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d'aussi loin qu'on les connaisse, ont le p comme le gaulois, petguar aujourd'hui pedwar en gallois pour « quatre », ep « cheval » conservé dans le dérivé ebol « poulain ». Une ville du nom de lletou apia, mentionnée par Ptolémée, comme habitée par un peuple de llapicor près de l'Humber, semble indiquer que ce phénomène est ancien. Il était, en tout cas, un fait accompli quand les Bretons de l'île sont venus, aux ve et vi° siècles, se réfugier en Armorique.

Or M. R. soutient que cette transformation phonétique est relativement récente chez les Bretons, qu'au temps des Gaulois les Bretons parlaient la même langue que les Irlandais, et qu'il faut diviser les Celtes en Gaulois d'une part, et Gaëls (ou Irlandais) et Bretons de l'autre. Mais, pour arriver à ce résultat, il est forcé de sacrifier le sud de la Grande-Bretagne et une partie de l'est (la région où se trouve cette malencontreuse ville de lletouapia qu'il abandonne à des colonies gauloises), ne revendiquant pour les vrais Bretons que l'intérieur et l'ouest. L'argument principal sur lequel il s'appuie est la présence de Qy devenu plus tard p, dans les inscriptions oghamiques du pays de Galles. Mais il n'est pas certain que ces inscriptions soient britanniques (voir les observations de M. d'Arbois de Jubainville dans la Revue Celtique, t. III, p. 282 et sq). Nous sera-t-il permis d'ajouter, sans crainte de passer pour sceptique, qu'il n'est pas sûr que ces inscriptions soient bien lues ?

Au surplus, en accordant même à M. R. que les Bretons auraient changé qy en p plusieurs siècles après les Gaulois, il n'est pas moins certain qu'ils l'ont fait, tandis que les Irlandais ou Gaëls ne l'ont pas fait. . Il y avait donc là, au moins en puissance et en virtualité, une différence très caractéristique qui justifie la classification établie par Zeuss et acceptée depuis par tous les celtistes !.

La partie la plus originale du livre de M. R. est celle qu'il a consacrée aux Oghams : mais pour des monuments où la lecture des caractères est si délicate, on regrette de n'avoir pas sous les yeux de fac-simile qui permettent de vérifier l'exactitude des lectures de M. R. M. R. ne donne que comme une hypothèse « son essai de reconstruire l'histoire de l'alphabet Oghamique » et cette déclaration arrête la critique. En effet, son essai est une série de conjectures qui nous ont paru très-subjectives et que l'on ne suit pas aisément : ce qui nous a le plus étonné, c'est que M. R. ne se soit pas occupé de la transformation

1. Pour la même raison, quoiqu'en dise M. R., p. 194, nous regardons comme une analogie de plus entre le gaulois et les langues britanniques que le gaulois avait un son dental sifflant représenté dans les inscriptions par un D barré et que les Gallois ont un son analogue qu'ils représentent par dd = le th anglais doux (comme dans this, thou). Ce son ne se trouve pas figuré avant le ixe siècle (dans un mot du manuscrit de Lichfield où il est représenté par le d barré des Anglo-Saxons); mais à supposer qu'il n'ait pas existé comme contemporain du D barré gaulois, il y avait là une tendance qui s'est développée plus tard. C'est ainsi que la ressemblance entre parents ne frappe souvent les yeux que lorsque les traits sont entièrement formés.

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matérielle des lettres d'un alphabet à un autre, mais qu'il s'en soit tenu à des considérations théoriques et abstraitcs sur la valeur des lettres et sur l'ordre dans lequel elles devaient avoir été groupées. M. R. luimême ne semble pas avoir une opinion bien arrêtée sur la question. Car en un endroit il fait venir l'alphabet og hamique de l'alphabet phénicien, sans dire par quel intermédiaire (p. 291), ce qui seulement est l'important; dans un autre endroit, il le fait venir des Teutons, ceux-ci l'ayant reçu eux-mêmes « directement ou indirectement » des Phéniciens (p. 331); ailleurs encore il fait remonter la forme des lettres de cet alphabet (qui consiste en simples coches diversement disposées) à la période quaternaire et à la fin de l'âge du mammouth (p. 290 et 346) '

Dans ce chapitre M. R. s'occupe beaucoup des runes teutoniques, mais il ne parle pas des runes britanniques (ou du moins prétendues telles) conservées dans un manuscrit de la ville où il réside (bibliothèque Bodléienne d'Oxford, ms. n° 572). Elles ont été reproduites, mais sans indication de l'âge et de la provenance du manuscrit, dans Dosparth Edeyrn Dafod Aur, p. 12. Nous aurions aimé à avoir sur cette question le jugement du savant professeur.

Nous avons enfin une critique plus générale, mais celle-là d'ordre tout à fait matériel, à adresser à M. Rhys. Il s'est borné à diviser son livre en sept chapitres avec des titres très généraux : une sous-division en paragraphes, ou tout au moins un sommaire des chapitres eût permis au lecteur de suivre plus aisément l'ordre des idées de l'auteur. - Pourquoi M. R. s'est-il systématiquement abstenu de références ? C'est encombrer quelque peu ses pages, mais il nous semble qu'en matière d'érudition on doit l'indication de ses sources, pour que le lecteur puisse en vérifier l'emploi ou y chercher un supplément d'information. M. R. nous dit, par exemple, que telle expression se trouve« in one of the lives of the Irish saint Monenna or Modvenna, a contemporary of St Patrick » (p. 86); ou bien que « the year 616 has been given by some Welsh writers as the date of St Cadfan’s death » (p. 160), ou encore que la ville d'Epeiacum mentionnée par Ptolémée « is identified by some with Hexham, by others with Lanchester and by others, with more probability, with Ebchester » (p. 182). De plus savants que nous, parmi les lecteurs de M. R., ne seraient pas embarrassés par cette façon de citer, et sauraient remonter promptement aux sources. Nous avouons humblement ne pas être dans ce cas et nous confessons que quelques notes au bas des pages nous eussent été fort utiles. Elles eussent même, par endroit, été utiles M. R. pour le décharger de la responsabilité de citations erronées. Ainsi, P. 187, il cite une légende monétaire gauloise CANAVNOIS que nous croyons ne pas exister. Si M. R. eùt nommé son informant, la respon

1. C'est également à l'époque quaternaire que M. R. rattache l'usage d'écrire de gauche à droite.

sabilité de l'erreur fût revenue à ce dernier ; dans l'état, elle retombe sur lui-même !

Nous ne voudrions pas que le lecteur se méprît sur la portée et la va. leur de nos critiques, faites surtout en vue d'une nouvelle édition, que le livre aura encore quelque jour. L'ouvrage de M. Rhys est de ceux qui font avancer la science dont ils traitent et il est indispensable à quiconque s'occupe de philologie galloise et d'inscriptions britanniques. Ce que nous avons voulu, c'est faire entendre aux oreilles de l'auteur l'appel ardent du poète américain : Excelsior!

H. GAIDOZ.

183.
Homeri quæ nunc exstant an

cycll carminibus anti. quiora jure habita sint, auctore F. A. PalEY, M. A, Homeri Iliadis, Hesiodi, Æschyli, etc., editore. Londres, Norgate.

Prix : 18 pence.

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Il est très difficile d'apprécier les idées émises par M. Paley sans rentrer dans une discussion qui peut paraître épuisée, sans reprendre à nouveau toute la question homérique et reproduire ou réfuter des arguments qui ont déjà été bien des fois mis en avant. M. P., comme le fait deviner le titre même de sa brochure, est de ceux qui ne croient pas à la haute antiquité de l'Iliade et de l'Odyssée. Dans sa réaction contre les opinions traditionnelles, il va plus loin que Wolf. Ce n'est pas au temps de Pisistrate qu'il place la rédaction de l'Iliade et de l'Odyssée; selon lui, l'écriture ne servait alors qu'à la rédaction de documents très courts, tels que textes de loi, inscriptions votives, épitaphes, etc.; la Grèce ne connaissait pas encore le livre, et il aurait été impossible de mettre par écrit un poëme de la longueur de l'Iliade ? Les Tragiques mêmes n'au

1. Voici la phrase de M. R. :'« A similar instance seems to offer itself in the Gaulish CANAVNOS said, à propos of coin n° 129 in the Dictionnaire Archéologique de la Gaule which was begun in Paris in 1867, to occur on money which is there attributed to the Arverni. » Quelques lecteurs pourront croire que cette lecture se trouve dans le Dict. Archéologique; nous n'y avons rien vu de semblable à l'article Arverni où il est parlé des monnaies de ce peuple, et, quant à la monnaie n° 129 des planches, on y lit DCVNANOS.

2. « Librorum scribendorum consuetudine etiam si, quod non credo, Peisistrati ætate utebantur, tamen tantam molem Homericorum quantam illi noverant perscripsisse laboris plus quam Herculei fuisset » (P. 12). Dans une note de la même page, il ajoute ceci : « Formæ litterarum, ut ex vetustissimis monumentis constat, etiam diu post Peisistratum eæ erant ut ad libros scribendos vix accommodari possent. Miror equidem doctos homines de scripto Homero etiam Solonis ætate balbutientes, qui non debebant tam confidenter affirmare quod probare non poterant. » M. P. me paraît commettre ici la faute qu'il reproche à ceux qu'il combat. Il ne juge l'écriture grecque du

à vie siècle que par des textes gravés au ciseau sur le bronze et le marbre; mais ne sait-il pas comme la forme et l'aspect des lettres d'un même alphabet se modifient aisément dès que l'on change d'instrument et de matière? Déjà les lettres écrites à la pointe du pinceau sur les vases à figures noires, que l'on croit de ce temps, ont raient pas eu sous les yeux les deux grandes épopées telles que nous les possédons aujourd'hui; le premier écrivain grec dont les cuvres nous prouveraient qu'il lisait Homère dans un texte qui différait peu du nôtre, ce serait Platon. Euripide et Sophocle n'ayant cessé de produire que vers les toutes dernières années du ve siècle, ce serait à peu près vers ce temps qu'à l'aide de matériaux empruntés au legs poétique des siècles antérieurs, un arrangeur quelconque, peut-être Antimaque, aurait composé, en prenant ce mot dans son sens étymologique, l'Iliade et l'Odyssée 2.

Ce serait vraiment vouloir perdre son temps que de s'amuser à répéter ici toutes les raisons qui ont été opposées à l'hypothèse de Wolf par ceux que l'on peut appeler, sur ce terrain, les conservateurs libéraux; nous désignerions ainsi les critiques qui, tout en tenant grand compte du travail de création et d'élaboration poétique qui a dû précéder la naissance de l'Iliade et de l'Odyssée, tout en faisant une large part aux interpolations et aux remaniements qui n'ont pu manquer de se produire pendant deux ou trois siècles de transmission orale, trouvent pourtant, dans l'étude même des deux poëmes, des motifs sérieux de croire que chacun d'eux est l'ouvre d'un poète très supérieur aux poètes qui l'avaient précédé comme à ceux qui l'ont suivi, qu'il y a bien un Homère ou, tout au plus, deux Homères qui ont tracé et rempli le cadre de l'Iliade et de l'Odyssée. On a montré quelle violence il avait fallu faire aux textes pour y trouver ce que l'on prétend en tirer, pour affirmer que Solon, Pisistrate et Onomacrite seraient venus, à un certain moment, condenser une sorte de matière épique jusque-là flottante et diffuse, qu'en l'agglomérant et la solidifiant, ils auraient ainsi créé deux grands poëmes que la Grèce s'est pris depuis lors, par une sorte d'illusion rétrospective, à considérer comme les premiers fruits de son génie. En général, on s'accorde à reconnaître aujourd'hui que la théorie de Wolf, de Lachmann et de leurs adhérents est, à tout prendre, plus embarrasrassante encore, plus grosse de difficultés et de contradictions de tout genre que la croyance à l'Homère de la tradition. Comme on l'a très bien dit, de tous les Homères le plus invraisemblable, c'est un Homère composé par une société de gens de lettres.

Nous n'insisterons pas. Tout ce que nous pouvons nous proposer ici,

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des formes moins raides et moins anguleuses que celles des textes épigraphiques proprement dits; celles que le roseau traçait rapidement sur le papyrus devaient être plus arrondies encore et plus légèrement indiquées. C'est toujours une chose difficile que de se faire une idée de l'écriture cursive d'une époque d'après son écriture monumentale; voyez l’Egypte.

1. Pour qu'on ne nous accuse pas de forcer la thèse de M. P., nous citons les dernières lignes de sa dissertation : « Quidquid hac de re statues, illud certum est : fuisse tempus quo Homerus ore rhapsodorum audiretur, fuisse quo scriptus oculis doctorum perlegeretur. Hunc Plato, illud tragici noverunt. Quis ille fuerit qui Homerum nostrum litteris primum mandavit, si non fuit Antimachus, ego ignoro, nec quærendum mihi proposui, quia nihil tradidit historia. »

c'est de faire voir comment l'hypothèse de M. P. est plus surprenante, plus inadmissible qu'aucune de celles de ses prédécesseurs, et combien sont faibles les arguments qu'il met en avant pour faire descendre jusque vers le quatrième siècle avant notre ère cette rédaction définitive des deux épopées, que plaçaient un siècle et demi plus tôt ceux mêmes des historiens de la littérature grecque qui étaient le plus éloignés des anciennes doctrines.

Il a déjà pu paraître étrange qu'une opération comme celle dont Pisistrate et ses fils auraient, prétend-on, suggéré la pensée, se soit accomplie à Athènes, sans qu'Hérodote et Thucydide, qui nous parlent avec tant de détail des Pisistratides, en aient gardé le moindre souvenir, sans qu'il y ait un mot à ce sujet dans Aristote, dont l'esprit exact et curieux avait dressé tout l'inventaire du passé de la Grèce, sans que des critiques aussi soigneux qu'Aristarque, pourvus de toutes les ressources que leur offrait la bibliothèque d'Alexandrie, aient compris que les éditeurs du poëme, pour choisir entre les leçons qui s'offraient à eux et résoudre les questions d'authenticité, devaient tenir compte des dispositions et des habitudes d'esprit qu'avaient dû porter dans leur travail d'arrangement et de mise par écrit Onomacrite et ses collaborateurs athéniens 1. On ne saurait guère révoquer en doute le fait même de la commission réunie par Pisistrate avec le mandat d'établir un texte qui pût servir au contrôle officiel de la récitation publique et complète des deux poëmes que comprenait la fête des Panathénées ; mais rien ne nous avertit que cette entreprise ait fait beaucoup de bruit dans son temps, et déjà ceci nous donne à penser. Pesez d'ailleurs avec quelque attention les termes qu'emploient les quelques écrivains anciens qui, plusieurs centaines d'années après Pisistrate, font allusion au travail dont il aurait été le promoteur; vous ne trouverez pas chez eux une expression qui vous autorise à croire qu'ils se soient représenté les arrangeurs athéniens comme les vrais créateurs de l'Iliade et de l'Odyssée. Pour certains modernes, Onomacrite d'Athènes, Zopyre d'Héraclée et Orphée de Crotone, faisant, en gens de goût, leur choix dans la riche moisson poétique qu'avaient produite les siècles d'inspiration, auraient lié les plus beaux épis en deux maîtresses gerbes qui seraient devenues, entre leurs mains et par leur intervention, les deux grands poëmes que nous admirons. Il n'y a rien de cela dans les passages allégués de Cicéron, du scoliaste de Plaute et d'autres grammairiens; ce qui en résulte, pour quiconque n'a point le parti pris de faire violence aux mots, c'est que la première édition d'Homère aurait été, pour parler le langage moderne, donnée à Athènes, vers le milieu du sixième siècle, par les soins de Pisistrate.

1. Une des rares allusions qui se trouvent chez les Alexandrins à l'ouvre des réviseurs du vi° siècle s'y rencontre à propos de la Dolonie: ils enregistrent l'opinion d'après laquelle ce serait seulement au temps de Pisistrate qu'elle aurait été incorporée au poème (τετάχθαι εις την ποίησιν).

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