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D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE

N° 23

7 Juin

1879

Sommaire: 100. MICHELET, Le

CHASLES. L'Angleterre politique.

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102. Les restes mortels de Christophe Colomb, par HARRISSE; les restes de Colomb, rapport de l'Académie de l'Histoire de Madrid. 103. Euvres de Herder, p. p. SUPHAN, IV vol. — Chronique. Inscriptions.

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Académie des

100. J. MICHELET. Le Banquet. Papiers intimes. 1879, in-8°, xvi-316 p. Calmann Lévy. Prix : 7 fr. 50.

Quoique ce livre ait l'air de ne pas rentrer exactement dans le cadre de la Revue critique, nous avons tenu à l'annoncer à nos lecteurs, pour deux raisons d'abord, parce qu'il soulève une de ces questions d'authenticité que la Revue a de tout temps aimé à éclaircir, ensuite parce que le nom qu'il porte au titre est trop grand pour nous laisser indifférents. La question d'authenticité est délicate à traiter. Nous avouerons que nous avons ouvert le livre avec défiance. Mais c'est bien Michelet, le Michelet des premiers volumes de l'Histoire de France, ou plutôt encore celui du Peuple, qu'on retrouve là. Il peut y avoir des retouches, mais l'imitation ne saurait faire illusion devant trois cents pages. Qui ne reconnaîtrait la main du maître dans ce portrait des Génois : «< Race forte, petite et dure, à présent douée d'un génie d'acier, de je ne sais quelle pointe à percer le fer. Ils ont beau être ignorants, ils trouvent, ils inventent au moins des expédients. Il y a ici dans la montagne un homme étranger à l'horlogerie, qui refait les montres les plus compliquées. Vous les voyez à l'œuvre, sans savoir ni mathématiques ni charpente, construire de fort beaux navires, qu'ils vont vendre dans l'Amérique du Sud... Gênes a été une banque avant d'être une ville; elle a été de bonne heure une compagnie de prêteurs à la grosse aventure, une association de marins (il faut sans doute lire marchands) armés 1. Le goût de la loterie y est furieux; et elle eut bien longtemps celui de la grande loterie, la guerre... Gênes serait restée la maîtresse des mers. Son avarice la perdit. Elle tenait Venise assiégée; dans les longueurs du siège, les héros s'oublièrent, redevinrent brocanteurs, marchands et regrattiers;

1. C'est bien marins, avec armés en surcharge, que porte le manuscrit de Michelet. La copie de ce chapitre (p. 17-27 du livre imprimé) nous a été communiquée avec beaucoup d'obligeance par Me Michelet. Tout est de la main de son mari, sauf une addition d'une ligne.

Nouvelle série, VII.

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sur leur flotte, ils ouvrirent boutique, se mirent à vendre du sel. Les vaisseaux des Vénitiens les bloquèrent à leur tour, les prirent. Gênes était là, au moins pour la moitié de sa population; elle eut le sort de Pise, et ne se releva jamais. >>

La première partie du volume est le journal d'un hiver passé par Michelet (1853-54) sur le bord de la Méditerranée, à Nervi. Le grand historien, dont la santé alors était fort ébranlée, et dont l'esprit était assombri, mais non découragé, par les événements politiques, note ses impressions. Quelques sentiments d'alors sont admirablement marqués dans ces pages: la foi indestructible dans l'avenir, la sympathie pour les nations étrangères, le rôle presque mystique attribué (en dépit des déceptions de 1849 et de 1851) à la France libératrice des peuples, l'amour des petits et des humbles, le respect et la reconnaissance envers les proscrits. On y trouve aussi cette religion vague qui voit volontiers dans les sphères célestes la douceur future des hommes (p. 49) et ces plans de régénération sociale où l'exiguïté des moyens contraste avec la grandeur des espérances.

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La seconde partie, qui a donné son nom au volume, est consacrée au Banquet proprement dit, auquel il convie d'abord le peuple, les déshérités qui ne peuvent satisfaire les plus légitimes besoins de leur esprit, de leur cœur et de leur corps, et à qui il veut donner des fêtes, livres et des chants, puis tous les peuples réunis en une agape fraternelle. L'auteur, nourrissant des illusions qui devaient être cruellement déçues, croyait que les nations s'acheminaient à une prochaine et universelle réconciliation. Les lignes suivantes feront bien comprendre la pensée de cette seconde partie : « Je les ai toutes aimées, ces grandes patries de l'Europe, les trouvant toutes en moi par leurs diversités. Pour moi, chacune d'elles fut une éducation. Mon Allemagne m'a donné Luther, la joie héroïque; mon Italie, Vico, la pierre du droit; ma Pologne, l'idée du sacrifice. Quid retribuam vobis? ce que je vous rendrai ? Le droit de revivre. Toi d'abord, ma Pologne, l'amie du malheur, la première au jugement, étant la première au sépulcre! Toi, mon Italie, ma glorieuse et bienfaisante nourrice! Et toi, Russie, la plus malheureuse peut-être !... Quand on cherchera le lieu de la fête universelle des peuples, qu'on prenne Paris. Il l'a mérité! A quand le Banquet de toutes les nations aux Champs-Elysées ? »

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Telles étaient les aspirations non-seulement de Michelet, mais de toute une école qui s'était formée à ses leçons et à celles de quelques autres écrivains et professeurs qui pensaient et sentaient comme lui. On peut sourire de ces rêves: nous croyons fermement qu'ils seront un jour considérés comme un des titres d'honneur de cette époque. A coup sûr, et quel qu'ait été le démenti que la réalité leur ait donné, ils appartiennent à l'histoire morale du XIXe siècle. Le livre posthume que nous annonçons forme un document intéressant de cette histoire, et il ajoute à l'œuvre de Michelet bon nombre de pages éloquentes et sympathiques.

M. B.

101.

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OEuvres de Philarète-Chasles. Voyage d'un critique à travers la vie et les livres. L'Angleterre politique. Paris, Charpentier, 1878, 367 p. Prix : 3 fr. 50.

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Ce volume, où est continuée la réimpression des œuvres de Philarète Chasles, comprend, outre un avant-propos, onze études ou articles sur divers sujets se rapportant à l'Angleterre Histoire pittoresque de l'Angleterre, p. 15-99; la Presse en Angleterre, p. 103-141; Bacon, p. 145-166; un voyage de John Locke en France, p. 169-194; Ralph Thoresby, p. 197-203; Macaulay, p. 207-244; l'Emigration anglaise, p. 247-252; la Politique anglaise en 1867, 1868, 1869, p. 235-318; Lettres de Louis Blanc sur l'Angleterre, p. 321-338; de la Décadence de l'Angleterre par Ledru-Rollin, p. 339-354; Proverbes français, anglais, italiens, p. 357-367.

La plupart de ces morceaux sont instructifs, appuyés sur des faits constatés de visu ou recueillis de première main, et semés d'aperçus ingénieux et personnels. Je signale particulièrement ceux sur la Presse anglaise, le voyage de Locke en France, Macaulay, Louis Blanc et Ledru-Rollin. Philarète Chasles connaissait bien l'Angleterre, et il en parle avec sympathie et chaleur. Ce recueil est donc une lecture à recommander à ceux qui se préoccupent des mœurs et des idées de nos voisins d'outre-Manche. Malheureusement l'utilité en est fort compromise par la négligence avec laquelle il a été édité. D'abord il eût fallu avertir çà et là les lecteurs des changements survenus en Angleterre depuis que l'auteur a écrit. Par exemple, dans le très-intéressant article sur la Presse, des notes eussent été nécessaires pour dire que, depuis 1855, les journaux anglais ne paient plus de droit de timbre, et que l'impôt sur le papier a été supprimé en 1861. Sans ces indications, l'article, qui n'est pas daté, est fait pour induire en erreur. Ensuite, et surtout, d'innombrables fautes d'impression, particulièrement dans les noms propres, sont de nature à embarrasser constamment et à dérouter beaucoup de lecteurs français 1. Le livre aurait gagné aussi à être diminué de quelques morceaux, ou trop peu étudiés et développés, ou ne se rattachant qu'assez faiblement au titre L'Angleterre politique. Ainsi pourquoi reproduire l'article sur les Proverbes ? On y lit, entre autres choses, que « à tire-larigot » vient de to your Lord God (à la santé du bon Dieu), « godelureau » de God's lure (la séduction du bon

1. Voici quelques échantillons de ces erreurs, que naturellement je ne mets pas au compte de Philarète Chasles page 34, Tewbsbury, au lieu de Tewkesbury; p. 35, Jane Phore, au lieu de Jane Shore; p. 72, Fairfay, au lieu de Fairfax; p. 88, Auson, au lieu de Anson; p. 97, Whitte-boys, au lieu de Whiteboys; p. 106, qu'est-ce que c'est que le roi d'Angleterre Charles VII? p. 124, Danius pour Junius, Curzan pour Curran; p. 230, Titus-Outes au lieu de Titus Oates; p. 231, Barke au lieu de Burke; p. 237, Leigh Hunt est dédoublé en deux personnes, Leigh et Hunt; p. 281, sir James Brockes et page 301, sir James Broakes au lieu de Sir James Brooke; p. 323, Cobbelt au lieu de Cobbett, etc., etc.

Dieu); « godan » de God dam (sic); « garnement » de beware, man (prends garde, homme), etc. De pareilles étymologies ne peuvent rien ajouter à la réputation de Philarète Chasles 1.

A. BELJAME.

102.

Los restos de Don Cristoval Colon. Disquisicion por el autor de la Biblioteca Americana Vetustísima. (Sociedad de bibliófilos andaluces. Segunda série). Sevilla, Francisco Alvarez y Ca, 1878, x et 97 pp. in-12.

Los restos de Colon. Informe de la Real Academia de la Historia al gobierno de S. M. sobre el supuesto hallazgo de los verdaderos restos de Cristóval Colon en la iglesia catedral de Santo Domingo. Publicado por el Ministerio de Fomento. Madrid, Imprenta y fundicion de M. Tello, 1879, vш-197 pp. et six fac similé,

in-8°.

Les lecteurs de la Revue critique n'ont pas oublié l'intéressant article publié par M. Henry Harrisse, dans le numéro du 5 janvier 1878, sur les restes mortels de Christophe Colomb. L'intérêt général que présente cette question historique, les nombreuses et parfois très acres polémiques qu'elle a suscitées depuis deux ans, tant aux Antilles qu'en Europe, ont décidé l'érudit bibliographe à reprendre sa première étude et à la développer. Il en a fait un petit volume pour la Société des bibliophiles andalous, qui l'a imprimé en espagnol dans la seconde série de ses pu blications.

Dans ce travail, M. H. n'a pas seulement enrichi de détails nouveaux l'histoire des diverses translations de la dépouille mortelle de Colomb, il l'a encore munie de pièces justificatives très importantes, qui donnent au lecteur le moyen de contrôler sur tous les points son ingénieuse argumentation. Inspiré par l'amour pur de la vérité, l'auteur ne pouvant avoir, en sa qualité d'Américain du Nord, aucun parti pris dans la question, - et rédigé d'après une méthode strictement scientifique, qui ne tient compte que des faits avérés et s'abstient de conclure dans les cas douteux, l'exposé de M. H. semblait destiné à clore le débat et à ôter toute envie aux érudits dominicains, cubains ou espagnols de reprendre la discussion, aussi longtemps du moins qu'ils n'auraient pas de nou

1. Signalons encore d'autres inexactitudes. Page 92, on ne peut pas rattacher au règne de Guillaume III « la belle création de Robinson Crusoe »; Guillaume meurt en 1702, Robinson est de 1719. Les comédies de Congrève (sic) et les œuvres d'Otway n'appartiennent pas au règne de la reine Anne; elle règne de 1702 à 1714, et Otway meurt en 1685, et la dernière pièce de Congreve, The Way of the World est de 1700. Page 212, en 1687 de Foe n'attaquait pas Jacques II dans sa Revue, attendu que sa Revue commença à paraître en 1704, et, à la même date, il ne demandait pas «< Où trouvez-vous les vrais Bretons? » attendu que son True-born Englishman est de 1699. - P. 235, le « jeu des revues >>>

ne commença pas sous Guillaume III « avec le bon Daniel de Foe ». Guillaume mourut deux ans avant l'apparition de la première Revue anglaise.

veaux documents à produire. Il n'en a pas été ainsi. Dès le mois d'octobre 1877 le gouvernement espagnol, justement ému de la prétendue découverte des restes de Colomb dans la cathédrale de Saint-Domingue, qui venait démentir catégoriquement la translation, admise jusqu'alors, de ces illustres cendres à la Havane, confia à l'Académie de l'Histoire de Madrid la charge d'examiner les documents relatifs à cette affaire et d'en apprécier la valeur. L'examen et la rédaction du rapport demandé par le gouvernement ont duré un an. Dans l'intervalle ont paru, en Europe, les deux éditions du travail de M. H., et, en Amérique, quelques écrits d'un caractère plus polémique que critique, qui n'ont pas apporté à la discussion d'éléments importants. Néanmoins, le gouvernement espagnol a cru devoir livrer à la publicité le rapport rédigé, au nom de l'Académie, par son censeur D. Manuel Colmeiro, et nul ne saurait s'en plaindre, M. H. moins que personne, puisque son travail a été, en grande partie, très exactement suivi et mis à contribution par l'académicien espagnol. Il convient de reconnaître, d'ailleurs, que l'apport de l'Informe aux pièces du procès est intéressant, quoique peu considérable : il consiste en extraits et citations de diverses publications américaines, difficiles à rencontrer en Europe, et dans plusieurs fac-similé fort curieux. Mais l'intervention de l'Académie de Madrid dans le débat était surtout justifiée par la tournure politique qu'a prise cette question de cendres dès le premier jour. En Espagne, on se passionne aisément toutes les fois que l'amour propre national ou l'apparence de l'amour propre national est en jeu. Or la cause de Saint-Domingue a été prise en mains par un vicaire apostolique, c'est-à-dire par une autorité, qui, dans ces pays chauds, en impose à tous, que la matière en litige soit ou non de la compétence d'un délégué du Saint-Siège. On n'y regarde pas de si près à une certaine latitude : le tout est de parler avec conviction et de savoir remuer certaines fibres. Les Espagnols donc et les Cubains réclamaient, eux aussi, un secours officiel, et attendaient avec anxiété qu'un tribunal souverain prononçât son verdict. Le gouvernement de la métropole a répondu à ces vœux en chargeant l'Académie de l'Histoire d'informer, et tout porte à croire que le rapport de l'illustre compagnie contentera les bons patriotes et apaisera l'agitation.

Voyons maintenant comment le procès a été instruit et jugé.

L'histoire des restes de Colomb se divise naturellement en deux périodes. La première a son point de départ le 20 mai 1506, jour de la mort du grand navigateur, et se termine en 1537, date approximative de la translation de ses cendres à Saint-Domingue. Jusqu'ici l'Académie répète presqu'exactement l'exposé de M. H.; elle ne s'en écarte que sur deux points, les deux fois à tort, ce nous semble. M. Colmeiro cherche à démontrer que « l'opinion la plus proche de la vérité » touchant le transfert des restes de Colomb de Valladolid au couvent de Las Cuevas à Séville est celle de Navarrete, qui l'a placé en 1513, et que la date de 1507, admise par M. H. sur la foi du Protocolo, ne paraît pas plus certaine

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