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Sommaire : 54. LENTHÉRIC, La Grèce et l'Orient en Provence. 55. DE GROUCHY et TRAVERS, Étude sur Nicolas de Grouchy et son fils Timothée de Grouchy. 56. TAMIZEY DE LARROQUE, De la correspondance inédite de Montfaucon. 57. Mémoires et lettres du cardinal de Bernis, p. p. Masson. Lettre de M. Fustel de Coulanges et réponse de M. Monod. criptions.

Correspondance : Académie des Ins

54.

La Grèce et l'Orient en Provence, par Ch. LENTHÉRIC. Paris, Plon, 1878, in-8° de 407 p. avec 7 cartes et plans.

L'ouvrage de M. Lenthéric répond mal au titre qu'il porte. Sans doute il y est question de l'influence des Grecs et des Phéniciens sur les villes et les peuples de la Provence; mais il y est encore plus question des Romains. A vrai dire, ce livre est une étude archéologique sur le bas Rhône, Arles et Marseille. Il fait suite à celui que M. L. a déjà publié sur les villes mortes du golfe de Lion et où il a décrit le littoral méditerranéen depuis les Pyrénées jusqu'à la Camargue.

L'auteur passe successivement en revue les modifications survenues dans la configuration physique de la Provence occidentale, la topographie ancienne de la ville d'Arles, sa mer et ses îles, ses moyens de communication avec les voisins, ses monuments et ses antiquités, ses vieux cimetières, enfin les races qui la peuplèrent. Il est plus bref pour Marseille, faute de documents aussi abondants; il ne consacre à cette ville que deux chapitres, tandis qu'il en réserve sept pour Arles. Il examine quel était jadis l'état du sol de Marseille, et il note les changements que le temps et les hommes y ont opérés; il montre l'importance commerciale que cette cité a toujours eue; il en fait l'histoire sous les Phéniciens, les Grecs et les Romains; il établit qu'elle n'a jamais cessé d'avoir le caractère d'une cité grecque; enfin il termine par quelques pages sur l'introduction du christianisme en Provence.

Les meilleures parties de cet ouvrage sont celles qui traitent des questions de géographie physique et économique; les études personnelles de l'auteur et ses travaux habituels l'ont préparé à en parler avec compétence. A cet égard, je signalerai tout ce qu'il dit sur la Camargue, sur l'extension progressive du delta du Rhône, sur les digues du fleuve, sur les fossæ mariana, le canal d'Arles à Bouc, le canal Saint-Louis, l'étang de Nouvelle série, VII.

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Berre, les ports modernes de Marseille. Partout ailleurs, on voit que M. Lenthéric marche sur un terrain qui ne lui est pas aussi familier; son érudition, très-réelle assurément, est de seconde main; il répète le plus souvent ce que d'autres ont écrit avant lui; et il ne choisit pas toujours bien ses autorités. Malgré ces défauts, son livre se lit avec intérêt et avec fruit; il apprendra peu de chose aux savants, mais il pourra être fort utile aux gens du monde.

55. — Étude sur Nicolas de Grouchy (Nicolaus Gruchius Rothomagensis) et son fils Timothée de Grouchy, sieur de la Rivière, par le vicomte de GROUCHY, Secrétaire d'ambassade et Émile TRAVERS, ancien conseiller de préfecture, archiviste-paléographe. Paris, Champion; Caen, F. Le BlancHardel, 1878, petit in-8° de vi-230 p. (tiré à 300 exemplaires).

Les biographes de Nicolas et de Timothée de Grouchy font, en quelques mots rapides et heureux, connaître ainsi tout d'abord (Au lecteur, p. vi) leurs deux héros : « Nous n'avons d'autre prétention que de raconter la vie et de donner une idée des œuvres d'un gentilhomme normand, qui, renonçant aux traditions de sa race, abandonna l'épée pour la plume, et les luttes meurtrières pour les combats oratoires. --Nicolas de Grouchy, philosophe et humaniste, se fit, à Paris, à Bordeaux et à Coïmbre, l'instituteur zélé d'une jeunesse studieuse, écrivit des livres remplis d'une érudition profonde, et fut l'ami des savants les plus distingués de son époque. Ses traductions d'Aristote sont oubliées aujourd'hui; mais son traité, De comitiis Romanorum, sera toujours consulté avec fruit, et sa version de l'Histoire de l'Inde, de Fernand Lopez de Castanheda, eut, lors de sa publication, une influence considérable sur le développement des connaissances géographiques en Europe. Toute consacrée à un labeur assidu et désintéressé, sa vie fut celle d'un homme utile, et lui mérite une place des plus honorables parmi les illustrations de la province de Normandie. Son fils, controversiste religieux, plein de fougue et de savoir, est un écrivain original que, jusqu'ici, les biographes ont eu le tort d'oublier. >>

Après nous avoir si bien présenté le professeur de Michel de Montaigne et le polémiste catholique, MM. le vicomte de Grouchy et E. Travers nous entretiennent (p. 2-4) des vastes recherches auxquelles ils ont dû se livrer pour reconstituer la biographie de Nicolas et de son fils. Aidés par divers érudits dont ils citent le nom avec reconnaissance, ils n'ont pas seulement fouillé les dépôts publics de Paris et de la province : l'un d'eux, profitant de ses séjours diplomatiques en Portugal, en Suisse, en Russie, en Suède et en Italie, a consulté avec un zèle filial, dans l'espoir d'y trouver des documents relatifs à son savant aïeul, les archives de Lis

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bonne et de Coïmbre, les bibliothèques de Berne, de Saint-Pétersbourg, d'Upsal et de Rome. A tant de sources d'information il faut joindre encore les vieux papiers de la famille de Grouchy. On devine facilement, après cela, tout ce que les deux collaborateurs ont mis dans leur livre de renseignements abondants, exacts et nouveaux. Ajoutons que la recherche de l'inconnu n'a pas fait négliger à MM. de G. et T. l'étude des ouvrages anciens et nouveaux qui sont à la disposition de tous : pas un de ces ouvrages, pour ainsi dire, n'a été omis par les consciencieux biographes, et ils ont interrogé tout aussi bien La Croix du Maine, Scévole de Sainte-Marthe, le président de Thou, etc., que l'Histoire de Sainte-Barbe de M. J. Quicherat (1860-1864) et l'Histoire du collège de Guyenne de M. E. Gaullieur (1874) o.

A des détails très-précis sur la famille de Grouchy (p. 4-9) succède le récit clair et animé de la vie de Nicolas. C'était le second des enfants de Jean de Grouchy et d'Isabeau de Morant. Il naquit vers 1509, près de Dieppe, selon les uns, à Rouen même, selon les autres, dont l'opinion paraît plus vraisemblable. Son enfance s'écoula dans la capitale de la Normandie. Il compléta, au collège Sainte-Barbe, les fortes études commencées à Rouen sous la direction de son oncle, l'abbé Christophe de Grouchy. Bientôt appelé par André de Gouvéa, son condisciple de SainteBarbe, à Bordeaux, il y passa treize années. Accompagnant ensuite à Coimbre Gouvéa, il enseigna avec éclat la dialectique dans le collège des Arts fondé par son ami. Vers la fin de 1549 ou le commencement de 1550, il quitta le Portugal et se rendit en Normandie où, pendant plus de vingt ans, il devait habiter une terre appartenant depuis longtemps à sa famille 3. Ce fut dans cette retraite qu'il mit au net les Præceptiones dialecticæ (dédiées à Guillauine de Guérente et à Buchanan, ex domo paterna, nonis septembris 1551) 4. MM. de G. et T. ont reproduit (p. 87-88)

1. Si M. le vicomte de Grouchy n'avait encore rien publié jusqu'à ce jour, on connaissait et on appréciait deux curieux opuscules de M. E. Travers: Essai historique sur l'élection des papes (1875, in-8°); Une promenade dans Paris avec un poète burlesque (1877, in-8°).

2. MM. de G. et T. n'ont pas eu connaissance de l'ingénieux et savant opuscule de M. R. Dezeimeris, aujourd'hui correspondant de l'Institut : De la Renaissance des lettres à Bordeaux au xvr siècle (1864, in-8°, Bordeaux). 1ls auraient trouvé là (p.-25) une indication tirée des notes de Vinet sur Ausone (édition de 1590, section 379) sur l'époque (1544) où N. de Grouchy commença à rédiger « son beau livre des Comices chez les Romains. » MM. de G. et T. ont trouvé dans les archives de Rouen un acte qui établit qu'en janvier de cette même année N. de Grouchy escuier » était venu en Normandie.

3. Cette terre est nommée par MM. de G. et T. tantôt La Cauchie et tantôt La Chaussée (p. 86, 111, 136, 193). La dernière forme est officiellement adoptée aujourd'hui. Voir le Dictionnaire des communes de la France, au mot Chaussée (la). Cette localité appartient au canton de Longueville.

4. Sur un petit point (p. 89), MM. de G. et T. ont rectifié une assertion de l'érudit qu'ils appellent « l'un des hommes les plus distingués qui s'honorent aujourd'hui du titre de Barbiste. » M. Quicherat avait écrit qu'aucune de nos bibliothèques ne

l'épître dédicatoire où l'auteur rappelle à ses deux meilleurs amis que cet ouvrage avait été déjà presque tout entier composé en Portugal. Ils ont très-bien décrit et très-bien apprécié un autre travail de Nicolas, sa traduction française de l'Historia do descobrimento e conquista da India (Coïmbre, mars 1551), œuvre d'un homme dans l'intimité duquel il avait vécu, Fernand Lopez de Castanheda, l'ancien compagnon de voyage de Nuno da Cunha, devenu garde des archives de l'université de Coïmbre (Le premier livre de l'Histoire de l'Inde, etc. Paris, de l'imprimerie de Michel de Vascosan, 1553), et ils ont encore reproduit (p. 9294) l'épître dédicatoire à Charles Martel, seigneur de Bacqueville, rédigée avec une naïve et modeste bonne grâce, suivie (p. 95-98) d'une chaleureuse lettre de recommandation au lecteur en faveur du traducteur, délivrée par Pierre Delamarre, « viconte du duché de Longueville. » Il était bien juste, du reste, que ce gentilhomme usât de toute son éloquence pour attirer la sympathique attention du public lettré sur la traduction de son voisin de campagne, puisque c'était lui-même qui l'avait décidé à l'entreprendre.

Les observations bibliographiques de MM. de G. et T. sur les versions. de quelques traités d'Aristote (1551-1554) et sur le De comitiis Romanorum libri tres (1555, in-fol.), sont dignes de toute l'estime des érudits. Ce dernier ouvrage, qui fut l'ouvrage capital de Grouchy, est dédié en termes très-affectueux à Pierre Delamarre, le protecteur de l'Histoire de l'Inde. MM. de G. et T. donnent cette dédicace (p. 117-118), et, après avoir brèvement analysé le De comitiis, qui méritait, je le crois, un examen plus approfondi, ils racontent, avec une spirituelle vivacité (p. 122-134), la lutte féconde en pamphlets qui, au sujet de ce livre, s'engagea en 1565 et se prolongea jusqu'en 1569, entre l'antiquaire normand et un antiquaire italien, le fameux Sigonius (Carlo Sigonio). Grouchy, disent-ils, retrouve en cette occasion « l'humeur batailleuse

possède les Præceptiones dialecticæ. Or, la Bibliothèque Mazarine a deux exemplaires de cet ouvrage que la France protestante et la Nouvelle Biographie générale, entraînée dans l'erreur par MM. Haag, appellent Dialecticæ præscriptiones. Ces deux exemplaires (in-4o) sont de 1552 et de 1560. MM. de G. et T. signalent d'autres exemplaires conservés à Berne, à Leyde, à l'Escurial, à Milan, enfin à Rome (Bibliothèque du couvent de l'Ara-Cœli).

1. Voir (p. 113) la mention d'une méprise de MM. Haag au sujet des versions d'Aristote dues à N. de Grouchy et dont MM. de G. et T. indiquent de nombreuses éditions, même celles qui se cachent dans la bibliothèque de Munich et dans celle de Palerme. Ils relèvent (p. 151) une autre erreur des rédacteurs de la France protestante, lesquels ont avancé que La Croix du Maine attribue à Grouchy une traduction de Théodorite, alors que, dans la Bibliothèque françoise, on lit seulement : « Roland Pierre loue fort ledit de Grouchy en sa traduction de Théodorite. » Signalons aussi une rectification de l'article du Manuel du Bibliographe normand sur N. de Grouchy (Rouen, 1858, t. I, p. 91): M. Ed. Frère a confondu avec le commentateur d'Aristote un certain Nicolas de Grouchy, sieur de La Court, qui était né à Clermont en Beauvoisis, exerçait la profession d'avocat, et n'était pas même contemporain de son homo

nyme.

des barons féodaux, ses ancêtres ». Son antagoniste, quoiqu'il n'appartìnt pas à une race militaire, ne se montra pas moins impétueux. Tous ceux à peu près qui ont eu à s'occuper de l'ardente querelle, ont reconnu que si les adversaires abusèrent également de l'invective, Grouchy l'emporta sur Sigonius par l'habileté de l'argumentation et par la solidité du savoir.

Un des documents les plus curieux de l'ouvrage est, sans contredit, la lettre latine inédite (p. 143-146) que N. de Grouchy adressa, le 17 janvier 1566, à Pierre de Montdoré, le savant mathématicien. Cette lettre, conservée à la Bibliothèque de Berne, nous montre, disent MM. de G. et T. « N. de Grouchy se préoccupant de l'avenir, cherchant à s'assurer pour sa vieillesse une position lucrative qui le mît à l'abri du besoin et qui lui permît d'élever son jeune fils. Nous y voyons aussi que, dans les premiers jours de janvier 1566, l'illustre Georges Buchanan fit un voyage en Normandie et vint visiter son vieil ami dans la retraite. C'est là un fait complètement inconnu jusqu'à ce jour... »

Appelé au collège de la Rochelle par le maire et les échevins de cette ville, Grouchy ne put occuper la chaire de philosophie qui lui était réservée. A peine arrivé, il fut emporté (6 janvier 1572) par la fièvre qui le consumait depuis quelques jours et que redoublèrent les fatigues d'un long voyage accompli dans une saison inclémente. Sa mort, selon l'expression du grand historien J.-A. de Thou (livre LIV), fut un deuil pour tous ceux qui aimaient les bonnes lettres.

MM. de G. et T. n'ont consacré qu'un seul chapitre, le x1° (p. 167198), à Timothée de Grouchy, fils unique de Nicolas de Grouchy et de Louise des Champs. « Il porta les armes avec distinction, » disent-ils, « et tint un rang honorable dans la noblesse du pays de Caux 2. » Ce guerrier qui, fils d'un protestant, prit une vive part aux polémiques du P. Gontery et des ministres Pierre de Laune et Antoine Gueroud, «< saisissant sa plume, nous allions dire sa rapière, » comme s'expriment (p. 177) ses biographes, lança dans la mêlée deux brochures (Le discours apologétique. 1609, pet. in-12; La Répartie au Ministre Gueroud, touchant son livre intitulé les Desguisements et fuites du sieur Jean Gontery, Jesuite, etc. Rouen, 1613) et un volume de plus de 300 pages (Discours catholique du Purgatoire, etc. Rouen, in-8°, 1619), dédié par le vaillant << gentilhomme cauxois, » comme il s'intitule, « à noble et vertueux seigneur François de Monceaux, sieur de Villers Houdan,

1. Les rédacteurs du Moréri de 1759, après avoir constaté que Grouchy était « d'une noble famille de Rouen et qu'il devint très-habile dans les langues et en toutes sortes de sciences,» l'accusent d'avoir eu « un esprit aigre et très-critique ».

2. D'après les notes généalogiques de Bigot conservées parmi les mss. de la Bibliothèque de Rouen, « Timothée de Grouchy, escuier, sieur de la Rivière, homme de guerre des plus renommés entre la noblesse du pays... » épousa la fille (Antoinette) de Martin des Essars, écuyer, sieur de Saint-Aubin, et n'en eut pas d'enfants.

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