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et toutes dénotent un esprit critique et judicieux. On peut même affirmer qu'aucun des derniers éditeurs de Properce n'a procédé avec autant de méthode ni montré autant de goût.

Tous les mss. de Properce paraissent dériver du ms. possédé par Pétrarque, et aujourd'hui perdu. Ce ms. lui-même n'était sans doute pas très-ancien, de là le mauvais état du texte et la légitimité des conjectu res. Aussi les philologues sont-ils très-partagés sur la manière de lire un grand nombre de passages.

Voici une des plus belles corrections de M. R. On lit dans les mss. de Properce (I, 13, 23-24): « Nec sic caelestem flagrans amor Herculis Heben Sensit in Oetheis (avec les var. aethaeis, aetheis, acteis) gaudia prima jugis. » Les critiques ont remarqué depuis longtemps que ce texte était en contradiction avec le récit d'Hésiode (Theog., 950 sq.), de Diodore (IV, 39) et d'Apollodore (II, 7, 7). Hercule ne s'est marié avec Hebe qu'après avoir été brûlé sur le Mont Oeta. C'est pourquoi Scaliger avait corrigé ab Oetaeis, et Schrader avait, en outre, conjecturé rogis. Cette double correction est admise dans les éditions Haupt et L. Müller. Mais M. R. propose aethereis (écrit par aetheis et l'abréviation connue de er) ce qui est beaucoup plus évident. In ætheriis jugis, c'est-à-dire dans le ciel, comme l'établit M. R. par de nombreux exemples.

D'ailleurs M. R., qui n'avait pas eu d'abord à sa disposition l'édition de Burmann et Santen, a constaté ensuite qu'il avait trouvé dans quelques passages la même correction que Passerat, Guyet, Heinsius ou Markland. Une rencontre avec de tels maîtres est la plus douce joie que puisse éprouver un philologue, et M. Rossberg a recueilli là la première récompense des veilles qu'il a consacrées à l'étude de Properce 1.

Les nombreuses corrections que M. Sandström propose au texte des poètes latins, dans ses deux dissertations, sont loin de valoir celles de M. R. Elles s'éloignent généralement beaucoup des mss., ce qui est permis dans certains cas, mais il faut toujours que la faute s'explique, et M. S. ne paraît pas s'être fait une idée exacte de la manière dont les fautes se sont glissées sous la plume des copistes. Il s'attaque parfois à des textes très-purs ou propose trois ou quatre conjectures sur le même passage, ce qui est une condamnation.

Par exemple, dans Properce (I, 2, 13), au lieu de « Littora nativis collucent picta lapillis », où le ms. de Naples offre la var. persuadent, pourquoi rétablir corrident? Ovide a dit de même (Fast., V, 363): «< collucent floribus agri. » — (I, 25, 17). Le vers « At nullo dominæ teritur sub limine amor », qui, déjà tourmenté de bien des manières, deviendrait «< At nulla dominæ removetur limine amans vi. » Quand une correction nécessite trois changements de cette espèce et amène une

1. M. R. nous apprend (p. 4) que, contraint d'enseigner pendant le jour, il a dû consacrer un grand nombre de nuits à ses Lucubrationes.

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(Ibid., 19).

fin de vers aussi détestable, il faut évidemment y renoncer. M. S. propose: <«< invitis usque redit pedibus,» au lieu de ipse, qui est nécessaire. (III, 9, 8), Properce n'a pu écrire, comme pense M. S., << Sine dubio ita a poeta scriptum fuerat (p. 13): Fama nec hæc ex quo

ducitur illa jugo 1. »

Les passages de Lucain que M. S. cherche à améliorer ont été, pour la plupart, déjà traités par d'autres philologues, et M. S. ne semble pas s'être informé de ce qui avait été fait avant lui. Il propose de lire (I, 86) felicia foedera regni. C'est ainsi que lisait Peiraredus, ami de Grotius. (III, 410). Le passage : « Non ullis frondem præbentibus auris Arboribus suus horror inest, » a déjà été l'objet de nombreuses conjectures, praedantibus, quatientibus, motantibus, agitantibus (Voir l'éd. Oudendorp, Leyde, 1728). M. S. en ajoute une nouvelle, turbantibus, qui est bien plus éloignée des mss. Pour Lucain, on a de nombreux mss. remontant aux Ix et x° siècles, et on ne peut corriger avec autant de liberté que dans Properce. D'Orville proposait ici, avec plus de probabilité, «< non ulli frondem præbentibus aurae, » le mot auris se trouvant alors amené par præbentibus. (III, 475) prioris était déjà défendu par Grotius d'après un ms. de Claude Dupuy. Mêmes observations pour Valérius Flaccus. M. S. préfère gentis à genti (I, 15); déjà Heinsius avait rétabli et expliqué gentis. — Le vers (I, 406) : « Quantum Peliacas in vertice vicerat ornos, » équivaut à << Peliaco in vertice; » pourquoi conjecturer incædua? M. S. aurait dû voir là une réminiscence de Catulle (64, 1): « Peliaco quondam prognatæ vertice pinus. » — On peut admettre cependant une conjecture de M. S. (I, 515): « Nube rigens ac nescia frugum (zona). » La vulgate est rerum et un ms. important offre regum. Si M. S. avait choisi les meilleures de ses conjectures, accompagnées des arguments propres à les faire adopter, son travail aurait eu beaucoup plus de valeur.

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Dans ses études critiques sur Stace, M. S. montre un peu plus de maturité et de réflexion. Mais le style de ce poète est rempli de tournures et de locutions spéciales qu'il ne faut pas chercher à effacer. Ainsi (Silv., I, 1, 102) M. S. trouvant que Atticus senior ne désigne pas assez clairement Phidias, propose « Auctius Elæi signum Jovis, » ce qui devient tout à fait inintelligible. Il y a néanmoins dans cette étude quelques conjectures séduisantes, par ex. (I, 4, 68), M. S. préfère : « Genus ipse suis, præmissaque retro Nobilitat, » au lieu du substantif Nobilitas, en rapprochant à propos un passage de Sidoine Apollinaire (Pan. Avit. vs. 161): « Priscum titulis numeret genus alter, Avite, Nobilitas

1. Pourtant M. S. a vu ailleurs (Stud. crit. in Pap. Statium, p. 18) que la conjecture de M. Baehrens, Muta domus stat hero n'était pas admissible, à cause de la cacophonie (ipse sonus injucundior vetat). La correction qu'il propose au texte de Properce n'est pas plus harmonieuse.

tu solus avos. » En effet, Sidoine, dont le style est souvent la reproduction de celui de Stace, peut fournir beaucoup de secours aux éditeurs de Stace. Mais si M. S. s'était familiarisé avec Sidoine, il n'aurait pas suspecté dans Stace (Silv., II, 6, 62) le mot Ructassent ni proposé Vastassent. Sidoine emploie fréquemment le verbe ructare dans un sens analogue. - (Achil., VIII, 268) Je ne comprends pas l'objection de M. S. contre l'expression : « Tantique maris secura juventus. » Il voudrait rétablir mali. Mais Stace n'a-t-il pas ici imité Virgile (Æn., VII, 304) Securi pelagi atque mei?» — Enfin (Silv., V, 3, 121) M. S. cite ainsi le vers : « Graiam et Euboico majorum sanguine duci,» sans doute par inadvertance, puisque les éditions portent correctement atque.

Emile CHATELAIN.

75.

Jean Artaudi, dominicain prieur de Saint-Maximin, évêque de Nice et de Marseille. Notice historique et documents inédits, par l'abbé J.-H. ALBANÈS, docteur en théologie et en droit canonique. Marseille, Lebon. 1878, gr. in-8° de 74 p. (Tirage à 100 exemplaires.)

« On se fait difficilement une idée, » déclare tout d'abord M. l'abbé Albanès (p. 1), « de tout ce qui manque au Gallia christiana, l'ouvrage le plus important et le plus estimé que nous possédions sur l'histoire des évêchés de France. En l'étudiant pièces en main, on est effrayé des erreurs dont il fourmille, et qui sont, pour les écrivains inattentifs, des sources de nouvelles erreurs, comme aussi des immenses lacunes qui s'y rencontrent. » — « Voici, » continue le savant critique, « un prélat qui appartient par sa naissance à deux nobles familles provençales, qui a été membre d'un ordre célèbre, et qui, après avoir gouverné en qualité de prieur le couvent royal de Saint-Maximin, est devenu évêque de Nice, puis de Marseille, nonce du Pape auprès du roi de France, du comte de Flandre et du duc de Brabant. Or, de toutes ces choses, et des détails que nous aurons à y ajouter, on ne trouve pas un seul mot dans le Gallia. Arrivé au moment où il doit parler de l'épiscopat de Jean Artaudi à Marseille, quand il lui en faut fixer la date, et faire le récit des évènements auxquels il prit part, une parole lui suffit pour terminer toute l'affaire. Ce personnage-là, dit-il, nous est inconnu, Nobis ignotus 1. Et sur ce, Jean Artaudi est retranché du nombre des évêques de Marseille, comme s'il n'avait jamais existé. »

M. l'abbé A. rappelle ensuite que tout ce que Mgr de Belsunce nous apprend (l'Antiquité de l'église de Marseille, 1747, in 4°, t. II, p. 399) sur Jean Artaudi, se réduit à un seul mot, et qu'on ne trouve rien de plus dans une nouvelle histoire des évêques de Marseille publiée avec

1. T. I, col. 557.

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luxe par un auteur extrêmement fécond, il y a sept ans 1. Se montrant
aussi vaillant chercheur que son devancier le fut peu, M. l'abbé A. n'a
rien négligé pour bien retracer la biographie de Jean Artaudi. C'est dans
les archives du département des Bouches-du-Rhône qu'il a trouvé les
documents inédits qui lui ont permis de retracer cette biographie avec la
plus méritoire exactitude . M. l'abbé A. établit fort bien que Jean Ar-
taudi descendait, du côté paternel, des seigneurs de Venelles 3, et du
côté maternel, des Allamanon, seigneurs de Rognes; qu'Artaud de Dor-
chis, aïeul ou bisaïeul de l'ignotus du Gallia christiana 4, avait reçu
de Raymond Bérenger V, au commencement du XIe siècle, la terre de
Venelles; que Jean Artaudi était fils de Jacques Artaudi et de Bérengère
d'Allamanon 5; qu'il fit ses études au couvent des Dominicains de
Montpellier; qu'il enseigna, dès 1285, la théologie à Die; qu'il fut pé-
nitencier du Pape Jean XXII à Avignon; qu'on le nomma, en 1328,
prieur du couvent de Saint-Maximin, ce que nul n'avait soupçonné;
qu'il fut évêque de Nice du 9 mai 1329 jusqu'à la fin de 1333; qu'il fut
transféré sur le siège de Marseille en 1334 6; qu'il fut envoyé, quelques
semaines après (premiers jours de mars) par Jean XXII, avec l'évêque de
Saint-Paul Trois-Châteaux, pour pacifier les provinces dont se compose
de nos jours le royaume de Belgique, et que ses démarches furent cou-
ronnées de succès, l'arbitrage du roi de France ayant été accepté par les
parties belligérantes et le jugement qui mettait fin à toutes contestations

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1. Cetauteur est M. l'abbé Ant. Ricard, directeur de la Semaine liturgique. M. l'abbé A., faisant une malicieuse allusion aux exemplaires sur papier chamois de l'ouvrage de son confrère (Les évêques de Marseille, depuis saint Lazare jusqu'à nos jours, 1872, in-8°), dit (p. 2) : « Certes, si la valeur intrinsèque du livre répondait au choix du papier, nous devrions trouver ici ce que nous n'avons rencontré aucune autre

part. >>

2. Les plus importants de ces documents ont été reproduits, au nombre de 22, dans
les pièces justificatives (p. 55-74). La dernière de ces pièces, une de celles qui ont
été le plus utiles à M. l'abbé A., est le testament de Jean Artaudi, daté du 7 juillet 1335.
3. Aujourd'hui commune du canton d'Aix, à 9 kil. de cette ville.

4. M. l'abbé A. a reconstitué en grande partie la généalogie de la famille de Dor-
chis (p. 5-12), généalogie dont personne ne s'était jamais occupé. De même, il a
donné des détails entièrement nouveaux sur la famille d'Allamanon, une des plus
anciennes de la Provence (p. 13-23). Les découvertes de M. l'abbé A. rendront facile
la tâche de celui qui, voulant compléter tous les nobiliaires provençaux (R. de Brian-
son, Maynier, Artefeuille, etc.) réalisera le programme spécial indiqué en ces mots de
la p. 13: « la généalogie des Allamanon est encore à faire. »

5. Il était neveu de Pierre d'Allamanon, évêque de Sisteron de 1292 au 1er août
1304, jour de sa mort. Au sujet de cet évêque, il faut encore rectifier plusieurs er-
reurs du Gallia Christiana (t. I, col. 492).

6. Il y succédait à Aymar Amiel, dont tous les historiens, même les plus récents,
ont dénaturé le nom, l'appelant Amelin, bien que ce dernier nom ne se lise dans
aucun des documents qui nous restent de lui, et qu'on y trouve constamment Amelius
ou Amiel. M. l'abbé A., en rétablissant pour la première fois ce nom tel qu'il doit être
écrit, exprime le désir que désormais l'on adopte sa rectification.

ayant été rendu par Philippe VI, à Amiens, en présence des deux nonces, le 27 août 1334 1; qu'il fit son testament, le 7 juillet 1335, à SaintMaximin, où il mourut peu de jours après, ayant choisi sa sépulture dans l'église des Frères-Prêcheurs d'Aix ; qu'enfin il eut pour successeur Jean Glasqui, chanoine d'Aix, lequel n'appartint jamais à l'ordre de Saint-Dominique, quoiqu'en ait dit l'historien (presque toujours si exact de cet ordre), le P. Echard, et fit son testament à Avignon, le 5 septembre 1344 2.

M. l'abbé Albanès, qui, par ses recherches faites avec tant de soin et utilisées avec tant de méthode, semble destiné à renouveler l'histoire ecclésiastique de la Provence, n'a pas eu tort d'espérer (p. 54) que la critique lui tiendrait compte des difficultés qu'il avait à vaincre, en débattant des questions qui n'avaient point été abordées jusqu'ici. Comme pour son excellente et neuve notice sur Pierre d'Aigrefeuille, évêque d'Avignon 3, nous ne lui marchanderons ni les éloges ni les félicitations. La pierre qu'il apporte à la reconstruction du grand édifice historique auquel on ne saurait de toutes parts travailler avec trop de zèle, est petite, comme il le dit (p. 54), mais elle est, comme il le dit encore, dure et solide. Puisse-t-il nous en présenter beaucoup d'autres de même qualité! Ce ne sera pas un médiocre honneur pour son nom, et ces pierreslà proclameront à jamais son mérite, lapides clamabunt.

T. de L.

76.

Le cardinal de Retz et ses missions diplomatiques à Rome, d'après les documents inédits des Archives du Ministère des affaires étrangères, par R. CHANTELAUZE. Paris, Didier, 1879, 575 p. in-8°. Prix : 8 francs.

M. Chantelauze, continuant la série de ses études sur le cardinal de Retz, vient de réunir en volume les différents articles qu'il avait donnés l'année dernière à la Revue de France; il y a joint un long chapitre sur

1. On conserve aux archives des Bouches-du-Rhône un registre où un clerc originaire d'Amiens, Lucien de Sens, qui avait été notaire d'Aymar Amiel, et qui accompagna son successeur en Flandre et en Brabant, a consigné tous les actes officiels auxquels donna lieu la mission de 1339. M. l'abbé A. a tiré de ce registre diverses particularités intéressantes (p. 45-47). Les deux prélats voyageaient aux dépens du diocèse qu'ils traversaient. Le 10 mars, à Viviers, Jean Artaudi somma l'évêque << de lui fournir un bon cheval, pour remplacer un de ceux qui portaient ses bagages; car en arrivant au Bourg-Saint-Andéol, la pauvre bête s'était trouvée tellement épuisée qu'elle était hors d'état d'aller au-delà. La demande était formulée sous les peines de droits et la menace des censures canoniques. » A Mâcon, le 17 mars, le voyageurs réclament une indemnité de 10 florins et une nouvelle monture.

2. Les auteurs du Gallia, non contents d'enlever Artaudi à l'église de Marseille, ont aussi voulu (t. IIl, col. 1286), le bannir de l'église de Nice, en lui substituant Jean Gasqui, lequel fut toujours étranger à cet évêché.

3. Voir Revue critique, no du 9 mars 1878, p. 153-158.

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