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19. Euripidis Fabule ed. Rudolfus PRINZ. Vol. I. Pars 1. Medea. Leipzig. Teubner, 1878, x et 63 p. in-8°. Prix 2 mark (2 fr. 30).

M. Prinz nous promet une édition critique d'Euripide, dont la Médée forme le premier fascicule. On se demande tout d'abord ce qui distinguera cette édition de celle que Kirchhoff a donnée en 1855. Quelque grand que soit le mérite de ce dernier ouvrage, qui sert de base à celui de M. P., tous les manuscrits importants n'ont pu être collationnés alors avec le même soin; ce sont surtout ceux de la deuxième famille, le Laurentianus 322 et le Palatinus, aujourd'hui au Vatican, 287, particulièrement le premier, qui n'étaient pas suffisamment connus. La collation plus exacte de ces deux manuscrits aura une plus grande importance pour la constitution du texte, quand M. P. sera arrivé aux tragédies qui ne se trouvent que là. Pour les neuf premières pièces, l'autorité de la première famille prime celle de la seconde, et cependant cette dernière, qui ne dérive pas de la première, a plus de valeur que la plupart des éditeurs ne semblent aujourd'hui disposés à lui en accorder.

Au vers 1130 : oixíav, qui se lit dans les mss. de la première famille, est la glose de : écríav, leçon de L et P., tout le monde est d'accord làdessus. Aucun éditeur n'a hésité non plus à écrire au v. 1054, avec les mss. de la seconde famille : Παρεῖναι τοῖς ἐμοῖσι θύμασιν, et non : δώμασιν, leçon de la première famille. Ces deux exemples, auxquels on pourrait en ajouter d'autres, prouvent avec évidence que la seconde famille ne saurait être négligée. M. P. a donc bien fait de rétablir en plusieurs endroits les leçons de ces manuscrits; toutefois, il est peut-être allé un peu trop loin dans cette voie.

M. P. a aussi examiné avec grand soin le n° 2713 de notre bibliothèque nationale, il en a distingué les différentes mains et il a trouvé que ce manuscrit, justement estimé pour les scholies qu'il renferme, offre souvent aussi de bonnes leçons voisines de celles du Marcianus qui est notre meilleur manuscrit. Au v. 826 la division des mots : xúpas añoρlýτou vino, pepéópevo (pour ¿ñopepбóμ.evot), que j'avais tirée de l'interprétation d'une scholie, se trouve en toutes lettres dans ce manuscrit: M. P. nous l'apprend. Au v. 1188 sq., on croyait jusqu'ici que tous les mss. por

Nouvelle série, VII.

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taient : Πέπλοι δὲ λεπτοί..... λεπτὴν ἔδαπτον σάρκα τῆς δυσδαίμονος. Quoique la répétition du même adjectif soit ici inadmissible, on n'osait pas trop écrire avec l'Aldine : λsuxỳy dantov cápиa, leçon qu'on regardait comme une conjecture de Musurus. M. P. lève tous les scrupules en nous apprenant que euxy se trouve dans le ms. 2713 de Paris, ainsi que dans celui de Copenhague.

Outre les manuscrits, M. P. a examiné les éditions, les dissertations, les programmes, les ouvrages de tout genre dans lesquels se trouve une observation, une conjecture sur le texte d'Euripide et il a mis, dans ces recherches minutieuses, une conscience vraiment admirable. Je crois que rien ne lui a échappé et que, s'il passe des conjectures sous silence, c'est qu'il ne les jugeait pas dignes d'être citées. On sait que beaucoup de corrections ont été faites plusieurs fois. M. P. rapporte chacune à son premier auteur, ce qui n'était pas toujours chose facile.

Arrivons à la constitution du texte. Médée est la pièce d'Euripide qui renferme le plus de vers interpolés. Plusieurs se retrouvent à un autre endroit de la tragédie, où ils sont à leur place; d'autres ont été fabriqués par des acteurs ou par des lecteurs. La critique en avait déjà éliminé un grand nombre, quelques-uns le sont pour la première fois dans la présente édition; je citerai les v. 234, 246, 466, 714-715, 1225-1227. Quant au v. 246, il a été certainement composé par un lecteur qui interprétait malle vers précédent. Wilamowitz-Moellendorf l'a suffisamment démontré. L'interpolation des autres vers n'est pas aussi évidente. Je proteste contre l'exclusion du v. 466. Voici le passage:

466

Ὦ παγκάκιστε· τοῦτο γάρ σ' εἰπεῖν ἔχω
γλώσσῃ μέγιστον εἰς ἀνανδρίαν κακόν·

ἦλθες πρὸς ἡμᾶς, ἦλθες ἔχθιστος γεγώς;

En supprimant le second de ces trois vers, on rend l'apostrophe de Médée faible, la phrase manque d'ampleur, d'abondance. Il est vrai que ce vers ne se comprend pas, mais ce n'est pas une raison pour le condamner, je voudrais, au contraire, poser en principe que nous n'avons pas le droit de retrancher d'un texte des mots, des vers ou des morceaux que nous ne comprenons pas. Il faut d'abord tâcher de les interpréter ou de les corriger; ensuite seulement on peut les éliminer s'il y a lieu; j'avais péché moi-même contre ce principe en excluant les v. 1014 sq. de l'Hippolyte, mais j'ai fait voir dans cette Revue, 1876, I, 207, qu'il suffit d'un léger changement pour rendre ces vers clairs et dignes d'Euripide. Autre exemple on lit dans l'Hippolyte, 493 sq. :

494

Εἰ μὲν γὰρ ἦν σοι μὴ ἐπὶ συμφοραϊς βίος
Totaïsde, súppov 8' ous' ètúyyaves TuvÀ,
οὐκ ἄν ποτ' εὐνῆς ούνεχ' ἡδονῆς τε της
προήγον ἄν σε δεύρο -

Comme les mots cúppov 8'cc'ètúyyaves yovh résistent à toute explication raisonnable, Nauck supprime le v. 494 et cette première suppression l'entraîne à sacrifier aussi le vers suivant, quelque innocent qu'il soit, et

modifier la leçon de 496. Suivant moi, cette athétèse est contraire aux regles d'une saine critique; ici encore il y a lieu de corriger le texte, écri

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Sil y avait des moyens par lesquels tu pourrais te trouver honnête femme, sans un si grand péril pour ta vie. » Une faute accidentelle, cot pour dig, aura amené deux changements inconsidérés, la substitution de à i et l'insertion de la conjonction dé.

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tons: V.

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M. P. a admis un assez grand nombre de conjectures dans le texte, quelques-unes déjà consacrées par une approbation plus ou moins générale, d'autres qui figurent pour la première fois dans cette édition. Ci1008 ; ν. 11, άνδάνουσα πρίν, pour ἁνδάνουσα μέν. - V. το6. Δήλον δ' ὀργῆς pour ἀρχῆς) ἐξαιρέμενον νέφος εἰμωγαῖς (pour οιμωγῆς.) - V. 160. Ὦ μεγάλε Ζεῦ καὶ Θέμι πέτνια pour ὦ μεγάλα Θέμι καὶ πότνι” Ἄρτεμι. - V. 284. Δείγματα (pour δείματος). - V. 334. Καμπνοῶν (pour και πόνων). Cette dernière correction, qui est de M. P. lui-même, me semble très-heureuse. Une autre conjecture, proposée en note, cuxouv oporouclaí σe xρñv, pour Show yptv c'èμotoñalat xancis, est aussi très-plausible. Je n'en dirai pas autant de certaines transpositions recommandées par M. P.; celle qui porte sur les v. 894-923 est extrêmement compliquée et peu satisfaisante. M. P. ne manque pas non plus d'avertir le lecteur toutes les fois qu'il juge un passage inintelligible ou mal écrit et par conséquent altéré, quand même il n'a pas de remède à proposer. C'est là une excellente habitude à laquelle tous les éditeurs devraient se conformer. La vigilance de M. P. est rarement en défaut, elle l'est cependant quelquefois. Jason dit à Médée, v. 529:

Σοὶ δ ̓ ἔστι μὲν νοῦς λεπτές, ἀλλ' ἐπίφθονος
λόγος διελθεῖν, ὡς Ἔρως σ' ἠνάγκασε

τόξοις ἀφύκτοις το μὲν ἐκσῶσαι δέμας.

Je persiste à penser que le premier membre de phrase offre peu de sens en cet endroit et ne se rattache pas au suivant, car avec deλ0siv il faut sous-entendre pc (Jason entend l'argument qu'il va produire lui-même) et cependant le lecteur ne peut faire autrement que de rapporter le datif #comme complément à l'infinitif deλ0ev. Le Scholiaste avait une autre leçon, et il n'est pas difficile de la tirer de sa paraphrase: pg 6yog λεπτὸς μὲν, ἐπίφθονος δέ. Il faut écrire :

Σοὶ δ ̓ ἔστι μὲν ἐμὸς λεπτός...

ou mieux encore : Σοὶ δ ̓ ἔστι λεπτὸς μὲν ἐμός.

Cependant cette transposition n'est peut-être pas absolument néces

saire.

Parlons, en terminant, d'un morceau que M. P. juge incurablement saté et qui peut, je crois, se restituer avec assez d'évidence, c'est le chœur 1251 sq. En voici le commencement :

Ἰὼ Γά τε καὶ παμπφαής

ακτὶς Ἀελίου, κατίδετ ̓ ἴδετε τὰν

ὀλομέναν γυναῖκα.

On juge généralement (et j'avais partagé cette manière de voir) que les mots ȧxtis Achiou violaient les règles des strophes dochmiaques; je crois aujourd'hui que le texte est bon. Des cola de la forme u

UU - se

trouvent mêlés à des systèmes dochmiaques, rarement il est vrai, mais il y en a des exemples irrécusables, tels sont les vers 349 et 361 des Suppliantes d'Eschyle. Ceci établi, il sera facile de restituer les vers correspondants de l'antistrophe.

Μάταν μόχθος ἔρρει τέκνων

ἄρα μάταν γένος φίλιον ἔτεκες, δ

κυανεάν λιποῦσα κτλ.

Musgrave avait parfaitement compris que párav doit être en tête du second vers et sa transposition est bonne à l'accentuation près: il faut écrire μátav apa. Ainsi se trouve rétabli non-seulement l'accord antistrophique, mais aussi le mouvement oratoire. Le mot emphatiquement répété doit se trouver à des places correspondantes, ici en tête des deux membres de phrase: ce ne sont pas seulement les préceptes des rhéteurs, mais aussi les allures de l'éloquence naturelle qui le demandent. Reprenons la première strophe au v. 1255 :

Σᾶς γὰρ ἀπὸ χρυσέας γονᾶς

ἔβλαστεν, θεοῦ δ' αἷμα πίτνειν
φόβος ὑπ' ἀνέρων.

Le sens général est clair; cependant alpa nitve est une locution d'une propriété douteuse et géog ne peut être expliqué d'une manière satisfaisante. Ici Paley a fait une conjecture excellente, il propose 0évos équivalent à vé.się dott. Cf. Hécube, 286. Reste le mètre qui cloche et qui indique de graves altérations. Voyons l'antistrophe.

Δειλαία, τί σοι φρενῶν βαρὺς

χόλος προσπίτνει καὶ δυσμενής
φόνος ἀμείβεται;

Quant aux deux derniers mots, je regarde toujours comme évidente une omission facile à expliquer, le sens exige φόνον φόνος ἀμείβεται. L'adjectif ducp.evis trouble la mesure et forme ici une épithète insignifiante. On voit par le scholiaste de Sophocle, Ajax, 137, que les commentateurs expliquaient par ducp.evis l'adjectif poétique Capevis : c'est ce dernier qu'il faut rétablir ici. En nous servant d'une correction introduite par Dindorf dans le premier de ces trois vers, nous écrirons : Δειλαία, τί σοι φρενοβαρής

χόλος προσπίτνει, καὶ ζαμενής <φόνον >

φόνος ἀμείβεται ;

Si nous revenons maintenant à la strophe, nous pourrons la constituer

ainsi :

Σᾶς γὰρ χρυσέας ἀπὸ γενᾶς

ἔβλαστον, θεοῦ δ' αἷμα <πέδοι > πίτνειν

φθόνος ὑπ ̓ ἀνέρων

La préposition anó a été transposée par Musgrave, le supplément é est dû à Wecklein.

Voici maintenant les trois vers suivants, les derniers de la première strophe:

άλλα νιν, ὦ φάος διογενές, κατειρ

γε κατάπαυσον, ἔξελ' οἴκων φονίαν

τάλαιναν τ' Ἐρινὺν ὑπ' ἀλαστόρων.

Le mètre s'est bien conservé dans l'antistrophe. On y satisfait ici en plaçant cikzıvzv avant povíav. L'usage demande la suppression de la conjonction te. Mais ces changements ne suffisent pas : il faut un mot qui puisse gouverner le complément n'aλacτópov, Herwerden propose σταλεῖσαν φονίαν. Je crains que le participe de στέλλω ne convienne pas au style lyrique qui règne dans ce morceau. J'aimerais mieux.

Ἔξελ ̓ οἴκων πλανα

τὴν φονίαν Ἐρινὺν ὑπ' ἀλαστόρων.

Médée est égarée par des génies vengeurs.

Arrivons enfin aux trois vers correspondants qui terminent l'antistrophe:

Χαλεπὰ γὰρ βροτοῖς ὁμογενή μιά

σματ ̓ ἐπὶ γαῖαν αὐτοφόνταις ξυνῳ

τὰ θεόθεν πίτνοντ' ἐπὶ δόμοις ἄχη.

Le sens est évidemment que la souillure provenant d'un sang parent est funeste aux mortels, les dieux la faisant retomber en maux semblables aux crimes) sur la maison homicide. La difficulté est dans les mots

i on ne sait à quoi les rattacher, car le participe zívovta a déjà é pour complément. D'un autre côté, la construction μíaspara nova č,« des souillures tombant (comme) maux », est extrêmement dure, la phrase marcherait beaucoup mieux s'il y avait un verbe pour gouverner ăn. Je crois donc que, aux mots embarrassants ènì yaizy, il faut substituer ἐπέγειρεν.

Après ces digressions, il ne nous reste plus qu'à recommander cette excellente édition à tous les amis d'Euripide et à souhaiter que M. Prinz aous donne prochainement le texte des autres tragédies de ce poète, en suivant la même méthode.

Henri WEIL.

LONGNON. Géographie de la Gaule au VIe siècle. Paris, Hachette, 1878, x-651 p. in-8 avec 11 cartes. - Prix: 15 francs.

(SECOND ARTICLE)

M. d'Arbois de Jubainville a surtout examiné dans le livre de M. Longnon la méthode philologique qui en constitue, en effet, la principale nouveauté; nous désirons compléter la critique de notre savant

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