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chez tous les écrivains grecs ou latins, qui ont raconté les événements du temps de Périclès ou même y ont fait simplement quelques allusions. Ils ont beau ne pas prononcer son nom; leur silence n'abuse pas M. S. et ne réussit pas à mettre en défaut sa sagacité. Pour abréger la démonstration, il se renferme dans l'examen de six auteurs, Cicéron, Cornélius Nepos, Trogue-Pompée, Valère-Maxime, Polyen et Elien, qui tous directement ou indirectement, qu'ils aient eu conscience de leurs emprunts ou qu'ils les aient ignorés, lui paraissent être redevables à Stésimbrote d'une grande partie de leur science. Nous perdons de vue l'historien de Thasos dans le dernier chapitre, qui traite de la composition de l'histoire de Thucydide; mais ce dernier chapitre est fort court, c'est presque un hors-d'œuvre et le volume, dans son ensemble, n'en reste pas moins comme un monument élevé à la gloire de Stésimbrote.

Il est difficile d'avoir plus d'érudition que M. S., de mieux connaître les textes et de savoir les interroger plus habilement. Mais la thèse qu'il soutient, a trop souvent l'air d'être un jeu d'esprit. Il est possible que Stésimbrote vaille mieux que sa réputation; mais, tout en sachant gré à M. S. d'avoir ramené l'attention sur un écrivain dont les moindres fragments sont précieux, puisqu'il était contemporain des hommes dont il a raconté la vie, on hésitera à le suivre jusqu'au bout dans ses conclusions. Heureusement, M. S. n'est pas un auteur très méthodique et il lui arrive quelquefois d'abandonner son sujet pour se jeter dans des discussions accessoires, qui sont peut-être les parties les plus intéressantes de son livre. C'est ainsi qu'il étudie longuement (p. 46 sqq) les procédés de composition de Plutarque et l'usage qu'il faisait des documents qu'il avait à sa disposition. La Revue rendait compte, assez récemment 1, d'un travail de M. Schubert sur les sources de Plutarque dans les vies d'Eumène, de Démétrius et de Pyrrhus. Ce travail est loin d'être isolé et bientôt il y aura en Allemagne une littérature de Plutarque, comme il y a déjà une littérature d'Homère. Les pages de M. Schmidt que je viens d'indiquer, sont assurément au nombre des meilleures qui aient été écrites sur la question et elles seront toujours consultées avec profit.

R. LALLIER.

172.

Paul ALLARD. L'Art païen sous les empereurs chrétiens. Paris, Didier, 1879, in-8° de xv-325 pages. Prix 3 fr. 50.

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Le nom de M. Allard est honorablement connu de tous ceux qui s'occupent d'archéologie chrétienne, et ses ouvrages (Rome souterraine, Les esclaves chrétiens) ont obtenu du succès. Son nouveau livre intéressera

1. 31 mai 1879, n® 22.

également les lecteurs par une exposition nette, une connaissance exacte des découvertes et des travaux récents.

Je me permettrai cependant quelques réserves sur la composition et l'esprit de l'ouvrage. Le titre manque de précision et ne répond pas assez nettement à ce que contient le livre. On peut examiner l'art païen sous les empereurs chrétiens à bien des points de vue: M. A. se préoccupe surtout de la destinée des temples; ce qui concerne la peinture, la sculpture, les relations de l'art païen avec l'art chrétien est souvent traité d'une manière trop sommaire. Il eût mieux valu peut-être choisir pour titre Les temples païens sous les empereurs chrétiens. Dans les premiers chapitres, c'est même le plus souvent de l'exercice du culte qu'il s'agit; M. A. se laisse entraîner à rentrer dans l'histoire générale du paganisme, et il parle d'événements qui n'ont que des rapports indirects avec l'art. Ce défaut est d'autant plus sensible que ces événements ont été souvent étudiés et discutés, et que M. A. en donne des appréciations qu'il est parfois difficile d'admettre. Il y a, par exemple, sur Constantin (p. 13-14), sur la sincérité historique d'Eusèbe (ib.), sur les évêques du ive siècle (p. 130), des jugements qu'on ne peut accepter sans restrictions. L'ouvrage par endroits affecte trop les formes d'un plaidoyer; mais qui veut trop prouver met en défiance. M. A. a eu grandement raison de disculper les chrétiens du ive et du ve siècle, des accusations trop vives qu'on a portées cotre eux; mais il a eu tort d'exagérer çà et là cette justification au point de la rendre invraisemblable. Je citerai particulièrement la seconde partie du ch. Ix où M. A. tombe de très bonne foi dans de véritables contradictions. C'est ainsi qu'il affirme (p. 220) que « pendant les persécutions comme après le triomphe l'Eglise eut horreur de l'outrage et de la destruction. » Il cite aussitôt des faits qui montrent que l'Eglise blâmait comme imprudentes les attaques contre les idoles, mais aux époques et dans les pays où elle n'avait pas pour elle l'autorité civile. Bien souvent elle agissait d'autre sorte quand elle s'appuyait sur le pouvoir impérial; M. A. n'en a-t-il pas donné lui-même les preuves? Il cherche à s'en tirer par des distinctions que je n'entends pas très bien « Dans l'ordre des faits, dit-il, l'Eglise laissa quelquefois fléchir ces principes, et il ne pouvait en être autrement : dans l'ordre des idées, elle les maintint inébranlables. » Est-on bien venu à mettre au compte de son client des principes que la pratique nous montre sans cesse violés? Il vaut mieux faire la part du feu, reconnaître qu'il y a eu beaucoup de faits regrettables, mais qu'en résumé, la modération absolue ne se rencontre guère en de pareilles époques. Je ne puis entrer ici dans un examen détaillé des faits, mais je crois que la vérité est entre les opinions passionnées que combat M. A. et celles qu'il expose lui-même sous des formes trop arrêtées. M. A. dit quelque part « qu'il est impossible de poser en ces matières une règle générale. » Voilà qui est plus juste que de parler de principes inébranlables. La conduite des évêques a varié d'après leur caractère, d'après le tempérament des populations au mi

lieu desquelles ils se trouvaient: ici on est resté modéré, là on a détruit avec fureur.

Si M. A. donne parfois à son plaidoyer un caractère trop absolu, il est aussi trop disposé à charger de tous les méfaits la mémoire des Barbares du ve et du vie siècles. Ils apparaissent dans le dernier chapitre comme une trombe dévastatrice qui ne laisse rien debout. C'est surtout au sujet de Rome que le réquisitoire est formel: mais pour accepter la condamnation je voudrais des preuves plus décisives. Mettons à part Théodoric qui a restauré loin de détruire, M. A. le reconnaît. Mais quels sont au juste les monuments de Rome que les contemporains nous indiquent comme renversés par Alaric, Genséric, Ricimer, Vitigès, Totila? Ils les ont pillés, je ne vois pas qu'ils les aient détruits: la plupart du reste n'en ont pas eu le temps. M. A. parle des catacombes chrétiennes; mais les catacombes chrétiennes ont peutêtre plus souffert que les monuments antiques du passage des Goths. Je regrette vraiment que M. A., à défaut d'allégations précises, ait eu recours aux anecdotes de Flaminio Vacca et qu'il y ait vu l'écho d'une tradition vraie (p. 311-312). Quelles fables n'admettrait-on pas à ce compte? Au reste, je ne crois guère aux dévastations presque instantanées sur le grand nombre des monuments antiques, elles furent souvent l'exception. Quand M. A. écrit : « On a vu quels furent les véritables auteurs de la ruine des monuments antiques : non pas les chrétiens, mais les Barbares », je pense qu'il oublie le principal coupable. Bien des monuments subsistaient après le passage des Barbares comme après le triomphe des chrétiens: ils ont disparu lentement, ils se sont émiettés pierre à pierre pendant le moyen âge. J'ajouterai que M. A. se trompe quand il paraît croire (p. 312) que cette opinion est particulière à Ampère et qu'il la traite un peu vite de « paradoxe » à Ampère il faut joindre Tiraboschi, Fea, Gregorovius qui s'appuient sur de fort bons arguments.

Les théories soutenues par M. Allard prêtent, on le voit, à la critique, parce qu'il les poussse trop facilement à l'extrême et qu'il y apporte trop d'ardeur; ce n'en est pas moins là un livre intéressant qui sera consulté avec fruit il ne résout pas complètement, je crois, les graves questions qui y sont en jeu; il aide du moins à les mieux connaître.

C. BAYET.

173. — Le théâtre et la philosophie au XVIII° siècle, par Léon FONTAINE, maître de conférences à la Faculté des Lettres de Grenoble. Versailles, Cerf; Paris, Baudry, in-8° de 262 p.

Tout le monde savait que la philosophie a exercé une grande influence sur le théâtre au XVIIIe siècle, mais il nous manquait un livre spécial où cette influence fût mise en pleine lumière. L'étude de M. Fontaine ne

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laissera presque plus rien à dire sur ce sujet. L'auteur, s'occupant d'abord de la tragédie, et ensuite de la comédie et du drame, a recherché avec autant de soin que de sagacité tout ce qui, chez les principaux écrivains du xvir siècle, montre combien l'art dramatique subit la pression de la philosophie. M. F. prouve par mille exemples que le théâtre contribua beaucoup « à exciter les esprits, à répandre les idées nouvelles, en un mot, à préparer la Révolution. » Il ne prouve pas moins incontestablement que la littérature dramatique, en prenant un caractère militant, << en abandonnant l'étude impartiale et désintéressée de la nature humaine pour se jeter avec ardeur au milieu de la lutte des partis, contracta de graves défauts et se fit à elle-même de profondes blessures. M. F. a mis une patience inouïe à lire un très-grand nombre de pièces toutes plus ennuyeuses les unes que les autres. Benjamin Constant demandait avec insistance qu'on lui fît voir un homme qui aurait eu le courage de lire Arbogaste jusqu'au bout. Que penser de M. F. qui n'a pas reculé devant la lecture d'une bonne centaine de tragédies, dignes sœurs aînées de celle de M. Viennet? Illi robur et æs triplex. Enumérons quelques-unes de ces tragédies: Ino et Mélicerte de La GrangeChancel, Sémiramis de Crébillon, le Triumvirat du même auteur, Artémise de Voltaire 1, Didon de Le Franc de Pompignan, Inès de Castro de Lamotte, Childéric de Morand, Numitor de Marmontel, MancoCapac et les Druides de Leblanc de Guillet, Blanche et Guiscard de Saurin, Jeanne de Naples, Virginie de La Harpe 3, Orphanis de Blin de Sainmore, Nadir ou Tamas-Kouli-Kan par Dubuisson, Guillaume Tell de Lemierre, Iphigénie en Tauride de Guimond de la Touche, Caliste de Colardeau, Briséis de Poinsinet de Sivry, Andronic de Campistron, le connétable de Bourbon du comte de Guibert, sans parler de

1. M. F. est revenu sur Voltaire à plusieurs reprises et il lui a même consacré tout un chapitre intitulé: Le prêtre et la religion dans les tragédies de Voltaire (p. 61-77). Dans le chapitre suivant (p. 78-90), il s'occupe des élèves et imitateurs de Voltaire, auxquels ce dernier légua son ardeur plus que son talent, si bien que « l'on peut dire de ses successeurs tragiques comme des maréchaux qui remplacérent Turenne : C'est la monnaie de M. de Voltaire. »

2. «<< Leblanc de Guillet, (dit M. F. (p. 85), s'était fait connaître par une tragédie au nom bizarre et par un vers vraiment formidable:

Crois-tu de ce forfait Manco-Capac capable? »>

3. Nous lisons (p. 42): « La Harpe qui depuis... témoigna tant de haine à la Révolution fut de ceux qui contribuèrent à la préparer, et se signala parmi les plus fervents de l'école philosophique. Correspondant littéraire de plusieurs souverains du Nord, tandis qu'il flattait Saint-Pétersbourg, il se montrait à Paris frondeur et citoyen; pareille contradiction n'était pas rare. »

4. M. F. (p. 40) se moque ainsi de Lemierre: « Il imagina un Guillame Tell qui, avait lu l'Esprit des Lois, connaissait le mot fameux de Montesquieu sur le principe du gouvernement dans les républiques, et se rappelait que ce n'est ni par honneur, ni par amour de la gloire, mais par pure vertu que des hommes comme lui doivent agir. »

drames tels que Euphémie d'Arnaud-Baculard 1, Olinde et Sophronie de Mercier, etc. Parmi les partisans de la cause royale, M. F. ne trouve à signaler que de Belloy, « le médiocre auteur du Siège de Calais, » car Collé, l'auteur de la Fartie de chasse, a plutôt célébré Henri IV même que le roi de France.

Dans la seconde moitié de l'ouvrage apparaissent ou réapparaissent Delisle, dont on a si bien oublié l'Arlequin sauvage (1771) et Timon le misanthrope (1722), Chamfort, Marivaux, La Chaussée, Sedaine, Monvel, d'Allainval, Gresset, Poinsinet de Sivry, Beaumarchais, Legrand, Poisson, Mercier, Palissot, Voltaire, etc. On trouve là beaucoup de détails très peu connus, et ce que l'on connaissait déjà y est en quelque sorte rajeuni par l'ingénieuse façon dont M. F. analyse, cite et apprécie. On ne peut adresser à l'auteur que de bien légères critiques. Il n'a pas songé à rapprocher (p. 16) du fameux vers de la Mérope de Voltaire, Le premier qui fut roi fut un soldat heureux,

le vers prototype de la Didon de Le Franc de Pompignan (C'était pour Voltaire le pillage de l'ennemi) :

Le premier qui fut roi fut un usurpateur.

Rendant compte (p. 105) du drame de Mercier sur la Saint-Barthélemy, M. Fontaine a enlevé au gouverneur de la ville de Bayonne en 1572, Adrien d'Aspremont, son vicomté d'Orthe pour lui donner un prétendu et imaginaire vicomté d'Orthez.

T. de L.

CHRONIQUE

FRANCE. Dans une brochure qui a pour titre « l'Egypte ancienne, discours prononcé à l'ouverture des conférences d'archéologie égyptienne à la Faculté des lettres de Lyon » (Ernest Leroux, 32 pages), M. E. LEFÉBURE expose l'origine, le développement et le résultat de la science égyptologique : « Plus apte aux jouissances du bien-être qu'aux spéculations de l'esprit, l'Egypte, dit M. Lefébure, s'est longuement immobilisée, sous le despotisme protecteur de ses rois, dans un profond attachement à la vie présente et future. Pendant toute la période de l'antiquité qui précéda le christianisme, elle a subsisté de même, utilitaire et stationnaire à la fois, avec la solidité grandiose des monuments qu'elle élevait, soit que la nécessité du travail et de la règle ait fait d'elle le peuple pratique et docile que montrent son manque de poésie et son attachement aux vieilles coutumes, soit qu'une réelle infériorité de race l'ait retenue dans le culte d'un passé dont elle ne pouvait renouveler l'effort, soit que, dans un sens plus large, son état représente une des haltes nécessaires de

1. M. F. ignorerait-il l'existence du Coligny d'Arnaud-Baculard? Il n'y fait pas la moindre allusion. M. F. a tort de dire que Baculard ait été admis aux soupers de Sans-Souci. La correspondance de Voltaire ne permet pas de le croire.

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