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sion. Nous remarquerons seulement qu'à partir de 1636 l'« histoire » à laquelle il se réfère n'était pas encore rédigée, ce qui fait penser à une publication périodique dans le genre du Mercure.

Le ms. a été rédigé peu de temps après la mort de Louis XIII, à la suite des éclatants succès qui marquèrent les campagnes de 1643 et de 1644. Il n'est guère, en effet, que des succès aussi brillants que les victoires de Rocroy et de Fribourg, la prise de Thionville et de Philisbourg, de Spire, de Worms, de Mayence, de Landau qui puissent justifier l'enthousiasme que respirent ces lignes : « ..... et peu après elles (nos affaires) ont eu le progrès où on les voit avec tant de bonheur qu'il semble que ce soit un songe..... » D'un autre côté, le compilateur parle du départ du cardinal-infant de Milan pour joindre le roi de Hongrie, comme ayant eu lieu le 30 du mois passé, c'est-à-dire du mois d'août, de son entrée dans la Valteline le 7 du courant, ce qui prouve que ce passage était écrit au mois de septembre 1634. Quand on lit, après la mention de la remise de Philisbourg au roi en octobre 1634: « L'armée du roy est à présent vers Spire... » on ne peut douter que ce passage n'ait été écrit peu de temps après octobre 1634. Celui où il est dit que le « duc de Lorraine vient, pour la seconde fois, de perdre, il y a moins d'un mois, la dernière de ses places, de sorte qu'il ne lui reste à présent pas seulement une motte de terre », porte sa date avec lui; il n'a pu être écrit qu'en 1641, au moment où Louis XIII venait d'occuper de nouveau les places de Lorraine. Ces indications chronologiques nous éclairent sur le mode de composition du ms. Le compilateur y a fait entrer des notes écrites à fur et à mesure des événements sans leur ôter toujours le caractère d'actualité auquel répugne un récit postérieur de plusieurs années à ces événements. D'où lui venaient ces notes ou, comme le compilateur les appelle, ces mémoires, ainsi que les documents souvent secrets qu'il a insérés dans son ouvrage? Faut-il, à raison du témoignage de Siri, et de l'intention évidente du rédacteur de faire ressortir les mérites et le rôle du P. Joseph, de le mettre sur le même rang et même au-dessus du cardinal, faut-il croire que ces mémoires et ces documents out été fournis par le capucin? A cet égard la dernière phrase du ms. mérite de fixer l'attention. Le compilateur déclare qu'il suspend son travail en novembre 1638 au moment où s arrêtent les mémoires qu'on lui a fournis, mais il annonce l'intention de le reprendre lorsqu'il aura reçu les autres. Cette phrase prête à deux conséquences contraires : on peut en conclure que les mémoires sur lesquels travaillait le compilateur lui venaient du P. Joseph et que, s'il n'en recevait plus en novembre 1638, c'est que le capucin frappé d'une attaque d'apoplexie dont il devait mourir le mois suivant, ne pouvait plus lui en fournir. Mais le rédacteur, comme on le voit par la fin de la phrase, comptait sur des mémoires postérieurs pour achever son travail. Or, à la date à laquelle il écrivait, c'est-à-dire vers 1643, 1644, il ne pouvait attendre des matériaux du P. Joseph. En outre, il y a un cas où il nomme la personne de qui il tenait le document qu'il re

produit, et cette personne n'est pas le P. Joseph. Il faut donc admettre au moins que le compilateur recevait des matériaux de plusieurs mains, qu'il n'était pas un secrétaire mettant exclusivement en œuvre des matériaux fournis par celui pour qui il travaille, mais qu'il en recherchait lui-même et qu'il avait assez d'influence pour en obtenir de diverses personnes. C'est, en effet, à cette conclusion que nous nous arrêterons. Les matériaux qui ont servi à la composition du ms. ne sont pas tous tirés du cabinet du P. Joseph, mais on peut avec beaucoup de vraisemblance attribuer à la plupart d'entre eux cette origine. Il ne faut pas d'ailleurs s'exagérer l'importance de cette question. Quand même on soutiendrait que le P. Joseph n'est pour rien dans cet ouvrage, on serait forcé de reconnaître que celui qui l'a rédigé avait subi profondément son influence, qu'il avait épousé ses idées et ses passions et qu'il en est l'écho. Cela suffit pour faire du ms. un document très-précieux pour la biographie du capucin. C'est là son véritable intérêt, car les documents diplomatiques qu'il contient ne peuvent dispenser l'historien de se reporter aux originaux conservés aux archives des affaires étrangères.

8.

Geschichte der franzœsischen Literatur im XVII Jahrhundert von Ferdinand LOTHEISSEN. Erster Band. Zweite Hälfte, in-8°. Wien. Verlag von Carl Gerold's Sohn. 1878.

La seconde moitié du premier tome de l'ouvrage de M. F. Lotheissen, que nous annonçons, conduit l'histoire de notre littérature jusqu'à Corneille et complète ainsi le tableau que l'auteur s'est proposé d'en retracer pendant le premier tiers du xvIIe siècle.

Ce nouveau demi-volume se compose de trois chapitres d'inégale longueur et d'inégale importance: le premier traite de la poésie lyrique, le second de Richelieu et de l'Académie française, le troisième enfin de la poésie dramatique. Je dirai peu de chose du second de ces chapitres; le rôle de Richelieu m'y paraît apprécié avec justesse, et l'Académie avec l'impartialité d'un témoin désintéressé, qui ne se dissimule ni les travers que la docte assemblée s'est parfois donnés, ni les services qu'elle a rendus à la langue et à la littérature nationale. C'est un résumé exact, mais sans prétention à l'originalité, de ce qui a été écrit sur ce sujet. Ce qui est nouveau, au contraire, c'est ce que M. L. dit de l'importance que prennent à cette époque les querelles littéraires et du réveil qu'elles amènent de l'opinion publique, c'est le portrait qu'il a fait de l'auteur de la Pucelle, de Chapelain, ce Gottsched français, comme il l'appelle non sans raison, lequel, ainsi que le critique allemand, devait tomber sous le

1. Cp. Revue critique, 1877, n° 39, art. 189.

ridicule, après avoir joui d'un crédit sans égal. Mais je laisse cette question pour arriver aux deux autres chapitres.

M. L. est sévère pour la poésie lyrique des premières années du xvir® siècle; il lui refuse à la fois l'imagination inspiratrice et la vérité du sentiment et de la passion. Il serait difficile de s'inscrire en faux contre ce jugement, quand on parcourt les œuvres de Godeau, « le nain de Julie», de Gombauld, de Claude de Malleville, de Boisrobert ou de Gomberville; la médiocrité est le caractère de tous ces écrivains, comme celui de l'époque; on dirait que la galanterie a faussé et desséché les esprits. Il faudrait peut-être tout au plus faire une exception en faveur de l'auteur des Bergeries », Racan, ce disciple de Malherbe, dont il ne sut toutefois, pas plus que Maynard, retrouver la langue énergique et fière. Il faut chercher l'originalité dans quelques pièces isolées de Saint-Amant, ce précurseur de Scarron, et aussi de la poésie moderne : l'amour de la nature et je ne sais quel penchant à la mélancolie semblent annoncer en lui, deux siècles à l'avance, l'avènement du romantisme.

Le chapitre consacré à la poésie lyrique n'a que 36 pages; celui où M. L. étudie la poésie dramatique de la fin du xvIe siècle à Corneille en compte, au contraire, plus de 80; c'est le morceau capital de son livre. Ce chapitre est divisé en quatre parties fondation d'une scène savante, essai d'un drame populaire avec Hardy, le marinisme au théâtre, enfin la tragédie régulière.

L'ancien drame national était proscrit au milieu du xvre siècle. Sous l'influence de l'Italie s'était formé le drame savant; les représentations des Gelosi à Paris, en 1576, avaient donné le goût de la comédie italienne; les traductions de Pierre Larivey l'acclimatèrent chez nous, et elle devait laisser des traces profondes sur notre théâtre : quelques-uns des personnages les plus populaires de la scène italienne passeront sur la nôtre en se transformant comme le Docteur (il Dottore), devenu le Trissotin de Molière, Pantalone, qui sera le prototype d'Argante et de Géronte, etc.

Mais à côté de l'influence de l'Italie se fait sentir bientôt celle de l'Espagne, influence autrement féconde, quoique moins avouée et moins connue; M. L. fait remarquer que, tandis que le théâtre italien n'a donné au nôtre que quelques types comiques, ce sont des chefs-d'œuvre, comme le Menteur, Don Juan, le Cid, dont notre scène est redevable au théâtre espagnol. Tout cela est juste, et je ne ferai qu'un reproche à M. L. : c'est de n'avoir pas assez montré quel était l'état de notre théâtre à la fin du xvi siècle; il passe trop vite sur les premiers représentants de la poésie dramatique, en particulier sur Garnier dont les efforts méritaient d'être plus longuement appréciés.

Hardy, auquel M. L. se hâte d'arriver, marque, on le sait, une réaction contre le drame savant et presque un retour au drame du moyen âge. On connaît son mépris des règles et sa fécondité malheureuse : je

n'insiste pas sur ce point et j'arrive à ce que M. L. dit de l'invasion du marinisme sur la scène. Après avoir pénétré dans la poésie lyrique, le marinisme devait se rendre maître du théâtre; il lui rendit au moins le service d'attirer sur lui l'attention de la cour et prépara ainsi sa fortune. L'indifférence des classes cultivées avait contribué à l'échec de Hardy : il n'avait pas cherché à atteindre une perfection dont se souciait peu son auditoire populaire. Tout allait changer à l'avènement du genre nouveau. Ce fut Théophile Viaud qui l'inaugura avec l'Amour tragique de Pyrame et Thisbé, première protestation contre la manière de Hardy. Toutefois, le marinisme ne trouva son expression véritable que dans les pastorales. C'est à ce genre, qui fut quelque temps à la mode, que les auteurs d'Arthémise et d'Amaranthe, Racan et Gombauld, durent une partie de leur réputation, et Mairet lui sacrifiait à ses débuts en écrivant Silvie. Cependant la pastorale ne pouvait satisfaire longtemps les exigences croissantes du public, et Mairet, renonçant au genre qui l'avait fait connaître, donna la première tragédie classique, Sophonisbe: le théâtre régulier était fondé.

M. L. a très-bien résumé l'histoire de ces commencements de notre théâtre classique. Il a montré comment les premiers essais des jeunes poètes d'alors furent favorisés par le goût, chaque jour grandissant, des représentations scéniques. La passion malheureuse de Richelieu pour le théâtre eut du moins cela de bon qu'elle donna au théâtre droit d'entrée à la cour et l'éleva presque à la hauteur d'une institution nationale. Voilà ce qu'il ne faut pas oublier quand on lit la Comédie des Tuileries. Je ne suivrai pas M. L. dans l'étude rapide qu'il consacre aux «< cinq auteurs, » en particulier à Desmarets, à l'Estoile, à Colletet; s'ils ne produisirent aucune œuvre durable, les collaborateurs du puissant cardinal eurent du moins l'heureuse fortune de laisser le théâtre, qu'on avait jusque-là dédaigné, entouré d'estime et de sympathie. Corneille pouvait paraître.

C'est par ce nom que se termine le livre de M. Lotheissen : c'est un livre utile; les pages qu'il a consacrées à l'histoire de notre littérature pendant les premières années du xvi° siècle nous offrent un clair et fidèle tableau de cette époque de transition qui n'eut, comme il le remarque justement, ni originalité, ni grandeur, mais qu'il faut connaître, car on y trouve en germe quelques-uns des caractères distinctifs de notre grand siècle littéraire.

Charles JORET.

00.

Napoleon Bonaparte, seine Jugend und sein Emporkommen bis zum 13 Vendémiaire, von Dr A. BOHTLINGK. Jena, Frommann, 1877. In-8, xix et 338 p. - Prix : 5 mark (6 fr. 25).

La jeunesse de Napoléon est mal connue. Ce ne sont pas les matériaux et les monographies qui manquent, mais les moyens de critique pour or

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donner les matériaux et contrôler les monographies. C'est ce travail de critique et de reconstruction qu'a tenté un jeune savant allemand, M. Böhtlingk. Il semble s'être donné la tâche difficile de refaire à sa manière et à son point de vue étranger l'histoire de Napoléon, et s'annonce comme une sorte de Lanfrey germanique. Il offre aujourd'hui une première partie de son travail; ce serait la plus curieuse, si elle était nouvelle; c'est à coup sûr la plus ingrate pour l'auteur, car il nous dit (p. xvi) qu'il n'a pu apporter aucun document inédit. Ce n'est pas une raison pour négliger son œuvre, et il aurait rendu un service véritable et comblé une lacune bien profonde, s'il avait dépouillé des ombres qui l'environnent la jeunesse de Bonaparte et dégagé les inconnues de ce prodigieux problème. Je ne puis dire qu'il y ait réussi. Faisant, non de l'érudition, mais de l'histoire, et l'abordant par son côté le plus ardu et le plus difficile, il n'a pas montré, au moins dans l'ensemble, la qualité dominante de l'historien : le sentiment de la vie et l'aptitude à rendre la réalité dans ses mouvements et dans ses nuances. Ce livre est une thèse consciencieuse, étudiée, mais longue, lente et où la couleur se délaie dans le flot lourd du détail. M. B. dans sa préface (p. vi) nous donne son avis sur les deux derniers et plus brillants historiens de Napoléon: Thiers et Lanfrey. Thiers, selon lui, a fait reculer l'histoire; l'homme d'Etat français a traité en romancier un sujet que le grand romancier anglais, Walter Scott, avait esquissé en homme d'Etat; Lanfrey est supérieur, mais il a trop écourté la période corse de l'histoire de Bonaparte et s'est contenté de quelques traits. Il y a du vrai dans ces jugements. M. B. gagnera beaucoup à s'en pénétrer lui-même; il apprendra de Thiers comment on raconte et de Lanfrey comment on expose. « Les efforts multipliés qu'on a faits pour soustraire la mémoire des premières années de Napoléon à une obscurité inévitable n'ont abouti qu'à la création de légendes dont la puérilité égale l'invraisemblance, disait Lanfrey (1, p. 8). Placé entre l'inconvénient d'une brièveté trop rigoureuse et celui d'une minutie qui n'a ni sérieux ni vérité, je choisirai le moindre, et, laissant de côté des récits hypothétiques, j'exposerai rapidement les faits et les observations qui, par l'universalité des témoignages, présentent seuls un caractère de certitude. » Lanfrey s'en était tenu trop strictement à ce programme. Notre très-regretté collaborateur, M. Lot, lui reprochait avec raison d'avoir présenté trop tôt un Napoléon trop définitif, trop ramassé sur lui-même et tout d'une pièce, d'avoir négligé et incomplètement compris son rôle en Corse, d'avoir passé trop vite sur le séjour de Valence et le roman de sa jeunesse. M. B. est tombé dans l'excès opposé; son livre apprend beaucoup de choses qui manquent dans Lanfrey, mais quand on veut garder une impression d'ensemble, il faut revenir à l'historien français on y trouve les traits essentiels à leur point. M. B. n'a écrit, en somme, qu'un commentaire critique et instructif de 138 pages aux 80 premières pages de l'ouvrage de Lanfrey.

Les premiers chapitres (p. 1 à 78) sont un bon résumé de l'histoire de la

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