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tuation ou à l'accentuation;..... les variantes ou discussions entre les Orientaux et les Occidentaux ne s'y rapportent pas davantage,... mais elles regardent les mots et les lettres exclusivement..... On les a donc notées avant l'introduction des points et des accents dans le texte. Au contraire, les variantes rapportées à Ben Ascher et Ben Naphtali ne concernent que les points et les accents; elles sont donc postérieures à l'époque où ces signes ont été créés 1. »

La thèse d'Elias Levita formait donc le fonds du débat, ouvert un siècle plus tard entre les théologiens chrétiens que nous avons mentionnés plus haut. Il y a des questions qui, une fois soulevées, ne peuvent plus être éludées. Aujourd'hui personne ne prétend plus attribuer à Ezra l'invention des points-voyelles. Mais on n'a pas fait un pas au-delà du résultat obtenu par le savant juif allemand. Après avoir démontré que vers l'an 500 de notre ère, c'est-à-dire, au moment de la rédaction dernière du Talmud de Babylone, la ponctuation n'existait pas encore, il aurait fallu nous indiquer par qui, où et à quel moment cette œuvre importante a été entreprise. Le problème devient encore bien plus difficile, quand on voit que, deux siècles plus tard, vers l'an 700, la ponctuation ne paraît pas avoir été connue davantage dans le monde savant juif. Vers cette époque a été composé dans la forme sous laquelle nous le possédons aujourd'hui le fameux livre cabalistique, intitulé Séfér Yesîráh 2. Or ce livre est une allégorie continue sur les lettres de l'alphabet hébraïque, et sur les combinaisons de nombres auxquelles elles se prêtent. Il connaît les cinq organes avec lesquels se fait l'articulation des lettres, il donne les sept lettres susceptibles des deux prononciations différentes, car il ajoute aux six mutæ le résch 3, et cependant il ne mentionne pas les sept voyelles qu'il n'aurait certes pas manqué d'utiliser si ces signes avaient alors existé. Les cabalistes, venus plus tard, ont bien su y rattacher toute sorte de sens mystiques et cachés. Il y a encore un autre ouvrage, la Masséchét Sôferîm', ou le Traité des scribes, dont la rédaction ne peut remonter au-delà du vi° siècle. Ce traité s'occupe, dans un grand nombre de ses chapitres, de tout ce qui est relatif aux copies des livres sa

1. Ces variantes sont imprimées à la fin des différentes éditions de la Biblia rabbinica.

2. Steinschneider, Catal. bibl. Bodleianae, col. 552-553.

3. Voir mon Manuel du lecteur, p. 151, note 1, et surtout, p. 187, note 1. (Extrait du Journal asiatique, 1870, II.)

4. Ce traité, qui se trouve dans toutes les éditions du Talmud de Babylone, vient d'être publié à part, avec des notes critiques et explicatives, par le Dr Joel Müller, Leipzig, 1878. Cf. Geiger, Zeitschrift f. Wissenschaft u. Leben, III, 94. Sóferim, III, 7, il s'agit de la défense de marquer dans un rouleau du pentateuque le commencement du verset par un blanc ou un point. Ibid., XIII, 1, la leçon donnée par Norzi ad II Sam., xxII, 1, ne nous paraît pas devoir être négligée. Il faut peutêtre traduire : Pour le chant de David au livre de Samuel, pour les psaumes, etc... un scribe habile dispose (les versets ou les stiches) artistiquement avec des blancs qu'il laisse au commencement et à la fin. En tout cas, il n'y est pas question d'accents,

crés. Les notes massorétiques y abondent. Eh bien, on y chercherait en vain la moindre trace des signes graphiques, destinés à indiquer les voyelles ou les accents. Il doit être bien permis de conclure de ce silence que, vers 700, la ponctuation n'était pas plus connue par les docteurs, qu'elle ne l'avait été vers 500.

Si l'introduction des points-voyelles est postérieure à l'an 700, l'ignorance où nous sommes au sujet des auteurs, de l'époque et de la patrie de cette œuvre capitale devient d'autant plus inexplicable. Après la clôture du Talmud, il se passe près d'un siècle et demi, qui sont enveloppés d'une grande obscurité. Sans doute, on étudie, corrige, augmente, annote la grande compilation que les derniers rabbins talmudiques venaient de léguer à leurs successeurs, mais on ne connaît que peu de travaux originaux appartenant au vie siècle; puis le vire, pendant lequel le jeune islam bouleverse la Syrie et l'Irak, pouvait bien cacher au monde une réunion de savants solitaires qui se consolaient des malheurs du temps dans une retraite discrète où ils se livraient à l'étude de la Bible et à l'invention du système de vocalisation, destiné à en faciliter la lecture et l'intelligence. Mais, au vin siècle, en pleine activité du gaonat, lorsque l'histoire de la littérature juive est toute grande ouverte devant nos yeux, comprend-t-on un travail aussi important paraissant tout à coup au grand jour sans qu'on connaisse l'officine où il a été élaboré et sans qu'on nous montre l'homme ou les hommes qui l'ont entrepris?

La difficulté du problème même, ce semble, doit nous indiquer l'endroit où nous avons à en chercher la solution. Il nous paraît évident que les premières tentatives pour rendre nos textes lisibles devaient avoir été faites dans les modestes écoles où des maîtres obscurs enseignaient aux jeunes enfants à lire ces textes. Le magister, ou le makrê dardekê, « le maître de lecture des jeunes enfants »>, n'était guère estimé par les fiers docteurs qui siégeaient dans le Bêt ham-midrasch et y discutaient gravement les hautes questions d'une casuistique subtile. On leur livrait des fragments de rouleaux qui étaient impropres au service public, sur lesquels ils donnaient l'enseignement à la jeunesse accroupie autour d'eux. On commençait par apprendre les noms des lettres, ce qui causait quelquefois des difficultés aux enfants, et nous possédons un passage talmudique curieux, qui nous montre le procédé ingénieux dont se servaient certains maîtres 1. Ainsi, pour faire retenir aux petits les noms de Gimmel, Dalet, ils leur prononçaient les mots gômél dallîm, ce qui veut dire : «< il fait du bien aux pauvres, » et ainsi de suite; le maître prononçait ensuite un mot et ses élèves le reproduisaient et le gravaient dans leurs têtes. Mais si ceux-ci n'étaient pas bien doués, il fallait avoir recours à un moyen extérieur, propre à leur en rappeler la lecture. Je m'imagine que ce travail latent pouvait se continuer longtemps dans les écoles, se constituer même d'une manière par convention uniforme entre les divers maîtres, sans que

1. Talmud de Babylone, Sabbat, 104a.

le haut enseignement en prît connaissance. Les enfants du peuple se contentaient de quelques prières qu'ils avaient apprises par cœur, et des lambeaux de l'Ecriture qu'ils avaient retenus; pour le reste, ils se livraient à leurs occupations mondaines. Ceux qui par leur intelligence étaient propres à pousser plus loin leur instruction et à passer à l'étude de la Mischnah', oubliaient bien vite les écoles élémentaires, où ils avaient passé leur première enfance. Mettez que pendant les deux siècles qui suivirent la clôture du Talmud, les maîtres d'école eussent développé de plus en plus leur méthode de noter les sons, et qu'à la suite de l'ignorance croissante des masses, les fragments de Bible ou des livres entiers pourvus de signes fussent sortis de l'enceinte des écoles pour se répandre dans le monde juif, on comprend aisément que, selon les connaissances plus ou moins étendues des maîtres, les copies pussent être plus ou moins correctes, et qu'alors des hommes instruits, au courant des traditions, des massorètes, dussent se charger d'établir solidement les lectures exactes, en se servant de ces signes mêmes qui avaient fini par avoir cours dans le public. Qui dans ce cas pouvait, qui voulait prétendre à l'invention du système? Des travaux de cette nature se font spontanément, successivement; à un jour donné, on les trouve exécutés sans qu'on sache quand, ni par qui.

Examinons maintenant quels ont été les signes qui ont dû se présenter les premiers à l'esprit des maîtres. Sans doute les mêmes qui, de tout temps, ont été choisis par les orientaux. Arrêtons-nous un instant chez les autres nations sémitiques. Le peuple qui, en transformant la parole parlée en mot écrit, fut le plus parcimonieux dans le tracé de son écriture, fut le peuple phénicien. Il s'est borné strictement à la représentation des consonnes, sans noter par quoi que ce soit la modalité du mot, si cette modalité s'indiquait par une voyelle seulement; nadartou, nadarta, nadarti, nadarat, sont marqués en phénicien par les quatre mêmes consonnes. Cette économie fut-elle observée sur la pierre seulement? Nous serions assez disposé à le croire; mais, comme nous ne possédons absolument aucun fragment de livre phénicien, nous ne saurions rien affirmer à cet égard; les autres nations, telles que les Syriens et les Arabes, se sont servi de bonne heure de certaines consonnes qui, par leur nature faible, se rapprochent le plus des voyelles pour déterminer à l'œil le son qui devrait accompagner la consonne; ce sont l'alef, le yod et le waw que les grammairiens du moyen âge ont surnommés pour cette raison les matres lectionis. Pour le waw et le yôd, l'hébreu a fait comme les langues sœurs; il s'en est servi souvent, l'un pour présenter les sons ô et ou (u), l'autre pour l'i et les divers e. L'emploi de ces lettres vocaliques, on l'a remarqué, s'augmentait même à mesure que la langue vieillissait, se corrom

1. D'après Abôt, v, 20, on enseignait la lecture aux enfants âgés de cinq ans, et la Mischnáh ceux qui étaient arrivés à dix ans. D'après Tosseftâ Hagigah, 1, 2, la langue sacrée doit être enseignée à l'enfant dès qu'il sait parler.

pait et tombait en décadence. Si le nombre en est encore relativement peu considérable dans les livres de l'Ecriture, elles sont, par contre, très-répandues dans les textes néo-hébraïques comme le mischnâh. Pour l'alef seul, l'hébreu n'a pas pu suivre la même voie que le syriaque et surtout l'arabe; car cette lettre ne se place jamais en hébreu comme lettre servile entre deux radicaux d'un mot, ni ne remplace, comme en arabe dans les racines concaves, le second radical, wâw ou yôd. Cependant on paraît avoir fait un essai d'employer l'alef pour le son de l'a, et la Bible offre un certain nombre de mots, écrits avec alef, comme lettre vocalique 1. Mais ces rares exemples ne se présentent que pour des racines faibles, écrites avec deux lettres radicales. Un alef inséré dans une racine trilitère, comme kátab, qu'on aurait écrit kaf, alef, taw et bét, aurait paru une monstruosité. Le seul moyen qui restât dans ce cas était de placer au-dessous de la lettre qui devait se prononcer avec un â, un petit alef, auquel on enlevait un de ses deux jambages (N), et dont la barre oblique a fini par prendre une direction horizontale afin de s'adapter mieux à la barre inférieure de la lettre, à laquelle il appartenait. C'est là, à notre avis, l'origine du kẩmés ( . ), dont on a méconnu jusqu'à ce jour la nature 3. Pour l'a ordinaire ou patah ( - ), on est allé jusqu'à supprimer les deux jambages. Ceci avait lieu dans la ponctuation, dite palestinienne. Dans la ponctuation babylonienne, l'å, placé, comme le veut ce système de ponctuation, au-dessus de la lettre, a une forme analogue; seulement l'alef, qui a produit ce signe, paraît avoir eu plutôt le tracé de l'alef palmyréen. Pour le patah, on s'est contenté de resserrer quelque peu le jambage restant contre la barre du milieu.

Le fait que nous avançons se confirme par les procédés suivis par l'arabe et l'araméen. En thèse générale, on peut affirmer que la représentation graphique des voyelles s'est toujours effectuée, soit par un ou plusieurs points, ajoutés à la consonne, soit par des lettres réduites et altérées par suite de l'usage spécial qu'on en faisait. Ainsi, en arabe, de même que le dhamma est un wáw encore fort bien conservé, le fatha et le kesré ne sont évidemment qu'une représentation de l'élif et du ya, le premier incliné, le second écrasé et devenu méconnaissable. L'élif, comme lettre même, a subi le sort du patah hébreu, puisqu'il a perdu ses deux jambages pour ne conserver que la barre du milieu. On peut

1. Ces exemples, réunis dans la Massore, se trouvent chez Olshausen, Lehrbuch d. hebr. Sprache, p. 71.

2. L'aspect d'un texte mandéen fait voir à quel point l'insertion fréquente de cette lettre rend les mots méconnaissables. Les Talmuds renfermaient autrefois beaucoup de ces alef, qu'on a supprimés dans les éditions, comme on peut l'observer dans les mauuscrits d'anciens ouvrages, où des passages talmudiques sont cités.

3. Le jambage inférieur de l'alef manque régulièrement, lorsque cette lettre est combinée avec láméd. Dans une inscription, placée sur un ossuaire, appartenant à M. Clermont-Ganneau, remontant aux premiers siècles de notre ère, le mot 'éschét « femme », est écrit avec un álef, qui est privé de son jambage inférieur.

suivre facilement le progrès de l'usure que subit l'alef sur l'excellente table paléographique de M. Euting1, comme sur celle tracée naguère par M. Deecke 2. On sait qu'en syriaque, les cinq signes des voyelles ne sont autres aujourd'hui que les cinq voyelles grecques, a, e, n, o, ou, qui ont dû, pour cet emploi, subir des transformations analogues à celles auxquelles l'âlef a dû se soumettre pour devenir kamés et patah. Nous savons que les grammairiens syriens avaient pensé un instant à introduire les lettres grecques qui servent de voyelles, dans la ligne des con. sonnes mêmes 3; mais cette étrange juxtaposition de caractères syriaques et grecs a paru si bizarre qu'on y a bientôt renoncé.

Nous serions assez disposé à déduire le séré et le ségôl d'une nouvelle transformation du patah, et à penser que dans le premier ( - ) on n'a conservé que les deux extrémités du patah (-), et que, dans le second (), on a d'abord donné aux deux points du séré une direction oblique (、), et qu'on a ajouté le troisième point seulement pour indiquer mieux la place des deux autres. Ce qui nous confirme dans la pensée que telle était l'origine du ségôl, c'est la ponctuation babylonienne, où, à côté du sêrê ( . ), le ségôl a conservé ses deux points obliques (. ), bien entendu, tous deux mis au-dessus de la lettre. Si, en outre, nous préférons rattacher ces deux voyelles aux kâmés et patah, c'est que les massorètes nomment le sêrê, petit kamés, et le ségôl, petit patah, et qu'ils ne mentionnent encore le nom d'aucune autre voyelle. Lorsqu'ils en parlent, ils mettent seulement alef+yôd, ou alef + wẫw, comme bases; mais ils ne parlent ni de hîrék, ni de hôlém. Nous savons néanmoins qu'on peut être tenté de rattacher les deux e aux sons de l'i. Les noms des quatre signes, dont nous avons parlé, sont évidemment postérieurs aux signes eux-mêmes, mais ils s'expliquent parfaitement par l'origine que nous avons supposée à ces signes. Un passage du Targoum (Cantique, VIII, 14), jette une grande lumière sur les deux premiers noms; il y est parlé d'un animal qui dort, ayant un œil fermé (kemîs), et l'autre ouvert (petîah). Cette opposition des deux racines nous suggère la pensée, que les noms de ces deux signes proviennent de la recommandation que faisait le maître d'école aux enfants lorsqu'ils devaient prononcer les consonnes avec l'une ou l'autre voyelle : il leur disait kemas poumak « ferme ta bouche », ou petah poumak « ouvre ta bouche », selon qu'ils avaient à émettre l'å ou l'a. Il en serait alors de même des deux autres signes, pour lesquels le maître ordonnait aux élèves, serê poumak « élargis ta bouche », et segal poumak « arrondis ta bouche * ». Les noms des signes tirent donc leur origine des impératifs, ce qui explique particulièrement le yôd du mot sêrê; si ces impératifs, en devenant

1. Semitische Schrifttafel, entworfen von J. Euting, Strasbourg, 1877.

2. Zeitsch. d. D. m. G. XXXI, p. 102 et suiv.

3. M. Wright, (Catal. of the Syriac Manuscripts in the Bristish Museum, III, p. 1168 et suiv.) Martin, Jacques d'Edesse et les voyelles Syriennes, p. 455 et suiv. 4. Voir mon Manuel du Lecteur, p. 160 et suiv.

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