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chelieu, et qui s'étend jusqu'aux premiers troubles de la Fronde (1642juin 1648); 4o d'un Appendice qui occupe, dans le tome I, 61 p. (351412) 1; 5° d'une Table, (analytique) des matières (t. I, p. 413-418 ; t. II, p. 519-526); 6° enfin d'Additions et corrections, t. I, p. 419-420; t. II, p. 527-528).

Le style de M. Chéruel est net et coulant, et sa méthode est excellente. Aussi l'ouvrage est-il, à tous égards, des mieux composés. Les divisions en sont bien établies: l'air et la lumière y circulent largement. Tout (les grandes lignes comme les menus détails) y montre que l'auteur est parfaitement maître de son sujet. Ce sujet, qui l'a jamais étudié comme lui? Aucune occasion ne lui a manqué de se le rendre familier. Ses éditions des Mémoires de Mlle de Montpensier, du Journal d'Olivier Lefèvre d'Ormesson, surtout son édition des lettres du cardinal Mazarin 2, l'ont admirablement préparé à écrire un livre qui complète les travaux de MM. Bazin, Gaillardin, Henri Martin, Michelet, Léopold Ranke, etc., et qui comptera parmi les meilleurs livres historiques de notre époque.

Indiquons maintenant les principaux résultats des longues recherches de M. Chéruel.

En 1643, après la brillante campagne de Rocroi et de Thionville, le duc d'Enghien revint à Paris le 15 septembre, malgré Mazarin qui lui demandait instamment de rester à la tête de l'armée et de conduire au maréchal de Guébriant les troupes destinées à la campagne d'Allemagne. Tous les rédacteurs de mémoires de ce temps-là ont ignoré ces circonstances, et M. V. Cousin, en qui M. C. (p. IV) loue bien plus juste ment le grand talent de style que la connaissance approfondie du XVIIe siècle 3, n'a pas craint d'attribuer à son héros la gloire d'avoir couronné ses victoires de France par la campagne d'Allemagne, alors que les carnets de Mazarin accusent, au contraire, le prince d'avoir été cause, par son retour précipité, de l'échec de l'expédition 4.

1. Cet Appendice comprend six morceaux: I. Biographie du cardinal Mazarin jusqu'à son avénement au ministère (14 juillet 1602-5 décembre 1642); II. Mémoires militaires de la Moussaie; III. Sur le personnage appelé le Rosso dans les carnets de Mazarin; IV. Divisions dans la cour du duc d'Orléans (extrait de mémoires inédits que M. C. croit composés par le maréchal d'Estrées, mais dont il oublie d'indiquer la provenance); V. Relation du combat naval de Barcelone (9 août 1643); VI. Relation du combat naval de Carthagène (3 septembre 1643).

2. Le tome I a paru en 1872. Voir Revue critique du 3 août 1872 (p. 75-80). Le tome II (juillet 1644-décembre 1647) vient de paraître (1879).

3. En histoire, et aussi en philosophie, si je ne m'abuse, M. Cousin ne fut qu'un illustre amateur.

4. A ceux qui objecteraient que Mazarin a pu se plaindre à tort de la conduite du duc d'Enghien, M. C. répond que le témoignage du cardinal est corroboré par celui de l'ambassadeur vénitien Giustiniani. (Préface, p. iv et, dans le récit même, t. I, p. 114-115). M. C., malgré toute son admiration pour M. Cousin, ne peut s'empêcher de lui reprocher (p. v) de bizarres exagérations : « En 1645, le duc d'Enghien vengea, par la victoire de Nordlingen, la défaite de Mariendal. Tel était le but prin

Pour l'année 1644, M. C. rectifie deux assertions d'auteurs contemporains qui, selon sa remarque (p. iv), ont une réputation bien établie d'exactitude, Monglat et Fontenay-Mareuil. Le premier prétend que le maréchal de La Mothe-Houdancourt, vice-roi de Catalogne, fut victime de la haine de Le Tellier. La correspondance de Mazarin, confirmée par celle de Grotius, prouve que les revers du maréchal ne doivent être imputés qu'à son incapacité 1. Fontenay-Mareuil, parlant de l'élection du pape Innocent X, assure que le marquis de Saint-Chamond, ambassadeur de France, ne s'y opposa pas, parce qu'il n'avait «< point d'ordre. >> Or l'on possède dans les papiers de Mazarin une instruction très nette et très détaillée remise à l'ambassadeur avant son départ pour Rome, où il lui est enjoint de prononcer, au nom du roi de France, une exclusion formelle contre le cardinal Panfilio, qui devint le pape Innocent X 2.

On a blâme Mazarin de n'avoir pas su profiter, en 1647, de la révolution de Naples, pour enlever ce royaume aux Espagnols. Cette assertion de Montglat, répétée par la plupart des historiens, est réfutée par la correspondance du cardinal, où l'on voit qu'il accueillit avec joie la nouvelle de l'insurrection de Masaniello et qu'il promit des secours aux Napolitains, mais aussi qu'en homme d'Etat avisé, il exigea, avant de prendre ce peuple mobile sous la protection de la France, certaines conditions sérieuses qui ne furent pas remplies. S'il refusa de seconder l'aventureuse expédition du duc de Guise à Naples, c'est qu'il connaissait l'incapacité politique de ce prince et que, dès le commencement, il avait prévu et annoncé l'insuccès de sa folle entreprise 3.

L'on a soutenu que Mazarin ne voulait pas sérieusement la paix, croyant la guerre nécessaire à sa puissance. M. C. oppose à FontenayMareuil, le premier qui ait dirigé contre le successeur de Richelieu cette

cipal de la campagne qu'il dirigeait; les lettres de Mazarin et les instructions données au prince, ne laissent aucun doute sur ce point: il devait effacer l'échec de Turenne, et occuper en Allemagne quelque place qui inquiétât l'ennemi. M. Victor Cousin, dans l'ouvrage si intéressant sur la Jeunesse de Ma de Longueville, s'est laissé entraîner par son imagination et par le souvenir des campagnes de Moreau et de Bonaparte, lorsqu'il a écrit que le jeune vainqueur se proposait d'aller dicter la paix à l'empereur dans la capitale de ses Etats. >>

1. Préface, p. V et, dans le récit même, t. I, p. 224-225 et 228-229. M. Henri Martin est de ceux qui ont cru devoir s'apitoyer sur la disgrâce imméritée de la Mothe-Houdancourt (t. XII, p. 200). Il s'appuie sur la Rochefoucauld qui, comme le fait observer M. C. (p. 238, note 5), ne dit rien là-dessus.

2. Préface, p. V, et, dans le récit même, t. II, p. 141-151.

3. Préface p. vii et, dans le récit même, t. II, p. 362-387 et 434-464. M. C. dénonce (p. vii) « les erreurs où sont tombés des historiens généralement exacts, pour s'être fiés à des documents peu authentiques, » et il ajoute : « M. Bazin cite une prétendue lettre de Mazarin à son frère, où il aurait paru approuver l'expédition du duc de Guise. M. Bazin ne dit pas où il a pris cette dépêche du cardinal. Elle se trouve dans l'ouvrage de M. de Pastoret, intitulé: Le duc de Guise à Naples. Or, cette lettre ne ressemble en rien au texte conservé aux archives des affaires étrangères. Il n'y a pas dans la pièce authentique un seul mot de la phrase citée par M. Bazin »,

grave accusation, une lettre adressée par le premier ministre au duc de Longueville en 1647 et dans laquelle il se plaint, au contraire, des Espagnols qui n'ont jamais voulu sincèrement la paix et qui se sont refusés à toute raisonnable concession '.

En dehors des points que je viens d'indiquer, après M. C., il resterait bien d'autres points curieux à énumérer, soit en ce qui touche particulièrement Mazarin 2, soit en ce qui regarde les événements auxquels il fut mêlé et les personnages qui servirent ou contrarièrent sa politique. Mais il serait trop long de mentionner tout ce que M. C. a emprunté de particularités intéressantes aux lettres et aux carnets de Mazarin, aux documents conservés dans les archives du ministère des affaires étrangères, aux dépêches des ambassadeurs vénitiens Giustiniani, Contarini, Grimani, Nani, au Mercurio de Vittorio Siri, aux Lettres de Grotius, à l'ouvrage si peu connu et si important du diplomate Jean de La Barde 3, enfin aux divers mémoires de l'époque.

Les attrayantes pages de M. C. auront trop de succès pour que l'on ne doive pas déjà songer à leur prochaine réimpression. Comme l'auteur est de ceux qui cherchent toujours à rendre leur travail meilleur, je lui soumettrai quelques observations.

M. C. (préface, p. xvi) s'exprime ainsi : « Le cardinal de Richelieu disait que les quelques pieds carrés du cabinet du roi lui donnaient autant de besogne que l'Europe entière. Il en était de même pour Mazarin. » La phrase attribuée à Richelieu est-elle authentique? Je ne le crois pas. S'il m'était permis de raconter, à ce propos, une petite historiette, je dirais qu'étant, un jour, chez mon vieil et excellent ami M. Avenel, il me montra un billet qu'il venait de recevoir d'un des professeurs les plus distingués de la Sorbonne, M. Aug. Geffroy, lequel avait trouvé dans une thèse pour le doctorat ès-lettres la phrase en question et demandait à l'éditeur de la correspondance du cardinal de Richelieu ce qu'il en pensait. M. Avenel me dit, en souriant : « Vous

1. M. C. rappelle (p. ix) que les Espagnols, pour détacher les Provinces-Unies de la France, firent proposer à Mazarin, dès 1646, un mariage entre Louis XIV et l'infante d'Espagne, qui lui apporterait en dot les Pays-Bas espagnols, mais que le cardinal ne tarda pas à reconnaître que c'était un pur artifice de nos ennemis.

2. De l'ensemble des documents anciens et nouveaux consultés par M. C., il résulte qu'il ne faut en rien modifier l'opinion que nous avions de Mazarin. C'était le plus sagace et le plus prévoyant des hommes, mais aussi le plus faux et parfois le plus mesquin. M. C. dit très bien (p. xv): « l'histoire doit, en signalant les grandes qualités de Mazarin, ne pas dissimuler ses défauts. » Somme toute, et en considérant plutôt les résultats obtenus que les moyens employés, on n'a pas trop à protester contre cette fière déclaration de Mazarin exilé (lettre à Zongo Ondedei, 1651): « Quelque malheur qui m'arrive, l'histoire n'aura que du bien à dire de moi, si elle veut dire la vérité. »

3. Joannis Labardi de rebus gallicis libri X (Paris, 1671, in-4). Le mérite de l'ouvrage avait déjà été proclamé en ces termes par Bayle (Dictionnaire critique, édition Beuchot, t. III, p. 120) : « Le style en est bon, les choses y sont narrées sans flatterie, et avec beaucoup de connaissance des intrigues du Cabinet. »

qui êtes un grand curieux, vous devriez chercher quel est l'inventeur de la citation, quel est le premier coupable. En attendant, je vais répondre à M. Geffroy qu'à mon avis le mot n'est pas plus de mon cardinal que cet autre mot plus fameux encore: Je fauche tout, je couvre tout de ma robe rouge. » — Nous lisons un peu plus loin (p. xix): « MM. V. Cousin et Henri Martin ont parfaitement reconnu que les récits qui portent le nom d'Henri de Bessé étaient empruntés à La Moussaie; mais ils n'ont pas eu sous les yeux le véritable texte du compagnon de Condé. » Bien avant MM. V. Cousin et H. Martin, c'est-à-dire dès 1747, l'abbé de Mazière de Monville, chanoine de l'église de Bordeaux, ancien vicaire général de feu l'évêque de Bazas, avait établi, dans une note de son Histoire de Louis II, prince de Condé (p. 291-384 des Mélanges de poésie, de littérature et d'histoire de l'Académie de Montauban, 1750, in-8°, p. 373), que La Moussaie est « le véritable auteur de la Relation des campagnes de Rocroy et de Fribourg, imprimée sous le nom de La Chapelle de Bessé qui n'a fait que revoir le style 2. » Je n'aurais pas voulu que M. C. prît l'inutile peine (t. I, p. 13) de nous rappeler que le maréchal de Bassompierre « a laissé des mémoires, « a laissé des mémoires, » ni qu'il imprimât (même page, note suivante) avec un t le nom du petit-fils de Blaise de Monluc, Adrien de Monluc, comte de Cramail. J'ai souvent eu l'occasion de constater soit ici, soit ailleurs, que jamais les membres de la famille de Monluc n'ont écrit leur nom autrement que je ne l'écris. S'il était superflu de mentionner un livre aussi connu que les Mémoires de Bassompierre, il aurait été désirable, en revanche, que M. C. révélât le nom de l'auteur du rondeau satirique dont il parle ainsi (p. 14): « Les Vendôme réclamaient le gouvernement de Bretagne. Le maréchal de la Meilleraye, à qui le cardinal l'avait donné, fut bravé au milieu des Etats de la province par l'évêque de Vannes, Rosmadec, qui, faisant allusion à des vers satiriques contre Richelieu, osa lui dire : il est passé, il est en plomb. » Ce rondeau, une des plus mordantes et des plus spirituelles épigrammes qui aient jamais été décochées contre le grand cardinal, fut composé par le président Miron, le digne ami de Guy Patin 2. Je serai plus sévère que M. C. pour le billet (t. I, p. 38, note 3) qu'aurait

1. Il aurait fallu ajouter que H. de Bessé se servit encore plus de ciseaux que de lime, car s'il a poli quelques phrases de La Moussaie, il en a beaucoup plus retranché. Voir dans les Variétés du n° du 31 mars 1877 de la Revue critique (p. 213214), une note de M. J. Bauquier au sujet d'un article donné par M. Chéruel au Correspondant du 10 janvier 1877 sur la bataille de Rocroy d'après la relation en partie inédite de La Moussaie. M. C., complétant dans l'Appendice (t. I, p. 368, 369) les insuffisantes indications de sa préface, nous apprend que Ramsay, l'auteur de l'Histoire de Turenne, et Desormeaux, l'auteur de l'Histoire de Louis de Bourbon, prince de Condé, avaient déjà prononcé le nom de La Moussaie. Voilà donc donc deux devanciers de MM. V. Cousin et H. Martin. L'abbé de Mazière de Monville est le troisième.

2. Voir une note de Conrart en ses Mémoires (édition Michaut et Poujoulat, p. 574).

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écrit, selon le rédacteur des Mémoires du jeune Brienne, Mazarin à la reine ce billet qui ne paraît à M. C. qu'altéré, me paraît entièrement apocryphe. Du reste, on ne saurait trop se méfier des documents et des récits insérés dans les prétendus Mémoires d'Henri-Louis de Loménie, comme plusieurs critiques l'ont déjà fait remarquer et comme je l'ai fait remarquer, à mon tour, dans les Lettres inédites de Benjamin Priolo (Tours, 1877, grand in-8°, p. 2 et 20). M. C. se contente de reprocher à l'éditeur de ces Mémoires, M. Barrière, d'en avoir remanié le style. Pour moi, je n'hésite pas à prétendre que ce n'est pas seulement la forme qui en est infidèle et que le fonds ne vaut guère mieux. Les pages que M. C. consacre à la bataille de Rocroi sont au nombre des plus remarquables de tout l'ouvrage (p. 70-92). Mais pourquoi le judicieux auteur restreint-il autant (p. 89) la part qui revient au futur maréchal de Gassion dans la glorieuse journée du 19 mai 1643? « L'envie, qui s'attache toujours au génie, » dit-il, «< ne manqua pas de s'attaquer au duc d'Enghien. On attribua à Gassion le mouvement qui avait décidé de la victoire, et cette opinion a conservé des partisans jusqu'à nos jours. » On peut, ce me semble, tout en saluant dans le duc d'Enghien le brillant vainqueur de Rocroi, ne pas méconnaître l'extrême importance du rôle joué par le plus habile et le plus hardi de ses lieutenants. M. C. cite non sans un peu de mauvaise humeur, les récits trop favorables à Gassion d'Olivier d'Ormesson, de Montglat, de l'ambassadeur Giustiniani. Mais, pensant avec le nouvel historien que « ceux qui, sans connaître l'art de la guerre, sont forcés de raconter des événements militaires, doivent s'estimer heureux de pouvoir laisser la parole à un homme du métier » 1, je ne puis lui opposer rien de plus décisif que cette déclaration du duc d'Enghien lui-même, écrivant à Mazarin sur le champ de bataille que venait d'abandonner l'ennemi : « Je m'adresse à vous pour vous suplier de vouloir faire recognoistre les services que M. de Gassion a rendu en cette occasion d'une charge de mareschal de France. Je vous puis asseurer que le principal honneur de ce combat luy est deu 2. » La note sur le comte d'Estrades (t. I, p. 163) pourrait être plus précise. Le mot ambassades aurait dû remplacer le mot missions, et le titre du recueil que l'on a de lui, aurait dû être plus exactement donné. Le voici Lettres, mémoires et négociations de M. le comte d'Estrades tant en qualité d'ambassadeur de S. M. T. C. en Italie, en Angleterre et en Hollande, que comme ambassadeur plénipotentiaire à la paix de Nimègue, etc. M. C. qui cite (t. 1, p. 166) l'imparfaite édition des Mémoires d'Henri de Campion par le général de Grimoard (1807 et non

1. Préface, p. xix.

2. Lettres de Condé à Mazarin, tirées des Archives nationales (KK 1071) et publiées par M. Eugène Crépet dans l'Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France, 1864, p. 27-43. Je regrette que M. C. n'ait pas eu connaissance de ces documents et des observations dont M. Crépet les fait précéder. Il aurait été, si je ne me trompe, plus juste envers Gassion.

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