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exemple, il les invite maintes fois à vivre aussi bien qu'ils parlent (C, VI, 143; B, XII, 51). Son conseiller Ymaginatyf lui dit qu'il y a bien. des gens that wyse wordes wolde shewe and worche the contrarye ». Il aurait écrit ainsi les deux premières éditions de son poëme; puis, devenu vieux, il aurait donné la troisième et y aurait, pour la première fois, inséré avec détail le long récit des erreurs dont il se serait repenti. Il fait plusieurs fois allusion à cette conversion (notamment C, VI, 105).

On admettra donc que Langland a réellement mené la vie qu'il nous décrit, et alors on renoncera à l'une ou à l'autre des deux hypothèses de M. S. qui, d'une part, nous peint Langland comme un modèle de droirure, << homme d'une foi simple, pure et noble » (A, p. xxxvi) et, d'autre part, reconnaît que tout ce qu'il nous dit de lui est la vérité. (A, p. xxxvi.) C'est, nous l'avons vu, la première des deux hypothèses qu'il convient de rejeter. Le poète vécut lui-même de la vie qu'il blâme, sa conduite fut loin d'être aussi pure que sa morale; ses faiblesses, non moins que celles des autres, excitèrent son indignation. Plus tard, sa vie devint meilleure; il cessa d'imiter «< ces hommes et ces femmes qui ont de sages paroles et mènent une vie tout opposée» (B, XII, 51). Il se rendit aux conseils de Raison et promit de mieux faire : « C'est vrai, je le reconnais, j'ai perdu mon temps » (C, VI, 92). Il racheta sa vie passée « comme un marchand qui, après avoir souvent fait de mauvaises opérations, rattrape en une seule affaire tous ses gains perdus ». (Ibid.) Il courut à l'église « devant la croix, à deux genoux, se frapper la poitrine, gémissant sur ses péchés, récitant le pater, dans les larmes et les sanglots. » (C, VI, 105). Ces points très importants dans la vie de Langland sont incontestables. C'est seulement dans le texte C, le dernier en date, qu'on les trouve mentionnés : plus jeune, et n'ayant pas encore renoncé aux faiblesses qu'il déplore, l'auteur du Plowman se tait sur elles. Arrivé dans une vieillesse déjà avancée, occupé à refondre une troisième fois son poëme, il revoit, d'un œil serein, tout le cours de sa vie et parle, presque avec un sourire, sans amertume et sans honte, de ses erreurs passées.

Rejeter ces hypothèses si vraisemblables, dire que Langland a mêlé le vrai au faux et la fantaisie à la réalité, ne semble donc pas admissible. Il est vrai que, dans le texte B (XII, 3), il paraît s'attribuer environ quarante-cinq ans et que dans ce même texte (passage qui se retrouve dans C), il se montre accablé de vieillesse, chauve, attaqué par la goutte, impotent, incapable de remuer, si bien que sa femme, trouvant en lui un mari inutile, lui souhaite d'obtenir sous peu le ciel qu'il a si bien mérité (B. XX, 192). Dans le reste du poëme, au contraire, il est loin d'être aussi maltraité et on le trouve errant çà et là (C, XVI; B, XIII : << forth gan ich walke », etc., vers 2). Mais on ne s'arrêtera pas à cettte objection si l'on remarque que dans le passus XX du texte B, Langland ne raconte plus sa vie, mais bien une vision qu'il a eue; c'est en rêve que Vieillesse lui est apparue, l'a défiguré, mis à mal et a inspiré par là les

plaisants souhaits de sa femme. Tout cela lui arrivera peut-être un jour; c'est par avance qu'il y songe.

Nous trouvons encore une anomalie en ce qui concerne la naissance du poète. Il était né bondman; et c'est à Sainte-Eglise qu'il devait d'être devenu freeman 1. Lui, cependant, s'élève avec force contre ces fils de bondmen qui osent « recevoir la tonsure » (C, VI, 63); il n'admet pas que des fils de serfs puissent entrer dans les ordres. M. S., qui néglige de rapprocher les deux passages, conclut du deuxième que Langland « était fils de franklin ou de freeman » (Piers Plowman, Clarendon Press, Introd., p. xv): le contraire est la vérité. Aussi l'éloge que le poète fait du mariage (C, XI) ne peut-il servir à prouver ni que le sien fût légitime ni qu'il ne fût pas lui-même un enfant naturel. Les exemples qui précèdent montrent qu'il faut être en garde contre les déductions de cette espèce Langland vante le mariage; donc son union et celle de son père étaient régulières. (Piers Plowman, Clarendon Press, p. xv, et texte A, p. xxxix.)

A propos de l'admission aux ordres sacrés, notons encore ce point, qui prouve, une fois de plus, que Langland partage plutôt les idées des représentants des communes que celles des gens du peuple de la classe la plus pauvre. Les communes présentèrent, en 1391, une pétition au Parlement, demandant que l'entrée des écoles, la porte par laquelle on pénétrait le plus généralement dans l'église, fût interdite aux fils de bondmen (Rolls of Parliament, III, p. 294). Le poète, ajoutant dans son texte C, le passage en question, peut sans doute avoir eu le même avis avant la pétition des communes; mais il est très possible que ce fut elle qui lui donna l'idée d'insérer dans son poëme son opinion sur ce sujet. Il faudrait donc voir dans ce passage, non-seulement un trait du caractère de Langland, mais aussi une nouvelle preuve de la date du texte C; ces preuves sont trop peu nombreuses, pour que celle-ci, si faible qu'elle paraisse, puisse être négligée.

Il ne me reste plus qu'à présenter des observations de détail sur quelques points moins importants. Les Notes de M. S. ne contiennent aucune remarque sur le vers 72 du passus VI (texte C) : « And sopers and here sones for seluer han be Knyghtes ». C'est une allusion aux nombreux règlements qui obligeaient tout possesseur de terres représentant la valeur d'un Knight's fee (fixée à 20 1. sous Jean) à devenir chevalier. Henri III le prescrit en 1224 (Rot. claus., II, 69), Edouard I en 1278 et 1297 (Fœdera). Edouard III ordonne que tous les habitants de Londres, non chevaliers et possesseurs d'immeubles rapportant plus de 40 1. par an << ordinem suscipiant militarem » (Liber albus, pp. 190-3). Mais ces mesures n'étaient pas populaires et l'on cherchait le plus possible à se dispenser des lourdes obligations du chevalier. Aussi à ce writ et à un autre qui le suivit de près, les shériffs répondent qu'ils ne peu

1. Elle lui dit : « Ich vnder-feng the formest and fre man the made » (C, II, 73).

vent trouver personne qui soit dans le cas prévu la valeur des maisons varie; elles sont louées tantôt plus, tantôt moins; on ne peut pas connaître d'une manière sûre leur rendement annuel. Ces ordonnances furent renouvelées en 1377 par Richard II, en 1410 et 1411, par Henri IV (Fœdera).

Les auteurs dont M. S. s'est le plus servi dans ses rapprochements avec Langland sont Wyclif, Gower, Lydgate, Barclay (Vaisseau des fous), Skelton, les auteurs de romans des XIII et XIV° siècles, et, parmi les modernes, Lingard, Milman (Latin christianity), Th. Wright, Cutts, Lacroix, etc. Quelques rapprochements me semblent plus apparents que réels. Je ne crois pas que Lydgate copie Langland dans les deux passages cités aux pp. 22 et 27 (Notes); la ressemblance n'est là qu'accidentelle. Rien n'était plus facile que de remarquer qu'on ne pouvait passer dans certains quartiers de Londres sans être assailli par les offres de service des cuisiniers et des rôtisseurs. Noter ce fait dans une satire sur la capitale était assez naturel pour que Lydgate ait pu le faire sans avoir besoin de « copier » les deux vers 226 et 227 (C, I.) de Langland. C'est dépasser la mesure que de croire que le poète s'inspire fréquemment de Wyclif (Notes, pp. 158, 201, etc.) Langland n'avait guère plus de sympathie pour les partisans du réformateur que pour les révoltés de 1 381. Langland et Wyclif parlant des mêmes abus se ressemblent forcément et sans se copier l'un l'autre. On trouverait de même dans Gower (notamment dans la Vox clamantis) de nombreux passages qui rappellent de tout point les théories ou les satires de Wyclif, et Gower n'était certainement pas de l'école de celui-ci. Le vers 88 (C, XI) contiendrait, selon M. S. (B, préface, p. xL, et C, préface, p. LXX), une allusion à la traduction de la Bible par Wyclif, travail que Langland juge méritoire. Cependant M. S. reconnaît lui-même dans ses Notes (p. 214) qu'il ne peut, en réalité, en être ainsi, puisque ce vers se trouve déjà dans le texte A (IX, 82), composé bien des années avant que le réformateur ait publié sa traduction. Do-bet que le poète nous présente comme l'auteur de cette œuvre n'a donc rien, de commun avec le recteur de Lutterworth. Au vers 101 (C, XIV), on aura peine à voir une « allusion évidente et intéressante » (Notes, p. 276) aux « poor priests » de Wyclif. Le vers précédent dit que la pauvreté est le lot de « tout prêtre parfait »; c'est une remarque générale de Langland, tout au plus une allusion à la classe malheureuse des simples prêtres, accablés de travail, mal payés, vivant misérablement, tandis que les prélats menaient l'existence des grands seigneurs. Ce qui le prouve, c'est la satire des cours de Rome et d'Avignon, du luxe des cardinaux enrichis du bien des clercs que le poète met sur les lèvres d'un simple curé «< a curatoure of holy kirke » (C, XXII, 411). Beaucoup d'ecclésiastiques de cette classe étaient populaires, et à bon droit.-P. 46 (Notes), on pourrait comparer aux différents types de Simonie, personnage allégorique (M. S. cite Skelton et les auteurs de deux anciens poëmes écossais), les rôles d'Auaritia ou Couetousnesse et d'Am

bycyon dans la comédie peu connue des Trois Lois de John Bale, satire sanglante d'abus que l'imagination de l'évêque a souvent exagérés, mais qu'il eût été curieux de rapprocher de celle de Wyclif et de Langland. Comme ce dernier, il donne le vêtement contemporain, un vêtement religieux, aux vices qu'il met en scène; il recommande, à la fin de sa pièce, aux acteurs, d'habiller « Ambycyon lyke a byshop... Couetounesse lyke... a spyritual lawer... hypocresy lyke a graye fryre.» P. 79. A l'Angleterre et à la Chine, M. S. aurait pu ajouter la France; le << tally » y est encore en usage. Les coches des boulangers ne sont pas autre chose. P. 167. La mention qui paraît dans le texte C seulement, d'un cinquième ordre de frères, qui serait celui des crutched (ou crossed) friars, pourrait « faire probablement connaître la date de la dernière version du poëme. » Malheureusement, comme l'observe M. S., il est difficile d'y arriver par cette voie. En effet, cet ordre était tout aussi connu en Angleterre à l'époque où le texte A (qui n'y fait pas allusion) fut écrit, qu'au moment où le texte C fut composé. C'est à l'année 1244 qu'on trouve dans Mathieu Paris ces lignes : « Die lunæ ante festum omnium sanctorum venerunt ad synodum Episcopi Roffensis quidam novæ religionis speciem præferentes fratres scilicet dicti cruciferi, dicti sic quia cruces in baculis efferebant. » (Lond., 1640, p. 650; v. aussi Tanner, Notitia monastica, 1787, préface, p. XIV.) C'est une question qui reste à trancher. P. 84. La ville de Rocamadour, à laquelle Langland fait allusion (B, XII, 37), est aujourd'hui comprise dans le département du Lot, arrondissement de Gourdon, canton de Gramat, 1573 habitants.-P. 342. Il faut ajouter aux nombreux exemples de cas où « Sir John » est employé comme désignation habituelle d'un prêtre ceux que présente l'ancien théâtre anglais.

En résumé, les Notes de M. Skeat sont du plus grand intérêt. Au point de vue philologique surtout, elles sont très complètes; mais on doit, sur ce dernier point, s'abstenir d'un éloge qui est, depuis longtemps, banal; rappeler le nom de leur auteur dispense de tout commentaire.

J. J. JUSSERAND.

208. L'Art poétique de Boileau dans celui de Gottsched, eine literar-historische Studie, von Dr. O. WICHMANN. Berlin, Weidmann, in-8°, 30 p. Prix 1 mark (1 fr. 25).

Cette étude, écrite en français, a pour but de prouver que Gottsched, qui fut << le dictateur littéraire de la première moitié du xviie siècle » en

1. V., par ex., la « Farce joyeuse de Jeanjean, Tyb et Syre Jehan the preest » attribuée à Heywood (Théâtre en Angleterre depuis la conquête, p. 160), Misogonus, etc. De même en France : rôle de « Domine (sic) Johannes » dans la Farce des chamberières (Ancien théâtre français, t. II), etc.

Allemagne, n'a fait que copier les préceptes de Boileau et qu'il n'y a rien dans le Versuch einer critischen Dichtkunst qu'on ne trouve dans l'Art poétique. Mais M. Wichmann a tort de ne pas citer entre guillemets le texte de Gottsched, et l'on ne sait pas ce qui appartient, dans ce travail, à Gottsched ou à M. Wichmann. Un tort plus grave encore, c'est que cette dissertation four mille de tournures incorrectes, d'expressions impropres, etc. Il semble que M.W. ait d'abord écrit son étude en allemand et l'ait traduite en français tant bien que mal, à coups de dictionnaire, comme un écolier qui fait péniblement un thème en une langue étrangère. Qu'est ce que délier l'unité de l'empire (p. 4, auflösen?); offrir la pensée de la sorte la plus belle (p. 11); insérer les divinités païennes à la poésie (p. 20)? Citons encore au hasard : « la langue de l'Ile de France devenant vainqueur des autres dialectes» (p. 4); « Boileau qui enchâssa « le clausoir dont manquait l'édifice de la France littéraire » (p. 5); <<< la poésie défigurée par des haillons envolés à l'étranger » (p. 11); « les objets dont on raconte » (p. 19)); « le passé devient présence » (p. 19); « la mer à ses flots turbulents » (p. 19); « le paysan à ses paroles grossières» (p. 24). M. W. définit ainsi l'épigramme « c'est une sentence rédigée le plus concisement » (p. 25). La vraie poésie est pour lui « une composition artificielle » (faite avec art?) et la fausse, « un mécanique ravaudage » (p. 5). Selon lui, l'élégie chante « la douceur et l'amour des campagnardes qui sont gagnées courageusement aux combats de la flûte » (p. 24) et il ajoute qu'il faut, en ce genre, « appeter l'expression d'un sentiment doux et touchant, sans la phébus des phrases fastueuses >> (p. 23). J'en passe, et des meilleurs. Mais rien n'obligeait M. Wichmann, professeur au Wilhelm Gymnasium d'Eberswalde, à écrire son travail en français. Que ne l'a-t-il du moins montré à des Français ou à des Allemands, et il y en a, ne lui en déplaise qui savent le français mieux que

lui?

A. C.

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209. Essai d'un vocabulaire étymologique du patois de Plancher. les-Mines (Haute-Saône), par le docteur F. Victor POULET. Paris, typogr. Lahure, in-12.

Le recueil de mots fait par le docteur Poulet est utile; il paraît avoir été dressé avec soin et intelligence. Mais l'auteur ne s'est malheureusement pas borné à un travail dont il a fort bien apprécié l'intérêt. Il a fait précéder son vocabulaire d'une longue introduction philologique (84 p.), où on voit, ainsi que dans ses étymologies, à quels singuliers résultats peuvent aboutir les meilleures méthodes entre des mains inexpérimentées. Il proclame l'importance des découvertes et des lois de la science moderne, il attribue à Diez l'honneur d'avoir introduit la méthode des sciences naturelles dans la philologie; il se fait gloire de marcher dans la

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