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qui distingue à un si haut degré toutes les œuvres de cet éminent esprit. Il est merveilleux que, sans connaître les principes aujourd'hui consacrés des études de linguistique, marchant sans guide dans des chemins où, sauf lui, personne n'est passé, le savant auteur soit, par une sorte de divination, arrivé presque toujours au but. Mais c'est un exemple que l'on ne peut conseiller à personne de suivre. M. L. applique à l'étude des noms de lieu de la Gaule au vr° siècle les principes exposés avec tant de science par Diez dans sa deuxième et sa troisième édition de la Grammaire des langues romanes. Voilà la bonne méthode.

Je ne veux pas dire que M. L. échappe en tout point à la critique. Ainsi j'aurais désiré trouver chez lui une étude un peu plus approfondie des formes latines de l'époque mérovingienne. Pour Grégoire de Tours, il s'est contenté de l'édition de Ruinart. Tout le monde connaît le passage du Gloria confessorum où Grégoire, s'adressant la parole à luimême, s'accuse d'employer le féminin pour le masculin, le neutre pour le féminin, le masculin pour le neutre, de ne pas savoir se servir régulièrement des prépositions, de mettre l'accusatif au lieu de l'ablatif et l'ablatif au lieu de l'accusatif. Une grande partie de ces fautes a disparu du texte de Ruinart; avec ces fautes, ont disparu en même temps un certain nombre d'autres fautes tout aussi intéressantes, que Grégoire commettait sans le savoir quand il écrivait e pour i, i pour e, o pour u, u pour o, b pour v, v pour b1.

Quand M. L. entreprendra une seconde édition de son ouvrage, il devra, suivant moi, étudier les manuscrits les plus anciens des textes qu'il cite. On ne peut parler en connaissance de cause de la langue de Grégoire de Tours, sans avoir consulté au moins les trois manuscrits connus sous le nom de Codex Cameracensis, Codex Bellovacensis et Codex Corbeiensis 2. On sait que le Codex Cameracensis appartient à la bibliothèque de la ville de Cambrai et qu'il porte, dans le catalogue d'Haenel, le n° 624.Il a été étudié, au siècle dernier, par D. Bouquet, Recueil des historiens de France, t. II, p. vi-ix, et par les auteurs du Nou

1. Une des conséquences les plus curieuses de ces deux derniers phénomènes phonétiques est : 1° la confusion du futur actif en bo avec le parfait actif en vi, liberabit liberavit; 2° la confusion du futur passif avec le futur passé actif : humiliaveris humiliaberis. Quant à l'emploi de l'e et de l'i l'un pour l'autre, il entraîne la confusion de l'infinitif actif avec l'infinitif passif : auferre = auferri, celle du futur actif de la 3o conjugaison avec le présent : credemus = credimus, celle du présent avec le parfait præcepit, præcipit etc. On peut se demander si les historiens qui discutent le sens de certains passages de Grégoire de Tours ont fait une attention suffisante aux difficultés que les copistes du 1x et du x siècle, et après eux Ruinart, ont tranchées sans autre autorité que celle des correcteurs anonymes dont la science suspecte a maculé de ratures et de surcharges les onciales des mss. les plus anciens de Grégoire ?

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2. On peut voir la liste des manuscrits de Grégoire de Tours dans le savant mémoire de M. G. Monod intitulé: Etudes critiques sur les sources écrites de l'histoire mérovingienne, p. 50 et suivantes.

veau traité de diplomatique, t. III, p. 181 et s., et depuis par beaucoup d'autres savants. Le Codex Bellovacensis et le Codex Corbeiensis se trouvent tous deux à la Bibliothèque nationale: le premier sous le n° 17654 du fonds latin, le second sous le n° 17655; et, sur l'histoire de ces manuscrits, on peut voir Delisle, Le cabinet des manuscrits, t. I, p. 431, et tome II, p. 104 et 136. La partie du Codex Cameracensis, qui contient les six premiers livres, date de la première moitié du vire siècle, suivant les auteurs du Nouveau traité de diplomatique. Le Codex Bellovacensis et le Codex Corbeiensis paraissent appartenir au même siècle.

Il existe un fac-simile de la partie la plus ancienne du Codex Cameracensis dans le tome II de D. Bouquet, en face de la page vi. Il y en a un autre au tome III du Nouveau traité de diplomatique, pl. XLIV. J'ai dû à l'obligeance de M. W. Arndt la communication du relevé fait par lui des variantes de ce manuscrit pour les Monumenta Germaniæ. Les termes géographiques n'étaient pas l'objet de mes recherches. Je puis cependant citer des exemples où le Codex Cameracensis me semble donner une leçon préférable à celle que M. L. a acceptée sur la foi de Ruinart. Suivant M. L., p. 452, Grégoire de Tours, 1. IV, c. XLIII, aurait appelé le territoire de Riez territorium regense. Le ms. porte infra territorium regensim, ce qui suppose le nominatif territorius regensis avec emploi du masculin pour le neutre, comme le dit lui-même Grégoire dans le prologue cité plus haut du Gloria confessorum. Suivant M. L., le nom de Tours, chez le saint évêque, ne revêtirait que deux formes: Turonis et Turonorum, p. 242. Or, au livre IV, c. XLVI, dans les membres de phrase écrits par Ruinart: Cum Chilpericus Turonis ac Pictavis pervasisset...., Turonis veniens, le Codex Cameracensis nous offre les variantes Toronus et Turonus qui sont en bas latin des formes régulières de l'accusatif pluriel de la seconde déclinaison, en sorte qu'ici Grégoire paraît n'avoir pas commis la faute que Ruinart lui attribue. Disons toutefois que, par compensation, le ms. de Cambrai lui fait écrire un peu plus haut a Turonus pour a Turonis, que porte l'imprimé. Encore dans le chapitre XLVI, au lieu de Pictavos accessit, on lit Pectavum accessit, et les habitants de la ville sont appelés Pectavi civis et non Pictavi cives, comme dit l'imprimé, formes dont M. L. ne dit rien. dans sa nomenclature de la page 560. Ajoutons que la substitution de Pectavum à Pictavos donnerait un sens différent de celui qu'offre le texte de Ruinart : il s'agirait du Poitou et non de la ville de Poitiers.

Du ms. de Corbie, tout le monde peut consulter le fac-simile donné par Mabillon, De re diplomatica, p. 349. Ce fac-simile nous fournit l'accusatif Treverus au lieu de Treveris dans le membre de phrase: Quod ubi Treveris perlatum est, de l'imprimé, 1. II, c. rx (D. Bouquet, t. II, p. 164) et cette forme, Treverus, n'a pas été citée par M. L., p. 367. Il n'a pas parlé davantage, à la page 382, de l'adjectif agripenensis pour agrippinensis et du substantif Agripina pour Agrip

pina dans le même fac-simile. Il est clair que le texte entier des manuscrits, dont je cite ces courts fragments, doit nous offrir un nombre énorme d'autres variantes.

D'autres documents pourraient aussi être consultés avec fruit. Tels sont les mss. de la Notitia dignitatum où l'orthographe vulgaire lugdunensis est remplacée par l'orthographe lugdonensis (Schuchardt, Vokalismus, t. II, p. 184). Entre la forme Lugudunum de l'épitaphe de Munatius Plancus (Desjardins, Table de Peutinger, in-8°, p. 213) et la forme moderne Lyon, Lugdonum nous offre, à côté du vulgaire Lugdunum, une transition qu'il est bon de connaître. M. L. attache fort peu d'importance à ces questions d'orthographe. Il écrit indifféremment Rotomagus et Rothomagus le nom de la ville de Rouen, bien que le roi Chilpéric Ier ait cru nécessaire d'inventer un signe nouveau pour représenter le th, fait inexplicable si le th n'avait pas eu un son différent de celui du t.

Telle est, au point de vue général, la critique que nous avons à faire. Passons maintenant à quelques points de détail.

Suivant Mabile, dont M. J. Quicherat a accepté la doctrine, le vicus Briotreidis de Grégoire de Tours, identique au Briotreite vico des monnaies, est Bléré (Indre-et-Loire, arr. de Tours, chef-lieu de canton), village situé auprès du pont sur lequel la route d'Amboise à Loches traverse le Cher. Cette doctrine géographique me semble d'accord avec l'étymologie du mot: Brio, premier terme de Brio-treidis ou Brio-treite, semble identique au brio (ponte) du glossaire gaulois de Vienne, forme basse du briva, brivo de la période classique 1; treidis, treite serait peut-être aussi une forme basse du latin trajectum. M. L. propose (p. 265) Brizay qui serait une forme récente de Brirai. On sait qu'en français chaise pour chaire date du xvi° siècle. C'est du xvre siècle que date aussi dans la géographie de la Champagne Prèze pour Praère et Nozay pour Noray (Aube), Angluzelle pour Anglurelle (Marne). Si Brirai a existé, on devrait en trouver des exemples dans les textes du xv° siècle : quand il s'agit d'une époque aussi récente, il me paraît indispensable de produire des textes à l'appui d'une hypothèse phonétique. Enfin, le changement de r en est un changement d'organe, une substitution de dentale à linguale; les deux lettres sont sonores. Le changement s en r que M. L. lui compare n'est pas seulement le phénomène inverse, la substitution de linguale à dentale: il est doublé d'une mutation de ténue en sonore. Ainsi Brirai = Brizay et Cisomagus Ciran, où M. L. croit voir le même procédé phonétique, nous offrent l'exemple de deux lois toutes différentes l'une de l'autre.

La forme basse latine d'où vient le nom de Marmoutiers semble être Major Monasterius et non Majorem Monasterium, p. 277

1. Voir un article de M. Whitley Stokes dans les Beitraege de Kuhn, t. VI, p. 229.

Je ne vois pas pourquoi préférer Loccae à Luccae à cause de l'o du français Loches. On dit en français noces, flot, orme, mot, vergogne, remorque, viorne, grotte, sanglot, de nuptiae, fluctus, ulmus, muttum, verecundia, remulcum, viburnum, crupta, singultus, et M. L. lui-même, à la page 364, donne Urbia comme la forme primitive du nom de la rivière d'Orge.

Voilà bien des minuties et je n'ai encore rien dit du plan de l'ouvrage de M. L. On sait que celui de Jacobs est divisé en deux parties. La première est consacrée à l'étude des noms communs par lesquels Grégoire de Tours désigne les différentes espèces de circonscriptions géographiques usitées de son temps: Jacobs y définit le pagus, le territorium, le terminus, etc. Dans la seconde, on trouve rangés par ordre alphabétique les noms propres géographiques. Le livre de M. L. est divisé en trois parties: la première a le même objet que la première partie du livre de Jacobs. La seconde traite un sujet fort important que Jacobs a négligé, les limites si variables des royaumes wisigoth, bourguignon et francs en Gaule au vi siècle; elle jette une lumière nouvelle notamment sur l'origine jusqu'ici fort obscure de plusieurs évêchés. La troisième partie du livre de M. L. correspond à la seconde du livre de Jacobs; seulement un ordre méthodique y est substitué à l'ordre alphabétique : d'abord la géographie physique, c'est-à-dire les noms de montagnes, de forêts et de rivières, ensuite les noms de quelques peuples secondaires, comme les Alemans, les Britanni, enfin les noms propres de circonscriptions géographiques et d'agglomérations de population, le tout rangé dans l'ordre des provinces ecclésiastiques et des diocèses. Si, avec cette disposition, certaines recherches sont moins rapides qu'avec l'ordre alphabétique du livre de Jacobs, elle a l'avantage d'être beaucoup plus claire et de rendre la lecture beaucoup plus agréable: elle sera bien plus commode pour les études locales. Cet ouvrage assure définitivement à M. Longnon le premier rang parmi les érudits qui s'occupent de la géographie de la Gaule au Moyen Age.

H. d'ARBOIS DE JUBAINVILLE.

15.

Leggi del Visigothi, studio di Costanzo RINAUDO. Torino, Botta, 1878, gr. in-8° de 56 p.

Cet ouvrage est divisé en trois chapitres. Le premier contient une histoire très-résumée des Wisigoths jusqu'à la conquête de l'Espagne par les Arabes en 712; tel qu'il est, il aurait pu aisément être supprimé, car il ne renferme aucun fait nouveau et il n'éclaire aucune des obscurités du sujet. Le deuxième est une étude de la législation wisigothe à l'époque où dominait le principe du droit personnel. Ici encore on signalera une absence complète d'originalité. Pour le code d'Alaric, particulier aux

Romains, l'auteur se borne à reproduire quelques renseignements empruntés au travail d'Hoenel (Lex romana Visigothorum, Lipsiæ, 1848). Quant au code d'Euric, particulier aux Wisigoths, il se contente de dire que nous l'avons perdu, et qu'il est impossible d'en déterminer le caractère et la composition; il croit, sans examiner de près la question et en se fiant à l'autorité de Gaupp, que le Forum Judicum, quand il parle de certaines lois appelées antiquæ, ne fait nullement allusion au code d'Euric. Le troisième chapitre est consacré au Forum Judicum qui, comme on sait, fut la loi commune des Wisigoths et des Romains lorsqu'au principe du droit personnel se fut substitué le principe du droit territorial. Il eût été intéressant d'expliquer pour quelles raisons, spéciales à la monarchie espagnole, cette transformation eut lieu; M. Rinaudo ne paraît guère y avoir songé. Il passe successivement en revue le caractère, les sources, les divisions du Forum Judicum et les dispositions qui concernent l'état social, politique, administratif et religieux du royaume wisigoth. Dans cette analyse, si brève qu'elle soit, on trouvera bien des citations d'auteurs modernes qu'il eût mieux valu remplacer par l'étude attentive de certains points à peine effleurés. On se demandera aussi pourquoi M. Rinaudo, en abordant chacune des parties de son sujet, se croit obligé de remonter au déluge et de présenter, par exemple, à propos du christianisme et de la condition des personnes, des considérations vagues qui n'ont qu'un rapport très-indirect avec les lois wisigothes. Il insiste à bon droit sur l'importance des conciles de Tolède, dont il donne la liste, et sur le rôle prépondérant des évêques; mais, à cet égard, ses appréciations sont parfois empreintes d'une exagération singulière. On en jugera par la phrase suivante : « Les statuts du tribunal suprême de l'inquisition, les guerres religieuses de Charles-Quint et de Philippe II en Allemagne et en Flandre, l'expulsion de huit cent mille Juifs et d'un million de Mores, par conséquent la ruine de l'agriculture, de l'industrie, du commerce, le dépérissement de la puissance militaire, la pauvreté scientifique, l'abaissement de l'Espagne, tout cela provient de ces temps éloignés où le clergé dominait sous les rois wisigoths » (p. 49).

En somme, cet ouvrage est médiocre et n'ajoute rien à la science.

P. G.

16. — Del diritto di guerra di Alberico Gentilis, traduzione e discorso di Antonio FIORINI, Livorno 1877. In-12, cxxvi, 589 p.

Alberic Gentilis, né en Italie en 1552, protestant zélé, forcé de se réfugier en Angleterre où il devint professeur à Oxford, a publié en 1589 à Leyde un ouvrage intitulé: De jure belli commentationes duæ. Le livre de Grotius: De jure belli, ne parut qu'en 1625. Gentilis, disait Bayle, «< a fait trois livres De jure belli qui n'ont pas été inutiles à

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