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là même les risques que courait la France et les actes qu'on attendait d'elle. Il semble qu'il n'en fut même pas question. Bernis ne savait pas que les cours de Vienne et de Pétersbourg pensaient déjà, au printemps de 1756, à prendre l'offensive contre la Prusse et qu'elles n'avaient remis leur attaque à l'année suivante que parce que la France hésitait encore à accepter les propositions de l'Autriche dans toute leur étendue, et particulièrement à garantir les subsides exigés. Il en fait lui-même l'aveu (I, 289): « Nous ignorions au mois d'août 1756 quel parti prendraient la Russie, la Suède, le Danemark, l'Empire Germanique, la Hollande, la Porte et le roi de Sardaigne » (cp. I, 245). Ainsi, il se berçait d'espérances de paix, pendant que la cour de Vienne, déterminée à l'attaque, n'attendait que le moment favorable d'« écraser le roi de Prusse » avec l'aide des armes russes et de l'argent français. A la vérité, ces faits que nous attestent les archives autrichiennes et russes ne semblent pas exister pour l'éditeur des Mémoires.

Les lapsus et les fautes d'impression sont très-nombreux. M. M. cite lui-même (I, LXXX) une « erreur inexplicable », mais, dans l'explication qu'il donne, il place la bataille de Kolin le 19 juin, au lieu du 18.Je relève rapidement quelques autres erreurs. I, 376. Wesel fut

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évacué la Prusse le 24 mars 1757. — I, LXXXVI. La bataille de Haspar tenbeck fut livrée le 26 juillet. - II, 20. Celle de Gross-Jägerndorff, le 30 août. I, 393. Celle de Breslau le 22 novembre. II, p. 45, ligne 22, il faut lire la prise et non la paix de Breslau.- I, cxI. Soubise fut vainqueur à Lutternberg le 10 octobre 1758 et promu maréchal le 19; mais Broglie n'était pas présent au combat, ce qui est dit, I, 113, note. Il vainquit à Sandershausen (1758) et fut défait à Vellinghausen. Soubise fut battu à Wilhelmsthal, 1762 (I, 196, note). I, 218, note 3. Ferdinand VI était roi depuis 1746; note 2. M. Keene, le ministre d'Angleterre à Madrid, mourut le 15 décembre 1757. I, 242, 259. Le traité de Westminster du 16 janvier 1756, fut ratifié le 13 février. — II, 417. Il n'y a pas de traité prusso-anglais de Breslau du 25 janvier 1758. I, 320, lire le 5 janvier. - II, 10, ligne 9, lire la Saxe; mais il semble y manquer encore quelques mots. Je renonce à corriger l'orthographe des noms; je me contente de remarquer que le colonel Tadensie, commandant à Leipzig (II, 387), n'est autre que Tauenzien. Ailleurs (I, 232), M. M. place, le 7 septembre 1755 (au lieu du 9), la réponse de Louis XV aux propositions autrichiennes, communiquée par Bernis. II, 27, note. Le prince héréditaire Charles de Brunswick, que le duc Ferdinand retenait à l'armée, est confondu avec le duc Auguste Guillaume de Brunswick-Bevern, fait prisonnier près de Breslau. II, 380. La princesse Caroline-Amélie d'Anhalt-Zerbst était la bellesœur, non du roi, mais du prince Henri de Prusse.-II, 161, note. M. M. a confondu deux personnes : Robert Keith, né en 1697, fut ambassadeur à Vienne de 1748 à 1757, à Pétersbourg de 1758 à 1762 et mourut à Edimbourg, le 21 septembre 1774. Son fils, sir Robert Murray Keith,

né en 1730, fut ambassadeur à Dresde en 1769, à Copenhague en 1771, à Vienne de 1772 à 1792, et mourut en 1795.- I, 381, note. M. M. dit: « Le comte de Broglie avait même résidé à Vienne pendant plusieurs mois en 1756-1757. M. le duc de Broglie n'a point parlé de ce séjour à Vienne dans sa publication sur la diplomatie secrète. » Mais dans l'article auquel se reporte M. M. (Revue des Deux-Mondes, 1870, T. LXXXVIII, p. 268-274), le duc de Broglie parle avec de nombreux détails du séjour que le comte fit à Vienne en 1757, de mai au 1er juin. (Voir aussi le Secret du roi, 1878, I, 244-254.) 1

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M. M. néglige ce qni est près de lui; on ne s'étonnera pas qu'il n'ait aucune connaissance des publications d'autres archives, qu'il n'ait guère fait qu'une étude superficielle de l'Histoire de Marie-Thérèse de M. d'Arneth. Qu'on lise, par exemple, ce qu'il dit des négociations qui amenèrent la disgrâce de Bernis. (Introduction, I, p. xcvi, et appendice x1; II, p. 413). Il explique fort bien et mieux qu'on ne l'avait fait jusqu'ici les causes de l'irritation de Mme de Pompadour contre Bernis et de la scission qui se produit entre le duc de Choiseul et le ministre. Il blâme fortement Choiseul; il ne voit dans sa conduite qu'intrigue et perfidie. Mais les reproches qu'il adresse au duc sont excessifs. Choiseul n'a jamais caché qu'il désapprouvait le traité d'alliance conclu avec l'Autriche, parce qu'il imposait à la France d'énormes sacrifices, sans lui donner de sérieux avantages. Il fut toujours convaincu, comme il le dit dans le mémoire qu'il remit au roi à la fin de 1765, « Qu'au moment où on lui faisait signer un traité si onéreux pour la France et si utile pour la cour de Vienne, il aurait fait stipuler que V. M. entrerait en possession des Pays-Bas » (Filon, p. 30). Il ne croyait pas que ce fût pour la France un avantage suffisant d'obtenir de l'Autriche la cession éventuelle des Pays-Bas au gendre de Louis XV, l'infant don Philippe de Parme, et à ses héritiers, avec le droit de reversion à la maison de Hapsbourg (art. xix du traité secret du 1er mai 1757). M. M. n'a fait que glisser sur ce fait (I, LXVI « La Belgique française ou francisée, et il continue ainsi : « ainsi ce roi aurait donné à son peuple la Lorraine et la Belgique; ailleurs, II, 413, la France, augmentée des Pays-Bas, n'aurait eu qu'à se louer d'une alliance qui lui aurait rendu un terri

1. I, XCIII, II, 122, il n'y a rien d'obscur dans l'aventure de M. Barbut de Maussac. Cet agent du comte de Wied avait été reçu secrètement par le maréchal de Belle-Isle et revint le 22 août 1757 à Neuwied avec ses instructions. Le jour suivant arrivait le colonel prussien Balby, sous le nom de von der Heyn. Pourtant, le rapport détaillé, écrit par Barbut, ne parvint pas aux mains du roi de Prusse; il fut intercepté sur le territoire saxon par des hussards autrichiens. A cette nouvelle le comte de Wied envoya une seconde fois M. Barbut à Paris; mais en même temps qu'arrivait ce dernier, la cour de Vienne avait déjà énoncé ses griefs. Barbut fut conduit à la Bastille le 24 septembre 1757 et n'en sortit que le 7 octobre 1758. Balby n'alla pas à Paris, mais se rendit à la fin d'octobre 1757, sous son déguisement, auprès du maréchal de Richelieu, qui le reçut à Halberstadt et, au grand regret de Bernis, lui laissa la liberté (II, 136, Versailles, 8 novembre 1757).

toire qu'elle regardait à bon droit comme nécessaire à sa défense. ») Bernis au contraire, dans sa dernière instruction du 9 octobre, repousse avec énergie l'idée exprimée par Choiseul de demander à la cour de Vienne la cession actuelle des Pays-Bas; le passage a été publié par M. Filon (p. 148), oublié par M. M. (II, 470). Les efforts de Bernis pour décider Marie-Thérèse à faire la paix, étaient inutiles: Choiseul s'en était convaincu durant son séjour à Vienne, et les rapports qu'il envoyait dans ce sens étaient conformes à la vérité. Aussi n'avait-il d'autre but, et il était en cela d'accord avec Bernis, que d'annuler le traité secret et de diminuer les secours pécuniaires que la France devait prêter à l'Autriche. Ce but, il l'atteignit dans les nouveaux traités qui portent la date du 30 et du 31 décembre 1758; mais, étant donné les circonstances, il ne croyait pas devoir rompre l'alliance autrichienne. M. M. n'a point parlé des négociations secrètes que Bernis cherchait à nouer avec le roi de Prusse par l'entremise du margrave de Bayreuth. Il est possible qu'il ne les connaisse pas, mais il est étonnant que dans la dépêche de Bernis, que je viens de citer (II, 471), il ait laissé de côté les passages relatifs au roi de Prusse, qui manquent aussi dans le livre de M. Filon. « Tant qu'on demandera des sacrifices au roi de Prusse, la paix sera impossible... Ce prince restituerait la Saxe. Il n'accorderait point à la vérité de dédommagement, parce qu'il en aurait beaucoup à répéter sur les Français, les Russes et les Suédois... Quand on voudra sérieusement faire la paix, on dira quatre mots essentiels au roi de Prusse, et il fera la paix et sa paix particulière entraînera celle de l'Angleterre. »

Mais voici une lacune plus importante encore. La disgrâce de Bernis eut lieu, comme on le sait, deux mois après qu'il eut quitté le ministère des Affaires étrangères : on voulait auparavant qu'il eût obtenu du parlement l'enregistrement de nouveaux subsides. Le 11 décembre, Bernis s'était entendu avec le parlement; le 12, l'édit du roi était enregistré ; le 13, Louis XV exilait le cardinal. Je ne nie pas que cette négociation ait eu une certaine influence sur le sort du cardinal. Mais le roi avait décidé la disgrâce de Bernis du moment où le gouvernement anglais avait orgueilleusement repoussé les propositions de paix. Au mois de septembre Bernis avait, par l'entremise du Danemark, offert la paix à l'Angleterre, et le ministère anglais avait répondu que S. M. Britannique n'était point éloignée d'écouter des propositions justes et équitables; mais que ses engagements ne lui permettaient point de donner les mains à aucun accord ou négociation particulière. Cette réponse, qui fut envoyée de Copenhague le 29 novembre au cabinet de Versailles, irrita Choiseul au plus haut point, et il écrivait au ministre danois Bernstorff: « J'ai été terriblement

(1) II, 469, ligne 16, après dispenser de la continuation de la guerre, manquent les mots essentiels : « dès qu'il ne la pourrait continuer sans risquer la perte de ses propres Etats. »

choqué de la réponse d'Angleterre; elle est insolente en soi, elle est très-désagréable pour le roi ». (Corresp. entre le comte J. H. E. de Bernstorff et le duc de Choiseul, Copenhague. 1871, p. 6.) Le 13 décembre Choiseul envoyait à l'ambassadeur de France à Copenhague une lettre sur le sentiment de la cour de France sur la réponse du ministère britannique. Cette déclaration commençait par ces mots : « que le Roi a vu avec une extrême surprise que la question faite par M. de Bothmar ait été regardée comme une proposition faite par la France; que le roi désavoue absolument cette interprétation et déclare n'avoir fait aucune proposition et n'avoir jamais eu l'intention qu'il en fût faite en son nom. » A la même heure, Louis XV envoyait la lettre de cachet qui réléguait Bernis dans son abbaye 1.

La sympathie de M. M. pour le cardinal de Bernis l'a conduit à juger le duc de Choiseuil plus durement qu'il le convient. Il est encore plus sévère, plus porté à l'invective contre Frédéric II (voir surtout l'introduction, p. LXVI-LXIX). Je n'ai pas l'intention de réfuter une à une toutes les erreurs qu'il énonce pour déclarer finalement le roi de Prusse l'ennemi public. Il n'est pas difficile de porter aujourd'hui à ce sujet un jugement fondé sur les documents et les événements mêmes. Je ne parle pas de la résolution de la tsarine Elisabeth, qui avait juré d'anéantir Frédéric II, de ses négociations et de ses traités avec l'Angleterre; je dirai seulement que Frédéric n'a jamais reçu un liard de la France et que l'Angleterre ne lui envoya des subsides qu'en vertu du traité du 15 avril 1758, après qu'eurent échoué toutes ses tentatives pour obtenir une escadre qui protègerait les côtes de son royaume sur la mer Baltique. Du reste, pourquoi M. M. a-t-il imprimé (I, 475-461) les traités et commentaires du 1er mai 1756 sans les cinq articles signés séparément entre la France et l'Autriche à la suite du traité d'union de Versailles, articles qui sont pourtant connus, depuis 1802, par la Table des traités de Koch (II, p. 11)? Il est vrai que ces articles ne répondent guère au caractère pacifique, purement défensif que M. M. leur attribue, L'article III porte expressément que les deux puissances (la France et l'Autriche) se proposent de s'entendre et de s'arranger sur tous les cas qui n'auraient pas été suffisamment prévus dans le dernier traité d'Aixla-Chapelle, ainsi que sur les différends territoriaux. Enfin, M. M. ne sait-il donc pas que les traités du 1er mai 1756 n'étaient destinés qu'à former la base de l'alliance franco-autrichienne, et à laisser le temps de rédiger à loisir les traités plus complexes et plus laborieux qui devaient changer le système et la face de l'Europe (I, 287) en dépouillant le roi de Prusse? Certes, Bernis n'a pas donné à M. M. l'exemple de l'animosité que ce dernier témoigne contre Frédéric. Bernis ne parle du roi de Prusse qu'avec estime et admiration. Il est vrai qu'il dit une fois (Mé

1. Cette lettre est un remarquable document publié pour la première fois par M. F. Masson (I, cxvi; II, 346).

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moires, I, 243): « Ce prince a allumé la guerre par le seul motif que la cour de Vienne pouvait la lui déclarer, et qu'il valait mieux prévenir ses ennemis que d'en être prévenu. » Mais il reconnaît (p. 289) que quelques mois auparavant il avait déclaré dans le conseil que la connaissance du traité de Versailles déterminerait le roi de Prusse à attaquer la Saxe et la Bohême. Il dit même (p. 292) que la cour de Vienne précipita à dessein la rupture avec la Prusse afin d'entraîner plus tôt la France : « On peut reprocher, écrit-il (p. 295), au roi de Prusse l'invasion, mais non l'occupation de la Saxe, car par là il s'était procuré des avantages et des ressources militaires sans lesquels il aurait succombé infailliblement.» Il ajoute que « politiquemeut, il a dû forcer les cabinets de Dresde pour chercher dans la chancellerie de cette cour des connaissances et des motifs propres à justifier son invasion ». Quant aux mauvais traitements que subit la reine de Pologne, Bernis dit que « nulle raison ne peut excuser Frédéric des traitements qu'il fit essuyer à la reine de Pologne »>. (I, 294 1). Mais il y a loin de là aux exagérations de M. M. qui transforme ainsi ce passage (I, LXVIII): « L'électrice reine de Pologne est outragée et violentée, elle en mourut. » C'est la douleur qu'éprouva la reine de Pologne, à la nouvelle de Rosbach, qui abrégea sa vie.

Bernis a d'ailleurs résumé fort dignement son jugement sur Frédéric le Grand (II, p. 16), mais en supposant au roi des plans trop vastes et trop grandioses. Personne ne sera surpris qu'il admire le « grand homme >> dans ses opérations militaires (I, 376, après la bataille de Kolin), Mais Frédéric II, lui aussi, s'est montré envers Bernis exempt de haine et de rancune; il a jugé fort impartialement le ministre, qui avait le plus con. tribué à soulevé contre l'Etat prussien une guerre formidable; dans une lettre intime à Lord Maréchal (18 janvier 1759) et dans son Histoire de la guerre de Sept Ans, il a parlé du cardinal avec si peu de malveillance et une telle justesse que M. M. lui-même reconnaît (II, 481) qu'il faut aller à Frédéric 11, pour trouver une libre parole à l'égard de Bernis. Qu'on lise, par exemple, la dépêche adressée le 1er septembre 1756 au baron de Knyphausen: « Bien que l'abbé Bernis soit un galant homme qui a de l'esprit, la conversation agréable et des talents, je doute cependant qu'il ait la tête assez forte pour suffire à un département si important que celui des affaires étrangères, surtout dans un temps aussi épineux que celui-ci. »

Résumons ce que nous avons exposé. Les mémoires et les documents que M. Masson a publiés sont très-importants pour la connaissance de la cour de Louis XV et de la politique de son époque. Mais il serait à souhaiter que l'éditeur eût mis dans cette publication un peu plus de cette exactitude consciencieuse, qui distingue aujourd'hui les travaux de

1. Voir à ce sujet l'ouvrage du comte de Witzthum, Die Geheimnisse des sæchsischen Cabinets, II, 33-41.

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