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Dans une société où l'élément pastoral avait une prédominence presque exclusive, le régime des biens entre époux, tel que César l'expose, semble tout simple, quoique M. de V. le déclare incompréhensible p.171: Viri, quantas pecunias ab uxoribus dotis nomine acceperunt, tantas ex suis bonis, aestimatione facta, cum dotibus communicant. Hujus pecuniæ ratio habetur, fructusque servantur. Uter eorum vita superavit, ad eum pars utriusque cum fructibus superiorum temporum pervenit (VI, 19). Si les pecuniae avaient été des champs, et qu'il eût fallu en garder indéfiniment les récoltes, le système dont parle César eût été ridicule mais les pecuniae des Gaulois de César étaient des troupeaux de vaches, de moutons, de porcs; c'étaient des chevaux, quelquefois des esclaves. Sans doute, le mari devait les conserver autant que possible; mais cela ne veut pas dire qu'il n'eût le droit de faire abattre, à l'âge consacré par la coutume, les vaches, les porcs, les moutons compris dans son apport et dans celui de sa femme. Il devait garder les fruits, c'est-à-dire les veaux, les agneaux, les petits cochons, les poulains, les enfants des esclaves, le croît en un mot; mais cette obligation ne peut s'entendre d'une façon absolue et en ce sens que le mari n'eût pas le droit de manger, de faire manger à sa femme, les veaux, les agneaux, les petits cochons dont la conservation ne remplissait pas les conditions régulières d'une bonne administration, d'une administration telle que le voulait l'usage. On ne peut admettre que la loi lui imposât l'obligation de laisser mourir ses bestiaux de vieillesse ou de maladie le contrat de mariage, mentionné par César, doit s'entendre d'une manière sensée, c'est le cheptel à moitié du Code civil, articles 1818-1820, combiné avec le préciput conventionnel des articles 1515 et 1519. Cette interprétation, la seule interprétation raisonnable, nous est offerte par l'organisation de la propriété irlandaise telle que le Senchus Môr nous la montre. La fortune privée n'y consiste guère qu'en animaux domestiques et en esclaves.

Rien de plus archaïque dans l'histoire indo-européenne. Comment douter de l'antiquité d'un système économique où, par exemple, la monnaie de compte la plus élevée est la femme esclave, divisée en trois bêtes à corne? Ici, l'Irlande chrétienne nous a conservé pétrifié un débris d'un état social contemporain de l'Iliade. Le cours légal de l'esclave irlandaise est le cours moyen de l'esclave grecque de l'époque homérique : c'est par exception que chez Homère une femme d'un talent rare vaut quatre vaches :

Ἀνδρὶ δὲ νικηθέντι γυναῖκ ̓ ἐς μέσσον ἔθηκεν,
Πολλὰ δ ̓ ἐπιστατο ἔργα, τίον δὲ ἑ τεσσαράβοιον '.

Si l'Irlande du Senchus Môr ressemble sur certains points à la Grèce homérique, à plus forte raison elle reproduit les principaux traits de la société gauloise du temps de César.

1. Iliade, xxш, 704-705.

Voilà quelques exemples de ce que j'aurais voulu lire dans le livre de M. de V. et de ce que je regrette de n'y pas trouver.

Quoiqu'il en soit de ces critiques, puisque M. de V. a écrit cette « préface » à l'histoire du droit français, puisse-t-il bientôt nous donner l'histoire elle-même! Ce sera un démenti à l'injuste préjugé qui fait croire à quelques esprits chagrins que la Faculté de droit de Paris est le tombeau des talents éclos en province, et que, si M. de Valroger eût été bien inspiré, il serait, dans son intérêt comme dans le nôtre, resté à Caen le collègue de M. Demolombe.

H. d'ARBOIS DE JUBAINVILLE.

124. — V. DurUY. Mémoire sur les tribuni militum a populo. Paris, Imprimerie nationale. 1878, in-4° de 32 p.

- Mémoire sur la formation historique des deux classes de citoyens romains désignés sous le noms d'honestiores et d'humiliores. Paris, Imprimerie nationale. 1878, in-4° de 28 p. (1).

K

Plusieurs inscriptions, trouvées en Italie, nous font connaître des personnages qui furent tribuni militum a populo. On croit généralement que c'étaient là des « magistrats de Rome » élus par le peuple romain, de vrais tribuns légionnaires ». M. Duruy n'accepte pas cette hypothèse. Il démontre que les tribuns des légions romaines ne se sont jamais appelés tribuni militum a populo, que d'ailleurs la dernière mention qui soit faite du tribunat légionnaire électif est de l'année 70 av. J.-C., et que les inscriptions dont il s'agit ici sont toutes bien postérieures à cette date. Il pense que ces trib. mil. a pop. étaient « des dignitaires municipaux, non des fonctionnaires de l'état » ; il voit en eux «< les chefs du service militaire dans les colonies ou les municipes ». Il établit que l'empire laissait le plus souvent aux provinciaux le soin « de faire la police de leur territoire »; les villes avaient « des armes, des prisons, des captifs à surveiller, une garde de police à commander, des bandits à contenir, des recrues à lever et à mettre en route pour les légions ou les cohortes auxiliaires ». Le chef qui centralisait dans ses mains tout ce service était probablement en Italie le tribunus militum a populo, et était sans doute élu comme les autres magistrats.

Ces conclusions paraissent inattaquables et la question semble résolue par M. D. d'une façon définitive.

Dans un second mémoire, M. D. examine comment il se fait que, sous l'empire, la loi admette pour un crime deux sortes de peines, les unes, plus douces, réservées aux honestiores, les autres, plus sévères, destinées aux humiliores. Il remarque que Rome fut toujours une cité

1. Ces deux mémoires ont été lus à l'Acad. des inscr. et belles-lettres. Ils se trouvent reproduits en appendice à la fin du t. V de l'Hist. des Rom. de M. Duruy.

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aristocratique, et qu'à cet égard les provinces se modelèrent sur elle. «La société romaine, gouvernée d'abord par une aristocratie de naissance, ensuite par une aristocratie d'argent, n'eut jamais que du dédain pour les citoyens pauvres et pour les artisans, même aux beaux jours de la liberté républicaine. Il n'y eut pas davantage d'égalité pour les hommes libres des provinces, après qu'on leur eut concédé le droit de cité. L'empire effaça bien la différence établie entre le civis et le peregrinus, mais il la reporta entre le riche et le pauvre. » Des mœurs, ce mépris pour le pauvre passa dans la législation. Déjà, sous Auguste, le jurisconsulte Labéon interdisait l'action de dol à l'humilis contre celui qui dignitate excellit ». Mais « cette inégalité n'est déterminée que par des conditions morales, vita emendatior ». Gaius va plus loin; « il ne cherche plus dans l'ordre moral la distinction qu'il convient d'établir pour la pénalité; il veut celle-ci plus douce pour le magistrat ou le décurion, quel qu'il soit. Puis des rescrits impériaux décident, contrairement à la loi Porcia, que les tenuiores homines pourront être battus de verges; ils les dépouillent ainsi d'un des privilèges du citoyen romain. Enfin le Digeste frappe d'incapacité légale, à côté des infames, tous les pauvres. « Il ne paraîtra pas téméraire, ajoute M. D., d'appliquer à la loi pénale le criterium qui, après avoir été appliqué à la loi politique, servait à la loi judiciaire, et de penser que l'homme déclaré indigne de paraître en justice comme accusateur devait, lorsqu'il y venait en accusé, être regardé comme indigne des adoucissements accordés au rang, à la dignité, à la richesse. » Or, pour être classé parmi les pauvres, il suffisait de posséder moins de 50 aurei, c'est-à-dire moins de 1,200 à 1,300 fr.; et un petit calcul de statistique comparée permet d'affirmer que cette catégorie comprenait «< la plus grande partie de la population de l'empire ».

Le travail de M. Duruy, outre qu'il éclaire un intéressant point de droit, jette une vive lumière sur le caractère de la politique impériale, et fournit une rigoureuse démonstration de ce fait que les empereurs ne cessèrent de favoriser les progrès de l'aristocratie.

Paul GUIRAUD.

Rectification.

Dans le compte-rendu du Pascal de M. Molinier publié dans la Revue critique du 21 juin, il s'est glissé une erreur de fait que je m'empresse de rectifier. J'ai dit que l'édition de M. Havet avait été entreprise et exécutée à l'instigation de Victor Cousin, médiocrement satisfait du travail de M. Faugère. M. Havet a la bonté de m'avertir qu'il n'en est rien, et que l'édition de 1852 a été faite sur la seule demande de M. Dezobry, qui voulait avoir le Pascal nouveau pour la librairie classique. Ce n'est là qu'un détail, il est vrai; mais, pour le public lettre d'aujourd'hui comme, espérons-le, pour celui de demain, rien de ce qui touche à Pascal et à ses premiers éditeurs ne saurait être indifférent.

Salomon Reinach.

CHRONIQUE

FRANCE.

Le docteur J. M. RABBINOWICZ a publié chez Thorin les tomes II, III et IV de la Législation civile du Talmud, nouveau commentaire et traduction critique du Traité Baba Bathra; l'ouvrage complet formera cinq volumes; les tomes Ier et Ve paraîtront prochainement.

La poésie alexandrine, quelque peu délaissée en France dans ces derniers temps, vient de trouver un historien consciencieux et habile dans M. Auguste COUAT, professeur à la Faculté des Lettres de Bordeaux. L'année dernière, M. Couat inaugurait une série très intéressante de travaux sur cette branche de la littérature grecque, en insérant dans l'Annuaire de l'association pour l'encouragement des études grecques en France année 1877) un exposé de la Querelle de Callimaque et d'Apollonius de Rhodes. Les Remarques sur la date et la composition des Hymnes de Callimaque, qui figurent dans le volume nouvellement distribué du même Annuaire (année 1878) établissent que ces Hymnes avaient été officiellement commandés à Callimaque par Ptolémée Philadelphe, à différentes dates échelonnées entre 278 et 248 (dates que M. Couat parvient à préciser toutes), pour être récités publiquement dans des fêtes religieuses, soit à Alexandrie même (Hymne 1); soit dans des villes conquises ou alliées, où le roi envoyait des « théories » pour y consolider son influence par l'association des cultes, savoir à Délos (Hymne 4), à Ephèse (Hymne 3), au Triopium de Cnide (Hymne 6), à Cyrène (Hymne 2). Au surplus, l'éloge de la divinité n'est dans ces poésies qu'une occasion pour introduire, parfois directement, parfois sous le voile d'une allusion discrète, l'éloge de Philadelphe. On retrouve là l'histoire des triomphes de ce prince; et son portrait moral, naturellement flatté, s'y reflète fidèlement. M. Couat promet de continuer cette suite de mémoires. On sait que, dans le premier numéro des nouvelles Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux (voy. le n° du 31 mai dernier, Variétés), il a donné un article intitulé: Le Musée d'Alexandrie sous les premiers Ptolémées, qu'il présente comme une introduction à l'ensemble de ses recherches sur la poésie à Alexandrie. Il s'y montre au courant des principaux travaux qui ont paru depuis un demi-siècle sur l'installation matérielle et le fonctionnement des grands établissements littéraires fondés par les premiers Ptolémées : le Musée et les Bibliothèques. Il dépeint très-heureusement le mouvement et la vie littéraire de cette époque. Pour ne pas diminuer la clarté de l'exposition, il n'a pas touché aux grosses difficultés du sujet, comme celles qui concernent la pinacographie et la stichométrie, les volumina commixta ou simplicia et digesta. Espérons que M. Couat se verra conduit à les approfondir.

- L'ouvrage de M. de MAS LATRIE sur l'île de Chypre, que nous avons récemment annoncé (l'île de Chypre, sa situation présente et ses souvenirs du moyen áge. Paris, Didot, 5 fr ), renferme trois parties : 1o la situation présente de l'île; conditions physiques et agricoles, districts de l'île, industrie, commerce, gouvernement (p. 1-118); 2o la construction de la carte de l'île (réimpression d'un mémoire paru en 1863 dans la Bibliothèque de l'école des Chartes, 5a série, t. IV, p. 3, avec quelques compléments et quelques rectifications dans le texte et les notes, p. 118-203); 3° les souvenirs historiques : 1o Relations de l'île de Chypre avec l'Asie-Mineure au moyen âge (p. 204340); 2° Inscriptions du moyen âge (p. 340-402); 3° Etat des principaux fiefs et des

terres du domaine royal sous les Français et les Vénitiens (p. 402-430). La carte de l'île, jointe au volume, est la carte dressée par MM. Didot pour leur édition des Petits géographes grecs.

La Collection des principaux cartulaires du diocèse de Troyes par M. l'abbé LALORE, dont quatre volumes ont déjà paru (Cp. Revue critique, chronique, no 23, p.425), comprendra neuf volumes ; le cinquième (Car tulaire de Saint-Pierre de Troyes et Chartes de Saint-Urbain de Troyes) et le sixième (Cartulaire de l'abbaye de Montiéramey) sont sous presse. (Thorin.)

La notice de M. CASATI sur le musée du château de Rosenborg, lue l'an dernier devant l'Académie des Inscriptions, vient de paraître en volume. (Notice sur le musée du château de Rosenborg en Danemark, concluant à la création d'un musée historique de France. Paris, Didier. In-8°, 62 pages, 5 francs). On sait que le château de Rosenborg (construit de 1606 à 1625) a été transformé en musée sous le nom de collection chronologique des rois de Danemark (De Danske Kongers Kronologiske Samling); en le parcourant, dit M. C., on parcourt toute l'histoire du Danemark, représentée par des monuments de l'époque, et l'on traverse successivement tous les règnes des souverains danois, depuis Christian IV. M. Casati passe en revue les objets d'art que renferme le musée de Rosenborg (le plus curieux et le plus ancien est la corne d'Oldenbourg), et propose la formation d'un musée historique semblable: ce musée d'archéologie nationale, bien distribué et disposé par ordre chronologique, c'est, dit-il, l'histoire en action, l'histoire saisissant les yeux en même temps que l'esprit; il croit que les Tuileries seraient «< un cadre très-bien approprié à une collection de ce genre. » Des notes complémentaires ajoutées par M. C. à son étude concernent le musée du Prinzen-Palais, des faïences danoises inédites, les vases à boire aux xiv et xv° siècles, etc. M. Casati s'est beaucoup servi du catalogue descriptif du château de Rosenborg publié en danois par M. Carl Andersen.

La librairie Trübner a fait paraître la première livraison de l'Hortus deliciarum de l'abbesse Herrade de Landsperg (Hortus deliciarum, par l'abbesse Herrade de Landsperg, reproduction héliographique d'une série de miniatures, calquées sur l'original de ce manuscrit du XIIe siècle, texte explicatif par le chanoine STRAUB). On sait que l'Hortus deliciarum, dédié par Herrade aux religieuses de Hohenburg, était une vaste compilation, composée de citations tirées des Saintes Ecritures, des Pères de l'Eglise, des historiens sacrés et profanes, etc. L'abbesse y avait déposé la somme des connaissances de son temps. Ce manuscrit était orné de précieuses miniatures qui en faisaient comme une galerie de tableaux du xII° siècle. Il a été détruit pendant le bombardement de Strasbourg (nuit du 24 au 25 août 1870). Mais on savait qu'à des époques différentes un grand nombre de calques avaient été exécutés sur l'original. La Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace a eu l'heureuse idée de réunir ces fragments et de reconstruire ainsi, autant que possible, le manuscrit perdu. En ajoutant les calques retrouvés aux reproductions déjà publiées dans le livre d'Engelhardt, Herrad von Landsperg und ihr Werk (Stuttgart et Tubingue, 1878), on est arrivé au chiffre de 160. Tous ces calques sont reproduits dans l'ouvrage (tiré à deux cents exemplaires) que la librairie Trübner publie aujourd'hui, au nom de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace; cet ouvrage formera probablement six ou sept livraisons; chaque livraison coûte 12 fr. 50 (plus 1 fr. 25 pour frais d'emballage).

M. RISTELHUBER est sur le point de publier une nouvelle édition de l'Apologie pour Hérodote d'Henri Estienne. On trouvera dans l'introduction des pièces curieuses tirées des archives de Genève. Ainsi, Léon Feugère prétendait que « le rigorisme

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