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piration prophétique à laquelle se rapporte la substance des écrits de Jérémie, d'Ezéchiel, du second Isaïe et d'autres encore.

M. H. n'invoque contre notre opinion, qui est en gros celle de la critique allemande, - qu'une considération vraiment spécieuse. Nous l'avons déjà indiquée, mais il faut la mettre au jour dans toute sa portée : le Deuteronome nous offrant le témoignage d'un esprit plus récent que la Loi, rédigée au ve siècle, et les écrits prophétiques offrant avec le Deuteronome une inspiration commune, les uns comme l'autre doivent être reportés à la seule grande crise religieuse dont nous ayons connaissance dans l'histoire juive après la restauration jérusalémite, à savoir au temps d'Antiochus Epiphane. Cette thèse, comme c'est le cas pour un homme d'un grand mérite, même quand il s'égare, n'est point vulgaire. Nous comprenons même qu'un homme d'un esprit à la fois ardent et logique, tel que M. H., s'y soit jeté à corps perdu, après en avoir cru démontrée la première partie, à savoir l'antériorité de la loi d'Exode-Nombres sur le Deuteronome. Ayant saisi, comme peu l'avaient fait avant lui, la haute valeur du Deutéronome, il a voulu lui trouver une époque digne de sa sublime inspiration en cela il n'avait pas tort. Il a vu fort clair aussi dans la parenté qui joint le Deuteronome au grand esprit de la prophétie, et il a agi avec un profond sens littéraire en se refusant à détacher l'un de l'autre. Seulement, il s'est trompé — et la faute en est à une éducation de critique religieuse insuffisante sur la véritable position de la question du Deutéronome, et, cette erreur faite, tout en semant sur son chemin des remarques neuves et parfois d'un vif intérêt, il n'a pu reprendre la bonne voie. Nous avons montré plus haut que le Deutéronome appartenait légitimement aux vie, vi° siècles (avec additions ultérieures possibles); notre conclusion pour la collection prophétique a été la même, tout en ouvrant la porte bien plus grande encore aux altérations de toute nature, aux additions édifiantes et rhétoriques.

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Un reproche que nous nous pensons en droit de faire à M. H., c'est que, se croyant en possession de la solution d'un grand problème d'histoire littéraire et philosophique, il ne se soit pas demandé si cette solution répondait aux exigences qu'il avait réclamées de la solution ordinaire. N'aurait-il pas été frappé dans ce cas du peu de convenance qu'offre la collection prophétique, si l'on considère son immense variété de sujets, ses longueurs, ses obscurités, sa complication, avec l'idée et le but précis que doit se proposer la prédication en un temps d'épreuves extraordinaires? Qu'il relise Daniel à cet égard et qu'il voie la différence! Pour nous, une pareille hypothèse, soumise à cette sorte de contre-épreuve, se heurte à mille impossibilités de détail, sans compter les difficultés relatives à la date de formation du canon prophétique, sur laquelle on reconnaîtra que nous nous sommes montré singulièrement

réservé.

M. H. ne semble pas d'ailleurs être arrivé à une idée claire de l'action et du rôle du prophétisme. La vieille idée de la prédiction, mise en avant

par une tradition ignorante, le hante et le poursuit, quoiqu'il en veuille. Sans doute, dans les écrits des prophètes, les promesses et menaces d'avenir jouent nécessairement un rôle plus grand que ce n'avait pu être le cas dans leur prédication; mais que d'éléments variés à côté de celui-là! Si M. H. avait pu consulter plus aisément les grands travaux critiques de 'Allemagne, il ne se serait pas imaginé si volontiers que des générations plus récentes eussent éprouvé le besoin de faire « prophétiser » les anciens.

Un autre point nous a également frappé. M. H., place après l'exil le grand développement des idées sacerdotales et rituelles, puisqu'il assigne à cette époque le code mosaïque où elles ont trouvé leur expression authentique. Il en résulte qu'il ne devrait pas s'étonner de voir attribuer à une époque antérieure les pages dont les auteurs témoignent d'une certaine liberté d'esprit à l'égard des pratiques du culte. Sans doute on peut aussi imaginer que cette inspiration plus libre soit dûe à une réaction. récente contre les rigides exigences du vie et du ve siècle. Mais cela n'est nullement évident, et la première explication, à laquelle M. H. semble ne pas songer seulement, aurait mérité d'être discutée. Rappelle-t-il le fameux passage de Jérémie, où cet écrivain traite si légèrement les prescriptions rituelles (ví, 21), il en conclut aussitôt qu'«< on était bien loin alors de l'Exode, du Lévitique et des Nombres..... Il donne un démenti formel à ces livres... On les avait oubliés » (p. 214-215). La plupart des critiques estiment au contraire que Jérémie a précédé les livres mosaïques, ce qui est infiniment plus naturel. Nous avons le droit de nous étonner que la grande thêse admise actuellement par les exégètes les plus indépendants, sur la marche du développement religieux israélite, à savoir que le prophétisme était arrivé par degrés, à l'époque avoisinant l'exil, à des conceptions très-élevées et très-larges, qui, lors de la restauration esdraïque, ont cédé la place à une préoccupation singulièrement plus étroite, que cette grande thèse ne soit nulle part exposée par l'auteur, si bien que les lecteurs attentifs pourront se demander si c'est volontairement ou involontairement qu'elle est passée sous silence.

Je détache d'ailleurs de la question proprement littéraire, la question qu'on peut appeler philosophique : les plus belles parties du Deutéronome et des Prophètes sont mises en lumière avec une supériorité qui atténue pour une grande part, même aux yeux de la critique, le caractère excessif de l'hypothèse qui précède cette remarquable exposition.

Sans m'arrêter aux détails, ce qui nous entraînerait au-delà des limites permises, ne pourrai-je cependant pas m'étonner qu'un homme d'un goût aussi sûr cherche souvent, par esprit de système, des explications compliquées quand les textes livrent leur sens sans effort? Pourquoi ne veut-il pas que l'auteur anonyme de la seconde partie d'Isaïe nomme Cyrus par son nom (p. 185, note)? Pourquoi chercher des choses si compliquées dans les prophéties assez pauvres d'un Aggée, d'un Zacharie et d'un Malachie? Pourquoi descendre jusqu'à Hérode, quand les paroles

des deux premiers s'appliquent si aisément à Zorobabel et à Josué? Quant a Malachie, M. H. le place après la mort d'Hérode. Le modeste écrivain qui s'indignait si vertueusement contre ceux qui offraient au temple des bêtes tarées, est vraiment l'objet d'une hypothèse bien superflue.

Je viens de nommer Hérode. M. H. a eu, en effet, la pensée, ayant placé lors de l'effervescence religieuse du temps d'Epiphane, la rédaction du Deutéronome et les prophéties, de transporter le livre de Daniel et les Psaumes sous le règne du fils d'Antipater. Pour le premier de ces livres, il a donc reproduit la vieille explication traditionnelle que les croyants les plus résolus ont eux-mêmes abandonnée, celle qui voit dans le quatrième royaume ou (animal) du chap. vii l'empire romain. Il ne veut pas que ces empires correspondent à ceux qu'énumérait le chapitre II, et il articule cette objection que cela «< n'est pas étonnant puisque ces deux chapitres ne sont pas de la même provenance, l'un étant écrit en hébreu et l'autre en chaldaïque.» « Il est clair, ajoute-t-il, que la troisième bête «< qui a quatre têtes » est l'empire macédonien. Il est clair aussi que le quatrième animal, si épouvantable « et qui est différent de tous les autres », est l'empire romain. Les deux passages supposent également que les royaumes issus de la conquête d'Alexandre n'existent plus, et que Rome les a détruits, ce qui n'a été fait que sous Auguste. Il n'en faut pas davantage pour montrer que le livre de Daniel ne peut être du temps d'Antiochus » (p. 304-311). A cet égard il faut remarquer: 1o que le récit du chap. II est écrit en chaldaïque (à partir du v. 4) de même que le chapitre VII; 2° que le cinquième empire du chap. 11 (où M. H. voit l'empire romain) est, sans aucun doute possible, le royaume messianique; 3° que le parallélisme des chap. II et vii est assez précis pour n'autoriser aucune espèce de doute sur l'attribution, dans l'un comme dans l'autre, de la description du quatrième empire au royaume macédonien, et du cinquième au royaume messianique. Je n'insisterai pas. Il y a dans cette partie du livre de M. H. une erreur évidente, où il a été entraîné par l'embarras où le jetait son hypothèse sur l'origine des prophéties. De tous les livres de l'Ancien Testament, celui de Daniel est le seul peut-être dont la date et le sens échappent à toute incertitude. M. H., s'il y veut porter son attention, le reconnaîtra avec nous. Il ne maintiendra pas davantage sa supposition sur l'origine des Psaumes (si bien appréciés p. 256) qui n'a pas non plus d'autre raison d'être positive que la difficulté de les faire coïncider avec les écrits prophétiques 1

Il faut conclure, et, nous rappelant ce que nous avons dit en tête de cet article, nous pouvons le faire sans embarras. Le Judaisme de M. H.,

1. Il ne nous est point possible de nous arrêter à d'autres questions intéressantes abordées dans ce même chapitre vii. Quant aux Psaumes, on sait que la critique attribue la principale inspiration de ce recueil varié aux circonstances de la persécution d'Antiochus et de la révolte des Asmonéens. (V. Reuss, le Psautier).

comme œuvre de philosophie religieuse, a une haute valeur, qui reste indépendante du caractère contestable des solutions littéraires. Envisagé au point de vue des études bibliques, il a le grave défaut de donner trop à l'hypothèse, sans qu'un soin suffisant ait été pris pour assurer le terrain. Mais cette hypothèse, en provoquant la discussion, profitera, somme toute, aux méthodes critiques. Si M. Havet propose pour l'origine du Deutéronome et des écrits prophétiques, une solution inadmissible, il montre, d'autre part, que les idées généralement admises sur ces deux points ont besoin d'être sensiblement modifiées. Nous en avions quelque peu la pensée avant d'avoir lu son beau livre; mais ce sentiment s'est singulièrement précisé dans l'étude à laquelle il nous a obligé de nous livrer. Nous sommes heureux de lui en exprimer publiquement notre reconnaissance.

Maurice VErnes.

35. — MOMMSEN. Rœmisches Staatsrecht. Zweiter Band. Zweite Auflage. Leipzig, Hirzel, 1877. 1 vol. in-8° de 1147 p. - Prix 27 fr. 50.

Ce volume, divisé en deux tomes, fait partie du Manuel des antiquités romaines de Marquardt-Mommsen qui, comme on sait, est une réédition très-augmentée et entièrement remaniée du Manuel de Becker et Marquardt. Le tome premier a pour objet l'étude des magistratures urbaines de la république; le second est consacré au « principat » et aux magistratures impériales.

Il serait difficile de composer un ouvrage d'érudition aussi complet et aussi instructif que celui-ci. On est confondu de la multitude des documents que l'auteur a consultés, de la sûreté de sa critique et de l'étendue de ses connaissances. Ecrivains classiques, monuments juridiques, épigraphiques et numismatiques, travaux modernes, il a tout dépouillé. On aurait de la peine à découvrir une page de Cicéron, de Tite-Live, de Polybe, de Dion, de Tacite, une inscription, une médaille, un ouvrage sérieux de seconde main, dont il n'ait tiré partie. Les notes qui abondent au bas des pages sont pleines de faits et de textes; elles ne permettent pas seulement de vérifier toutes ses assertions; elles fournissent encore au lecteur tous les éléments nécessaires pour étudier lui-même les questions. On peut d'ailleurs se fier sans crainte aux citations qu'elles renferment; pour ma part, je n'en ai trouvé aucune qui fût inexacte.

Chacune des monographies que contient ce volume épuise le sujet qu'elle traite. Le chapitre relatif au consulat n'a pas moins de 61 pages; celui qui concerne la préture en a 43; celui qui se rapporte à la censure en a 142; et plus de la moitié du tome II est réservé au « principat ». Ce simple détail montre assez que tout ici est approfondi, et que, dans cette revue des institutions romaines, il n'est pas un point qui ait été négligé. M. M., en effet, ne se borne pas à énumérer toutes les magistratures de Rome, même les plus secondaires; il ne se contente pas de mentionner

à côté de la dictature et du tribunat les duoviri navales, les duoviri ædi locandæ, ou les curatores riparum et cloacarum. A propos de chacune d'elles, il recueille et il reproduit les moindres renseignements épars dans les textes anciens, de façon à ne laisser sans solution aucune des difficultés que présente souvent ce vaste ensemble des institutions républicaines et impériales.

Un tel ouvrage échappe à l'analyse, étant surtout un immense répertoire de faits. Pour en donner une idée, même succincte, il faudrait le résumer chapitre par chapitre et ce travail, outre l'espace qu'il occuperait dans la Revue, aurait l'inconvénient d'apprendre peu de chose au lecteur. Autant vaudrait traduire les tables des matières qui accompagnent les deux tomes. D'autre part, il est rare de trouver la science de l'auteur en défaut; les erreurs, chez lui, sont si légères et si clair-semées que le hasard ou bien un usage fréquent du livre permettraient seuls de les noter. Ce volume offre donc peu de prise à la critique. J'aurais pourtant une objection à présenter sur un point particulier qui, à vrai dire, n'est pas sans importance.

Pourquoi M. M. appelle-t-il «< principat » le régime impérial, quand ce terme est évidemment inexact? Serait-ce parce que certains textes semblent le désigner de la sorte? Mais, à y regarder de près, le mot principatus, dans la plupart de ces cas, n'a pas le sens qu'on lui attribue. Ainsi, dans la fameuse phrase de Tacite sur Nerva (Vita Agricolæ, 3), principatus opposé à libertas ne signifie pas l'empire opposé à la république. L'auteur, se plaçant à un point de vue plus général et plus abstrait, prétend simplement que la liberté et la prééminence d'un seul avaient été jusque-là deux choses incompatibles et que Nerva, le premier, a su les associer; mais il ne résulte pas de ce texte que Tacite donnât le nom de principatus au système de gouvernement sous lequel il vivait. Quant au mot « princeps », il ne paraît pas non plus avoir été le titre officiel de l'empereur. Il est possible qu'il ait été souvent employé dans le Sénat, l'empereur étant princeps senatûs. On peut croire aussi que, même dans la langue courante, il a été d'un usage fréquent, comme chez nous l'expression « de chef de l'Etat »>, et c'est probablement pour ce motif qu'on le rencontre à chaque pas dans les écrits des historiens et des jurisconsultes. Mais il est à remarquer que, sauf de très-rares exceptions, il ne figure jamais dans les monuments épigraphiques, dont le style est pourtant le style officiel de Rome. Parmi tant d'inscriptions de l'époque impériale, gravées en tant de lieux différents et se rapportant à des objets si divers, il serait malaisé d'en trouver qui, dans l'énumération des titres de l'empereur, cite celui de princeps à côté de ceux de consul, pontifex maximus, pater patriæ, etc. C'est donc que ce titre n'avait rien d'officiel. Le seul terme qui désignât officiellement l'empereur était le terme d'imperator. On a soutenu, et M. Mommsen partage cette opinion, que c'était là un véritable prénom; Suétone, en effet, parle du prænomen imperatoris (Div. Jul., 76; Tib., 26; Claud., 12). Mais ce prénom, si c'en est un,

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