que nous avons encore, nous eût conservé seul la vraie leçon. 3° Enfin cette correction, fût-elle possible, offrirait-elle un sens raisonnable? Laissons de côté la place étrange du mot bis, il me semble que si le bassin ciselé offert à la reine Ragnahilde avait eu per latus utrumque, bis senas striaturas, le nombre des cannelures aurait été de 24 et il n'en faut que 12. P. 427 (Ep. vi, 8 Sirm.). Sidoine dit au jeune Syagrius : « Aut si te tantum Cincinnati dictatoris vita delectat, duc ante Erciliam (Raciliam Sirm.) quæ boves jungat. » Voici la note de M. B. « Erciliam. Sic codd. omnes; quam lectionem recte Sav. secutus est. Unde Sirmund. Raciliam admiserit, nescio, nisi forsan in mente Livium habuerit, lib. III. » Il est faux de dire que tous les mss. autorisent duc ante Erciliam; pour moi, je n'en connais aucun. La plupart ont ducant Erciliam ou herciliam, comme le Par. 2170. C'en était assez pour que Sirmond pensât à rétablir duc ante Raciliam, et se justifiât en ces termes : « Ita restitui veteris libri vestigia secutus, in quo legebatur ducant Erciliam. Racilia enim nomen uxori L. Cincinnato apud Livium lib. III. » Or, pour nous, la correction de Sirmond est de toute évidence, et l'excellent ms. 18584 a conservé des traces encore plus convaincantes de la vraie leçon ; il porte ducanter ciliam avec une lettre grattée entre r et c. (En outre, un malheureux correcteur a pointé l'a et rétabli un u, pour faire ducunt). Si M. B. n'avait pas professé un injuste mépris pour le vénérable ms. d'Antoine Loysel, peut-être aurait-il été convaincu. En tout cas, il n'eût pas déclaré à ses lecteurs ignorer d'où Sirmond avait tiré Raciliam. Enfin, comment oser dire que peut-être Sirmond avait dans l'esprit Tite Live, liv. III, quand ce savant nous le dit en propres termes. P. 430 (Ep. viii, 11, Sirm.). Alcæo potior lyristes ipso. M. B. note simplement : « 2783, 3477, 18584, melior, » ce qui ferait croire que tous les autres mss. ont potior. Or, les mss. 2781, 2170, celui de Clermont et d'autres, ont melior, leçon qui paraît seule autorisée et que Savaron avait adoptée. P.475 (Ep. ix, 16). Schema si chartis phalerasque jungam. — M. B. « Sav. et Sirm. Schema sic artis, quod vix intelligas. » Sirmond avait déjà rétabli si chartis dans son édition de 1614. Les notes que M. B. met au bas des Poésies sont trop peu nombreuses pour laisser beaucoup de prise à la critique. La plupart sont tirées des éditions de Savaron et de Sirmond 2. Les variantes de mss. sont de plus en plus rares, c'est d'autant plus regrettable que le texte des poé ܐܐܐ né 1. Notons encore que M. B. renvoie au livre III, sans préciser, comme il aurait dů : III, 26,9. Souvent les renvois sont ainsi indiqués, d'après Savaron ou Sirmond, sans aucune addition. 2. M. B. indique ordinairement l'auteur des notes qu'il transcrit. Cependant, p. 595, il oublie de dire que la note sur Genséric est de Sirmond. sies, reposant sur un petit nombre de mss., contient plus de passages altérés. Ainsi, Carm., IV [vii, Sirm.), 31, une note aurait été instructive. La plupart des mss. ont cibele ou cibeles (faute facile à expliquer, puisque le vers suivant commence par une s); les éditions, y compris celle de M. B., ont Cybele, avec une faute de quantité, mais le ms. 2781 porte cybebes, c'est-à-dire Cybebe, la leçon authentique. Cependant il faut savoir gré à M. B. d'avoir reconnu (p. 501) que le passage, Carm., IV (VII, Sirm.), 238, est corrompu : « Cui flesse perisse est. Impedita oratio, quam valde non illustrat librorum varietas ». En résumé, si M. B. s'était borné à donner une réimpression de Sirmond, accompagnée, s'il voulait, de son Introduction sur Sidoine, il aurait rendu un service important. Mais du moment qu'il a prétendu publier une édition critique, revue sur les mss., j'ai dû examiner sa publication comme telle et démontrer que le but n'était pas atteint. Les manuscrits réservent leurs secrets et leurs faveurs à ceux qui leur font les plus grands sacrifices, et les fréquentent avec un amour exclusif et un respect profond ; mais à ceux qui leur font des visites passagères et les interrogent d'un regard distrait, ils cachent leurs trésors inépuisables et réservent de graves déceptions ! Emile CHATELAIN. 66. – Ant. Rezek. Geschichte der Regierung Ferdinands I in Bæh. men. I: Ferdinands I Wahl und Regierungsantritt, in-8° 174 pp. Prague, Otto, 1878. – Prix : 4 mark (5 francs). Zvoloni a Kornnovani Ferdinanda I, in-8° 128 pp. ib. ib. Palacky n'a poussé son histoire de Bohême que jusqu'à la bataille de Mohacz. Un jeune historien de Prague, M. Rezek, semble vouloir continuer l'oeuvre interrompue. Comme Palacky, M. R. écrit tour à tour dans les deux langues du royaume ; son travail a d'abord paru dans la Revue tchèque du Musée de Prague. Il en a publié ensuite un tirage à part. L'édition allemande remaniée et complétée en plusieurs endroits doit être considérée comme définitive. Une courte introduction met le lecteur au courant des documents imprimés ou inédits que l'auteur a eus à sa disposition. Après avoir rappelé brièvement la situation de la Bohême 1. L'impression du volume est superbe, et les fautes typographiques y sont assez rares. Cependant M. B. termine les poésies (p. 620) par ce vers : « His in versibus anchoram levabo, » alors que les mss. et les éditions portent correctement levato. Je ne vois là qu'une faute d'impression, qui se trouve déjà dans le texte mis en face de la traduction Grégoire et Collombet. – En outre, à l'Errata M. B. a oublié de restituer le titre à la lettre de la p. 325 : « Sidonius Thaumasto suo S. » Il faudrait encore lire plerisque au lieu de plurisque (p. 594, note 1); et (p. 600, n. 2) : Milesiusque Thales au lieu de Milesiusque Thale, ainsi que éyapúry au lieu de syyúry. La dernière ligne de la note de Savaron a le tort d'être imprimée comme un vers. en 1526, M. R. entre immédiatement en matière; il expose successive- C'est de l'avénement de la maison d'Autriche aux trônes de Bohême et L. LEGER. 67. Lettres intimes de Mademoiselle de Condé à M. de la Gervai. Tout est à louer dans la nouvelle édition des Lettres intimes de mademoiselle de Condé, et cet éloge sans restrictions n'étonnera aucun de ceux qui connaissent les précédents travaux de M. P. Viollet et qui savent quel soin infini cet érudit apporte à toutes choses. On a souvent abusé des mots édition définitive. Je ne crois pas que, cette fois, la formule ait rien d'exagéré, car je cherche vainement l'amélioration qui pourrait être introduite dans le volume que j'ai sous les yeux. Parfait quant au texte, le recueil est complet quant aux accessoires. Indiquons tout ce que l'on y trouve : un beau portrait de la princesse Louise de Condé (sceur Marie Joseph de la Miséricorde); la préface de la première édition (p. V-1x), écrite par M. Ballanche « avec une rare élévation de pensée et de style, » comme s'exprime l'éditeur; une lettre (p. X-XIII) de la comtesse d'Hautefeuille adressée au marquis de la Gervaisais, lettre à laquelle Ballanche ne craint pas d'attribuer « la perfection; » l'Introduction de M. V., qui est très-étendue, sans l'être trop (p. XV-xcix) et qui fait aussi bien connaître M"le de Condé que son ami Louis de La Gervaisais; le portrait du marquis, reproduction d'une miniature communiquée par un de ses petits-fils; les lettres intimes écrites $ en 1786 et 1787 (p. 1-251); les notes bibliographiques et littéraires (p. 253-259); enfin le fac simile d'une des lettres intimes. Je n'ai pas à vanter ici ces lettres que Mme d'Hautefeuille trouvait délicieuses et dont elle disait que c'était un trésor. Le succès des deux premières éditions (1834 et 1838) est un sûr garant du succès de la troisième, qui leur est si supérieure 1. Mlle de Condé a beaucoup d'esprit, et son esprit, comme elle le fait observer (p. 3) à celui qu'elle aimait tant, est toujours guidé par son coeur. De là des pages qui, dans notre littérature épistolaire féminine, se font remarquer par une grâce attendrie qui est des plus attachantes. Quelques passages, où la vivacité de l'affection se mêle à la vivacité de la souffrance, rappellent le sourire mouillé de pleurs du poète. Tout est délicat, tout est exquis dans ces confidences d'une future sainte, et M. V. n'a rien dit de trop en appelant cette correspondance (p. xxxvII) un « chant d'amour si chaste et si pur. » Je dois appeler l'attention sur une curieuse révélation de l'éditeur (p. 256-258) : Mme de Duras, qui était parente éloignée de M. de La Gervaisais, s'inspira de la touchante histoire de Mlle de Condé pour com. poser le roman d'Edouard (1825, 2 vol. in-12). M. Viollet montre, par de fines observations, qu'il est impossible de ne pas reconnaître Louise de Bourbon et La Gervaisais dans les personnages du chef-d'æuvre de Mme de Duras, et il rappelle que Sainte-Beuve, comme aucun autre de nos critiques, n'a connu l'origine du roman d'Edouard ?. T, de L. 1. Ballanche n'avait pas toujours bien lu l'écriture de la princesse; M. V. a corrigé ces fautes de détail à l'aide de la seconde édition, donnée par M. de la Gervaisais lui-même, qui, de son côté, a supprimé quelques passages de l'édition précédente. Ainsi la troisième édition, pour ne parler que du texte, est plus correcte que la première, et plus complète que la seconde. Les noms propres, dans les éditions de Didot et de Duprat, ne sont indiqués que par des initiales; M. V. a suppléé, autant qu'il a pu, ces divers noms propres. 2. Comme rien n'est plus fade qu’un article où l'éloge est continu, et pour trouver à tout prix l'occasion de mettre en celui-ci un petit grain de sel, je veux reprocher à M. V. d'avoir dit en tête de son Introduction (p. xv): « Dans un quartier de Paris religieux, reposé et tranquille. » Reposé est, en ce cas, ou une négligence ou une hardiesse, et je demande, au risque de passer pour un intraitable puriste, que, dans la 4e édition, le mot soit supprimé. Je le demande d'autant plus instamment, que c'est la seule note dissonante dans tout le morceau, et que, non loin de là, on trouve (p. xvii) un passage aussi heureusement écrit que celui-ci : « C'est une gracieuse figure, celle de Mademoiselle de Condé, la dernière femme de cette noble race. La bonté et la force, la simplicité et l'enjouement y sont mêlés avec harmonie : une négligence adorable et sincère qui n'a rien de cherché ne nuit pas à la dignité de la princesse. Le charme extérieur des traits laisse deviner une âme profonde. L'artiste a-t-il su rendre partaitement ce genre de beauté? Cela est impossible, nous assure celui des contemporains qui a le mieux pénétré la douce transparence de ce clair regard. ) . Le soussigné se permet d'avertir le public de la Revue critique que plusieurs remarques faites par M. Graux dans son bienveillant article sur la Commentatio de Xenophontis Anabaseos codice Parisino C, i, e. Par. 1640 (dans le numéro 51 de l'année 1878) lui ont imposé la nécessité de publier sur ce sujet quelques pages nouvelles concernant surtout les lectures que M. Graux n'a pas réussi à voir dans le manuscrit et à côté desquelles il a recommandé aux « lecteurs très-prudents de Xénophon » de mettre un point d'interrogation. Cet exposé paraîtra dans les Jahrbuecher fur Philologie de M. Fleckeisen. Il prie les lecteurs de la Revue critique de suspendre leur jugement jusqu'à publication de ces notes. Arnold HUG ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES Séance du 8 avril 1879 1. Le Ministre de l'instruction publique adresse à l'Académie l'ampliation d'un décret du président de la République, par lequel l'Institut est autorisé à accepter la à donation, faite à ce corps par Mme Jean Reynaud, d'une rente de 10,000 francs destinée à la fondation d'un prix annuel d'égale somme, qui sera décerné à tour de rôle par chacune des cinq académies. M. Schefer lit une note sur les troubles suscités dans la Transoxiane, au second siècle de l'hégire, par un aventurier qui réussit à se faire passer pour prophète. Les renseignements que M. Schefer a mis en æuvre lui ont été fournis par un ouvrage arabe sur l'histoire de la ville de Boukhara et de ses dépendances, qui a pour auteur un certain Abou Bekr Mohammed. M. van den Bergh, directeur des archives du royaume des Pays-Bas, écrit à l'Académie pour demander communication du texte de l'inscription étrusque de Corneto Tarquinia, envoyée récemment par M. Geffroy. M. Bréal se charge de procurer à M. van den Bergh un calque de cette inscription. M. Derenbourg présente quelques observations sur le nom de Salamsion, qui se rencontre dans une inscription hébraïque signalée à la dernière séance par M. Clermont-Ganneau. M. Clermont-Ganneau avait vu dans ce nom un composé du radical qui signifie paix et du nom de la montagne sainte de Sion. M. Derenbourg repousse cette explication. Le même nom se rencontre plusieurs fois dans le Talmud, avec la finale corrompue de diverses façons : ces corruptions supposent qu'on ne reconnaissait pas dans la finale le nom de la montagne sainte, car on aurait certainement reproduit ce nom sacré exactement. M. Derenbourg suppose que le nom de Salamsion n'est autre que celui de la Sulamite du Cantique des cantiques, Soulamith, transcrit en grec et allongé de la finale ion, puis transcrit en hébreu, où le 0, ayant pris appa زی . 1. Tenue le mercredi au lieu du vendredi, à cause du vendredi saint. |