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D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE

N° 12

27 Mars

1879

Sommaire : 46. Beltram y Rózpide, Histoire de la philosophie grecque. 47. GITLBAUER, Du Vindobonensis, le plus ancien manuscrit de Tite-Live. 48. PAILLARD, Le Procès de Pierre Brully. 49. REUSS, Pierre Brully, ministre de l'Eglise française de Strasbourg; RIVIER, Claude Chansonnette, jurisconsulte messin et ses lettres inédites. 50. WIESENER, La jeunesse d'Élisabeth d'Angleterre. -51. DIETERICH, Kant et Newton, Kant et Rousseau. criptions.

Académie des Ins

46. — Historia de la filosofía griega. Escuelas anteriores á Socrates. Breve exposicion de sus doctrinas y enseñanzas, por Ricardo BELTRAM Y Rózpide, doctor en filosofía y letras. Madrid, casa editorial de Medina, Amnistía, núm. 12 (Sans date). In-16 de 192 pages. Prix: 2 fr. 10.

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Ce petit ouvrage, qui paraît ne devoir être que le premier volume d'une esquisse de l'histoire générale de la philosophie grecque, n'est pas destiné à venir remplacer le livre d'Ed. Zeller, ni même se ranger à son côté sur les rayons du philologue ou du philosophe érudit. Il est plutôt destiné aux gens du monde. C'est ce que son auteur nous ne pensons pas qu'il nous démente aurait assurément dit dans sa préface, s'il en avait fait une. Nous devons donc nous placer à un point de vue particulier pour en présenter la critique. Constatons d'abord, à la louange de l'auteur, qu'il n'a pas craint de citer, presque à chaque page, des termes philosophiques en grec. Nous sommes loin de l'époque (1859) où des professeurs de grec de l'Université de Madrid ne trouvaient pas dans la capitale un seul caractère pour imprimer leurs livres (voy. la Revue critique du 12 août 1876, art. sur les études grecques en Espagne). Nous ne dirons point non plus que le livre de M. Beltram y Rózpide est écrit dans l'ignorance des sources. Fondé surtout, à ce qu'il semble, sur les travaux allemands ce qui, dans l'espèce, ne laisse pas que d'être une excellente base, il s'y trouvera à l'occasion quelques références à la collection des Fragmenta philosophorum graecorum de Mullach dans la bibliothèque Didot. On n'y verra guère commise d'hérésie grave à propos des questions si délicates d'authenticité; c'est ainsi que M. B. ne s'éloigne pas considérablement de l'opinion de Bernhardy dans le jugement qu'il porte à son tour sur les fameux Vers dorés : « Ils sont, tout au plus, de quelqu'un des disciples immédiats de Pythagore et ont subi des interpolations pendant les époques alexandrine et chrétienne. » L'exposition elle-même des doctrines philosophiques paraît toujours suffisamment exacte pour ce qui est du fond; et, quant à la forme, le style est Nouvelle série, VII.

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coloré et brillant, comme on sait si bien écrire en Espagne; de plus, sans métaphores outrées, sans fautes de goût, qualités qu'il faut apprécier. Il y a de l'idée dans ce livre, trop d'idée peut-être : ainsi tout le monde n'aurait pas eu l'idée de faire d'Homère « le Luther de la Grèce, » et, en cela, M. B. a eu tort de ne pas penser comme tout le monde. Mais, à tout prendre, cette petite histoire de la philosophie grecque ancienne répandra dans le public lettré d'outre-monts chez qui la philosophie paraît décidément plus en vogue que jamais - un contingent très-appréciable de notions qui ne sont pas erronées sur cette période si intéressante du développement de la pensée humaine. Cet ouvrage devra plaire et aux yeux de personne ce succès n'aura rien de regrettable. Mais quel livre mal imprimé! Et, qui pis est, que de fautes d'impression! << Sostenedo » pour « sostenedor » (p. 95), « insensatos » pour «< insensato >> (p. 138), πάντιον (p. 7o) et φύσειος (p. 96) pour πάντων et φύσεως. L'ame (selon Parménide), conduite sur un char triomphal par des coursiers fougueux et guidée par des vierges jeunes et pures, « Salva la barreras que detienen al vulgo de los hombres, » etc. Elle ne doit pas sauver les barrières qui retiennent le commun des hommes, mais les sauter (SALTA). Nous n'en finirions pas, si nous voulions tout relever, y compris les fautes de grec. Eidoλa revient trop souvent pour n'être pas agaçant, et M. B. aurait dû habituer son imprimeur à lui mettre, plus qu'une fois de temps en temps, un o dans ce mot. Et puis siowa est toujours un pluriel neutre, tandis que nous le trouvons traité à l'occasion comme un singulier féminin sur le modèle de pépa. Tout cela, au surplus, ainsi que quelques rares anachronismes en histoire littéraire, ce sont des bagatelles. M. Beltram y Rózpide les fera disparaître, on n'en doute pas, de la seconde édition que nous souhaitons à son aimable petit livre.

Ch. G.

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47. De Codice Liviano vetustissimo Vindobonensi, scr. Michael GITLBAUER. Vindobonae, 1870, in-8°, 135 p.

Tout ce qui reste de la 5o décade de Tite Live nous a été transmis par un manuscrit en écriture onciale, du vr° siècle environ, conservé aujourd'hui à la Bibliothèque impériale de Vienne, sous le no 15. On savait que ce ms. avait été trouvé en 1527 par Simon Grynæus au monastère de Lorch. M. Gitlbauer fait avec de grands détails l'histoire de ce ms, et recherche quel est le personnage désigné dans la suscription: «< Iste codex est theatberti episcopi de dorostat». Plusieurs philologues, entre autres

1. On peut voir cette suscription, soit dans les Analecta Liviana de Mommsen et Studemund (Lips., 1873), soit dans les Exempla codicum latinorum (tab. xvin) de Zangemeister et Wattenbach (Lips. 1876).

Endlicher, avaient lu à tort Sutberti, ce qui déroutait les recherches sur cet évêque du vine siècle.

M. G. fait une description détaillée des Quaterniones, énumère tous les savants qui ont travaillé sur ce ms., depuis sa découverte jusqu'à nos jours, et apprécie le profit qu'ils en ont tiré.

Comme les autres mss. en onciale de la même époque (c.-à.-d. le Puteaneus pour la 3o décade, le palimpseste de Vérone pour la 1re), le Vindobonensis est rempli des fautes les plus grossières. Aussi, malgré les collations successives, même après les éditions de Madvig et de Hertz, M. G. prétend-il que la leçon du ms. n'est pas toujours rapportée avec exactitude; il a fait pour son usage une nouvelle collation très-minutieuse dont il espère se servir un jour pour corriger le texte de Tite Live.

En attendant, il nous offre une théorie nouvelle pour expliquer les nombreuses fautes du Vindobonensis. La plupart de ces fautes proviennent, suivant M. G., d'abréviations omises ou déplacées.

Beaucoup d'abréviations se seraient écrites par un seul point. Le ms. abrège encore par un point les syllabes us, e, es, ibus, ubus, os (p. 60). Cela est vrai pour us et e dans que, mais il ne faudrait pas conclure des exemples APRIL.apriles, ANN. annos, EQVIT. equitibus que les désinences es, os, ibus pouvaient s'écrire dans tous les cas par un point. Rien dans ce que nous connaissons des mss. antérieurs au vr° siècle ne nous autorise à déduire de telles conséquences. M. G. s'appuie, en plusieurs endroits, sur le ms. de Gaius dont Studemund a publié une savante édition; mais le palimpseste de Vérone contient beaucoup d'abréviations spéciales dont on comprend l'emploi dans un livre à l'usage des jurisconsultes, mais qui n'ont probablement pas été employées dans les mss. de Tite Live. Dans les ouvrages techniques, les mots qui reviennent souvent sont exprimés par des abréviations plus ou moins régulières dans les mss. de tout âge. Les sigles du ms. de Gaius, CAS. = casu, LEG. legis, leges, legum, IUDIC. iudicem, etc., ne prouvent pas suffisamment qu'un seul point pouvait signifier u, is, es, um, em, etc. C'est comme si de l'abréviation très-répandue dans les mss., P.R. populus romanus (à un cas quelconque), on voulait inférer que dans une phrase comme : « Hunc populum late regem,» populum ait pu s'écrire par P.

La faute ANIMIS pour animo citée p. 60, note, comme provenant d'un point mal suppléé ne me paraît rien prouver. Il faut généralement chercher l'explication dans le contexte. Ici (xLv, 19, 3) animis est venu sous la plume du copiste soit à cause de frenos qui précède, soit à cause de secundis rebus, qui suit.

Si l'on admet que tant de désinences aient pu régulièrement s'abréger par un point, il sera légitime d'en déduire que les mêmes syllabes dans le corps des mots s'abrégeaient de la même manière; car, les mots n'étant pas séparés, les copistes du vio au vare siècle ignoraient souvent où commençaient les mots formés par les syllabes qu'ils transcrivaient sans comprendre. Aussi M. G. s'arrête-t-il à cette opinion: «< Sed dubium esse

nequit quin in mediis quoque vocibus archetypi librarius scripturæ compendiis usus sit. Exstant enim in codice exempla non pauca compendiorum, quæ librarius non additis quæ addendæ erant litteris immutata descripsit (p. 63)». Suivent 121 exemples, recueillis dans les livres XLI-XLV, où le copiste a omis des syllabes assez différentes, comme ar, iss, in, tu, si, ir, mi, ca, or, em, ob, erit, ed, id, is, fu, ut, en, pi, im, and, end, eg, etc., etc. Cette liste est à tous égards très-intéressante, ce n'est qu'en étudiant de près les séries de fautes des mss. qu'on arrive à rétablir les textes avec certitude, mais on peut trouver à ces 121 fautes une explication différente de celle adoptée par M. G. Si les leçons HONUM et vis pour hominum et vobis paraissent provenir d'abréviations omises, en revanche M. G. fait figurer dans ce tableau nombre d'abréviations très-hypothétiques. Ainsi les mots dont les syllabes se trouvent à des lignes différentes, VEN DIT vendidit, CON | DIT = confudit, MA | SISSE = masinissae, LE | TI = legati, ne sont d'aucune autorité pour établir l'existence des abréviations di, fu, in, ga.

La plupart des autres fautes s'expliquent par la distraction des copistes, et, pour bien en juger, il faut se reporter au contexte. Que peuvent prouver 120, ou même si l'on veut 200 syllabes omises dans l'étendue de cinq livres de Tite Live? La faute connue sous le nom de bourdon est ici très-largement représentée : ONERANT onerarant, TUM = tutum, DEFENDUM = defendendum, TER | RUM = terrarum, ARENT = ararent, AMITIAM amicitiam, etc. Cela ne conduit nullement à admettre les abréviations ar, ut, end, ic dans l'archétype. L'esprit de système entraîne M. G. quand il fait intervenir l'abréviation os pour expliquer la faute HOSPITE sospite (p. 68).

M. G. croit sa théorie bien établie par le fait que souvent le copiste du Vindobonensis semble avoir été sur le point d'omettre une abréviation, puis l'avoir rétablie. Ainsi MISNISTRANS proviendrait de MIDISTRANS, ORNDINIB. de Ord1NIB. etc. Mais c'est encore là une pure hypothèse. L'esprit du copiste qui vient de lire un mot est préoccupé des syllabes suivantes et en copiant potest par exemple, il est porté à écrire pos au lieu de po.

De même les syllabes déplacées, alléguées par M. G. (p. 73), Eripi = epiri, ORTANAM = ornatam, PEREGRE = pergere, SINU = nisu, etc., ne me paraissent pas confirmer le système des abréviations. Il faut se borner à constater que les syllabes ont été souvent changées de place.

M. G. donne (p. 74-79) une autre série de fautes provenant, suivant lui, d'abréviations mal traduites par le copiste, comme VOLVNTATE=voluptate, RERVM = regum, SITIS satis, VICTORVM victurum, etc. Il est bien difficile de voir là une autre sorte de fautes que la confusion des mots semblables. Est-il nécessaire d'admettre l'abréviation ei dans VECINTI pour expliquer l'erreur VENIENTI? Ayant sous les yeux VEIENTI, le copiste a cru voir la barre signifiant m ou n au-dessus du premier E; ou simplement venienti étant plus commun que Veienti est venu plus naturellement sous sa plume.

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Enfin (p. 83-87), M. G. cite une foule de passages dans lesquels le copiste aurait rétabli à tort une abréviation qu'il croyait omise dans l'archétype. La plupart de ces fautes sont du genre doublon: TRISTITIA = tristia, REPETENTE = repente, etc. Mais encore ici, il faut en général se reporter au contexte pour voir l'origine de la faute. On fait souvent fausse route en cherchant des explications paléographiques, soit confusions de lettres, soit abréviations omises, quand l'explication doit être psychologique. Voici comment j'expliquerais quelques-unes de ces fautes : RELIGIONIBVS regionibus n'a rien d'étonnant; on peut affirmer que dans tous les textes d'auteurs latins, les mots regio et legio ont, au moins une fois sur trois, la variante religio, ce mot se plaçant tout naturellement sous la plume des moines. - M. G. pense que le copiste a cru devoir rétablir l'abrév. bu dans responso, quand il a écrit (XLII, 26, 5) : « Hæsitantibus in REBVSPONSO,» mais c'est la terminaison ibus qui a amené rebus, peut-être à l'insu du copiste. De même «<HOSTIBVS majoribus (Ibid., 28, 7), au lieu de hostiis maj., est une faute très-simple et très-commune. - DONARIQVE (Ibid., 28, 9), au lieu de donaque, a été entraîné par le voisinage de decrevit. - SUBACTOLIS ætolis (Ibid., 34, 9) pour subactis Ætolis ne nécessite pas l'existence d'une abrév. ol supposée entre t et i par le copiste. - REGIBVS ducibus (XLIV, 24, 9) pour regiis ducibus rentre dans le même cas. ROMANAE pour Romae (XLV, 14, 9) n'a rien de surprenant, le copiste venait d'écrire cinq ou six fois romano, romanam, etc. Tam BENE MEMORATA pour bene morata (Ibid., 23, 10) est encore une espèce de doublon. Il faut lire ou faire lire à haute voix des mss. en capitale et en onciale dont les mots ne soient pas séparés, pour se rendre compte de la facilité avec laquelle une lettre ou une syllabe est ajoutée à tort. — Enfin si le copiste a mis : « in vinum, in Venerem PROPINIORES » pour proniores (XLV, 23, 14), je ne pense pas qu'il ait cru que l'abréviation pi manquait, mais après avoir écrit vinum, l'idée de boire (propinare) l'a naturellement influencé.

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M. G. discute aussi plusieurs passages de Tite Live où il rectifie les variantes rapportées par Madvig et Hertz, et essaie de rétablir, au moyen de son système sur les abréviations, quelques endroits très-corrompus.

La théorie de M. G., sur les abréviations employées dans les vieux mss., est au moins fort exagérée. S'il est incontestable que les abréviations omises sont une source fréquente d'erreurs, on admettra difficilement qu'avant le vie siècle on ait écrit couramment en abrégé les syllabes pi, and, ga, tu, li, sp, mo, etc. M. G. annonce qu'il traitera la question plus amplement ailleurs; il ne saurait, en effet, recueillir trop d'arguments. En tout cas, il est important d'avoir réuni dans une dissertation un grand nombre de fautes tirées d'un ms. si ancien. Que la faute AUGEBAT pour audebat, par exemple, provienne d'une abréviation ou de toute autre cause, les philologues sont heureux d'apprendre que la confusion s'est faite et qu'ils peuvent sans témérité faire dans un autre cas la même correction.

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