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D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE

N 17

26 Avril

1879

Sommaire : 68. Écrits choisis de Lucien, p. p. SOMMERBRODT: Croiset, Un épi-
sode de la vie de Lucien, le Nigrinus. 69. Vast, Le cardinal Bessarion. - 70.
Les Singularitez de la France antarctique, de Thevet, p. p. GAFFAREL.
NALD, Guerre de la succession d'Espagne. 72. Mémoires sur les Comités de
salut public, de sûreté générale et sur les prisons, P. P. DE LESCURE. Académie
des Inscriptions.

71. Rey

68. – 1. Ausgewaehlte Schriften des Lucians. Erklaert von Julius SOMMER-
BRODT. Berlin, Weidmann (Sammlung griechischer und lateinischer Schriftsteller
mit deutschen Anmerkungen hrsg. von M. Haupt u. H. Sauppe), 3 vol. in-8° de
XLII-116, X-149 et x-266 pages. I. Ueber Lucians Leben und Schriften. Lucians
Traum. Charon. Timon. 2. Aufl. 1872; – II. Nigrinus. Der Hahn. Icaromenippus.
2. Aufl. 1869; – III. Wie man Geschichte schreiben soll. Die Rednerschule. Der
Fischer. Der ungebildete Büchernarr. Ueber die Pantomimik. 2. Aufl. 1878.
– 2. Un épisode de la vie de Lucien. Le Nigrinus, par Maurice Croiset,
professeur à la Faculté des Lettres de Montpellier. (Extrait des Mémoires de l'Aca-
démie des Sciences et des Lettres de Montpellier.) Montpellier, Boehm et fils.
1878, in-4° de 27 pages.

1. Le principal mérite de toute édition réside dans la constitution du texte. Voyons d'abord comment M. Sommerbrodt a établi le texte de ses Ecrits choisis de Lucien.

Nous avons ouvert, comme il était naturel, le dernier paru des trois volumes ; le hasard nous a fait tomber sur le Bibliomane sans instruction (Προς απαίδευτον και πολλά βιβλία ωνούμενον). Outre les manuscrits utilisés par les précédents éditeurs, M. S. s'est servi, pour cet écrit, des Marciani 434 et 436 qu'il est allé collationner lui-même à Venise, ainsi que du Vaticanus 87, dont il doit la collation à M. Benoît Niese. (Ces trois collations, faites sur l'édition Jacobitz de la petite collection Teubner, sont publiées intégralement à la fin du volume.) Le Vatic. 87, au moins en ce qui concerne le llpos analoeutov, nous paraît être un spécimen parfaitement caractérisé de codex interpolatus. Il peut suffire, pour s'en rendre déjà très-bien compte, de faire attention à quatre variantes qu'il présente, entre autres, dans le seul & 2, que voici tout en

tier :

"Ινα δε σου δώ αυτά εκείνα κεκρικέναι, όσα και Καλλίνος ές κάλλος ή ο αοίδιμος Αττικός συν επιμελεία τη πάση γράψαιεν άν, σοι τι όφελος, και θαυμάσιε, του κτήματος ούτε ειδότι το κάλλος αυτών ούτε χρησομένω ποτέ ουδέν μάλλον ή τυφλός αν τις απολαύσειε κάλλους παιδικών και Συ δε ανεωγμένοις μεν τοίς οφθαλμοίς δράς τα βιβλία νή Δία κατακόρως, και αναγινώσκεις ένια πάνυ επιτρέχων φθάνοντος του οφθαλμού το στόμα • ουδέπω δε τούτό μοι έκανόν, ήν μή ειδής την αρετήν και κα

Nouvelle série, VII.

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17

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κίαν εκάστου των εγγεγραμμένων και συνιής όστις μεν ο νούς σύμπασι, τίς δέ ή τάξις των ονομάτων, όσα τε προς τον ορθόν κανόνα τη συγγραφεί αποκρίβωται και όσα κίβδηλα και νόθα και παρακεκομμένα.

Ce qui s'est produit dans ce paragraphe a également lieu dans tous les autres. On a à faire à un copiste qui semble ne s'être fait aucun scrupule de remplacer — volontairement ou faute d'y faire attention - les mots de l'auteur par d'autres mots qui donnent à peu près le même sens général; les transpositions de mots reviennent surtout fréquemment sous la plume de ce copiste. Pourra-t-on s'en rapporter au témoignage d'un manuscrit de ce genre et qui fait ainsi bande à part? Peut-être, mais à une condition, c'est qu'on sera bien décidé à récuser constamment le témoignage de tous les autres manuscrits, lorsqu'il y aura divergence entre leur leçon commune et celle du manuscrit préféré : ce qui reviendrait à considérer tous ces groupes de manuscrits comme dérivant d'un ancêtre commun qui serait alors le manuscrit interpolé. En pareil cas, c'est tout un ou tout autre : attachez-vous au manuscrit seul, ou suivez le groupe; il n'y a pas de milieu. Et M. S. fait de la mauvaise besogne en choisissant, des quatre variantes du paragraphe cidessus, χρησαμένω seulement, en adoptant par ci par la, dans une quinzaine de passages, la leçon du Vatic. 87, qu'il rejettera dans une vingtaine d'autres endroits. A notre sens, toute variante que présente seul le Vaticanus est a priori suspecte; et, si l'on vient à en introduire quelqu'une dans le texte, ce devra être uniquement à cause de sa valeur intrinsèque, tout comme nous accepterions une conjecture d'un philologue moderne, et nullement en vertu de l'autorité dont jouit indûment le manuscrit qui nous la procure. Si l'on demeure d'accord avec nous de ce point, il faudra reconnaître que le texte de M. S. est, de ce chef, loin d'être le meilleur possible.

M. S. a altéré encore le texte de Lucien en abusant de la conjecture. Prenons, par exemple, les deux phrases suivantes (SS 19-20) :

Ούπω και τήμερον ευρεϊν δεδύνημαι, τίνος ένεκα την σπουδήν ταύτην εσπούδακας περί την ωνήν των βιβλίων ωφελείας μέν γάρ ή χρείας των απ' αυτών ουδ' αν οιηθείη τις των καν επ' ελάχιστον σε ειδότων. - Λοιπόν ούν δή εκείνο πεπεισμένον υπό των κολάκων, ως ου μόνον καλός εί και εράσμιος, αλλά και σοφός, και ρήτωρ και ξυγγραφεύς οίος ουδ' έτερος, ωνείσθαι τα βιβλία, ως αληθεύοις τους επαίνους αυτών.

On ne voit pas qu'il soit bien a propos d'écrire : χρείας «ένεκα> της απ' αυτών (της, lecon du Vatic. 87), ni (en partant d'une variante πεπεισμένος) : εκείνο «ότι> πεπεισμένος υπό των κολάκων κτλ. ωνή τα βιβλία. Mais ajoutons, pour être juste, que plusieurs des conjectures proposées par M. S. sont plus recommandables que celles qu'on vient de citer, et que, d'autre part, il a admis dans son texte d'excellentes corrections

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Vatic. 87 (seul) : Ligne 1, κεκριμένα - 1. 3, χρησαμένω

- ,

- 1. 5, προλαμβάνοντος (au lieu de φθάνοντος) - 1. 9, αναγινωσκομένων (au lieu de εγγεγραμμένων).

dues aux critiques antérieurs, tels que Cobet, K. F. Hermann, Herwerden, Madvig, Roeper, Sauppe et autres. Exemples :

10 $ 20 : Και γάρ ουκ οίδ' όπως δάστος εί της ρινός έλκεσθαι, και πιστεύεις αυτοίς άπαντα, ός ποτε κακείνο επείσθης, ως βασιλεί τινι ώμοιώθης την όψιν καθάπερ ο ψευδαλέξανδρος και ψευδοφίλιππος εκείνος κναφείς και ο κατά τους προπά

ó τορας ημών ψευδονέρων και εί τις άλλος των υπό το ψεύδος τεταγμένων. Sommerbrodt : των υπό το ψευδο τεταγμένων.

20 $ 4: "Έχε ξυλλαβών εκείνα τα του Δημοσθένους, όσα τη χειρί τη αυτού και ρήτωρ έγραψε, και τα τού Θουκυδίδου, όσα παρά του Δημοσθένους και αυτά οκτάκις μεταγεγραμμένα ευρέθη, και Νηλέως (Μadvig : au lieu de καλώς) άπαντα εκείνα, όσα ο Σύλλας Αθήνηθεν εις Ιταλίας εξέπεμψε, κτλ.

A part les deux reproches capitaux qui viennent d'être adressés à l'édition de M. S. et qui concernent la constitution de son texte, cette publication fournirait matière à de nombreuses observations, d'un intérêt secondaire, sur lesquelles nous passerons rapidement. L'impression n'est pas du tout soignée, ce qui est fâcheux pour un livre destiné aux écoliers. M. S. a mis en tête du premier volume une vie de Lucien et une notice de ses écrits, deux résumés où l'on se renseignera fort bien; puis une dissertation intitulée : Lucien et le christianisme, dont le but est de prouver que Lucien ne s'est pas moqué de la religion chrétienne. M, S. paraît généralement très au courant de tout ce qui s'est publié sur son auteur : nous devons cependant lui signaler, chez Tournier, Exercices critiques (xo fascicule de la Bibliothèque de l'Ecole des Hautes Etudes, Paris, Vieweg, 1875), une vingtaine de conjectures sur le traité de la Manière d'écrire l'histoire, dont sa récente édition aurait pu profiter et qui lui ont échappé. Chaque écrit est précédé d'une bonne introduction, courte et substantielle; accompagné, en outre, de notes exégétiques qui ne sont pas trop fréquentes, et facilitent l'intelligence du texte dans la plupart des passages vraiment difficiles. Chaque volume est suivi de deux appendices, dont le premier donne les collations nouvelles de manuscrits 1, dans une disposition en colonnes qui ne paraît pas présenter de bien grands avantages et qui a le défaut de n'être plus applicable au-delà de cinq ou six manuscrits ; l'autre appendice indique soigneusement les endroits dans lesquels l'édition S. s'écarte du texte de Jacobitz (dans la petite collection Teubner) : ce dernier appendice permet au philologue de n'être pas induit en erreur par les leçons que l'éditeur a pu introduire à tort dans son texte. M. S. se fait l'apôtre de Lucien, qu'il voudrait voir expliquer dans les hautes classes des gymnases allemands. Le choix qu'il a fait parmi les oeuvres de Lucien n'est pas de tout point heureux, et il nous paraît qu'on peut faire lire aux élèves de seconde ou de rhétorique bien des morceaux plus intéressants et plus beaux que le llpos åttaldeutov ou que le Nigrinus. Mais M. S. a vécu trop intimement avec son auteur favori pour le juger équitablement. Si Lucien était un autre Rabelais, comme ne craint pas de l'avancer M. S., il y aurait peut-être d'excellentes raisons pour ne pas le

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mettre entre les mains des jeunes gens de seize ans. Mais, puisque Mélanchthon recommande, à ce qu'il paraît, de lire quatre auteurs grecs, savoir : Homère, Hérodote, Démosthène et Lucien, nous accorderons à M. Sommerbrodt, pour lui faire plaisir, qu'il n'y a pas après Lucien pour développer le caractère des jeunes gens et en faire des hommes : demandons-lui seulement en retour l'aveu que, s'il a beaucoup pratiqué son Lucien, il connaît moins bien son Rabelais. Cela du moins, on pourrait le pardonner à un éditeur de Lucien.

2. M. Maurice Croiset a eu soin de lire tout ce que les Allemands ont écrit avant lui sur le Nigrinus. Il aime à se ranger modestement à l'avis des « juges les plus compétents » dans la question, c'est-à-dire de MM.Jacobitz, Fritzsche ?, Sommerbrodt. En Français « né malin », il leur joue le tour de leur faire dire un peu quelquefois ce qu'ils ne voulaient peutêtre pas dire. Au risque d'être accusé de « chercher la petite bête »,

citons, page 8, note 2 : « M. Fritzsche suppose que le vieillard de l'Hermotime serait le philosophe Taurus, et que Lucien, après avoir, à vingtcinq ans, écouté SES ADJURATIONS PRESSANTES SANS Y CÉDER, aurait eu, un peu après, son entretien avec Nigrinus. » M. Fritzsche avait écrit moins ēloquemment : « Veluti XXV annos natus philosophum senem audierat, graecum scilicet idque Athenis : quem fuisse suspicor Taurum, Herodis Attici praeceptorem, philosophum Platonicum, quem etiam A. Gellius audivit Athenis. Aliquanto post Lucianus Romae visum iit Nigrinum, quocum Athenis notitiam contraxerat. » Dans le latin suivant de M. Fritzsche : « C.-F. Rankius itemque J. Bekker Nigrinum alius esse scriptoris opus inepte suspicati sunt, » il ne faut pas entendre autre chose sinon qu'il n'y avait pas lieu de douter de l'authenticité du dia

1. Nous signalerons aux éditeurs futurs de Lucien un manuscrit in-4', en papier de coton, du xilio siècle, à ce qu'il semble, qui est conservé à la bibliothèque de l'Université d'Upsal. Les feuillets sont cotés de 1 à 216. Les feuillets 1-136, 177-198 et 180 contiennent de l'Aristide, savoir : sept discours entiers et les fragments de douze autres. Les feuillets 137-176, 179, 181-fin, contiennent dix-sept écrits de Lucien, dont dix entiers, savoir : Περί διαβολής; 2. Φάλαρις α'; 3. Πατρίδος εγκώμιον, 4. Δίκη φωνηέντων; 5. Ψευδολογιστής ή Σολοικιστής; 6. Περί του ενυπνίου ή του βιότου Λουκιανού; 7. Θεών διάλογοι ιβ; 8. Νεκρικοί διάλογοι κε'; 9. Ένάλιοι διάλογοι ιδ'; το. Δημώνακτος βίος, et sept autres incomplets, savoir : Ι.

Kaτάπλους ή τύραννος; 2. Μίκυλλος (=Le Coq); 3. Προμηθεύς; 4. Ικαρομένιππος; 5. Τίμων ; 6. Προσλαλιά ή Διόνυσος; 7. Προς απαίδευτον. Αutant qu'on en peut juger par la collation du petit écrit Le songe, ou la vie de Lucien, collation que nous pensons publier prochainement dans un autre recueil, ce cod. Upsal, est assez proche parent du ms. Q de Fritzsche. Les leçons suivantes paraissent nouvelles et à considérer : Page 6, ligne 8, Fritzsche, upoolu.c úrdpyelv tñs téyons (le mot útápmely est biffé, de première main, à ce qu'il semble). - P. 7, 1. 4, OÚTWS caçñ ΤΆ πάντα ην. - L. 6, μικρού δείν γούν με (le mot γούν est bits, de premiere TA v. main, à ce qu'il semble). · P. 13, l. 2 d'en bas, 'O QATTIOS. – Il faudrait avoir collationné ce ms. sur une plus grande étendue pour pouvoir en déterminer nettement la valeur.

2. Que M. C. écrit perpétuellement, par la faute de son imprimeur, Fritsche.

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logue. Pourquoi M. C. souligne-t-il, méchamment, inepte, et ajoute-t-il : « Le jugement est dur, même en latin ? » Au demeurant, l'étude de M.C. est un beau morceau, dont nous pensons d'autant plus de bien, que l'auteur y soutient une thèse qui nous paraît parfaitement légitime. Il prouve que Lucien n'avait que vingt-cinq ans, lorsque se passa la scène qu'il retrace dans le Nigrinus et que cette scène n'est autre que celle à laquelle il est fait allusion dans l'Hermotime. On a vu dans la première des deux phrases latines ci-dessus reproduites, que M. Fritzsche était d'une opinion assez approchante. M. Croiset nous avertit loyalement que la thèse qu'il développe a été proposée comme évidente en 1834 par Wetzlar.

Ch. GRAUX.

69. – Henri Vast, Le cardinal Bessarlon (1403.1472). Etude sur la chrétienté et la Renaissance vers le milieu du xv° siècle. Paris, Hachette. 1878, xv472 p. I vol. in-8°. – Prix : 7 fr. 50.

Le Grec Bessarion, né à Trébizonde en 1403, devenu en 1439 cardinal romain et mort en 1472, s'est rendu célèbre par l'ardeur avec laquelle il a poursuivi l'union de ses compatriotes avec l'Eglise latine, par son zèle pour décider les souverains occidentaux à une croisade contre les conquérants de la Grèce, et par le grand rôle qu'il a joué dans l'histoire de la Renaissance italienne. A tous ces titres il est un des personnages les plus intéressants du xv° siècle. M. Vast le caractérise parfaitement par ces mots : « Bessarion a vécu à la limite de deux âges. C'est un Grec devenu Latin, un moine Basilien transplanté dans le Sacré-Collège, un cardinal qui protège les savants, un théologien scolastique qui rompt des lances en faveur du platonisme, un adorateur zélé de l'antiquité qui a contribué plus que personne à faire naître l'âge moderne. Il se rattache au moyen âge par l'idéal qu'il cherche à réaliser de l'union chrétienne et de la croisade; et il domine son siècle, il le pousse avec ardeur dans les voies nouvelles du progrès et de la Renaissance » (page xı). Encore peu connu en France, il méritait qu'on s'occupât de lui ; M. V. a entrepris de nous retracer son image, et il l'a fait d'une manière éminemment satisfaisante. Outre les ouvrages imprimés, il a pu consulter des livres et des discours inédits de Bessarion, conservés soit à Venise, soit à la Bibliothèque nationale "; il s'est donné la peine d'étudier les traités du cardinal, bien qu'ils manquent d'originalité et qu'ils soient consacrés presque tous à une polémique qui a perdu beaucoup de son intérêt pour nous. Aussi a-t-il produit un livre qui lui fait autant d'honneur à lui-même qu'à la nouvelle école historique française. Son travail se distingue par l'abondance et le judicieux groupement des ma

I

1. M. Vast publie quelques-unes de ces pièces dans son appendice.

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