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le haut enseignement en prît connaissance. Les enfants du peuple se contentaient de quelques prières qu'ils avaient apprises par cour, et des lambeaux de l'Ecriture qu'ils avaient retenus; pour le reste, ils se livraient à leurs occupations mondaines. Ceux qui par leur intelligence étaient propres à pousser plus loin leur instruction et à passer à l'étude de la Mischnah, oubliaient bien vite les écoles élémentaires, où ils avaient passé leur première enfance. Mettez que pendant les deux siècles qui suivirent la clôture du Talmud, les maîtres d'école eussent développé de plus en plus leur méthode de noter les sons, et qu'à la suite de l'ignorance croissante des masses, les fragments de Bible ou des livres entiers pourvus de signes fussent sortis de l'enceinte des écoles pour se répandre dans le monde juif, on comprend aisément que, selon les connaissances plus ou moins étendues des maîtres, les copies pussent être plus ou moins correctes, et qu'alors des hommes instruits, au courant des traditions, des massorètes, dussent se charger d'établir solidement les lectures exactes, en se servant de ces signes mêmes qui avaient fini par avoir cours dans le public. Qui dans ce cas pouvait, qui voulait prétendre à l'invention du système ? Des travaux de cette nature se font spontanément, successivement; à un jour donné, on les trouve exécutés sans qu'on sache quand, ni par qui.

Examinons maintenant quels ont été les signes qui ont dû se présenter les premiers à l'esprit des maîtres. Sans doute les mêmes qui, de tout temps, ont été choisis par les orientaux. Arrêtons-nous un instant chez les autres nations sémitiques. Le peuple qui, en transformant la parole parlée en mot écrit, fut le plus parcimonieux dans le tracé de son écriture, fut le peuple phénicien. Il s'est borné strictement à la représentation des consonnes, sans noter par quoi que ce soit la modalité du mot, si cette modalité s'indiquait par une voyelle seulement; nadartou, nadarta, nadarti, nadarat, sont marqués en phénicien par les quatre mêmes consonnes. Cette économie fut-elle observée sur la pierre seulement? Nous serions assez disposé à le croire; mais, comme nous ne possédons absolument aucun fragment de livre phénicien, nous ne saurions rien affirmer à cet égard; les autres nations, telles que les Syriens et les Arabes, se sont servi de bonne heure de certaines consonnes qui, par leur nature faible, se rapprochent le plus des voyelles pour déterminer à l'oeil le son qui devrait accompagner la consonne; ce sont l'alef, le yôd et le wấw que les grammairiens du moyen âge ont surnommés pour cette raison les matres lectionis. Pour le waw et le yôd, l'hébreu a fait comme les langues seurs; il s'en est servi souvent, l'un pour présenter les sons û et ou (u), l'autre pour l'i et les divers e. L'emploi de ces lettres vocaliques, on l'a remarqué, s'augmentait même à mesure que la langue vieillissait, se corrom

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1. D'après Abột, v, 20, on enseignait la lecture aux enfants âgés de cinq ans, et la Mischnâh à ceux qui étaient arrivés à dix ans. D'après Tossettâ Hagigâh, 1, 2, la langue sacrée doit être enseignée à l'enfant dès qu'il sait parler,

pait et tombait en décadence. Si le nombre en est encore relativement peu considérable dans les livres de l'Ecriture, elles sont, par contre, très-ré. pandues dans les textes néo-hébraïques comme le mischnâh. Pour l'alef seul, l'hébreu n'a pas pu suivre la même voie que le syriaque et surtout l'arabe ; car cette lettre ne se place jamais en hébreu comme lettre servile entre deux radicaux d'un mot, ni ne remplace, comme en arabe dans les racines concaves, le second radical, waw ou yôd. Cependant on paraît avoir fait un essai d'employer l'alef pour le son de l'a, et la Bible offre un certain nombre de mots, écrits avec alef, comme lettre vocalique?. Mais ces rares exemples ne se présentent que pour des racines faibles, écrites avec deux lettres radicales. Un alef inséré dans une racine trilitère, comme kátab, qu'on aurait écrit kaf, alef, taw et bét, aurait paru une monstruosité". Le seul moyen qui restât dans ce cas était de placer au-dessous de la lettre qui devait se prononcer avec un â, un petit alef, auquel on enlevait un de ses deux jambages (x), et dont la barre oblique a fini par prendre une direction horizontale afin de s'adapter mieux à la barre inférieure de la lettre, à laquelle il appartenait. C'est là, à notre avis, l'origine du kâmés ( - ), dont on a méconnu jusqu'à ce jour la nature 3. Pour l'a ordinaire ou patah ( - ), on est allé jusqu'à supprimer les deux jambages. Ceci avait lieu dans la ponctuation, dite palestinienne. Dans la ponctuation babylonienne, l'å, placé, comme le veut ce système de ponctuation, au-dessus de la lettre, a une forme analogue; seulement l'alef, qui a produit ce signe, paraît avoir eu plutôt le tracé de l'alef palmyréen. Pour le patah, on s'est contenté de resserrer quelque peu le jambage restant contre la barre du milieu.

Le fait que nous avançons se confirme par les procédés suivis par l'arabe et l'araméen. En thèse générale, on peut affirmer que la représentation graphique des voyelles s'est toujours effectuée, soit par un ou plusieurs points, ajoutés à la consonne, soit par des lettres réduites et altérées par suite de l'usage spécial qu'on en faisait. Ainsi, en arabe, de même que le dhamma est un wáw encore fort bien conservé, le fatha et le kesré ne sont évidemment qu'une représentation de l'élif et du rá, le premier incliné, le second écrasé et devenu méconnaissable. L'élif, comme lettre même, a subi le sort du patah hébreu, puisqu'il a perdu ses deux jambages pour ne conserver que la barre du milieu. On peut suivre facilement le progrès de l'usure que subit l'alef sur l'excellente table paléographique de M. Euting', comme sur celle tracée naguère par M. Deecke. On sait qu'en syriaque, les cinq signes des voyelles ne sont autres aujourd'hui que les cinq voyelles grecques, a, e, n, o, ou, qui ont dû, pour cet emploi, subir des transformations analogues à celles auxquelles l'âlef a dû se soumettre pour devenir kamés et patah. Nous savons que les grammairiens syriens avaient pensé un instant à introduire les lettres grecques qui servent de voyelles, dans la ligne des con. sonnes mêmes 3; mais cette étrange juxtaposition de caractères syriaques et grecs a paru si bizarre qu'on y a bientôt renoncé.

1. Ces exemples, réunis dans la Massore, se trouvent chez Olshausen, Lehrbuch d. hebr. Sprache, p. 71.

2. L'aspect d'un texte mandéen fait voir à quel point l'insertion fréquente de cette lettre rend les mots méconnaissables. Les Talmuds renfermaient autrefois beaucoup de ces alef, qu'on a supprimés dans les éditions, comme on peut l'observer dans les mauuscrits d'anciens ouvrages, où des passages talmudiques sont cités.

3. Le jambage inférieur de l'alef manque régulièrement, lorsque cette lettre est combinée avec láméd. Dans une inscription, placée sur un ossuaire, appartenant à M. Clermont-Ganneau, remontant aux premiers siècles de notre ère, le mot 'éschét a femme », est écrit avec un alef, qui est privé de son jambage inférieur.

Nous serions assez disposé à déduire le sêrê et le ségól d'une nouvelle transformation du patah, et à penser que dans le premier ( - ) on n’a conservé que les deux extrémités du patah ( - ), et que, dans le second ( - ), on a d'abord donné aux deux points du séré une direction oblique (), et qu'on a ajouté le troisième point seulement pour indiquer mieux la place des deux autres. Ce qui nous confirme dans la pensée que telle était l'origine du ségol, c'est la ponctuation babylonienne, où, à côté du sêrê ( - ), le ségôl a conservé ses deux points obliques (. ), bien entendu, tous deux mis au-dessus de la lettre. Si, en outre, nous préférons rattacher ces deux voyelles aux kâmés et patah, c'est que les massorètes nomment le séré, petit kamés, et le ségôl, petit patah, et qu'ils ne mentionnent encore le nom d'aucune autre voyelle. Lorsqu'ils en parlent, ils mettent seulement alef + pôd, ou alef + wán, comme bases; mais ils ne parlent ni de hîrék, ni de hôlém. Nous savons néanmoins qu'on peut être tenté de rattacher les deux e aux sons de l'i,

Les noms des quatre signes, dont nous avons parlé, sont évidemment postérieurs aux signes eux-mêmes, mais ils s'expliquent parfaitement par l'origine que nous avons supposée à ces signes. Un passage du Tar. goum (Cantique, viii, 14), jette une grande lumière sur les deux premiers noms; il y est parlé d'un animal qui dort, ayant un ceil fermé (kemis), et l'autre ouvert (petiah). Cette opposition des deux racines nous suggère la pensée, que les noms de ces deux signes proviennent de la recommandation que faisait le maître d'école aux enfants lorsqu'ils devaient prononcer les consonnes avec l'une ou l'autre voyelle : il leur disait kemas poumak « ferme ta bouche », ou petah poumak « ouvre ta bouche », selon qu'ils avaient à émettre l'å ou l'a. Il en serait alors de même des deux autres signes, pour lesquels le maître ordonnait aux élèves, serê poumak « élargis ta bouche », et segal poumak « arrondis ta bouche * ». Les noms des signes tirent donc leur origine des impératifs, ce qui explique particulièrement le yôd du mot sêrê; si ces impératifs, en devenant

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1. Semitische Schrifttafel, entworfen von J. Euting, Strasbourg, 1877. 2. Zeitsch. d. D. m. G. XXXI, p. 102 et suiv.

3. M. Wright, (Catal. of the Syriac Manuscripts in the Bristish Museum, III, p. 1168 et suiv.) – Martin, Jacques d'Edesse et les voyelles Syriennes, p. 455 et suiv.

4. Voir mon Manuel du Lecteur, p. 160 et suiv.

des noms appellatifs, sont prononcés autrement, ceci provient de ce qu'on voulait donner à la première lettre de chaque nom des voyelles, la voyelle même que ce nom devait désigner.

Nous passons maintenant aux trois dernières voyelles, dont il était moins urgent de doter le texte, puisque le yâd et le wáw s'y trouvaient souvent écrits. Cependant le caractère sacré de l'Ecriture s'opposait à ce qu'on écrivit plene les mots pour lequel la tradition avait constitué une scriptio defectiva. On finit donc par avoir recours à l'autre moyen graphique usité parmi les Orientaux, aux points. On plaçait le point au-dessous de la lettre pour l'i, au-dessus d'elle pour l’ô, et au milieu de la lettre pour l'ou (u). Pour l'ou, on n'avait cette dernière ressource que lorsqu'il y avait un wáw derrière la consonne; dans les autres cas, la place était déjà prise par le dâgésch (signe de redoublement), qui était donc antérieur à l'introduction des signes des voyelles. On plaçait alors trois points (,) au-dessous de la lettre, ce qui, à notre sens, n'est qu'une manière typique d'indiquer le point du milieu, en le plaçant entre deux autres points'. D'autre part, dans la ponctuation babylonienne, qui occupe toujours le dessus des lettres, l'i est présenté par un point au-dessus de la lettre, l'ó, par un second point au-dessus du premier ( : ) et l'ou par une petite barre verticale ( 1 ), évidemment un petit waw, qu'on préférait à la notation par trois points superposés.

Les trois noms adoptés par ces trois voyelles, sont encore empruntés à des racines qui s'appliquent aux sons, émis par les dents ou les lèvres. L'i est nommé hîrék, parce que hárak signifie grincer ou produire un son aigu avec les dents (Ps., xxxv, 16; Job, xvi 9; Lam., 11, 16); hâlam, d'où vient le nom de hôlém pour l'ó, veut dire comprimer, et on trouve l'expression zimnîn dehâlîm sifwátéh « souvent il presse ses livres », (Chólin, 123"); enfin, pour le nom de schourék, qui désigne l'ou (u), on peut citer le Targoum de Lam., II, 15, 16 : scherickou besifwathon « ils sifflaient avec leurs lèvres ». Les trois derniers noms sont donc comme les quatre premiers empruntés aux mouvements faits par les organes pour produire les sons.

Ces sept noms se trouvent, que nous sachions, réunis pour la première fois chez Saadia (930) dans son commentaire arabe sur le Sêfer Yesîrâh”. Ils sont les seuls noms authentiques. Car le nom de schébér qu'on rencontre plus tard, n'est que la traduction du kesra arabe, et il a disparu de nos grammaires ; le nom de kibbous pour schourék, est également

; un produit étranger, l'équivalent du dhamma arabe; et, en se maintenant à côté du nom hébreu pour constituer une différence entre l'ou représenté par le point dans le waw et l'ou, représenté par les trois points au-dessous de la lettre, il a créé pendant longtemps une regrettable confusion dans l'exposé de la phonétique hébraïque.

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1. Nous avons déjà donné cette origine du Schourék, Journ. as., 1866, II, p. 413,

note.

2. Le passage est cité en entier dans mon Manuel du lecteur, p. 207, note.

Comme conclusion à notre article, nous soutenons donc : 1° que ni les signes ni les noms des voyelles n'étaient connus par les docteurs avant le VII° siècle; 2o que le système des points-voyelles est sorti des écoles élémentaires, où les maîtres s'en servaient pour l'instruction des jeunes enfants; 3o que les Massorètes l'ont trouvé à peu près fixé et arrété, lorsqu'ils s'en sont emparés pour le régler et en écarter les erreurs de prononciation qui pouvaient s'y être glissées; 4o que les signes consistent soit en caractères de lettres, réduits et altérés, soit en points différemment disposés; 5° que ces signes sont pour le fond identiques dans les deux ponctuations, palestinienne et babylonienne; 6° qu'on peut distinguer d'abord l'époque où l'on a indiqué le dagèsch, puis celle des quatre premières voyelles, et en dernier lieu, celle où l'on a introduit dans le texte les trois dernières voyelles ; enfin 7° que les noms des voyelles, désignant divers mouvements de la bouche, étaient à l'origine des impératifs, qui recommandaient aux enfants la forme qu'ils devaient donner à leurs organes pour produire les sons.

Joseph DERENBOURG.

116. La duchesse d’Aiguillon, pièce du cardinal de Richelieu, sa

vie et ses cuvres charitables, 1604.1873, par A. BONNEAU-AVENANT, lauréat de l'Académie. Paris, Didier, 1879, in-8° de 492 p. Prix : 8 fr.

M. A. Bonneau-Avenant est l'auteur d'un uuvrage sur Mme de Miramion, sa vie et ses cuvres charitables, qu'a naguère couronné l'Académie française. Je ne serais pas surpris que le même honneur fût réservé à son livre sur la fille adoptive du fondateur de l'illustre compagnie. Outre que le sujet choisi semble appeler la récompense, la biographie de la duchesse d'Aiguillon est une de ces honnêtes publications auxquelles on ne peut refuser son estime. L'auteur n'est ni un grand érudit, ni un grand écrivain, mais les bons et beaux sentiments dont il est animé se reflètent dans presque toutes les pages de sa monographie; la vertu, la charité reçoivent de lui des hommages sans nombre ; c'est un homme de bien qui a voulu faire un livre plus moral qu'attrayant, et qui y a parfaitement réussi.

M. B.-A. éprouve la plus vive sympathie, la plus vive admiration pour son héroïne, et voici comment il résume (préface, p. II, 4) les éloges dont il comble en tout le volume cette grande chrétienne, comme il l'appelle : « Rien n'est plus ignoré et plus méconnu que son caractère et les événements particuliers de sa vie. Ce fut cependant une existence pleine d'intérêt, que celle de la nièce du grand cardinal, existence malheureuse, partagée presque également entre le monde, qu'elle n'aimait pas, mais au milieu duquel son rang l'obligeait à vivre, et le cloître, ou elle aurait été s'ensevelir si l'autorité de son oncle ne lui en eût fermé les portes. Orpheline dès l'enfance, mariée contre son goût, veuve presque

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