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beaucoup moins affirmatif s'il ne s'était imaginé, sur la foi de lectures incomplètes, que la question pouvait être considérée comme vidée en faveur de l'antériorité d'Exode-Nombres. Nous admettons l'antériorité, à la fois, de la législation Deutéronomique et des développements oratoires qui l'encadrent. Seulement nous accordons à M. H., et à cet égard son hypo

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thèse ne restera point, à notre avis, sans résultat positif, que l'œuvre ne doit point être rattachée forcément à la réforme de Josias et qu'elle a dû subir des remaniements à une époque postérieure. Le rejet de la première conclusion implique également le rejet de la seconde. Mais ce qu'il nous est permis de regretter dans les développements d'ailleurs pleins d'intérêt consacrés au Deutéronome, c'est que l'hypothèse insuffisamment motivée à laquelle M. H. a abouti sur ce point, l'ait encouragé, d'une façon fâcheuse, dans la tentative plus grave encore qu'il a faite de transporter les écrits prophétiques au temps de la domination grecque.

Avant d'en arriver à ce point, signalons dans la seconde partie du chap. les deux textes (Juges, vIII, 23 et I Samuel, vIII,) qui critiquent amèrement l'institution de la royauté. Ils sont certainement, comme le texte analogue du Deutéronome, postérieurs à la fin de la royauté sans que je veuille descendre à l'époque grecque; rien ne s'oppose à ce qu'on les place, soit au temps de l'exil, soit sous la domination persane. (Suite ct fin au prochain numéro).

Maurice VERNES.

31.

L. Annaei Senecae Monita et eiusdem morientis extremae uoces. Ex codicibus Parisinis saeculi vii et ix primus edidit Eduardus WOELFFLIN. Erlangae. 1878.

M. E. Woelfflin a fait une trouvaille qui intéressera plusieurs lecteurs de la Revue critique. Il avait copié autrefois dans le ms. latin n° 4041 de la Bibliothèque nationale, et il a retrouvé naguère dans le célèbre n° 10318 (Codex Şalmasianus de l'Anthologie latine), un recueil de sentences qui remontent certainement à la belle époque de l'antiquité classique, et que M. W. croit pouvoir attribuer au philosophe Sénèque. Les raisons qu'il donne de cette restitution sont de nature à porter la conviction même dans des esprits très-circonspects. On admettra moins facilement peut-être que, dans la dernière partie du recueil, nous possédions les paroles suprêmes du philosophe, que Tacite (Ann. xv 63) mentionne en ces termes : Et nouissimo quoque momento suppeditante eloquentia aduocatis scriptoribus pleraque tradidit quae in uulgus edita eius uerbis inuertere supersedeo. Mais M. Wolfflin luimême est loin d'accorder à ces deux suppositions le même degré de probabilité.

1. Appuyée en partie sur une très-solide dissertation de J. Haas (De L Annaci Senecae monitis, Monachii 1878).

Le texte des Monita et extremae uoces est traité avec toute la sûreté que pouvait donner une longue habitude de cette branche de la littérature latine, jointe à des qualités de critique éprouvées, comme on sait, aussi dans d'autres domaines.

32. — Histoire de la guerre de Trente ans, 1618-1648, par E. CHARVÉRIAT. Paris, Plon, 1878, vIII, 584, 732 p. in-8°. Prix 16 francs.

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En 1727 parurent les premiers volumes de l'Histoire des guerres et des négociations qui précédèrent le traité de Westphalie. L'ouvrage ne fut publié complètement qu'en 1751, alors que le R. P. Bougeant, son auteur, était mort depuis plus de huit ans 1. Depuis l'apparition de l'ouvrage du savant jésuite, ouvrage fort remarquable pour l'époque et qu'on pourrait consulter encore avec fruit, la part d'activité de la France a été presque nulle dans le domaine de l'histoire de la guerre de Trente Ans. A part quelques monographies de courte haleine, quelques traductions d'ouvrages allemands, comme ceux de Schiller et de Woltmann, l'érudition française avait abandonné depuis plus d'un siècle à l'Allemagne ce domaine, où cependant elle aurait pu réclamer une large place et dont une bonne part semblait devoir lui revenir par droit de conquête et par droit de naissance. Ce n'étaient point les ouvrages partiaux de quelques écrivains belges, tels que ceux du comte de Villermont sur Mansfeld et sur Tilly, qui pouvaient dédommager le public de cette abstention, si regrettable à tant d'égards. Aussi sommes-nous heureux de pouvoir signaler enfin ce travail tant de fois appelé par nos vœux, cette Histoire complète et sérieuse de la guerre de Trente Ans, qui manquait depuis si longtemps à la littérature historique française, et qu'un auteur, inconnu hier encore, vient enfin de nous donner.

L'ouvrage de M. Charvériat n'est point exempt de défauts, et je n'apprendrai sans doute rien à l'auteur en le déclarant ici. Mais, quelles que puissent être les lacunes de ce livre et les desiderata qu'il soulève, il y aurait réellement injustice à ne pas appuyer tout d'abord, et d'une façon toute spéciale, sur ses nombreux mérites. Avant tout, c'est un ouvrage complet, travaillé, conçu d'un seul jet, construit sur un plan d'ensemble, et dans des proportions suffisamment harmonieuses. Quand on songe qu'en Allemagne même, il n'a point encore été possible aux savants nombreux et distingués qui s'occupent de l'histoire de cette époque, de terminer une Histoire de la guerre de Trente Ans, suffisamment générale, et tant soit peu étendue, on apprécie davantage encore ce premier et très-sérieux mérite. Ce n'est pas tout que d'avoir de belles et

1. Il mourut à Paris le 7 janvier 1743.

savantes monographies; il faut encore les résumer de temps à autre et permettre ainsi au grand public de s'assimiler les résultats obtenus par un labeur critique aussi pénible qu'il est indispensable.

Un second point que je me plais à relever dans le travail de M. Ch., c'est qu'il est réellement, dans son ensemble, à la hauteur des exigences de la science actuelle. On pourrait craindre à bon droit qu'un ouvrage français de ce genre fût vieilli dès le moment même de son apparition. Tant de travaux, grands et petits, ont paru dans les vingt dernières années sur une infinité de points de la lutte trentenaire, ils ont été écrits dans des langues dont la connaissance est malheureusement si peu répandue encore en France, qu'on pouvait difficilement admettre qu'un homme, assez hardi pour y aborder cette tâche, réussirait à la remplir d'une façon satisfaisante. C'est avec d'autant plus de plaisir que nous avons pu constater chez M. Ch. une connaissance sérieuse de la littérature la plus récente, allemande, anglaise ou suédoise, sur le sujet qui l'occupe. Il a suivi le mouvement scientifique avec assez d'attention pour ne rien laisser échapper d'important parmi les publications de ces dernières années, et sur la plupart des points sa sagacité critique l'a fait pencher en faveur des solutions les plus acceptables.

Il est un troisième point enfin où nous ne pouvons donner que des éloges au travail de M. Ch. On sait combien il est difficile et nous l'a

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vons souvent répété dans cette Revue d'écrire l'histoire de la guerre de Trente Ans sans être entraîné, presque malgré soi, dans le conflit des passions religieuses et politiques qu'elle soulève encore aujourd'hui. Cela est d'autant plus difficile, si l'auteur a lui-même des idées arrêtées sur ces questions toujours actuelles. Or, M. Ch. semble bien être de ceux-là; du moins nous croyons retrouver les siennes dans la conclusion de son ouvrage. Il s'y prononce avec vigueur contre « l'indépendance absolue de la pensée qui ne peut que conduire la France à la ruine, et semble regretter même le temps où régnaient les religions d'Etat. Nous n'aurions point touché ce point, fort étranger en apparence à notre sujet, si nous n'y avions vu la confirmation de l'idée que nous nous faisions du ferme désir de l'auteur de rester impartial en écrivant son histoire. Evidemment ses sympathies personnelles sont tout entières du côté du principe d'autorité, soit politique, soit religieux. On ne saurait dire néanmoins qu'il ait essayé le moins du monde de construire ou d'interpréter l'histoire qu'il raconte, au gré de ses opinions ou de ses préjugés personnels. Sans doute il est bien des points où l'on ne saurait partager ses idées, mais, dans l'exposition même des faits, on peut s'abandonner en toute confiance à lui.

Après avoir ainsi reconnu les mérites du travail de M. Ch. et fait la juste part aux éloges qui lui sont dus, nous nous sentons plus libre pour en signaler avec une égale impartialité les côtés plus faibles et plus incomplets. Les deux volumes de M. Ch. ne sont pas mal écrits et cependant la lecture en est par moments fatigante. A quoi tient ce défaut ?

C

Nous ne pouvons mieux rendre l'impression causée par ce livre qu'en le comparant à un taillis, d'égale épaisseur partout, et dans lequel il est impossible d'arriver à un repli de terrain, d'où l'on pourrait jouir d'une vue plus étendue. Les faits trop nombreux bourrent les phrases au point de les faire éclater et l'auteur aurait fait sagement en répartissant ses matériaux en trois volumes au lieu de les condenser en deux seulement. Ila trop négligé, si je puis m'exprimer ainsi, la science de la perspective, indispensable pourtant en histoire aussi bien qu'en peinture. Les menus détails détournent trop souvent l'attention des événements majeurs et fatiguent, par leur abondance même, les lecteurs un peu difficiles. M. Ch. luimême semble avoir partagé, dans une certaine mesure, cette impression fâcheuse et avoir compris la difficulté de s'orienter dans ses deux volumes si compacts. Il a placé au bout de chacun de ses livres un résumé, d'un style plus oratoire, destiné à faire repasser rapidement sous les yeux du lecteur les événements les plus saillants de chaque période; un résumé final vient grouper, à son tour, ces tableaux fragmentaires en un tableau d'ensemble. Mais il ne remédie par là que bien imparfaitement au défaut que je signale.

Nous avons dit tout à l'heure que M. Ch. était au courant des plus récents travaux de la science allemande sur son sujet. Par un phénomène, bizarre au premier abord, mais qui s'explique aisément, il l'est moins pour les travaux étrangers parus il y a plus de quinze ou vingt ans. Il y a des publications, très-utiles et très-importantes au point de vue même de l'histoire générale, dont il paraît ignorer l'existence 1. Sans doute, l'auteur n'a eu connaissance du mouvement littéraire en Allemagne que depuis un laps de temps relativement court, et n'était pas à même de remonter plus haut pour s'orienter dans la bibliographie étrangère. Ces omissions n'ont pas eu de suites graves quand M. Ch. avait devant lui des écrivains comme Gindely, comme Opel et quelques autres. En s'appuyant sur eux, il était assuré de ne rien oublier d'essentiel ; mais, à d'autres moments, dans la seconde partie surtout, où ces conducteurs éprouvés lui faisaient défaut, cette lacune dans la connaissance de ses devanciers plus anciens a mis aussi quelques lacunes dans la trame de son récit. Quant aux sources primitives de la guerre de Trente Ans, les sources imprimées s'entend, l'auteur ne paraît pas avoir eu l'occasion de les regarder de plus près; l'on ne peut trop lui en vouloir quand on sait à quels longs déplacements se condamne le chercheur qui désirerait connaître par autopsie une partie seulement de ces milliers de feuilles volantes qui inondèrent alors l'Allemagne et dont l'étude offre encore aujourd'hui tant de charme.

1. Nous citerons, p. ex., Müller, Forschungen auf dem Gebiet der neueren Geschichte, Dresden, 1838-1841, l'ouvrage de von der Decken sur George de Brunswick Hanovre, 1838, 4 vol. 8°), celui de Hammer-Purgstall sur Khlésel (Vienne, 1847, 4 vol. 8), etc.

Nous touchons ici au dernier point que je voudrais relever dans l'ouvrage de M. Ch. On a mauvaise grâce assurément de reprocher à un auteur de n'avoir point fait ce qu'il n'avait point l'intention de faire, surtout quand ce qu'il a produit a le mérite du travail de M. Ch. Nous aurions cependant voulu qu'il montrât un peu plus d'ambition soit pour lui-même, soit pour la science française. Puisqu'il abordait un travail de si longue haleine et qui, pendant des années, a dû absorber ses loisirs, pourquoi n'a-t-il pas mis un peu d'éléments nouveaux dans ce patient labeur? Il ne pouvait craindre assurément qu'un autre le prévînt pour un travail aussi considérable et qui ne s'improvise point. Il devait savoir aussi quelles richesses recèlent pour l'histoire de la guerre de Trente Ans les grands dépôts publics de la capitale. S'il craignait de ne pouvoir pénétrer aux Archives du ministère des affaires étrangères, plus accessibles pourtant, à ce que l'on assure, dans ces dernières années, il lui était possible de consulter les cartons des Archives Nationales et ceux de la Collection Godefroy à la Bibliothèque de l'Institut. Il avait surtout à sa portée les nombreux volumes de la collection de Harlay, à la Bibliothèque Nationale, qui renferment les originaux ou les copies de presque toutes les dépêches diplomatiques françaises écrites des diverses cours de l'Europe dans la première moitié du xvII° siècle. Comment M. Ch. a-t-il pu résister à la tentation de parcourir quelques-uns de ces dossiers au moins, afin de donner à ses volumes l'attrait toujours séduisant de l'inédit? Il est assurément louable de venir résumer avec conscience et talent les résultats acquis de la science, mais il nous semble plus doux encore pour un savant de la faire progresser à son tour, ne fût-ce que sur des points d'une importance secondaire.

Mais, nous le répétons en terminant, ces desiderata divers, formulés en toute franchise, ne doivent pas nous faire oublier les mérites de l'auteur. Beaucoup d'autres avant lui, également qualifiés peut-être, ont entrepris de donner à la science le récit complet et détaillé de la grande guerre du xviie siècle; plus favorisé que ses prédécesseurs, M. Ch. est le premier - en dehors de quelques résumés de peu d'étendue et d'une mince valeur scientifique qui ait réussi à mener à bonne fin son entreprise. En attendant que M. Gindely termine sa monumentale histoire, avec laquelle M. Charvériat refuserait assurément de laisser comparer son travail, c'est un auteur français qui aura eu le mérite et l'honneur de donner à la science la première histoire sérieuse et complète de la guerre de Trente Ans qu'ait vue paraître le siècle où nous vi

vons 1.

R.

1. Il y aurait naturellement bien des points de détail à relever dans un ouvrage de près de treize cents pages. Nous réunissons ici, presque au hasard, quelques observations faites à la lecture, qui montreront à l'auteur que nous avons étudié son livre autrement qu'au vol d'oiseau.

Vol. I, p. 37. Quelques-uns des détails de l'affaire de Donauwoerth (1611) sont

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