière allant à Rome touchant l'édit de pacification; dépêche du nonce à Madrid, du 5 avril 1572, déjà publiée par le P. Theiner et déjà traduite par M. Boutaric, où la participation de Philippe II au projet du massacre est évidente; instruction au marquis d'Ayamonte par le roi d'Espagne, d'après une copie, conservée au ministère des affaires étrangères, de l'original qui est aux archives de Simancas); lettre de Théodore de Bèze au roi Henri de Navarre, du 20 mai 1589; lettres de Henri IV et de son ambassadeur à Rome, le duc de Piney-Luxembourg, au sujet de l'édit de Nantes, août et septembre 1598, lettres qui ont échappé à feu Berger de Xivrey et au continuateur du recueil des Lettres missives, M. Guadet 2. Les éclaircissements se réduisent à une note (p. 403) sur l'archevêque de Lyon, Pierre d'Epinac, personnage qui paraît avoir été très calomnié et pour lequel M. de Meaux réclame avec raison une monographie qui s'appuyerait sur les documents contemporains.

T. DE L.

1. Voir, dans la Revue historique de mai-juin 1879, le remarquable travail de M. Ch. Dardier, intitulé: Michel Servet, d'après ses plus récents biographes (p. 1-54). Dans ce travail, M. Dardier, donnant d'avance raison à M. de Meaux (p. 15) contre M. Bonnet, déclare (p. 54) que le réformateur de Genève ne saurait être déchargé du crime d'avoir dénoncé le malheureux docteur espagnol aux inquisiteurs français.

2. C'est ici l'occasion de dire qu'un de nos plus consciencieux travailleurs, M. Eugène Halphen, vient de publier, en un volume digne de l'attention de ceux qui aiment les belles pages historiques admirablement imprimées, diverses pièces qui avaient échappé aussi aux deux éditeurs: Harangues et lettres inédites du roi Henri IV suivies de lettres inédites du poète Nicolas Rapin et de son fils (Lille, imprimerie Danel, 1879, in-4o). Qu'il me soit permis de renvoyer au compte que j'ai rendu de ce précieux recueil dans la Revue des Questions historiques du 1er octobre 1879 (p. 671673).

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