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d'une lumière nouvelle le caractère des personnages de Plutarque. On lira, par exemple, avec intérêt tout ce qu'il dit de Pyrrhus; il trouve que la sympathie qu'on éprouve ordinairement pour Pyrrhus n'est nullement fondée, puisque ce que nous savons de lui est, en grande partie, emprunté à une source épirote et que les Romains ont fait de leur intrépide adversaire une sorte de héros idéal, qui ressemble très-peu au Pyrrhus réel.

Le livre de M. S. est si plein de détails intéressants, qu'il faudrait écrire un autre livre, pour en faire une critique complète. Mais cela n'est pas nécessaire pour avoir une idée de la méthode de l'auteur. J'ai dit que M. S., analysant le récit de Plutarque, indique toujours où, selon lui, doit commencer une nouvelle source, par la simple raison que les deux phrases, qu'il sépare l'une de l'autre, ne peuvent être écrites par le même auteur. Cette opération ne lui réussit pas toujours. Par exemple, le chapitre 20 de Démétrius commence ainsi : « Aλà καὶ παρασκευάσασθαι δύναμιν ἢ χρήσασθαι βελτίων ἐδόκει στρατηγὸς εἶναι, πάντα μὲν ἐκ περιουσίας ὑπάρχειν βουλόμενος, etc. Tout ce commencement jusqu'à efvat doit, selon M. S. (p. 713), appartenir à un écrivain hostile. (Duris), et ce qui suit à un écrivain favorable (Hiéronyme). Puis Plutarque cesse de consulter Hiéronyme, pour retourner de nouveau à cet auteur. « La seconde moitié est de nouveau si favorable pour Démétrius qu'on ne peut douter, en aucune façon, de l'intervention d'Hiéronyme; Plutarque fait remarquer que les ennemis mêmes de Démétrius ne pouvaient refuser leur plus haute estime à ses actions. » Je crois, pour moi, que si la première période du chapitre xx de Démétrius doit être de deux auteurs différents, il n'y a pas de phrase dans un écrivain qui soit à l'abri d'une telle dissection. Les mots depuis távra pèv ne sont pourtant qu'une affirmation des paroles précédentes (Démétrius était plus habile à préparer la guerre qu'à la faire) et s'enchaînent étroitement avec elles. Quant à la seconde moitié du chapitre xx, cette «< haute estime » que les ennemis de Démétrius avaient pour lui, était inspirée par ses talents militaires et par son habileté dans la construction des machines de guerre, et je demande s'il fallait vraiment être partisan de Démétrius pour ne pas taire dans une œuvre historique un fait si universellement

connu ?

Je ferai la même observation à M. S. dans un autre passage (au commencement du chapitre xxn de Démétrius), où, comme au chapitre xx, M. S. sépare deux lignes l'une de l'autre et les attribue à des sources diverses. De même (chap. vi et vii d'Eumène) M. S. prétend que le récit de la bataille n'est pas l'oeuvre d'un même auteur (p. 652-653). Pourquoi pas? Les explications de M. S. ne sont guère que des sentiments tout à fait subjectifs qui ont peu de force pour décider des questions scientifiques. M. S. ne veut pas croire que « dans les deux armées on ait tant compté avec l'amour des Macédoniens pour Cratère ». Mais, connaître cet amour et ne pas compter avec lui, c'était commettre une

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grande faute. Ailleurs (p. 666) M. S. prétend encore que Plutarque a gardé le silence sur des « mensonges » d'Eumène, afin de ne pas nuire à son héros. Mais il s'agit là d'une ruse de guerre, et il n'importait pas à la gloire d'Eumène qu'elle fût passée sous silence; au chap. vi, Plutarque n'a pas hésité à raconter un « mensonge », c'est-à-dire un stratagème d'Eumène, M. S. prétend, tout aussi arbitrairement, que partout où il est question de Cratère, c'est Duris qui parle, car Duris est un partisan de Cratère. Mais il arrive que Plutarque parle de Cratère dans un passage qu'il est impossible d'attribuer à Duris. Que fait M. S.? Il dit (p. 668) que ce n'est pas à Duris, mais bien à la source intermédiaire qu'on doit ce passage : « Cet auteur (l'auteur de la source intermédiaire) venait seulement de mettre Duris de côté et ne pouvait encore s'émanciper entièrement et se détacher tout à fait des opinions de Duris. » Je me fais fort de tout expliquer avec un pareil procédé. P. 700. M S. critique le récit du voyage à Patras et de la fuite de Démétrius (ch. viii de Démétrius), parce que, dit-il, Démétrius n'avait pas besoin de se déguiser, et d'ailleurs, s'il s'était déguisé, il n'avait pas besoin de courir. Mais Démétrius était surpris, il jeta sur lui le premier vêtement venu et prit la fuite; que pouvait-il faire de mieux? M. S. n'aime pas les fanfaronnades de Ptolémée et de Démétrius (p. 708). « Démétrius n'a jamais prononcé de pareils discours et Hiéronyme ne les a jamais racontés, » Nous trou vons, au contraire, avec Droysen (Hellenismus, II, 2, 129), ces discours très-caractéristiques, etc.

Dans sa préface, M. S. déclare que le grand point pour l'historien, c'est, en somme, de «< passer au crible les sources primitives »; «< c'est à quoi, dit-il à peu près, j'ai toujours attaché la plus grande importance; il me semble oiseux (M. S. dit «< irrelevant ») de savoir si Plutarque a, par exemple, consulté Hiéronyme et Denys directement ou indirectement. Réussit-on à démontrer ce fait, on n'a pas avancé d'un pas vers la solution des questions véritables et essentielles, on s'en est même éloigné. » Ainsi M. S. fait fi de toute la peine qu'il s'est donnée pour trouver la source intermédiaire (Mittelquelle) et peu lui importe d'avoir découvert qu'Agatharchide est cette source intermédiaire. Soit, mais pourquoi M. S. a-t-il fait imprimer son livre, sous la forme qu'il lui donne? Sait-il combien de pages de son ouvrage il déclare par là superflues? Pour nous, nous avions pensé que M. S. avait démontré que, si l'on n'admettait pas la source intermédiaire, on ne pourrait expliquer mainte conformité entre Plutarque et Népos, entre Plutarque et Justin; que la « source intermédiaire » découlait nécessairement de l'examen attentif des sources primitives, qui, selon la préface, est le point essentiel. Si maintenant la source intermédiaire repose sur une hypothèse oiseuse, nous ne sommes plus convaincus de l'exactitude de son examen des sources primitives. M. S., après avoir composé son livre (car la préface est ici, comme toujours, une post-face), abandonne les conséquences de ses prémisses, mais non les prémisses! nous ne croyons plus alors qu'il

ait raison de s'enorgueillir de sa méthode, comme il le fait à l'égard de M. Reuss (p. 742); nous ne croyons plus qu'il ait trouvé plus de «< choses certaines >> que ce savant. Nous pensons, du reste, que M. S. a tort de se prononcer, comme il le fait dans la préface, sur l'inutilité des recherches des sources directes des auteurs que nous avons encore. Est-ce vraiment faire œuvre d'historien que d'ignorer comment a travaillé l'écrivain qu'on analyse, c'est-à-dire s'il a été un simple manoeuvre ou un artiste qui pense? Nous, parmi les questions qui sont d'une importance décisive, nous plaçons celle-ci : « Plutarque a-t-il copié sur un seul auteur les trois biographies, comme l'a pensé M. S. dans le texte de son livre ? » On ne peut pas, selon nous, passer au crible les sources primitives, si l'on n'est pas fermement assuré qu'il y a là ou qu'il n'y a pas là des sources secondaires.

Nous mettons donc de côté dans le livre de M. S. deux choses, dont l'une ne nous plaît pas, à nous, et dont l'autre n'est pas approuvée de l'auteur lui-même (dans la préface) : une critique trop subjective sur de nombreux points particuliers, et la source intermédiaire; et nous demandons ce qui reste encore de ce livre. Hâtons-nous de le dire, pour ne pas laisser au lecteur une impression défavorable d'un ouvrage si consciencieusement étudié, auquel l'auteur lui-même a nui par sa préface: il reste du travail de M. S. une foule de remarques de détail, qui s'imposent à l'attention de quiconque veut étudier l'histoire des successeurs d'Alexandre; il reste un auteur, qui a fouillé son sujet et qui ne craint pas d'avouer lui-même qu'il s'est trop pressé de tirer de ses observations des conclusions générales. Les six appendices nous paraissent d'ailleurs très-remarquables.

Je puis confirmer un des points traités par M. S. : j'ai exprimé l'opinion qu'il énonce (p. 683) sur la source de Diodore (x11, 20-27), dans mon Histoire de Sicile (II, 364), à vrai dire, pour d'autres motifs; mais cela ne fait que confirmer et justifier l'opinion de M. Schubert.

Ad. HOLM.

97.

E. PERSON. De P. Cornelio Scipione Æmiliano Africano et Numantino. Paris, Thorin. 1877, in-8° de 164 p.

M. Person, dans une thèse élégamment écrite, a voulu exposer la vie de Scipion Emilien. Il a raconté tour à tour son origine, son éducation, ses rapports avec les principaux personnages de son temps, les relations d'amitié qui l'unirent à Térence et à Lucilius, ses guerres en Afrique et en Espagne, enfin le rôle qu'il joua pendant les troubles que provoquèrent les Gracques. Cette monographie consacrée à un des hommes les plus éminents de Rome ne nous apprend rien de bien nouveau, mais elle a le mérite d'être complète et de rappeler tous les événements

auxquels Scipion Emilien a été mêlé. L'auteur s'est beaucoup servi de l'histoire romaine de Mommsen qu'il cite souvent, et de celle de M. Duruy qu'il ne cite pas; mais il a aussi étudié de près les textes originaux et il en a généralement tiré un excellent parti.

Je me permettrai pourtant de lui adresser sur un point une critique assez grave. Si M. P., par une analyse sobre et exacte du De Republicá de Cicéron, nous fait connaître les opinions théoriques de Scipion Emilien en matière politique, il ne montre pas suffisamment quelles étaient, comme on dirait aujourd'hui, ses idées en matière sociale. Il est certain que ce grand esprit se rendait compte des maux qui rongeaient alors la société et qu'il désirait y porter remède. Mais comment se proposait-il, soit de les guérir, soit de les atténuer ? Quels plans de réformes avait-il conçus en ce qui concernait la plèbe romaine et les Italiens encore réduits à la condition de sujets? Il fut hostile à la loi agraire de Tib. Gracchus, et il la fit abroger implicitement. Pourquoi agit-il de la sorte? Etait-il ennemi, en principe, de toute loi agraire? Dans le cas contraire, trouvait-il celle-ci injuste ou dangereuse? L'ouvrage de M. Person ne fournit pas de réponse nette à ces questions; il eût été cependant intéressant de chercher à les résoudre.

Paul GUIRAUD.

98. — C. COURRIÈRE. Histoire de la littérature contemporaine chez les Slaves. Un vol. in-12, xx-553 p. Paris, Charpentier. 1879. - Prix : 3 fr. 5o.

Ce volume serait fort utile s'il était rédigé par un homme compétent. Malheureusement l'auteur qui sait le russe et qui paraît en état de lire le polonais, ignore absolument les autres langues slaves. Dans ces conditions, il lui était bien difficile même avec l'aide des travaux russes les plus estimables de publier un travail sérieux. Pour faire connaître au lecteur français une littérature étrangère, il faut d'abord être en état de la lire soi-même dans l'original. On ne pourra étudier sans défiance dans cet ouvrage que le chapitre consacré à la littérature polonaise et la conclusion qui traite du panslavisme. Cette partie du volume est suffisante. Tout le reste fourmille de fautes et d'erreurs.

Parlons d'abord de la transcription adoptée par M. Courrière : « Vu l'existence des deux alphabets latin et cyrillique, il a dû, dit-il, adopter une méthode de transcription uniforme. Ainsi : C prononcez ts, ex. : citaonica, prononcez tsitaonitsa. »

C'est jouer de malheur. Le mot serbe en question se prononce précisément tchitaonitsa et, dans le système proposé par M. C., il devrait s'écrire czitaonica.

Un peu plus loin M. C. nous annonce qu'il transcrira le groupe Sch par Sz (ce qui est la transcription polonaise). Dans tout le cours de l'ouvrage

l'auteur des Antiquités slaves est appelé Shafajik (sic)! Le groupe rz (qui se prononce rj) est traduit par unj, très insuffisant, et c'est cette transcription qui vaut à Schafarik l'orthographe grotesque dont M. C. l'a affublé. Cependant nous voyons le groupe rz maintenu dans l'orthographe des noms polonais comme Rzewuski. En thèse générale, M. C. s'est imaginé qu'il devait donner au lecteur une idée de la prononciation des noms slaves ; ce système est surtout bizarre quand il a pour résultat de défigurer des noms connus, que l'on est habitué à voir reproduire d'une façon déterminée en lettres latines. A quoi bon écrire Miklosicz quand le célèbre slaviste a adopté lui-même l'orthographe Miklosich? M. C. n'a pas vu la plupart des noms qu'il cite sous la forme originale. Il les reproduit d'après la transcription russe qu'il a trouvée dans le livre de M. Pypine ou ailleurs. De là les erreurs les plus singulières: ainsi, dans le chapitre consacré à la littérature tchèque, nous trouvons les noms de MM. Jesber, Klicper, et Szember substitués aux noms de Jezbera, Klicpera, et Szembera. M. C. a pris ces formes en a pour des génitifs. Nous trouvons de même MM. Lepasz et Erjabek substitués à MM, Lepar(z) et Jer(z)abek qui, d'après le système proposé par M. C., auraient dû devenir Lepaj et Iejabek. En russe, la lettre E a le son de IE. L'auteur reproduit simplement un E français là où le tchèque a la diphthongue IE (Esénic pour Jésenic). De même, M. C. qui ignore la langue serbocroate appelle constamment la capitale de la Croatie Zahreb (Zagreb, Agram). Le G russe ayant souvent la valeur de H, M. C. a transporté cette valeur au G croate qui ne l'a jamais connue.

Sans fatiguer plus longtemps le lecteur de ces détails purement techniques, entrons dans l'examen du livre lui-même. M. C. a compris que l'histoire contemporaine des littératures slaves ne pouvait pas être isolée de leur histoire antérieure et il a cru devoir la retracer rapidement. Mais il était trop mal préparé à cette tâche difficile pour ne pas tomber dans les erreurs les plus déplorables.

Le chapitre présente quelques considérations générales sur les Jougo-Slaves. Nous y apprenons que l'empereur Héraclius (610-641) vivait au sixième siècle (p. 5). Les Slaves s'établissent dans le pays de Srem (c'est la Syrmie) et dans le Baczek. Il faut lire dans la Baczka. M. C. qui a rencontré le mot en russe au cas oblique n'a pas pu deviner quel en était le genre et le nominatif.

1. P. 105 M. C. parle de M. Czernojevicz. Il faut dire Cernojevicz; de même, p. 109, il écrit posiestrima d'après la prononciation russe; p. 121, Doudicz, au lieu de Doutjicz (en adoptant sa transcription), etc., etc.

Quand il s'agit de langues qui ont adopté l'alphabet latin, le plus simple est de reproduire, avec le moins de modifications possible, l'orthographe indigène. Prétendre rendre la prononciation, c'est s'exposer à égarer le lecteur et rendre certaines recherches impossibles. Qui reconnaîtra Jean Zizka sous la forme Jijka? Serait-ce faciliter l'étude de la littérature allemande ou italienne que d'écrire Gueuté, Chillère, Oulannd, Faoust, Dannté Aliguieri, Tchésarotti, Kiabréra, etc.? Nous ne le pensons

pas.

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